vendredi 19 juin 2020


Washington (AFP)
Donald Trump avec John Bolton, lorsqu'il était encore conseiller à la sécurité nationale, le 9 avril 2018 à Washington - GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
La justice américaine se penche vendredi sur le livre au vitriol de l'ex-conseiller de la Maison Blanche John Bolton contre Donald Trump, dont le président-candidat, déjà sous pression, veut empêcher la publication.
Le gouvernement des Etats-Unis a déposé une requête de dernière minute pour bloquer la parution de "The Room Where It Happened" (La pièce où cela s'est passé), chronique des 17 mois passés par l'auteur auprès de l'occupant du Bureau ovale comme conseiller à la sécurité nationale, en 2018-2019.
Un juge d'un tribunal fédéral de Washington doit écouter les arguments des deux parties à 13H00 (17H00 GMT) avant de se prononcer en urgence, d'ici la sortie de l'ouvrage prévue mardi.
Le camp Trump affirme que le livre est "truffé d'informations classifiées" et que John Bolton a coupé court au processus traditionnel de relecture par les juristes de la Maison Blanche.
L'éditeur Simon & Schuster répond que l'ex-conseiller à l'épaisse moustache blanche a largement joué le jeu, et invoque le premier amendement de la Constitution américaine qui consacre la liberté d'expression -- soutenu, ironie du sort, par des organisations de défense des droits civiques qui ont pourtant bataillé contre les positions va-t-en-guerre du bouillonnant diplomate par le passé.
- "Traître qui abîme l'Amérique" -
Sans attendre l'issue de ce bras de fer judiciaire, de larges extraits ont déjà opportunément filtré dans la presse ces derniers jours.
Il s'en dégage le portrait d'un président mal avisé et prêt à tout pour se faire réélire en novembre prochain, quitte à demander un coup de pouce de la Chine, adversaire stratégique des Etats-Unis, et mettre donc en danger la sacro-sainte sécurité nationale.
John Bolton, qui a prévu plusieurs apparitions télévisées ce week-end, a déjà asséné sa conclusion jeudi: Donald Trump est selon lui "inapte" à présider la première puissance mondiale.
En face, le milliardaire républicain s'est déchaîné sur Twitter contre son ex-conseiller, qualifié d'"idiot ennuyeux et aigri qui voulait seulement déclencher une guerre" et a attendu d'être limogé en septembre pour critiquer son ancien patron qu'il défendait bec et ongles jusque-là.
Et le camp trumpiste est venu à la rescousse.
Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo a ainsi publié jeudi soir un communiqué tonitruant accusant John Bolton d'être un "traître qui abîme l'Amérique" avec ses "mensonges".
Il est vrai que ce ténor du gouvernement toujours prompt à défendre Donald Trump est lui-même pris en défaut de loyauté dans le livre, affirmant parfois derrière son dos que le président "ne raconte que des conneries", selon John Bolton.
L'opposition démocrate est elle partagée entre la dénonciation de révélations tardives qui lui auraient été plus utiles lors de leur procédure de destitution du président -- finalement acquitté en début d'année --, et la volonté de donner un écho à ce portrait accablant pour l'ex-magnat de l'immobilier.
La Maison Blanche aimerait que le tapage médiatique autour des mémoires de John Bolton s'arrête là, pour que les projecteurs se concentrent uniquement sur la relance de sa campagne prévue lors d'un grand meeting samedi à Tulsa, dans l'Oklahoma.
"Ma campagne n'a pas encore commencé. Elle démarre samedi soir, dans l'Oklahoma", a tweeté vendredi le candidat républicain à sa réélection.
En perte de vitesse dans les sondages face à son adversaire Joe Biden, Donald Trump en a besoin pour tenter de tourner la page des crises à répétition qui ont secoué sa présidence ces derniers mois, de sa gestion controversée de la pandémie, à la croissance économique coupée en plein vol alors qu'il comptait en faire son principal atout, jusqu'à la vague de colère historique contre le racisme et les violences policières.
Le Roi En Monarchie : REPORT DES RÉGIONALES ? Que me chantez-vous là ?
« Je vous aide (financièrement)
si vous m’aidez à reporter les régionales après la présidentielle car j’ai des opposants politiques parmi vous »,
a déclaré Emmanuel Macron,

