Afghanistan : Cap sur une reconstruction heureuse
vendredi 24 novembre 2023
par la rédaction de la Pensée Libre blog ANC
Nous livrons à nos lecteurs ici une suite d’interventions qui ont été faites lors d’une récente rencontre internationale qui s’est tenue en Afghanistan et qui nous apporte des informations sur ce qui se passe en ce moment dans ce pays. Elles divergent avec ce que nous communiquent (ou ne nous communiquent pas) les gros médias occidentaux et méritent à ce titre d’être examinées quoiqu’on puisse penser du système au pouvoir dans les vallées de l’Hindou Kouch.
Avant de vous livrer ces interventions, nous vous présentons un court rappel des événements qui se sont succédé dans ce pays depuis plus de quarante ans et que beaucoup de ceux qui prononcent des opinions catégoriques sur le régime au pouvoir aujourd’hui à Kaboul ont tendance à oublier.
Le lecteur doit donc se rappeler tout d’abord que l’Afghanistan a connu en 1978 un coup d’état qui a amené au pouvoir les communistes du Parti démocratique populaire d’Afghanistan. Ce parti était divisé en plusieurs factions révolutionnaires représentant des lignes et des intérêts divergents dans une société marquée encore par de grandes différences entre milieux urbains et campagnes reculées, comme entre couches populaires rurales, couches populaires urbaines et milieux intellectuels.
Ce qui explique pourquoi les réformes sociales ou en matière de traitement de la religion islamique introduites successivement par les différentes factions au sein du nouveau gouvernement n’ont pas toujours correspondu aux intérêts ou aux sensibilités des populations locales. Ce que les Etats-Unis ont su exploiter en implantant dans le pays et le long de la frontière pakistanaise une série de bases secrètes de la CIA qui allaient entraîner des militants contre-révolutionnaires souvent soutenus et formés par les monarchies absolutistes arabes.
Et c’est pour contrer ces groupes armés et éliminer en même temps les
factions communistes qui déplaisaient à Moscou qu’un groupe étroit de
dirigeants soviétiques imposa au Kremlin le coup de force de décembre
1979 qui permit d’envoyer l’armée soviétique dans le pays. Cette
irruption de troupes étrangères allait entraîner le pays dans une longue
guerre opposant l’URSS, l’armée afghane et les différentes factions de
supplétifs de la CIA et des monarchies arabes.
Pour beaucoup d’Afghans peu au courant du fait que l’intervention des
Etats-Unis avait précédé celle de l’Union soviétique, c’est cette
dernière qui faisait figure d’envahisseur, ce qui contribua à leur faire
apparaître la lutte des « moudjahidines afghans » comme une lutte de
libération nationale.
C’est finalement la formation d’un nouveau gouvernement communiste, sous l’égide de Najibullah qui allait stabiliser un temps le pouvoir de Kaboul, y compris après le départ des troupes soviétiques. Et ce n’est donc qu’en 1992, suite à la rupture des approvisionnements et des relations commerciales de l’Afghanistan avec la Russie, après une décision du gouvernement Eltsine, que le gouvernement afghan se retrouva aux abois, alors qu’un de ses chefs militaires, le général Dostom, se rebellait contre lui pour se rapprocher de différentes factions de la rébellion pro-occidentale.
Le gouvernement Najibullah s’effondra alors et le pays entra dans une guerre civile prolongée entre les différentes factions qui prirent Kaboul et qui avaient été formées au départ sous l’égide des Etats-Unis et de leurs alliés. Washington se désintéressa dès lors du sort du pays détruit qui sombra dans la misère et dans les guerres. Une partie des anciens rebelles antisoviétiques se sentirent alors trahis par l’Occident, ce qui procura des recrues au réseau désormais mondialisé d’« Al Qaïda ».
C’est alors qu’une partie des anciens élèves en religion formés dans
les écoles religieuses au Pakistan dans le cadre de la lutte
antisoviétique, les talibans, décidèrent de se rebeller contre tous les
chefs de factions qui s’entredéchiraient et de prendre entre 1994 et
1996 le contrôle du pays pour y restaurer l’ordre, éliminer la
corruption et le commerce de la drogue.
Ils parvinrent vite au pouvoir avec l’appui d’une partie importante de
la population opposée aux seigneurs de la guerre, ce qui leur permit
d’instituer un gouvernement et un régime politique théocratique
particulièrement dur s’appuyant sur la loi coutumière pachtoune, la
« pushtunwali », combinée avec une interprétation rigoriste de la loi
islamique.
En 2000-2001, l’Afghanistan des talibans refusa les conditions mises par Washington pour la construction d’un gazoduc devant relier l’Asie centrale à l’Océan indien, ce qui, outre des bénéfices pour leurs entreprises, aurait permis aux Etats-Unis d’étendre leur influence sur l’Asie centrale post-soviétique et futur nœud des communications du projet chinois « une ceinture, une route ».
C’est dans ce contexte que les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont servi de prétexte à l’invasion puis à l’occupation du pays par les Etats-Unis et l’OTAN. Une nouvelle guerre allait se dérouler entre les occupants et les talibans qui entrèrent dans la clandestinité et menèrent avec succès ce qu’ils considéraient comme une guerre de libération nationale. Celle-ci se termina par la déroute des occupants et l’instauration d’un nouveau pouvoir taliban sur le pays réunifié, et cela malgré la présence de groupes armés d’ ISIS (« Daech ») transportés dans le pays à partir de certains pays arabes, avec sans doute l’aval de certaines puissances occidentales au moment de leur défaite.
L’Afghanistan actuel est un pays gouverné par une sorte de « double pouvoir ». D’un côté les anciens dirigeants de la guérilla basés à Kandahar et d’un autre le gouvernement à Kaboul. Les premiers, comme partout en Asie, jouissent du respect dû aux anciens, d’autant plus que c’est eux qui ont animé ce qu’on considère comme la lutte de libération nationale. Ils ont donc la prééminence formelle sur le gouvernement.
D’un autre côté, les gestionnaires plus jeunes, plus modernes et sans doute plus compétents dans leurs domaines, sont prêts à des réformes sociales et de mœurs qui devraient venir avec le temps. En Asie et dans l’aire musulmane, il faut savoir qu’on ne compte pas le temps comme on le fait en Occident, la patience est une vertu cardinale, et les autorités de Kaboul savent donc que le temps travaille pour elles mais qu’on n’a pas le droit d’accélérer la marche de l’histoire en engageant un conflit de générations et de compétences qui briserait la légitimité d’un régime acquise de longue guerre et qui remettrait peut-être en cause la paix si chèrement acquise.
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