A MICHÈLE, UNE SOCIALISTE "AMIE" ANCIENNE, QUI S'EST FÂCHÉE AVEC NOUS, QUI A BRISÉ CETTE AMITIÉ, PARCE QU'ELLE SE DISAIT DE GAUCHE MAIS NE SUPPORTAIT PAS QUE JE CRITIQUE MITTERRAND, L'HOMME A LA FRANCISQUE QUI A TUÉ LA GAUCHE, LE PARTI COMMUNISTE, ET LES ESPÉRANCES POPULAIRES, QUI NE S'EN RELÈVENT PAS.
UNE SORTE DE PIQÛRE DE RAPPEL SIGNÉE PIERRE
ET SURTOUT SON AMIE GISÈLE
Quelle étrange sensation.
Déconcertante, jamais ressentie, jusqu’à ce jour d’avril 2015. En tous les cas pas à ce point.
Ce sentiment troublant, c’est celui d’être face à un homme
rayonnant en total décalage avec la décourageante réalité qui l’entoure,
à l’image du chef d’orchestre du Titanic continuant de galvaniser ses
musiciens au mépris de l’inéluctable naufrage.
Ce jeudi 30 avril 2015, François Hollande nous a donc fait une
confidence inattendue. Le chef de l’Etat nous a tout simplement confié
qu’il se sentait enfin à sa place, épanoui à la table des grands de ce
monde. Sûr de lui, et de ses méthodes. L’économie en berne, le chômage
indomptable, la pression terroriste, sa majorité déchirée, les moqueries
récurrentes, les sondages calamiteux…? Peu importe. Sa bonne fortune
diplomatique si elle indiffère ses concitoyens, lui a donné une immense
confiance en lui. (p.514)
Cet individu rayonnant de bonheur qui déconcerte les deux
journalistes qui recueillent ses confidences est bien sûr Hollande dont
on peut considérer qu’il a été des plus calamiteux président monarque
tout puissant de la République française. C’est la conclusion de que
l’on peut tirer de ce livre dont je vous entretiens depuis plusieurs
jours et qui sera, on peut l’espérer dans un futur moins sordide, un
témoignage sur l’état réel du pouvoir de la Ve république dans des temps
qui sont ceux de la chute de l’empire d’occident.
Hollande, en parfait imbécile satisfait, nage dans le bonheur alors
qu’il a soit accéléré les méfaits de ses prédécesseurs, soit innové en
la matière en particulier au plan international où on lui doit non
seulement le désastre syrien, l’expédition malienne et avec la
complicité de Merkel, l’actuelle guerre d’Ukraine, le tout pratiqué dans
la vassalité la plus soumise à l’impérialisme américain et le mépris
total du peuple français et de ses représentants. Si l’on ajoute à ce
palmarès les différentes atteintes au code du travail, la poursuite et
l’amplification de la politique de Sarkozy et le sacrifice du nucléaire
nous avons là le portrait parfait de ce qui a conduit l’électorat au
désaveu non seulement du PS mais de la gauche tout entière. Son ministre
et successeur Macron qui est à peu près aussi mégalomane et gonflé de
sa propre importance devra son succès non seulement au soutien de “la
finance” mais également à la promesse de n’être ni à droite, ni à
gauche.
Mais le trait caractériel le plus marquant de ces personnages, dont
le modèle demeure Mitterrand, c’est comme on dit vulgairement d’avoir
“le melon”. Ils se considèrent d’une autre espèce jouissant désormais de
l’appartenance à l’olympe des dieux dans lequel les médiocres manœuvres
et petits ragots, banquets, comme dans l’original, font de vous des
despotes capricieux. C’est cette vulgarité incroyable et la manière dont
à un moment elle culmine jusqu’à la jouissance suprême : celle de
décider de la vie et de la mort par guerre, bombardement et même
assassinats télécommandés par lesquels on sait ÊTRE une grande
puissance.
Le paradoxe c’est que ce genre d’individu se veut pragmatique, loin
de toute idéologie, alors qu’il ne cesse de sacrifier à une vision
totalement idéologisée. Celle qui le lie à l’atlantisme et soumet toutes
ses décisions internationales à la conformité avec la volonté des USA
dont nous avons déjà parlé. Mais au plan intérieur, l’idéologie est tout
aussi contraignante et cette fois elle concerne le carcan européen, la
peur de nuire non seulement à l’UE mais à la zone euro.
