mardi 21 janvier 2014

LE COUP D'ÉTAT PERMANENT

La conférence de presse de Hollande: le coup d’Etat permanent avec un pouvoir décrédibilisé

 Danielle Bleitrach : histoireetsociete
conférence de presseJadis en 1964, sous la présidence de Charles De gaulle, François Mitterrand se fit une stature d'opposant en publiant un essai intitulé le coup d'Etat permanent. Dans ce livre, il critiquait la Constitution mais aussi la pratique du général De gaulle. Selon Mitterrand De Gaulle avait renoncé à l'arbitrage présidentiel prévu en 1958 pour imposer ne serait-ce que par l'élection au suffrage universel du président un pouvoir dit personnel. Il n'est pas de Constitution au monde -peut-être la mexicaine- qui soit aussi monarchique et depuis diverses modifications comme le quinquennat ont encore renforcé ce caractère en le doublant de ce que les américains appellent le spoil système, puisque chaque président impose les hommes de sa propre administration et substitue à la tradition française des commis de l'Etat, les hommes du président, les obligés.
En écoutant la conférence de presse de François Hollande, deux choses m'ont frappée premièrement le fait qu'un individu peut venir dire au Français qu'il réoriente toute sa politique à l'inverse du programme sur lequel il a été élu il y a peu et qu'il puisse le faire sans la moindre consultation préalable. La seconde est que le caractère monarchique est d'autant plus frappant que l'individu en question flotte visiblement dans les habits et le cérémonial inauguré par De Gaulle et que la dynastie de maitres du palais qui a succédé au fondateur-commandeur ait témoigné de la même incapacité et que nous soyons là devant l'ultime métamorphose. Le prédécesseur était un capricieux égotiste. Lui est une souche, quelqu'un de terrorisé par l'entourage patronal qui lui a fait entrevoir le gouffre de son hostilité.
IL DIT "JE VEUX" POUR MIEUX VENIR NOUS EXPOSER SA REDDITION.
En contemplant la conférence présidentielle, cet homme venu présenter un complet revirement de la politique sur laquelle il a été élu, non pas aux représentants du peuple, mais à la presse, sensée faire l'opinion donc la représenter à l'exclusion de toute autre consultation démocratique, deux remarques se sont imposées. D'abord la permanence de ce coup d'Etat selon des modalités passées dans les moeurs mais qui n'en sont pas moins révoltantes. Ensuite le fait que l'homme que j'avais devant moi flottait dans cet apparat, dans ce cérémonial, dans la présidence telle que l'avait imposé De Gaulle pour affaiblir l'intervention populaire que représentait alors le PCF. Nous étions au bout d'une course dans laquelle s'étaient accentués d'homme en homme les vices d'un système conçu pour verrouiller les rapports de classe pour aboutir à ce président soliveau dénué de la moindre crédibilité qui venait à son tour en rajouter sur le fondamental: le rapport CAPITAL/TRAVAIL.
Le temps est venu de régler le principal problème de la France, la production dit-il. On croit rêver parce qu'on confie les clés de la ré-industralisation à ceux qui n'ont cessé de détruire notre industrie, on ne cherche pas à réduire les coûts financiers qui pèsent sur l'entreprise plus encore que les charges sociales: Non!  On poursuit dans la caricature de l'impuissance du début de cette présidence avec les agitations dérisoires d'un ministre de l'investissement productif. Et le choeur de célébrer la fin des "tabous" c'est-à dire en clair, le retournement complet de la politique sur laquelle il a été élu, et opérer ce revirement sans la moindre consultation démocratique des représentants du peuple. Il est question d'une action sur «l'offre», via notamment la fin des cotisations familiales «pour les entreprises et les travailleurs indépendants» d'ici 2017. La décentralisation devrait aussi connaître une nouvelle étape ambitieuse sur le fond visant à rapprocher la France des landers allemands, tandis que les économies budgétaires seront évaluées par un Conseil stratégique lié directement au Président.
L'appel à la mobilisation patronale par les cadeaux est un voeux pieux hors compétence de ce politique, en revanche la pression sur la demande est bien réelle. On mesure mal la déflagration annoncée, exonérer le patronat non seulement de charge mais de sa part dans les protections sociales des salariés est un chemin dont on ouvre la voie pour à la fois envisager un démantèlement des dites protections par absence de moyens mais par un pression accrue sur le travail par la fiscalité pour compenser les cadeaux au capital. Il s'agit à la fois d'une redistribution en faveur du capital et une modification considérable du modèle français qui reprend et amplifie l'action de Sarkozy.
A partir du moment où le monarque n'est plus de droit divin, la base du contrat social ne peut être garantie que par le principe du droit à l'insurrection. La seule chose que l'on peut déduire de cette éclatante manifestation des vices de notre Constitution est que l'homme agit ainsi dans le mépris, non pas parce qu'il est fort, mais parce que sa faiblesse n'a cessé d'apparaître depuis son élection, elle nous prépare des temps incertains. Le danger est qu'un pouvoir aussi déconsidéré et aussi fragile engendre de la part du capital un choix plus autoritaire et que ce dernier renforcé par tous les abandons et dans le même temps sans personnel politique représentant un quelconque intérêt général et incapable d'assumer une telle politique apporte son soutien à un pouvoir plus répressif .
Danielle Bleitrach