Considérations sur le chaos du monde
Jean Paul FOSCARVEL blog Agora Vox
Voici quelques considérations dialectiques sur le chaos du monde.
Le monde est au bord de la déflagration générale. Cela n’est pas dû
au hasard, mais à l’extension de développements inquiétants qui sont dus
à nos contradictions internes, celles des êtres humains sur une terre
qui n’en peut plus de nous.
Nous allons d’abord rappeler succinctement et de façon trop concise
quelques notions où la dialectique sera au centre de nos réflexions.
Dialectique hégélienne : mouvement où l’affirmation crée une négation
qui s’unit à l’affirmation et engendre une négation de la négation
subsumée par la résolution dialectique. Pour Hegel, l’histoire est une
succession de contradictions dialectiques qui aboutiront, de
subsomptions en subsomptions, à la fin de l’histoire qui sera la
résolution de toutes les contradictions dialectiques.
Dialectique marxiste : Marx part des bases de la dialectique
hégélienne pour la transformer en une téléologie issue des
contradictions internes du capitalisme, entre les classes sociales
bourgeoises et prolétaires, dont le développement aboutit à une société
sans classe, donc sans contradiction entre classes sociales, qui
n’existent plus.
La critique faite, notamment par Adorno, est que les résolutions de
contradictions à un stade aboutissent non à l’élimination de la
dialectique, mais à un nouveau stade de la dialectique . La dialectique
ne mène pas à sa propre fin, mais à son accomplissement indéfini, chaque
résolution débouchant sur une nouvelle contradiction.
Dans cette optique, celles générées par le socialisme ou soviétisme
lui-même, qui étaient niées au nom d’une application rigide de la
doctrine marxiste ont conduit à son propre effondrement.
Sartre : le règne du pratico-inerte et la dialectique de la rareté.
La machine et la sérialité engendrent une humanité qui en est
dépendante. Les mouvements de révolutions permettent de passer du
collectif au groupe lié par le serment où chaque personne est libre par
le serment qu’il fait de solidarité. C’est la rareté qui crée la
contrainte. On débouche toujours sur une nouvelle rareté lorsque la
précédente a été résolue. Inhérent à l’être humain.
Le chaos actuel montre à quel point les contradictions internes des
développements humains son dans la confusion et un nœud de
contradictions invraisemblables.
Côté système
-Clef de voûte du système actuel : contradiction du turbo-capitalisme
ou immatériel qui a besoin d’éliminer ceux qui en sont les principaux
supports, les classes moyennes avec leur propre assentiment, afin
d’optimiser les taux de profits. Moins l’industrie matérielle n’a de
poids vis-à-vis de l’immatériel, plus les profits augmentent. Il lui
faut donc détruire l’industrie et ceux qui demandent des biens
matériels.
-Guerre : contradiction entre la désindustrialisation nécessaire pour les profits et le besoin de matérialité
-Censure : le mythe de la démocratie débouche sur son inversion, la
censure à tous les niveaux et le mensonge généralisé. Il s’ensuit une
défiance croissante du système de communication et la création de
théories extravagantes. L’IA va amplifier ce phénomène et aucune vérité
ne sera stable, les faits s’échapperont de toute vérification possible.
Le système voudra tout verrouiller, mais ce faisant s’ôtera toute
crédibilité. Le mensonge deviendra la règle, ce qui incite à croire
l’inverse de ce qui est dit.
-Contradiction entre les valeurs soi-disant d’égalité au niveau
sociétal où toute minorité a droit de citer et les inégalités sociales
réelles considérables qui ne cessent de se renforcer sous la pression
des institutions elles-mêmes.
-Contradiction en le wok(en)isme
(ou éveillisme) qui est l’éveil des droits des minorités et le
néocolonialisme que ce soit en Afrique, ou bien entendu à Gaza où
l’occident sponsorise un génocide.
-Contradiction entre la défense des droits des Ukrainiens et
l’absence de défense de ceux des Gazaouis, alors que le nombre de
victimes, les procédures d’attaques, sont bien pires contres les
Gazaouis et constituent en génocide réel
-L’utilisation d’un vaccin qui a généré des profits considérables
pour le big pharma mais a eu des conséquences catastrophiques qui
mettent en question la confiance que l’on peut faire à l’ensemble du
système de santé.
-Contradiction de l’occident entre sa volonté hégémonique et sa
progressive incapacité à innover, par la faute de l’enseignement dégradé
et la fuite des cerveaux des sciences vers le marketing, la finance ou
la communication, bien mieux rémunérés.
-L’utilisation du dollar à des fins de répression politique par la
séquestration des fonds en dollar aux USA ou en UE, qui peut être tentée
de faire de même avec l’euro, pousse les grands acteurs financiers non
occidentaux à accélérer la dédollarisation.
-La surpuissance d’Israël qui fédère ses adversaires et renforce le
mouvement radical au sien des Palestiniens qui à l’origine étaient
plutôt laïques et démocratiques, engendrant des réactions qui peuvent
mettre en cause l’existence même d’Israël. À ce propos, il est
inquiétant que ce soient les successeurs des victimes de la Shoah qui à
leur tour commettent un génocide. Une partie radicalisée d’Israël a pris
le pouvoir qui au nom de sa position de victime crée elle-même la
reproduction de la destruction. Aucun peuple ne peut s’affranchir d’un
jour être vecteur du pire.
