jeudi 5 août 2010

LA CONFIANCE: L'ÉRUPTION DE L'ÉTERNITÉ DANS LE TEMPS

par DANIELLE BLEITRACH
Publié 4 août 2010
" LABORATOIRES DU CHANGEMENT SOCIAL"

Je prends le risque de vous dire des mots que l’on n’entend plus sur le communisme et qui fait qu’il n’est pas l’apanage d’un parti, d’un quelconque dirigeant, mais une espérance dont l’humanité a besoin. si je prends ce risque, c’est parce qu’il y a la joie de savoir que gerardo est sorti du trou, une respiration physique, mais aussi que ces derniers temps j’ai vu tant d’amis, tant de communistes de ma génération, et des plus jeunes, au bord des larmes de se sentir dupés, seuls,impuissants… Et puis c’est l’été prenez cela comme ma photo à Vauvenargues, la semaine dernière, une carte postale d’amitié, quelques lignes envoyées à des amis après une ballade dans la campagne provençale…

Aussi étrange que cela puisse paraître ce qui fait la force du communisme est totalement contradictoire : Il y a au fond de ce rationalisme matérialiste une espérance messianique, l’idée d’un être humain souverain et pourtant déchu. Quelque chose, un fait, j’oserais même un terme: un péché originel qui obscurcit tous ses actes et empreint même l’histoire de l’humanité d’une ombre maléfique. Ce péché est l’exploitation de l’homme par l’homme, au lieu de faire de l’être humain une fin il en a été fait un moyen et celui qui accepte cela est condamné à n’adorer que des fétiches, des leurres. Toutes les croyances, toutes les connaissances sont prises alors dans cette gangue idéologiques, les discours qui vantent l’amour de dieu et d’autrui sont les pires illusions, comme celles qui inventent un libre arbitre.



Marx s’est donné pour tâche de révêler cette duperie, il dénonce à chaque moment la fausseté du monde, l’exploitation cette extraction de la plus value du travail de l’homme enchaîné au capital, ce pillage généralisé des nations au stade impérialiste. Mais si cet état de fait peut être dénoncé c’est que l’heure est proche de la mise à jour de la justice et de la vérité. Et c’est cette conscience là qui rend si forte l’espérance sans laquelle il n’y a pas d’action collective et sans laquelle la foule n’est que destruction, violence, étouffement et pietinement d’autrui.

Ce péché d’exploitation toutes les classes de manières diverses en sont entachées sous différentes formes, et l’existence de la société divisée en classe, de son extension à un niveau planétaire est le symptôme de la débilité de l’individu devant les forces de la nature, la coopération nécessaire devenue totalement irrationnelle jusqu’à la destruction des hommes et de leur environnement. Alors la croyance religieuse ne reflète plus que cette crainte irrationnelle, l’impuissance, tandis que se développent les forces productives, l’espérance d’une maîtrise de la nature, d’une véritable puissance sans cesse dévoyée parce que canalisées vers le profit.



Cette espérance qu’il peut en être autrement donne une force surhumaine, une énergie incommensurable, et quelques spiritualistes ont perçu cette force du communisme, de la vision révolutionnaire, l’un d’eux a parlé de « l’éruption de l’éternité dans le temps ».

Souvenez-vous de ce moment où récemment Fidel Castro rencontre les pasteurs de la paix, ils ont un dialogue étrange. le pasteur dit en gros à Fidel: « donnez nous une parole d’aide morale à nous peuple américain ». Et s’ensuit une discussion à laquelle sans doute peu de gens ont prêté attention, le prêtre dit encore à Fidel, ce qui me conduit ici aux côtés de la Révolution cubaine est la même chose que ce qui vous a fait agir dans la caserne de la Moncada. Fidel lui donne raison et explique qu’il s’agit « d’inpiration », il se retourne vers les artistes et leur dit « vous savez de quoi il s’agit ». Ou l’on fait de l’inspiration un fétichisme supplémentaire, un souffle du « créateur », ou on retrouve cette idée de « l’éruption de l’éternité dans le temps », une soif d’absolu transcendante maîs à travers le primat du matériau, comme dans toute création artistique, scientifique qui ne sont jmais idéologie simple. D’ailleurs Fidel va ajouter que l’on ne sait pas ce qu’est le temps, c’est une création humaine et il va aller encore plus loin en expliquant que quand il est devenu communiste il a cru que l’athéisme, le matérialisme étaient des choses simples, mais depuis les connaissances ont tellement évolué que nous ne pouvons pas prendre les questions de manière aussi sommaire. Et il se réfère à la discussion qu’il a eu jadis avec frei betto, son refus de toujours de mener une lutte anti-religieuse.



Certes il parle à des pasteurs et Fidel a décidé de convaincre, il sait toujours trouver les mots pour son interlocuteur, mais une de ses forces est qu’il ne ment jamais, il cherche la part de vérité commune mais ce qu’il dit n’est jamais opportuniste.

Frei betto l’a d’ailleurs entendu lui qui aussitôt lui répond ce texte que j’ai traduit ici : le nouveau transcendant. Il se situe exactement au niveau de Fidel.

