mercredi 15 mai 2019
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Et puis, il y a l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus de la tête des entreprises étrangères depuis 1996, que Trump vient de faire tomber en activant le chapitre 3 de la loi Helms-Burton. Ainsi, le 17 avril, Washington a annoncé que despoursuites pourront être intentées contre des compagnies qui ont, ou ont fait, affaires avec Cuba.
De concert avec la chef de la diplomatie de l’Union européenne Cecilia Malmström, la ministre des Affaires étrangères du Canada Chrystia Freeland, a vertement dénoncé cette décision. « La décision des États-Unis [...] aura un impact important sur les opérateurs économiques de l’UE et du Canada à Cuba [...] et ne peut que mener à une spirale inutile de poursuites judiciaires. »
Washington, évidemment n’a pas bronché.
Cette décision arrive à un bien mauvais moment pour les entreprises canadiennes qui seraient de plus en plus nombreuses à vouloir tenter l’aventure. « La menace américaine fait que le poids du risque est sur nos épaules, ça fait un dommage à l’économie. Jusqu’ici, les présidents signaient une dérogation aux six mois et ce qui pouvait sembler logique depuis longtemps ne l’est plus. »
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« {{}}ÇA DEVIENT POSSIBLE{{}} »
Avant de prendre sa retraite, Maria* était médecin, spécialisée en soins critiques pour les enfants, elle y a consacré plus de 40 ans de sa vie.
À sa retraite, elle est devenue un « cas social ».
C’est le cas de tous les Cubains qui prennent leur retraite et dont le montant que leur verse l’État est amputé de moitié, passant d’environ 30 $ à 15 $ par mois. De presque rien à la moitié de presque rien. À part cette maigre pitance, il ne leur reste que le logement fourni par l’État, et des rations minimales.
Mais, contrairement à avant, ils ont des options.
Avec son mari, Maria a demandé et obtenu un permis de l’État pour louer une des deux chambres de leur appartement, la plus belle et la plus grande, celle avec le balcon, qu’ils ont décorée du mieux qu’ils pouvaient, avec ce qu’ils ont trouvé à acheter. Ils ont installé l’air conditionné, ont dû y mettre le prix.
Eux se sont installés dans la section derrière le salon et la cuisine.
De plus en plus de Cubains optent pour cette solution, qui les emmène tout de même à troquer la quiétude qu’on attend de la retraite pour une seconde « carrière » d’hôtelier, avec ce que ça comporte de travail.
Le soir, rivée à son téléphone, Maria apprend l’anglais. À presque 65 ans. Elle sait que ça augmente la valeur de sa chambre auprès des touristes.
Elle ne se plaint pas. « Je peux vivre mieux. Ça devient possible. »
Et la concurrence est féroce, surtout dans les zones touristiques. Une simple promenade dans les rues de La Havane suffit à prendre la mesure du nombre de personnes qui dépendent de ce revenu d’appoint pour maintenir un niveau de vie, les casas particulares étant identifiées par un sigle bleu ayant la forme — vague — d’une maison.
Le site Homestay à lui seul en recense plus de 1800, juste dans la capitale.
Et certaines ne sont pas sur le Web.
Reste que pour bien des Cubains comme Maria et les autres, louer une ou plusieurs chambres de sa maison est la seule possibilité qu’ils ont de ne pas devenir un « cas social », même si l’obtention du permis peut-être parfois laborieux, que son prix peut être modifié par un simple décret du gouvernement.
Chacune des casas doit également payer en impôts un pourcentage de leurs revenus chaque mois, le taux variant selon des motifs parfois nébuleux. La propriétaire de la maison où j’habitais à La Havane m’a dit redonner 10 % de ses profits, une autre, 65 %.
Allez savoir.
Tous les logeurs doivent de plus déclarer l’identité des gens qu’ils hébergent — avec leur numéro de passeport —, on m’a même dit qu’ils devaient déclarer aux autorités la présence de journalistes.
Je suis restée discrète, au cas où.
N’empêche, il y a quelque chose d’incongru à ce que des personnes qui ont travaillé toute leur vie, comme médecin ou autre, doivent changer les draps et servir le café pour avoir une retraite digne de ce nom.
C’est aussi ça, Cuba.
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