-La réaction de l’occident devant les avancées de la Russie qui
épuise l’occident à la fois par les sanctions et la mobilisation de
l’économie via la dette qui finit par être insoutenable.
Côté antisystème
-Contradiction entre le multipolaire tolérant d’autrui et le rejet
agressif de la composante LGBT de l’occident, qui est un ouverture des
droits
-contradiction à l’intérieur des BRICS entre par exemple le Brésil et
uns société tolérante quoique très inégalitaire et l’Arabie Saoudite
avec son intolérance comme composante de son identité.
-Contradiction de la chine qui est à la fois ultra-capitaliste et
utra-surveillée et qui met sa surveillance dans les mains de l’IA avec
un fond d’idéologie communiste qui dans les faits ne s’applique pas,
notamment du fait d’inégalités sociales considérables.
-contradiction entre la modernisation de la Russie et l’idéologie traditionaliste de Poutine
-La surpuissance de la Russie devant l’occident renforce celui-ci et
le pousse à durcir ses interventions jusqu’à ce qu’il se considère comme
vainqueur.
La liste n’est bien entendu pas exhaustive, mais assez longue pour
constater à quel point nous sommes bien dans une époque parfaitement
chaotique (perfect storm en anglais)
Les contradictions de l’occident semblent bien plus importantes que
de l’autre côté, mais il ne faut pas oublier qu’il sait aussi jouer de
ses propres contradictions pour évoluer. Le wok(en)isme
(ou éveillisme) en est un des exemples, l’occident qui était strict au
niveau de la morale et du rejet des minorités dans les hautes sphères
(voir la castration chimique de Turing, le père de l’informatique, en
Angleterre dans les années cinquante du fait de son homosexualité – on
voit que la morale occidentale n’est pas là pour améliorer le sort des
êtres humains, mais sert pour imposer une idéologie) devient désormais
ouvert à ces mêmes minorités du fait de l’inutilité d’une masse de main
d’œuvre dont il avait besoin autrefois et de l’ouverture du marché du
travail favorisant la concurrence. Sa fermeture réelle reste néanmoins
vraie au niveau de l’accès aux plus hauts postes de la haute finance et
du turbo-capitalisme (tous les grands oligarques sont des mâles blancs),
mais il sait utiliser la communication à ce propos pour attirer ses
opposants traditionnels de gauche. Il avait déjà utilisé ces
contradictions pour passer d’une économie austère style protestantisme
classique à une économie de la consumation/consommation sans limite. Par
ailleurs il utilise la conséquence de son inconséquence écologique pour
imposer la destruction des classes moyennes au nom de cette même
écologie. Il faut reconnaître que le système est très fort pour
retourner les inconvénients apparemment indépassables en avantages. La
guerre peut aussi être un élément de contre-dialectique (qui favorise
l’amplitude d’action de l’occident)du côté de l’occident car elle fige
les positions, accélère la censure, permet la réduction de tous les
droits des citoyens, jusqu’à la perquisition des personnes ou des biens
dans un cadre où la légalité de l’État de droit disparaît complètement,
avec un effet dialectique lorsque la population s’en rend compte et se
révolte à son tour.
Par rapport à la Russie, aucun enseignement ne sert l’Occident. La
première guerre mondiale a vu la création de l’URSS, la deuxième son
extension aux pays de l’Est. La guerre froide à créé des champs
d’extension hors de l’Europe, notamment en Asie et Amérique Latine.
L’URSS s’est effondrée par le poids de ses rigidités dans une période de
calme relatif. La troisième pourrait être celle de l’effondrement du
monde monopolaire représenté par l’USAEUKAUS, remplacé par un monde
multipolaire plus complexe, mais sans un gendarme qui tire à bout
pourtant sur tout ce qui bouge sans qu’il en ait donné l’ordre express.
Ou bien être remplacé par un grand silence sidéral au-dessus d’une terre
définitivement vitrifiée. Les euro-étatsuniens (dont Macron) vont-ils
faire le choix du pire absolu (Zorg dans le Cinquième élément),
pour une question d’ego, d’honneur, ou d’optimisation des taux de
profit ? Ou bien les étatsuniens (l’oligarchie) considèrent-ils que
seule l’Europe le sera et que leurs territoires seront épargnés (Macron
étant le dindon de la farce tragique) ?
Si la subsomption de toutes les contradictions dialectiques
représente pour Hegel la fin de l’histoire, assisterons-nous à cette
confirmation par l’abolition de celui par qui la conscience de la
dialectique vient au monde, l’homme ? Ainsi retournera-t-il à son néant
originel ?
J’espère qu’une lumière viendra juste à temps pour nous éclairer sur
la vanité de nos choix délirants. Et que l’épanouissement de la
dialectique puisse se répandre à travers une humanité qui n’aura plus
peur de ses propres contradictions.