lundi 11 janvier 2010

EXODE


EXODE.


C'est un poème de Benjamin Fondane: écrivain Roumain, né en 1898, qui émigra en France et se mit aussitôt à écrire en Français poèmes et essais. Il collabora aux "Lettres Françaises", revue de la France Libre. En mats 1944, il est arrêté, comme tous les Juifs, par la Gestapo, puis conduit à la prison de Drancy. Enfermés sans explications, lui et sa soeur, jusqu'à la fin avril. Puis internés tous les deux à Auschwitz, torturés et assassinés dans la chambre à gaz le 29 Septembre, parce qu'ils étaient juifs. Poète héros, - il vécut en poète et mourut en héros- visionnaire, qui aurait pû être épargné et sauvé, mais qui ne voulut jamais abandonner sa soeur aux bourreaux nazis. Il avait aussi vécu en Argentine, et aujourd'hui, l'Argentine l'honore, et lui consacre expositions et hommages.
" C'est à vous que je parle homme des antipodes,
je parle d'homme à homme, avec le peu de moi qui demeure de l'homme
avec le peu de voix qui me reste au gosier
mon sang est sur les routes, puisse-t-il
ne pas crier vengeance!
Un jour viendra, c'est sûr, de la soif apaisée,
nous serons au-delà du souvenir, la mort
aura parachevé les travaux de la haine,
je serai un bouquet d'orties sous vos pieds,
alors, et bien sachez que j'aurai un visage
comme vous. Une bouche qui priait, comme vous.
Oui, j'ai été un homme comme les autres hommes,
nourri de pain, de rêve de désespoir. Eh oui,
J'ai aimé, j'ai pleuré, j'ai haï, j'ai souffert,
Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétenndu savoir ce qu'elle était, mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure,
elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre-
avez-vous mieux compris que moi?
.............................................................;
Un jour viendra sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le. Oubliez-le! Ce n'est
qu'un cri, qu'on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d'orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sra périmée,
souvenez-vous seulement que j'étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j'avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie.
un visage d'homme tout simplement."