samedi 4 décembre 2010



Traduit par Esteban G. pour Cuba Si Lorraine
Lorsque le jour s’éteint et que le sommeil commence à m’envahir, j’aime bien lire ou regarder quelque chose de distrayant à la télévision. Les gens qui, comme-moi, par conviction, responsabilité morale ou tout simplement par obstination, tentons de nous tenir informés et dénoncer ce qu’il ne convient pas d’être connu, nous avons besoin d’une échappatoire pour ne pas perdre la raison après avoir vu toutes les luttes, les misères et les ignominies qui se développent chaque jour sous nos yeux.
Avec le temps, vient le moment où nous parvenons à nous endurcir, et seulement de temps en temps, une de ces informations vient nous détruire chaque fois un peu plus à l’intérieur. C’est l’une d’elles, précisément, que j’ai vue aujourd’hui. Ezequiel Ferreyra est mort d’une tumeur cérébrale, il n’était âgé que de sept ans. Il n’y a rien d’assez fort pour se consoler de la mort d’un enfant, mais son cas était très spécial ; ou plutôt, il n’avait rien de spécialement malheureux. En théorie cela n’existe nulle part ailleurs : un enfant esclave. Pourtant, il vivait – pour ainsi dire – dans un pays comme tant d’autres, plus ou moins libres, dotés d’une protection pour les travailleurs plus ou moins mauvaise et d’un système judiciaire qui est supposé défendre les droits de ses citoyens, une catégorie dans laquelle, comme dans ce cas, les enfants ne font pas toujours partie.
Son travail était de ceux qui sont réservés aux plus pauvres, ceux qui ne comptent pas, ces pièces de la machine, enfants eux-mêmes d’autres pièces de la machine. Sa fonction consistait à remuer et récupérer le sang et les excréments des poules et à manipuler des poisons pour une entreprise qui vend des œufs aux grands supermarchés en Argentine. Dans la vie, sa fonction était de travailler pour les patrons de la machine, les mêmes qui chez-eux, certainement, ne laissent pas les excréments et les poisons à portée de leurs enfants pour ne pas qu’ils soient malades, car leurs enfants sont plus enfants que les autres; c’est pour cela qu’ils auront le dernier jeu vidéo et le dernier iPhone à la mode qu’Ezequiel aura payé avec la tumeur cérébrale provoquée par le travail fourni aux patrons de la machine et de leurs parents.
Ezequiel n’était pas un enfant. C’était un esclave. C’est-à-dire, il n’a pas été enfant, il n’a pas été individu, il n’a rien été. Il n’a été qu’une vis de la machine, et elle vient de casser. Il faudra la jeter et s’en procurer une autre.
Merci à Ana AtienzaDate de parution de l’article original: 17/11/2010