Il ne se reproche jamais rien, simplement il n’aurait pas dit la
manière dont il ne peut pas dire la vérité aux Français pris comme il
l’est dès 2012 entre la crainte des marchés et celle de l’Europe, qui
lui aurait promis d’ajouter un “volet croissance au traité budgétaire”.
“Et dans la foulée n’aurait-il pas fallu proposer une autre politique,
s’affranchissant des contraintes à Bruxelles, en revanche, il ne le
pense pas: “Est-ce que nous aurions dû dire: “Nous renonçons en
conséquence à réduire nos déficits budgétaires et donc à aller vers les
3%”? Si je l’avais dit , dans le contexte de la crise de la zone euro.
On aurait dit: “La France se distingue, se détache… Il fallait que je
rassure la zone euro, si je puis dire: c’est le traité européen que nous
avons finalement adopté au mois d’octobre. J’aurais pu dire : “La
France se délie de l’engagement qui aurait été pris par mon
prédécesseur, et nous ne ferons pas le traité budgétaire européen”.
C’était la crise, non pas entre la France et l’Allemagne, mais la crise
dans la zone euro, qui explosait”. “(p.221 et 222)
Il n’a pas d’idéologie, c’est un grand pragmatique parce qu’il suit
l’impulsion du gouvernement Fillon dans le respect absolu de ces deux
“totems” que sont la soumission aux Etats-Unis donc à l’OTAN et le
patriotisme de l’UE, celui que peut inspirer la France étant pris dans
ce qui relève de “la nature” présidentielle ou l’art d’accommoder les
restes pour le peuple français, “le Hollande-caméléon, cet animal élastique aux phénoménales facultés d’adaptation”
ressort en homme de droite, privilégiant la politique de l’offre, mais
c’est tout le PS qu’il traîne dans le sillage de ses reniements et ça
c’est pas triste… Mais cela convainc aussi de la vanité de toute
solution de gauche qui prétendrait ne pas reposer sur des ruptures
fondamentales qui sont malheureusement encore loin de tous les
programmes français. Il faudra une volonté collective aux antipodes non
seulement des choix politiques opérés par Hollande mais de l’exercice du
pouvoir tel qu’il domine en France aujourd’hui.
Si l’on prend la fonction présidentielle telle qu’elle ressort de cet
écœurant déballage, elle repose sur un mécanisme tel que nul ne paraît
susceptible d’y échapper et cela dès la campagne électorale. L’élection,
et l’intronisation sont certes déterminants, mais n’y a-t-il pas dans
la compétition elle-même quelque chose qui détruit l’individu? Ou alors
est-ce parce que l’individu qui arrive là ne peut qu’être de ce type-là
jusqu’au grotesque ? D’abord, la procédure le met au dessus des partis,
qui l’ont pourtant poussé mais duquel il s’émancipe inexorablement pour
n’y voir plus que des obligés, des courtisans. C’est la mise à mort de
toute mobilisation collective citoyenne. Le candidat apprend peu à peu à
leur substituer les médias, les journalistes devenus en fait les seuls
avec lesquels il peut avoir des échanges, des complicités de cabot… Lui
seul désormais connaît, lui et les courtisans qui saluent ses
prestations, le rassurent et commentent. C’est désormais dans ses
faiblesses que le petit bourgeois médiocre parait un peu échapper à
cette montée à l’olympe et à ses querelles de dieux s’abattant toujours
sur les pauvres mortels. Entre nous il suffit de contempler l’état de
Marine Le Pen, celui de Mélenchon pour mesurer ce que peut être cette
montée à la présidence. Puis le doute vous vient, est-ce qu’il n’en est
pas ainsi de la plupart des élections, y compris celle de députés, de
sénateurs s’affranchissant peu à peu de tout lien avec leurs mandats et
ce en particulier sur les questions internationales comme l’a prouvé le
récent vote de la résolution 390.
La France se résume plus ou moins aux compromis d’un monde de
notables, méprisant, un univers des bals de sous préfecture, on en est
ou pas… Tout est dans le plan de table de la sous-préfète et il y a
toujours quelques noms à rallonge comme conseiller diplomatique.
La politique devient à cet exercice, le seul en fait qui passionne
les médias. Mais peu à peu on s’interroge sur ce qui a survécu à
l’exercice d’une telle démocratie.
