dimanche 22 mai 2016

SEBASTIAN CASTILLO: MALETILLA D' AUJOURD'HUI....

QUI POURRA LUI DONNER UNE CHANCE?

C’était début janvier, au Carnaval du Toro, de Ciudad Rodrigo, nous avons découvert un novillero Sud Américain. Valeur, pureté des gestes, détermination, présence, ont immédiatement emballé les tendidos. Aussitôt, Javier entreprit de connaître qui était ce garçon, d’où il venait.. Tous deux nous sommes ensuite allés à sa rencontre. Voici son histoire, telle que le garçon nous l’a contée.

Sébastian CASTILLO est Vénézuélien, il a 28 ans, cela fait 9 ans qu’il est arrivé en Espagne. Mais faute de papiers, il est resté caché pendant 5 ans. Et a vécu des années d’incertitude, depuis lors il n’a jamais pû retourner dans son pays. Mais, précise-t-il, il est venu en Espagne pour devenir torero, et il a appris à toréer ici, en Espagne, parce que chez lui, à SAN CRISTOBAL, personne n’a voulu l’aider à se faire connaître.
Il précise : "Mon père est Péruvien, ma mère du Vénézuéla. A 17 ans, comme je voulais toréer, je suis allé rejoindre mon père au Pérou, où il vit avec une autre femme. J’ai toréé au Pérou, puis en Colombie, mais pas de manière satisfaisante ni convaincante.
L’école taurine, là bas, est rare, et se pratique avec des moruchos, des élevages sans aucun renom, inconnus, et cela ne me convenait pas. Ce fut pourtant mes premiers pas dans ce monde taurin. Je suis donc retourné dans mon pays pour tenter d’amasser quelques sous, et partir pour l’Espagne, terre de toreros.
Et je suis arrivé en Espagne. Avec 50 euros en poche et sans connaître personne... J’étais seul et totalement perdu. Il me fallait survivre, sans un haricot pour repas. Pendant 15 jours, je pris comme travail tout ce qui s’offrait à moi, car j’étais clandestin, sans papiers. Il me fallait en obtenir. Pour vivre dans la légalité. Au Pérou et en Équateur, il n’y avait aucun problème de ce type. Mais en Espagne, ce n’est plus du tout pareil. Je devenais fou, et pourtant je voulais avant tout rester ici. A Caracas, j’avais travaillé nuit et jour pour pouvoir payer le billet du voyage, je gagnais 150 euros par mois, et il m’en fallait 2.000 (!!) Rendez-vous compte du pari fou que je devais gagner ! Mon rêve devait aboutir....La faim m’importait peu, ni dormir dans les rues, seul comptait pour moi de réunir la somme nécessaire pour traverser l’Atlantique»

