mardi 28 avril 2009

PARTIDO DE RESINA: LE NAUFRAGE DE LA CRAU

Ce samedi 25 avait pourtant bien commencé, malgré un vent et des nouvelles météo inquiétants.
Mais le ciel de la Crau avait eu la bonne idée de rester dégagé, et les programmes de la Unica ne tarissaient pas de propos encourageants: Pablo Romero par-ci, Partido de Resina par-là, les éloges et autres superlatifs garnissaient les articles de presse et les dépliants, saluant et vantant la "NOVILLADA ÉVÈNEMENT", "LA PASSION DE TORO", cartel dégoté grâce au "carnet d'adresse de Luc Jalabert" himself.
Hélas, trois fois hélas, il devait manquer quelques pages au carnet: les nouveaux pabloromerones ont dû être dégénérés par quelques sementales décaféinés du Mexique ou d'Équateur, à défaut d'être Ré-générés, un de ces apports dont les éleveurs ont le secret pour accéder aus exigences des figuritas en mal de "triunfes", un ou deux géniteurs sans pattes ni souffle, juste l'image fugace d'estampes présageant la corrida du futur, sans piques ni muerte, des toros au moral et au jarret de flanelle, mais dignes de combler les lecteurs de revues "spécialisées" dans la vente du rêve, telles les Terres Taurines du marchand de sable.
Et la "novillada évènement" de ST MARTIN DE CRAU devait rapidement s'avérer celle de l'aburrimiento. A oublier, à effacer, à ne pas renouveler.
Le premier novillo, bien armé, cardeno obscuro, après une vilaine pique trasera et une demie abrégée, accuse le coup, s'écroule deux fois, se fige au moment de la rencontre avec le banderillero, puis s'avère vite sans charge, devant un garçon manifestement limité malgré ses trois années de novilleria : lui, ne connait que le cite profilé, il fait des passes, hèle quelques applaudisseurs pour qu'ils soient témoins de ses efforts, et s'octroie même un salut après une épée basse sur le côté.
La piqûre de la devise, sans doute, le second, cardeno claro, bondit dans le ruedo en ruant comme un mulet. Faiblissime, il se traine dès les premiers capotazos, puis s'écroule dès un semblant de pique, s'agenouille à nouveau dès le second picotazo: la cause est entendue, il nous faudra digérer jusqu'au bout un simulacre de faena, un plat insipide, servi par un Lechuga aussi inspiré et limité que son prédecesseur. Ni transmission ni émotion avec de tels ingrédients, la note commence à être salée, le public bâille déjà, une trentaine de touristes s'entête à applaudir, après un troisième essai concluant, le torito, resté debout, est puntillé sans façon.
Cardeno salpicado, le troisième s'avère encore plus tôt très très faible- cela devient un euphémisme- et le palco n'entend pas les "cambio" qui fusent des gradins. Il s'écroule sous le cheval, sans être piqué, ce qui n'empêche pas le tueur de service de lui administrer sa vara assassine, sans que palco ni alguaciles n'interviennent. La faena peut débuter, cite au milieu de la piste, muleta à hauteur de la taille, balancée d'avant en arrière - çà ne vous rappelle pas quelqu'un?- Beaucoup de muletazos accrochés à droite et à gauche, disgrâcieux, plusieurs désarmés, qui témoignent du chemin à parcourir pour apprendre à toréer, avant de copier son idole. Mais le torito va à màs, - normal devant un adversaire qui étale ses insuffisances- alors que le garçon se décompose de plus en plus dangereusement, et finit dans le sauve-qui-peut. Heureusement que le Partido était noble, gentil, même, dira ma jolie voisine. Avis après une entière réussie au troisième essai.
Cardeno salpicado, fin, veleto, mais tout aussi faiblissime que ses frères, le quatrième désarmera tout de même plusieurs fois son faible opposant. Toreo profilé de rigueur, bagage technique très nettement insuffisant, grosse marge de progression, soufflera Hervé, mon ami et voisin de droite Le garçon administre ses muletazos à reculons, en permanence. Et une épée intercostale en prenant le périph: UNE !!!