Le Roi En Monarchie
Le Gouvernement,
L'Assemblée Nationale
Les grands médias,
La police du Roi
La justice royale
Et surtout le CAC 40  et le Medef
SEULS LES NOMS ONT CHANGE
REPORT DES RÉGIONALES : EMMANUEL MACRON UN PRÉSIDENT NO LIMIT ?

 
UN REGARD JURIDIQUE SUR L'ACTUALITÉ AVEC RÉGIS DE CASTELNAU

Hier en fin d’après-midi un article publié sur le site du Figaro a provoqué nombre de réactions politiques outrées, mais franchement, il faut y ajouter la stupéfaction des juristes
Reproduisons en ici le chapeau : « Lundi, le président de la République aurait profité d’un déjeuner avec Renaud Muselier pour lui proposer une aide financière de l’État en échange du soutien des Régions de France ».
Le corps de l’article nous donne quelques précisions sur ce qui se serait produit et dit à l’occasion de cette rencontre : « Lors d’un déjeuner avec le président des Régions de France Renaud Muselier, qui a eu lieu lundi à l’Élysée en présence de la ministre Jacqueline Gourault, le chef de l’État s’est montré très clair, selon les informations du Figaro. « Je vous aide (financièrement) si vous m’aidez à reporter les régionales après la présidentielle car j’ai des opposants politiques parmi vous », a déclaré Emmanuel Macron, comme l’a rapporté Renaud Muselier aux présidents de région qu’il a eus ensuite par téléphone. « Je ne vais pas donner de l’argent à mes adversaires », a ajouté le président de la République. »
Pardon ? Mais de quoi s’agit-il ?
Qu’est-ce que c’est que ce marchandage ?
Parce qu’il s’agit bien d’un marchandage.
Si l’on comprend bien, comme l’explique d’ailleurs clairement l’article, Emmanuel Macron pressent une lourde défaite pour L.R.E.M. et lui-même au mois de mars prochain à l’occasion du renouvellement Conseils Régionaux élus en 2015. Et cela risque de gêner sa candidature car un certain nombre de présidents de Région qui ont toutes chances d’être réélus, sont présidentiables comme Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou Laurent Wauquiez qui l’ont déjà laissé entendre. Alors le président de la république ferait miroiter des subventions publiques, comme contrepartie à l’appui d’autorités publiques que sont ces élus, à une manipulation destinée à favoriser ses intérêts privés de candidat à la prochaine présidentielle.
Mais enfin, qu’est-ce que c’est que cette façon de mettre l’argent public au service de ses petits intérêts ? De prendre des libertés avec le calendrier électoral républicain pour mettre en place une manipulation politique de boutiquier ?
Parce que concrètement que veut Emmanuel Macron ? Le ralliement des présidents LR (et peut-être d’autres d’ailleurs) à une solution de report qui passerait nécessairement par un vote de l’Assemblée nationale. Solution qui serait plus facile, pense-t-il, à faire accepter par l’opinion si elle est soutenue par d’autres partis que LREM et qui plus est par les chefs d’exécutif des collectivités concernées.
Et pour arriver à ses fins, il propose de l’argent public, c’est-à-dire qu’il souhaite acheter cet appui en faisant miroiter des ressources nouvelles pour les Régions à l’occasion du plan de relance. Emmanuel Macron aurait ajouté dit l’article du Figaro relatant le témoignage de Renaud Muselier « Je ne vais pas donner de l’argent à mes adversaires ». 
Mais Monsieur le président, ce n’est pas VOTRE argent, c’est celui des Français ! Et vos « adversaires » comme vous dites ne sont pas les collectivités locales, mais les personnes privées qui en sont actuellement les présidents et qui pourront être vos adversaires quand personne privée vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle.
Un premier problème juridique saute aux yeux : des fonds publics seraient versés pour obtenir un avantage politique personnel, ce qui est prohibé et pénalement répréhensible. Depuis 1995 et la loi Séguin, les dons des personnes morales, publiques ou privées, sont rigoureusement interdits en matière politique.
Mais malheureusement, il y a bien pire.
La deuxième infraction est celle relative à ce que l’on appelle « l’achat de votes ». Si l’on comprend bien, Emmanuel Macron souhaite le soutien de l’opposition LR au scrutin qui devra nécessairement avoir lieu au Parlement pour proroger le mandat des Régions. On peut sérieusement se demander si l’article L106 du code électoral ne trouvent pas à s’appliquer qui prévoit : « Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers, faits en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs… »