Il proclame la nécessité de l’athéisme le plus radical face à l’idéologie bourgeoise qui a engendré le capitalisme, celle qui s’est montré trop optimiste sur « la nature humaine » en croyant à une sorte d’harmonie naturelle basée sur le jeu des intérêts privés, donc en niant le péché originel de l’exploitation. En fait sous l’harmonie du marché, la transcendance du « grand horloger », c’est le péché originel de l’exploitation qui organise la société et la seule solution est d’accepter de le considérer avec lucidité, de l’abattre dans une recherche difficile de justice et de vérité, le nouveau transcendant. Auquel Fidel, élève des jésuites et de leurs exercices spiritiuels et physiques quotidiens répond par l’exemple, sa lutte contre la vieillessse et la maladie pour porter à l’humanité ce message d’une espérance qui peut naître au coeur de la crainte de l’apocalypse, l’humanité au stade de développement où elle en est ne peut pas renoncer à l’opportunité de survivre et il explique qu’il suffit de se vouloir chaque jour un peu meilleur que la veille.



Je ne sais combien nous avons été à entendre ce dialogue de cette manière là, du moins parmi les communistes, les matérialistes de stricte obédience. Des gens qui comme moi ne croient ni en dieu, ni en diable et ont tendance à considérer toutes références à ces questions là comme relevant de l’illusion par laquelle les classes dominantes ont jusqu’ici entretenu leur domination.

Mais est-ce un hasard si quelques jours après intervient la nouvelle de Gerardo enfermé au trou, là encore celui qui trouve le mot qui me bouleverse est Fidel, ce simple mot « c’est une torture ».



Et à ce moment là la colère me saisit, je me sens régénéré par ce que subit cet homme dans le trou du trou d’une prison de haute sécurité, capable de supporter tout ça au nom de la transcendance de l’amour de sa patrie, médiation de l’amour de l’humanité, si bien décrite par josé marti.

ce moment de torture ce qui permet de le supporter est justement cette éruption de l’éternité dans le temps, qu’on l’appelle justice, vérité, révolution ou le nouveau transcendant.

ce que je ressens alors je suis convaincue que nous avons été des milliers, voir des centaines de milliers dans le monde à le ressentir et le coeur des communistes a battu à nouveau, ils sont devenus une force irresistible, une force matérielle capable de changer le monde: cela s’appelle tout simplement l’idée de la conviction, de la confiance et c’est ce qui manque le plus aujourd’hui. Quand je parle des communistes que l’on m’entende bien, cela va au delà du cercle de ceux qui se disent tels, le mot consacré serait plutôt celui par lesquels nos ancêtres stigmatisaient les révolutionnaires « les partageux »…

Gerardo n’est plus au trou… Souvenez-vous de ce jour où nous avons pleuré en voyant Mandela sortir de sa prison, chacun d’entre nous avait accompli un acte, un seul ou plusieurs peu importe mais nous étions libérés avec lui…

Il faut garder au fond de nous cette expérience si précieuse de l’engagement parce que nous allons en avoir besoin, nous allons avoir besoin de ce savoir oublié, celui de n’être qu’un maillon dans une immense chaîne et de conquérir notre liberté dans l’anonymat de ce collectif.

Etre communiste pour moi c’est avoir confiance, confiance dans la justesse d’un combat, confiance dans ceux qui m’invitent à le mener parce qu’ils ne m’ont jamais trahis ni par leur lâcheté, ni par leur manière de sacrifier les autres à leur propre gloire, ou à leurs intérêts. Et que comme Fidel ne cesse de le répéter « la gloire et les honneurs me sont indifférents » et il jette la crédibilité d’une vie « en défense de l’humanité »parce que c’est la puissance d’une nature déchaînée qui menace d’anéantissement comme les maîtres du monde sont prêts à franchir le pas comme le docteur Fol amour… Qui pourrait aujourd’hui prevenir de tels périls et emporter la conviction?

je suis comme une vieille mule, entêtée, incrédule, mais je ne suis pas la seule, simplement il est devenu difficile de me duper et le mépris remonte en haut le coeur si souvent , trop souvent.

Et pourtant, je crois parce que je l’ai entrevu, en ce monde nouveau où l’adhésion aux masses ne vulgarise pas les âmes, n’abaisse pas la culture, ni l’art, ne détruit pas la noblesse des aspirations, refuse toutes les démagogies, j’ai vu au sein de ce monde naître des aspirations à la sainteté dont le Che reste l’illustration mais qui fut porté anonymement dans combien de cachots par d’humbles individus que l’histoire ignorera.

Quand jentends Fidel c’est l’écho d’une vie qui n’a jamais trahi cette masse de combattants, n’a jamais prétendu marcher loin devant eux, voilà ce que j’entends. Ce que je souhaite c’est que l’écho de cette voix soit encore assez forte pour inspirer la confiance dont nous avons tant besoin pour que naissent des temps nouveaux. Parce que ces temps nouveaux seront le fruits de centaines de milliers d’actes minuscules et sans ces gestes là rien n’aura lieu.

Danielle Bleitrach