¡ Ay , que pena !
Enfin jaillit le cinquième, negro, presque trois ans et demi, pour confirmer le proverbe sur le "quinto malo". Il pousse le cheval contre les planches, et prend une pique carioquée, sans vergüenza, très longue,sévère. Après avoir replacé trois fois à vingt cinq mètres, il rechargera à chaque fois aux sollicitations du piquero. A chaque charge, il sortira seul, c'est vrai, mais il était tellement au-dessus du lot qu'il a sauvé la tarde du fracaso complet, et il nous paraissait mériter la vuelta que lui valaient sa bravoure, son embestida, et sa noblesse. Un certain Varbédian, qui officiait au palco, ne fut pas de l'avis des aficionados qui réclamaient la vuelta posthume, prétextant plus tard que le novillo " ne mettait pas les reins".
Puisqu'il avait une telle connaissance de la corrida, pourquoi ne fit-il par contre jamais sortir le sobrero, alors que la plupart des novillos avaient des problèmes dans les pattes ou les sabots?
Ce sont toujours les incompétents et-ou- les prétentieux qui gâchent la corrida, que ce soit à Vic, à Dax, ou à St Martin! Souvent des m'as-tu-vu, abonnés aux palcos en vertu de leurs prétendues références qu'ils sont en général incapables de prouver.
Pendant la durée de la faena, le novillo garde la bouche fermée, répondant aux cites du novillero, jusqu'au terme de sa longue agonie, après une entière, il lutte contre la mort de longues minutes, avant de s'écrouler enfin, libérant les applaudissements du public: il avait montré une bravoure au-dessus du lot, répétons-le, alliée à une grande noblesse, sa vuelta n'aurait pas été usurpée, n'aurait choqué personne, - hormis le puits de science qui l'a refusée- elle aurait au contraire servi à apprendre aux spectateurs novices, à apprécier cette différence, pour devenir un peu plus des aficionados de verdad.
Même imparfaits.
Là-dessus, vuelta auto-décernée de la laitue.
Le dernier sera lui aussi un peu plus résistant que les quatre premiers, il conservera jusqu'à la fin la gueule fermée, après une pique suivie d'une piquette. Mais comme pour son premier opposant, le Nîmois torée sur le passage, et cède chaque fois du terrain à son opposant, seul maître du ruedo. Un peu de solidité et pas mal de noblesse, des qualités qui auraient "pû servir", mais que le novillero a gâchées, faute de bagage suffisant, et de personnalité. Après un ou deux avis, un vilain golletazo vite enlevé, et une entière sur le côté, le rideau est enfin tombé.
Vaya, mataderos...
Ainsi s'achevait le naufrage programmé de la feria de St Martin, avec celui des Pablo Romero, la corrida-concours prévue le lendemain étant purement et simplement annulée pour pluies diluviennes.
En conclusion, la "carte vérité" que voulaient jouer les membres organisateurs s'avère la carte de l'échec. Et ce ne sont pas les membres gratinés des "amis de P.R." qui pourront changer les choses, à travers tertulias et soirées mondaines où l'aficionado lambda ne se sent pas franchement le bienvenu, parmi les prétendues élites en mal de paraître. Cinglant, décevant, pour St Martin et pour les aficionados, venus parfois de très loin, d'Espagne, d'Italie, de Gascogne et des Landes... Les P.R. pourront-ils un jour émerger de leur débâcle? Rien n'est moins sûr. St Martin devra en tout cas très vite changer son carnet d'adresses, si la Crau veut prétendre cristalliser l'aficion des toristas, amateurs de la vérité de la lidia, de son authenticité, autant d'atouts seuls capables d'assurer la pérennité de la corrida.
Peut-être s'inspirer de placitas qui ont eu la chance ou l'opportunité de trouver des fers au goût des aficionados :
- choix des élevages
- respect des règles intangibles de la lidia
- respect du toro
- respect du public
Afin que les emplumés qui conduisent théatralement le paseillo servent surtout et concrètement au bon déroulement de la corrida