La troisième infraction, est naturellement celle de l’article 432–15 du code pénal relatif au détournement de fonds publics. Toutes les dépenses des autorités publiques doivent être faites pour la satisfaction d’un intérêt général.
Les subventions conditionnelles annoncées par Emmanuel Macron ne seraient versées que pour la satisfaction d’un intérêt personnel privé, celui de faciliter sa réélection. Il a beau essayer de trouver un habillage, celui-ci est grossier : « Le président ouvre le débat dans l’intérêt général. On ne peut pas demander à ce que les régions participent au plan de relance mais qu’elles interrompent leur action pendant six mois à cause de la campagne ».
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin, et passons maintenant à la quatrième avec l’article 432–11 du code pénal relatif à la corruption et au trafic d’influence. Il réprime le fait pour un agent public d’accepter de l’argent, ou tout autres avantages :
« 1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenu d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;
2° Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »
Il suffit que l’acte soit facilité par la fonction ; c’est le cas des présidents de région (autrement Macron ne leur aurait rien demandé).
Voter une loi est un acte de la fonction ou du mandat ; donc l’achat de votes de députés rémunère une personne pour accomplir un acte de la fonction ou du mandat.
Le produit de la corruption peut être direct ou indirect, et donc bénéficier aux régions tenues par le parti des députés concernés.
Sont réprimés le corrupteur c’est-à-dire l’acheteur du service et le corrompu fournisseur de ce service. On ne saurait trop conseiller à Renaud Muselier et aux présidents de Régions ainsi sollicités de s’enfuir en courant, eux ne disposent pas de l’immunité présidentielle…
Et si jamais l’on considérait que les politiques, sollicités par Emmanuel Macron pour soutenir son projet de report des élections régionales, ne l’étaient pas es-qualité d’agents publics, mais en tant que personnes privées, ne permettant pas l’application du 432-11, pas d’inquiétude, le code pénal prévoit à tout, avec son article 445-1.
Par conséquent pour résumer, si l’on comprend bien, le président de la république française dans le souci de sa réélection en 2022, propose des versements d’argent public en contrepartie d’actes de soutien à une manipulation légale destinée à favoriser cette réélection, c’est-à-dire ses intérêts privés.
Mais enfin, qu’arrive-t-il à notre pays ?
La semaine dernière sur demande d’Emmanuel Macron, la Garde des Sceaux se livrait à une grossière violation du principe de la séparation des pouvoirs en s’ingérant dans une procédure en cours. Le ministre de l’intérieur chargé de l’ordre public et de l’application de la loi pénale, annonçait que celle-ci serait d’application à géométrie variable en fonction des motivations des délinquants. Il dispensait certaines catégories de la population, du respect de nombre d’interdictions constituant autant de règles de sécurité et de prudence prévue par la loi et le règlement. Ce qui veut dire qu’il encourageait la commission de délits en annonçant qu’il ne les poursuivrait pas !
Cette attitude invraisemblable constituait l’infraction d’obstruction à l’exécution de la loi sanctionnée par l’article 432–1 du Code pénal. Naturellement, malgré l’évidence le parquet de Paris n’a pas bougé.
Il ne bougera pas non plus cette fois-ci, disposant nous opposera-t-on d’un argument imparable, l’immunité du président de la république. Cela étant, on ne saurait trop conseiller à tous ceux qui pourraient être concernés par la mise en œuvre de cette manipulation, de se tenir soigneusement à l’écart.
L’immunité n’étant réservée qu’au seul Emmanuel Macron.
C’est d’ailleurs l’aspect le plus consternant et le plus inquiétant de tout ceci. Nous avons sous les yeux l’image d’un État de droit à la dérive.
Et si l’on en croit l’article du Figaro, avec à son sommet quelqu’un qui ne s’impose aucune limite, fait fi des principes, du respect de la loi, et de la dignité politique de sa fonction. L’immunité présidentielle est une protection du chef de l’État, pas une commodité pour arranger ses affaires personnelles.
Sous la direction d’Emmanuel Macron, le monde d’après s’annonce dangereux.

