La guerre mondiale qui vient sera provoquée par les États-Unis
La guerre mondiale, qui la veut?
Le
danger de guerre actuel provient exclusivement des États-Unis qui ont
obtenu leur hégémonie mondiale en gagnant les trois précédentes (on peut
considérer la Guerre froide en comptant les conflits localisés qui
l’ont accompagnée (Viet-Nam, Proche Orient) comme la troisième), et qui
sont tentés de la conserver en s’engageant dans une quatrième.
Aucune
autre puissance n’est en mesure de menacer la paix. Le terrorisme,
notamment, n’est qu’un instrument au service des États-Unis, soit un
allié direct comme en Syrie, soit un adversaire idéal qui ne présente
aucun danger réel, et qui joue son rôle dans la mise en condition
militaire des peuples occidentaux, et leur acceptation tendancielle, au
rebours de leurs valeurs individualistes, d’un État policier et d’une
société de contrôle total.
Les
États-Unis du capitalisme en déclin de l’année 2018 peuvent croire
qu'ils ont objectivement intérêt à la guerre dans cette décennie. Leur
équipement militaire hypertrophié et leur expérience du combat réel leur
donnent la certitude trompeuse d'une victoire dans n’importe quel
conflit armé classique, à condition qu’ils puissent construire le
consentement de leur opinion à une telle démarche sanguinaire, mais
cette avance est financée par la contribution du reste du monde à
commencer par la Chine, qui comble les déficits abyssaux de l'économie
américaine en rachetant du papier dollarisé, et d’ici dix ou vingt ans
elle aura disparu.
Depuis
la crise de 2008, ils sont entrés dans une phase agressive, s’attaquant
à des nations petites ou moyennes, le plus souvent en utilisant des
collaborateurs locaux, des séparatistes, des réactionnaires religieux,
des intermédiaires en apparence non étatiques et des auxiliaires
étrangers, et surtout une « société civile » ad hoc cultivée dans leurs
universités et recrutée dans un certain nombre de pays stratégiques.
Mais
ils ont aussi mené des guerres directes dont le but réel semble bien
tout simplement de maintenir en état opérationnel leurs forces armées et
de tester leurs armements. Ils sont d'ailleurs déjà lancés dans une
cyber-guerre ouverte avec le reste du monde.
Il
faut bien comprendre que la déclaration officielle de guerre au
terrorisme en septembre 2001 a une importance fondamentale dans
l’histoire de l’Empire américain : il s’agit d’une revendication de
souveraineté qui porte sur l’ensemble du territoire mondial, et qui met
fin à la politique internationale telle qu’elle était basée sur le
respect de principe sinon de fait de la non-ingérence dans les affaires
intérieures d'autrui, depuis les traités de Westphalie au moins (1648).
Ils revendiquent ce faisant le statut et rang de seul État souverain au
monde.
Mais les moyens indirects ont eu leur préférence depuis leur relatif échec en Irak et en Afghanistan.
Ils
ont réussi à prendre le contrôle du gouvernement de plusieurs États en
instrumentalisant une opposition stipendiée de longue date, et en
pratiquant avec l’aide des grands groupes de médias une déstabilisation
intérieure de grande échelle. Comme l'a symboliquement établi la
destruction de l'ambassade à Belgrade en 1999, l’ennemi principal des
États-Unis est bien entendu la Chine, dont le surgissement prochain au
premier rang économique mondial épouvante l’oligarchie occidentale. Les
actions erratiques de l’Occident piloté par les États-Unis ont
paradoxalement renforcé ce rival, en consolidant son alliance avec la
Russie, et l’effondrement annoncé de la présidence Trump n’a fait
qu’accélérer ce mouvement.
Une
guerre directe contre la Chine ou la Russie, sous la forme de pressions
externes et de blocus maritime et aérien de leurs territoire, dont les
littoraux sont étroitement verrouillés par les bases américaines, est
techniquement possible et même jouable, dans l'intention de la gagner,
mais au prix de provoquer une très forte crise économique internationale
dont les effets seraient imprévisibles si la victoire n'était pas
immédiate.
Les
militaires ne font rien d’imprévisible. Mais ils ont une certaine
tendance à la surestimation de leurs capacités, qui en l’occurrence sont
incontestablement très fortes, et la tentation de chercher des
solutions technologiques à des problèmes stratégiques, notamment pour
neutraliser les armes nucléaires.
Cependant,
les États-Unis eux-mêmes ne sont pas un sujet géopolitique pleinement
souverain, et le pouvoir réel va se chercher dans un milieu
international où leurs ressortissants sont des plus influents mais non
exclusivement. Milieu composé des institutions financières et des
banques, des cadres dirigeants des multinationales et des ONG qui
recrutent dans les mêmes écoles, des médias internationaux, etc. Dans
ces milieux, la perspective d’une guerre qui ne soit plus une guerre
asymétrique à zéro mort dans le camp occidental crée un malaise. Ils
conservent parfois la culture historique suffisante pour comprendre que
la guerre ouverte comme solution des contradictions du capitalisme n’est
pas la meilleure option, parce qu'elle peut déboucher sur la révolution
comme la Grande Guerre de 1914 à débouché sur la Révolution d'Octobre.
Ils soutiendront donc toutes les guerres néocoloniales ou
contre-révolutionnaires, mais chercheront à éviter un conflit majeur
avec les puissances émergentes capitalistes. D'autre part, en cas de
guerre mondiale ouverte et déclarée, l'expérience historique montre que
la puissance qui en a pris l'initiative perd la mise.
Certains
alliés secondaires (Grande Bretagne, France, Israël, Arabie saoudite)
peuvent être tentés chacun leur tour de jeter de l'huile sur le feu pour
acquérir un rang de « senior partner » dans l’alliance occidentale.
Tout
ce qui contribue à affaiblir la résistance à l'hégémonie des États-Unis
rend la guerre plus probable, car elle crédibilise chez les pions qui
nous gouvernent l'idée d'une guerre technologique victorieuse propre et
rapide. L'effondrement de la Libye a rapproché le monde de la
catastrophe. La résistance de la Syrie, mais aussi de la Corée et de
l'Iran, face aux ingérences impériales, éloigne la guerre mondiale.
Contrairement
aux apparences, un va-t-en guerre brouillon et impulsif à la tête des
États-Unis dans le genre Donald Trump est moins dangereux qu'un
politicien consensuel comme son adversaire malchanceuse Hillary Clinton
(ou le criminel John McCain, universellement regretté par les partisans
de l'impérialisme et leurs médias), qui engagerait la guerre contre le
pays visé à la suite d'une longue préparation médiatique et d'une
subversion interne à grande échelle, et qui ne lâcherait pas sa proie
facilement, ne serait-ce que pour ne pas perdre la face. Et cela, même
s'il peut être à titre individuel réticent face aux aventures
militaires, comme c'était le cas d'Obama.
Cela
dit s'il y a un pays où les contradictions du capitalisme s'aiguisent
de manière décisive, ce sont bien les États-Unis. La guerre pourrait
bien surgir à l'intérieur même de ce pays.
L'anti-impérialisme
et le mouvement international pour la paix sont donc redevenus les
priorités existentielles pour l’avenir de l’humanité.
GQ , 13 août 2017, relu le 4 septembre 2018
(°) Le titre seul est de Pedrito , le texte est de Gilles Questiaux