6 commentaires:

bruno a dit…

Pédrito,

Au pays des sabios je ne ne suis qu'un "manant" un serf,mais j'ai plaisir à lire des resenas objectives et argumentées.
ciao
bruno

PS/Normalement bistrot des arènes le samedi à Vic si j'arrive, mon mecano m'a préparé un homicide

Florent a dit…

Pas chouette ce que c'est devenu les Pablo Romero. Dire qu'ils seront aussi à Hagetmau...

Marc Delon a dit…

<< Et ce ne sont pas les membres gratinés des "amis de P.R." qui pourront changer les choses, à travers tertulias et soirées mondaines où l'aficionado lambda ne se sent pas franchement le bienvenu, parmi les prétendues élites en mal de paraître.>>

On dirait que ça te fait plaisir !ouh-là... ça par exemple, ce n'est pas parce que c'est virulent que c'est objectif... Viens plutôt poser avec nous ce week-end le parquet du futur musée avec les aficionados de base de la pena et vous verrez les "mondanités" en direct. Je peux te dire que l'avocat ou l'architecte sera à quatre pattes au coude à coude avec le plombier et le maçon animé de la même passion. Tu ne connais pas l'âme de ce club où la mixité est totale, si tu le juges sur ce qu'on peut en voir à la feria. Nimes est une assez grande ville avec toutes sortes de couches sociales et visitée par beaucoup d'autres et la valeur de la feria et de l'universalité de la tauromachie c'est de mélanger tout ça. Je ne crois pas que ce serait mieux de ne faire rentrer dans notre bodega que des blancs ou que des juifs ou que des communistes ou que des toristas ou que des protestants ou que sais-je encore... que tu ne t'y sentes pas bien est ton problème, mais ne viens pas de notre fait !
Quant à cette resena "à charge" elle est un peu suspecte... D'accord pour le naufrage de l'agressivité et de la bravoure mais je ne crois pas que la Unica ni les "gratinés" souhaitaient ça, ou qu'il faille s'en réjouir ou s'en moquer ?
On dirait qu'une certaine rage malsaine et satisfaite t'anime quand tu constates le bache de cet élevage. Ma foi, libre à toi...
Nous, ça fait quinze ans qu'on essaye à notre petit niveau de les aider et ça ne nous réjouit pas de constater que ces animaux magnifiques et ce sang unique ne s'en sort toujours pas. Salut.

Pedrito a dit…

je suis certainement excessif à votre goût, mais si je fais près de 500km (X 2) pour rallier St MARTIN, ce n'est pas du masochisme, c'est au contraire parce que j'ai espoir de voir qq chose d'agréable, taurinement parlant. D'ailleurs, mes messages et comments répétés à venir dans ces arènes le prouvent, donc je ne comprends pas très bien ce qui motive votre diatribe..
Dire que je me réjouis de l'échec des PR est donc un mauvais et faux procès.
Par contre, mon ami gardois - qui m'héberge- m'a relaté ce week-end les déboires qu'il a accumulés au sein du club, au point de le quitter, ce qu'il vient de faire. Eprouvant un malaise dans un groupe un peu trop élitiste à son goût, ce qui ne semble pas exactement correspondre avec ce que vous avancez sur cette mixité que pour ma part, je n'ai JAMAIS ressentie dans AUCUN des clubs que j'ai connus. Je comprends que chacun se rassemble à table ou ailleurs par affinités, mais ce sont toujours les mêmes qui opèrent une insupportable sélection: on a bien le droit de dire ce que d'autres nous font ressentir. Et je ne parle même pas des clubs où les petits courtisans du "président" jouent des coudes pour paraître sur la photo, même s'il y a un trou dans la caisse.
Salut

Marc Delon a dit…

la diatribe est motivé par le ton employé, le tien. On peut constater un échec et le relater, de là à pousser sur la tête de celui qui se noie...
Quant à ton ami gardois qui faisait parti du club, s'il s'était investi dans les commissions on ne peut plus démocratiques, (personne n'y est refusé, tout le monde peut participer à ce qu'il veut...) il se serait aperçu que ce ne sont pas les mêmes qui décident de tout, c'est chacun qui peut débattre et influencer la décision d'une commission et non les dirigeants.
Quant à "élitiste" dans ton contexte je n'ai pas compris à quoi ça correspondait : niveau social ? aficionados confirmés ? niveau de revenus ? je cherche encore...
mais c'est pas grave je ne suis pas là pour défendre ce club, je suis plutôt individualiste... Il faut juste avoir des affinités et s'il n'en avait pas il a eu raison d'aller voir ailleurs. Pour autant ces allusions à charge ne correspondent pas à la réalité que j'y vis.

Pedrito a dit…

Monsieur, je ne tutoies que les gens que j'aime....ou que je méprise. Mais je n'en suis pas encore là, bien qu' adversaire de l'individualisme revendiqué: c'est pour moi un signe de suffisance assez insupportable.