Des médecins français

L’usage de la chloroquine aurait permis d'«éviter 25.000 morts» en France, affirme le Pr. Christian Perronne

S'alignant sur Didier Raoult, fervent défenseur de la chloroquine, le Professeur Christian Perronne a estimé que près de 25.000 morts liées au Covid-19 auraient pu être évitées si la France «avait utilisé la chloroquine pour tous». Sur BFM TV, il s'en est pris au gouvernement, qualifiant d'«ahurissante» sa gestion de la crise.
Invité sur le plateau de BFM TV le 15 juin, le professeur Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Raymond-Poincaré, a annoncé que la généralisation de l’utilisation de la chloroquine en France aurait pu sauver la vie à près de 25.000 patients touchés par le Covid-19. Il a ainsi salué «l’étude impeccable» de Didier Raoult.
«Les Français découvriront dans mon livre des choses qui leur ont été cachées», a lancé M.Perronne. Le titre: «Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise? Covid-19: l'union sacrée de l'incompétence et de l’arrogance».
Ce livre venant de sortir, a été qualifié de «coup de gueule» par le journaliste Olivier Truchot qui a accueilli le professeur sur BFM TV. Ce dernier a poursuivi:
«On a eu près de 30.000 morts en France. Si on avait utilisé la chloroquine pour tous, peut-être que 25.000 morts auraient été évitées.»

D’après lui, son utilisation systématique dans d’autres pays «a été masqué[e] pour des intérêts de laboratoires pharmaceutiques, qui voulaient promouvoir d’autres molécules»:
«Malheureusement, beaucoup de mes collègues ont touché beaucoup d’argent de ces laboratoires, ça me désole, ces collègues c’étaient des amis», a-t-il estimé en affirmant qu’il ne parlait que des données publiques.
Selon lui, «une énorme histoire de corruption» est derrière les études «complètement bidons» sur la chloroquine. 

Gestion de crise «ahurissante»

Le professeur, qui a présidé pendant 15 ans la commission aidant le gouvernement à gérer les crises sanitaires, a donc qualifié d’«ahurissante» la manière avec laquelle cette crise avait été gérée dans l’Hexagone. M.Perronne a notamment dénoncé la gestion des masques et tests. 
«Je pense qu'il y a beaucoup de mensonges d’État. […] C’est la première fois de ma vie que j’ai honte de mon pays.»

Médicament controversé

Trois des quatre auteurs de l'étude publiée dans le Lancet sur l'utilisation de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 ont demandé le 4 juin la rétractation de l'article.
 

 


Sorti le 22 mai, ce dernier concluait que l'hydroxychloroquine n’était pas bénéfique aux malades du Covid-19 hospitalisés et peut-être même néfaste. Sa parution avait eu un retentissement mondial poussant notamment l'OMS (Organisation mondiale de la santé) à suspendre les essais cliniques.
Mais après de nombreuses critiques mettant en cause la méthodologie de l'étude, y compris de la part de scientifiques sceptiques sur l'intérêt de l'hydroxychloroquine, l'OMS a annoncé le 3 juin la reprise des essais cliniques avec cette molécule.