Pour moi, les mots de Sébastian résonnent durement. Ce qu'il a dû endurer....Il continue : « Les 50 euros n’ont pas pesé longtemps dans la poche. Comme je ne savais pas où dormir, dès mon arrivée, j’ai cherché un hôtel, dès le premier soir, pour me reposer. Je ne pensais plus trop au toreo, en ces moments, il me fallait avant tout vivre au jour le jour... Et là, il m’est arrivé une chose incroyable. Un homme me demanda de lui indiquer une rue où se trouvait une discothèque, et comme justement je l’avais repérée, dans le quartier, j’ai accompagné cet homme jusqu’à la discothèque. En marchant, il me demanda ce que je faisais, je lui répondis que je cherchais du travail, et lui racontai mon histoire. Il m’invita à boire une bière, et je lui répondis que j’avais seulement besoin de trouver un endroit pour manger et dormir. Que je voulais seulement trouver du travail. Il me raconta alors qu’il était militaire à El Berron , province de Gijon, dans les Asturies, mais militaire Colombien, avec la double nationalité. Ce qui me surprit beaucoup, parce qu’au Vénézuéla, il est impossible d’être militaire, pour qui n’est pas né au pays. Il m’offrit alors de partager son appartement, sachant que je traversais des moments difficiles, comme lui même en avait connus. Et il ajouta : «  Aujourd’hui tu as un toit, la corrida et le travail c'est à toi de les chercher. Ici, dans les Asturies, il y a peu d ‘émigrés, tu pourras trouver plus facilement du boulot »
« Que pensez-vous de cette histoire, ajouta Sébastian ? Rendez-vous compte : rencontrer quelqu’un qui t’offre tout, alors que tu ne le connaissais même pas. (Rires) Il m’est passé mille choses dans la tête, après tant de revers, de privations... En repartant dans les Asturies, - le soldat partait ensuite vers Marbella - il m’a laissé les clés de son appartement.... »
La suite, on résume.... « La Guardia Civil m’a arrêté parce que je circulais à pied sur l’autoroute, j’ai marché 60 km, j’ai voyagé en train sans billet, j’avais faim et j’étais exténué, j’ai travaillé dans une cidrerie, - il est plus difficile de verser du cidre que d’avaler un parapluie ouvert-, j’ai enfin obtenu des papiers au bout de cinq ans, mais pendant que j’étais sans papiers, on me payait 500 euros, sans que je puisse revendiquer quoique ce soit, alors que mes copains touchaient 1500 euros pour le même boulot. Au Vénézuéla, 100 euros que je pouvais gagner étaient pour ma mère, qui se sacrifiait pour nous. Jamais je ne la remercierai assez. Ici, j’ai commencé à économiser pour m’acheter un costume de torero à un novillero qui se retirait des ruedos : 1800 euros ! Puis petit à petit, tout le nécessaire pour toréer. Les papiers m’ont également coûté beaucoup. Je fus à Madrid, quand j’ai régularisé mes papiers, puis à Séville, j’ai toréé en habit dans les capeas, là où un banderillero m’a remarqué. J’ai rencontré Julian Simon et Luis Miguel Amado, nous sommes aujourd’hui amis. On m’offrit de toréer devant des Santa Coloma, j’ai coupé quatre oreilles. J’ai évidemment menti sur mon bagage, sur mon expérience. Et ensuite j’ai envoyé le fruit de ce succès au Vénézuéla.
C’est ainsi que commença ma carrière : à la Iglesuela, une novillada sans picador, en 2012, puis j’ai toréé trois fois, 4 fois en 2013, rien en 2014, 3 novilladas en 2015. Dix fois donc en sans piquée pour débuter en piquée. »
Sebastian parle de sa vie, de ses sacrifices, de ses privations, avec sang froid, détermination, sans rancoeur ni tristesse. Il tient à réaliser son rêve, il ne continue sa lutte que pour y parvenir: devenir torero! Quand il s’en fut à Séville, sans voiture, sans rien, ses économies s’étaient envolées. Il se rendait en auto-stop dans les tentaderos, il lui fallait marcher parfois de 1H à 7H du matin, Aurore Algarra peut en témoigner, dit-il, il dormait à même le sol, et il lui fallait parfois aller à 100 km de là pour participer au tentadero suivant. C’était dur, dit-il , mais ces épreuves lui ont beaucoup appris. Jusqu’en avril 2013, où il rencontre Chinito, matador Français, et son épouse, artiste Canadienne, passionnée de tauromachie. Qui décide de l’aider. Tous deux m’ouvrent la porte de leur maison. Aujourd’hui, Sebastian vit à Séville, avec quelques amis Anglais à eux. Ils lui ont offert de toréer et tuer un toro de cinq ans de Fermin Bohorquez....
« Le toro de Santa Coloma, continue-t-il, je savais qu’il me permettrait de manger, j’ai voulu me livrer à fond, avec lui. Aussi, j’aime le toreo de verdad, m’engager sans tricher, avancer la jambe...J’ai parfois peur qu’un toro brise ma mère..... Je voudrais perdre la vie dans une grande arène, mais....je préfère parfois renoncer, parce que je si je me livre, c’est à fond. Donc, je reste tranquille, je mesure le danger. On dit parfois que je suis fou de toréer. Je voudrais qu’on me juge, qu’on voit ce dont je suis capable. Roca Rey est connu grâce à Campuzano, vivement que quelqu’un comme lui m’aide comme il aide Roca Rey.
Et pour finir : "Je voudrais qu’on me donne une chance. MA chance. Je ne suis pas venu en Espagne en touriste, mais pour faire mon trou dans ce dur métier. J’ai envie de triompher. Je n’ai dans l’immédiat qu’une capea de prévue à Colmenar de Oreja en Avril et rien d’autre. Mon téléphone me suit partout, j’attends une opportunité qui se présentera..... »

Voilà l’histoire résumée de Sébastian CASTILLO, telle qu’il l’a contée. Tant d’abnégation, de ténacité, de courage, mériterait bien un autre « miracle », comme celui de sa rencontre avec ce militaire Vénézuélien qui lui a offert le toit, lorsqu’il dormait dans la rue.
Un maletilla des temps modernes.... 
Suerte torero, en souhaitant qu’un organisateur Espagnol ou Français à la recherche d’un novillero avide de toréer "y con cojones" fasse sonner ton téléphone...