Les « stocks cachés » de masques font scandale
À
dix jours du déconfinement, les professionnels de santé dénoncent la
quantité d'équipements de protection détenus par les supermarchés.
« La consternation s'allie au dégoût. » Tel
est le ton du communiqué commun, envoyé le 30 avril, par les
pharmaciens, médecins libéraux, chirurgiens-dentistes, sages-femmes,
kinésithérapeutes, infirmiers et podologues. Les raisons de leur
colère?
L’annonce
par les enseignes de la grande distribution - Carrefour, Leclerc et
consorts - de la vente par centaines de millions de masques chirurgicaux
à partir d’aujourd’hui. « Comment s'expliquer que nos soignants
n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce, à grand renfort
de communication tapageuse, des chiffres sidérants de masques vendus au
public par certains circuits de distribution», ont réagi les soignants, offusqués.
L’État devrait « réquisitionner» ces masques pour les soignants
« Il est inacceptable d’envoyer des gens au casse-pipe pendant que d'autres font des stocks pour des raisons mercantiles », s’indigne Hugues Videlier, président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’Auvergne, Rhône-Alpes. «Pourquoi
l’État ne réquisitionne- t-il pas les masques pour qu'on en ait en
nombre suffisant et que les soignants puissent travailler?» interroge-t-il.
Dans
une lettre adressée au ministre de la Santé, Philippe Besset, président
de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, fait la même
demande : « Ces masques doivent avant tout servir à protéger les
populations et non à assurer la promotion d’enseignes de la grande
distribution. »
«
Il n’y a pas de stocks cachés. Les chiffres annoncés par les enseignes
concernent les commandes effectuées, qui ne vont être livrées que très
progrès vivement », s’est défendue la Fédération du commerce et de la distribution dans un communiqué publié le 1er mai.
Une précision réitérée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres, précisant que « la
grande distribution dit disposer de l’équivalent de 5, voire 10
millions de masques». « On est très très loin des 500 millions » importés notamment par l’État, a-t-il indiqué.
« Nous ne contestons pas le fait que les grandes enseignes vendent des masques », souligne Hugues Videlier. « Mais,
ce qui nous interroge, c’est le timing de l’annonce. Comment se fait-il
que la grande distribution puisse en avoir dès à présent de telles
quantités, alors que les professionnels sont encore dans la pénurie ?»
D’autant qu’une note, révélée par le Monde, indique que la pénurie pourrait se poursuivre à certains endroits. Une situation «provisoire » qui « devrait se régulariser dès le courant du mois de juin ».
Soit bien après la date du 11 mai... •
l'Humanité CAMILLE BAUER