Andalousie : Esclavage moderne au sein du « potager de l’Europe »



Alors qu’au début du confinement, le gouvernement appelait ceux qui n’avaient plus d’activité à rejoindre la « grande armée de l’agriculture française », c’est une solution encore plus cynique que semblent avoir trouvé les propriétaires de serres espagnols. Au mépris des principes les plus élémentaires du droit du travail, des hommes et des femmes sont exploités pour alimenter l’industrie agro-alimentaire.

Dans la province d’Almería, qui servait autrefois de décor aux films de western spaghetti, ce sont des hors-la-loi d’un nouveau genre qui opèrent. Ici, des travailleurs immigrés, majoritairement originaires d’Afrique du nord ou subsaharienne plantent et récoltent tomates, poivrons, courgettes, aubergines ou melons, sous des serres où règne une chaleur étouffante, pour des propriétaires de serres qui refusent d’appliquer le droit du travail.
« Ils sont payés en dessous du SMIC, n’ont pas de protection quand ils épandent des produits phytosanitaires, pas de toilettes et les salaires leur sont payés avec du retard », énumère Joanna Moreno, membre du Sindicato Andaluz de Trabajadores (SAT) qui se mobilise particulièrement sur cette thématique. Une déshumanisation qui se traduit également par des propos racistes, comme cette femme malienne se faisant insulter de « cabra negra » (chèvre noire), une expression associée à Satan qui résonne particulièrement dans une Espagne encore très catholique. Le tout pour un salaire de misère et sans garantie de voir leur contrat reconduit le lendemain.
S’ils acceptent ces conditions de travail déplorables, c’est souvent par obligation. Majoritairement immigrés, parfois clandestins, ils ont fuit leur pays d’origine pour rejoindre l’Europe, un « El Dorado » qui leur permettra de subvenir aux besoins de leur famille.

Un succès économique sur le dos des travailleurs


Cette situation a permis à Almería de s’imposer comme l’un des poumons économiques de l’Andalousie, la région la plus pauvre d’Espagne. En 2016, plus de 3,5 millions de tonnes de fruits et légumes étaient produits dans ces serres. Les trois quarts sont destinés à l’exportation et rapportent chaque année 2,5 milliards d’euros. Ainsi, un quart du PIB de la province d’Almería provient directement de l’agriculture sous serres. Mais ce qui est parfois présenté comme un miracle économique a été rendu possible grâce à ces travailleurs immigrés précaires.
A Huelva, les travailleurs ne sont pas mieux traités. Si cette province est le deuxième producteur mondial de fraises derrière les États-Unis, c’est encore une fois en appliquant la même recette : une main d’œuvre principalement étrangère et sous-payée. Mohammed Lamine Camara est porte-parole du Collectif des Travailleurs Africains à Huelva. Il explique : « L’Andalousie, ce n’est plus l’Europe. Nos droits ne sont pas respectés. Ils prennent les marocains et les noirs, et ils les font travailler dans des conditions difficiles. Les pouvoirs publics doivent nous aider car nous sommes présents pour nourrir les européens ».


Serres à perte de vue dans la province d’Almeria // Crédit : CC

Avec le Covid-19, la situation est devenue encore plus problématique. Le 20 mai, l’Asaja, le principal syndicat patronal agricole espagnol se félicitait de l’augmentation de la demande européenne en citrons et fruits pendant le confinement. Pour répondre aux besoins des consommateurs européens, les travailleurs de ces exploitations agricoles ont dû redoubler d’effort, parfois sans protection. A Almería, au début de l’épidémie, certains étaient obligés de se confectionner des masques avec du papier toilette faute de masques chirurgicaux. Par ailleurs, en l’absence de contrat de travail, il a été difficile pour certains de convaincre les forces de l’ordre de les laisser se déplacer jusqu’à leur lieu de travail.
Dès lors, ils ont été privés de revenus pendant plusieurs jours voire semaines et contraints de bénéficier de l’aide d’ONG venant réaliser des distributions alimentaires. Dans les bidonvilles, l’absence d’eau courante a également été problématique. Sans possibilité de se laver les mains, la lutte contre la transmission du virus s’est avérée compliquée. « Nous ramassons les framboises à la main. Et nous n’avons même pas accès à de l’eau pour nous les laver » souligne Mohammed.

Passivité des pouvoirs publics


Après avoir travaillé pendant de nombreuses années dans ces serres, il décide avec des collègues de fonder ce collectif en octobre 2019. Une manière d’officialiser un combat qu’ils ont débuté depuis longtemps pour faire respecter leurs droits. Une lutte qui est pourtant loin d’être gagné : « Nous nous sommes assis avec le maire pour discuter de notre situation. Il nous a dit qu’il ne pouvait rien y faire. »
Une passivité partagée par nombre d’acteurs publics. Si les manquements aux droits des travailleurs sont un secret de polichinelle, aucune action n’a véritablement été entreprise pour régler ce problème. Pourtant, il s’agit d’un véritable manque à gagner pour l’État espagnol. Les heures travaillées non déclarées dans le secteur agricole représentent ainsi une perte de 50 millions d’euros de cotisations pour la Sécurité Sociale. Mais pour Joanna Moreno, ce désintérêt n’est pas étonnant : « Il est mal vu de s’attaquer à l’agriculture, le veau d’or de l’Andalousie. C’est le secteur qui génère le plus d’emplois dans la région ».
S’ils ne sont donc pas aidés par les pouvoirs publics, les employés de ces exploitations peuvent en tout cas compter sur la solidarité de leurs camarades. Ainsi, Mohammed Lamine Camara raconte « Une de nos collègues a eu un cancer. Quand son employeur l’a appris, il l’a licencié sans lui verser aucune indemnité. Elle s’est donc retrouvée sans aucun salaire. Alors, nous l’avons aidé pour qu’elle puisse se payer un médecin et se trouver un logement décent ».
Avoir un logement décent n’est d’ailleurs pas une évidence pour ces salariés. Nombre d’entre eux vivent dans des chabolas, ces bidonvilles installés aux alentours des exploitations agricoles. Ici, ni électricité, ni eau courante et encore moins de toilettes. Leurs maisons ont été construites grâce aux rebus de plastiques et de cartons qu’ils ont trouvé et ils doivent donc encore supporter une chaleur étouffante. « On ne peut pas rester à l’intérieur pendant la journée, ni y conserver de la viande ou des produits frais ».

Pas de droit du travail mais des labels et subventions


Si l’agriculture andalouse est loin d’être vertueuse, elle bénéficie cependant de subventions de l’Union Européenne. Ainsi au titre de la Politique Agricole Commune, 2 milliards d’euros sont attribués chaque année aux agriculteurs andalous. Si les propriétaires des serres d’Almería et de Huelva sont principalement des petits producteurs (rares sont les exploitations dépassant les 10 hectares), on compte tout de même quelques mastodontes.
Ainsi, Haciendas Bio, premier producteur de fruits et légumes bio en Espagne possède 433 hectares en Andalousie. Mais elle ne semble pas plus respectueuse du code du travail que les petites exploitations. Dans cette entreprise, des salariés ont été licenciés après s’être plaints de leurs conditions de travail. Aujourd’hui, un procès est en cours. Pourtant, la marque s’enorgueillit de posséder divers labels attestant de ses bonnes pratiques. Parmi ces certifications, on retrouve notamment le label Agriculture Biologique français ou son équivalent européen.
Si ces labels ne comportent pas explicitement de clause sociale, les conditions de productions de ces fruits et légumes semblent entrer en contradiction avec une certaine idée qu’on pourrait se faire de l’agriculture biologique respectueuse du bien-être animal mais aussi humain. L’Agence Bio, qui assure la communication autour du label français Agriculture Biologique, n’a pas souhaité répondre à nos questions, nous rappelant simplement que les critères de ce label étaient alignés sur celui du label bio européen. Les porte-paroles de la section agriculture de la Commission Européenne, n’ont quant à eux pas répondu à nos sollicitations.

Demeter, un label peu soucieux des droits des travailleurs


Plus surprenant, Haciendas Bio bénéficie également du label Demeter. Si ce label, qui se revendique de la biodynamie, est peu connu de prime abord, il est pourtant octroyé à de nombreux produits de chaînes de magasins bio tels que Naturalia, La Vie Claire ou Bio c’bon. Réputé plus exigeant que le label Agriculture Biologique classique, il comporte une clause de responsabilité sociale stipulant que les entreprises labellisées doivent « garantir la santé et la sécurité de toutes les personnes travaillant pour l’entreprise et s’assurer que personne n’est mis en danger lors de son travail ».
Ces entreprises sont également tenues de lutter contre « le manque de droits sociaux » et les « conditions de travail ou salaires en dessous des standards en vigueur ». D’après ses anciens salariés, Haciendas Bio ne respecte pas ces règles. Pourtant, ils continuent de bénéficier de ce label. Contacté à ce sujet, Cornelia Hauenschild, la responsable des certifications chez Demeter, nous a informé qu’une enquête avait été menée dans la semaine du 18 mai par des inspecteurs de Demeter et d’un autre label semblable, Naturland, en compagnie d’un représentant de la Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CCOO), l’un des syndicats majoritaires en Espagne. Toutefois, il ne nous a pas été possible d’obtenir les conclusions de cette enquête.

Isolés, les travailleurs peinent à se mobiliser


Malgré ces conditions de travail difficiles, il est compliqué pour les travailleurs de se mobiliser. Si le taux de syndicalisation est plus élevé chez nos voisins espagnols (autour de 20%) qu’il ne l’est en France (11%), ce sont la CCOO et l’Union General de los Trabajadores (UGT) qui concentrent la majorité des adhésions. Or, selon un représentant de la Confederación National del Trabajo (CNT), ces syndicats sont peu intéressés par les problématiques que rencontrent les travailleurs des serres andalouses.
Par ailleurs, la syndicalisation est particulièrement rare dans le milieu rural, et les salariés hésitent à témoigner par peur des représailles. Jamal, qui a travaillé à Almería et à Huelva, raconte ainsi qu’une de ses collègues est tombée enceinte et que son employeur l’a mis en congé maternité sans que ne lui soit pourtant versé aucune indemnité. Si cette pratique est en contradiction flagrante avec le droit du travail, la femme en question a peur des retombées négatives et préfère donc se taire. Ces salariés ne parlant pas toujours espagnols sont donc souvent seuls pour faire valoir leur droit face à des propriétaires de serres qui peuvent les licencier du jour au lendemain.
Enfin, les contrôles par les inspecteurs du travail sont rares et peu efficaces. « Quand des inspecteurs viennent, ils préviennent nos employeurs. On nous demande alors de nettoyer les serres de fond en comble et aucun défaut n’est présent à leur arrivée. Les salariés qui pourraient être tentés de critiquer l’employeur sont ensuite placés loin de l’inspecteur et ceux qui lui sont favorables sont placés à proximité ».
Si la lutte de ces travailleurs pour obtenir de meilleures conditions de travail et de logement est donc compliquée, une prise de conscience semble débuter. Le 7 février, le rapporteur de l’ONU sur l’extrême pauvreté alertait publiquement sur l’urgence de la situation. « Nous ne pouvons pas traiter ces immigrés comme s’ils n’existaient pas » insistait-il. Ce sera donc peut-être les consommateurs qui feront évoluer ces pratiques. Comme le rappelait Joanna Moreno : « La société civile peut avoir un rôle à jouer, en refusant d’acheter ces produits ».