Ainsi cette “confidence” à propos de la DGSE sur laquelle je vous
laisse méditer en vous disant que tout le livre et tout le niveau
d’ambition de Hollande est à ce niveau : “Il n’y aurait pas eu
l’histoire du Mali, on aurait déjà écarté Corbin de Mangoux”, nous
confie-t-il le 1er février 2013. Nommé à l’Elysée en 2007 conseiller de
Nicolas Sarkozy pour les affaires intérieures, Erard Corbin de Mangoux
avait pris la tête des services secrets extérieurs l’année suivante.
Pourtant, à en croire Hollande, ce n’est pas le profil “sarkozyste” du
préfet qui est en cause. “Ce qui nous pose problème, affirme-t-il, ce
n’est pas qu’il ait été chez Sarkozy, c’est qu’il nous dise peu de
chose, qu’il retienne les informations. C’est comme cette histoire en
Bulgarie, qui est quand même incroyable…”
Dans la nuit du 15 au 16 octobre, cinq agents du service
action de la DGSE avaient été surpris alors qu’ils réalisaient un
entraînement clandestin à proximité de la commune de Pleven, en
Bulgarie. Repérés par des villageois armés, ils avaient été roués de
coups et contraints de s’enfuir. L’affaire avait viré à l’incident
diplomatique, et tourné en ridicule les services français. Lorsqu’on lui
demande s’il avait été informé de cette mission, Hollande s’exclame:
“Mais bien sûr que non!” Et après, on est obligé de gérer ces trucs-là.
Ce n’était même pas la préparation de l’assaut somalien… Ils font des
missions comme ça, dans certains pays sans rendre de compte à personne “(p.481)
Ce grotesque est de même nature que le complot entre Merkel et
Hollande que nous avons décrit et par lequel ils prétendent rouler dans
la farine Poutine: celui qui satisfait l’ego de Hollande et des autres.
Les jeux de “grande puissance”, entre spécialistes et spadassins qui
débouchent sur des meurtres à grande échelle de pauvres types qui ne
demandaient rien et d’autres que le chômage a poussé à l’engagement et
cet abruti est satisfait. Il faut encore ajouter à la description, ce
goût de savoir ou de feindre de savoir du bourgeois sentencieux, dans
lequel avec des airs entendus et quelques cynique propos, on se donne de
l’importance. Et là cela dépasse le phénomène électoral : le pompeux
crétin se répand dans la bureaucratie comme dans les partis. Chacun se
taille dans l’appareil d’Etat privatisé, délité, un domaine réservé où
il exerce un petit pouvoir fait moins d’action que d’inertie. Chacun y
devient tout aussi méprisant et absolu que le chef d’Etat monarque, ce
qui là encore engendre son lot de catastrophes grotesques. Cela double
le spoil system (1) qui veut que chaque président monarque prétende
renouveler l’appareil qui le sert, au début quand on passe de droite à
gauche, d’un parti dominant à un autre mais bientôt cela n’est même plus
une garantie tant les rivalités n’ont plus rien à voir avec les
appartenances idéologiques. Mais il est difficile de tout changer alors
on double, on crée de nouvelles administrations, on démantèle celle qui
existent. Et tout le livre de “confidences” n’est dans le fond que
l’illustration de ces rivalités avec le prédécesseur et la manière
d’empêcher de voir son successeur surgir au sein de votre propre équipe.
A ce titre les papotages sur la manière dont Fillon est venu réclamer
des procès en corruption contre Sarkozy qu’il pensait être à l’origine
de la divulgation de ses propres turpitudes occupent beaucoup le
président qui ne se lasse pas de raconter ce genre d’anecdotes.
Ce livre et le niveau du président est un remède contre la politique
pour l’individu le plus sincèrement engagé et qui découvre avec
stupéfaction ce que peut être celle de la France au plus haut niveau,
avec l’exercice de fait du droit de vie et de mort, de guerre comme
d’assassinats commandés. Il est clair que les informations dont prétend
jouir le dit président et à travers lesquels il justifie ses aspects
“chef de guerre” apparaissent comme totalement suspectes et jamais
réellement fondées. Il y a quelque chose de puéril et d’effrayant chez
cet individu-là dont les motivations réelles deviennent de plus en plus
creuses, en se résumant à un égocentrisme d’une vulgarité stupéfiante.
Le mal est profond, il imprègne désormais de la base au sommet toute
la vie politique française. Aujourd’hui dans l’article que Franck Marsal
consacre aux débats autour du Congrès du PCF sur ce site même, il
montre comment dans ce débat monte l’exigence d’une autre pratique
politique et d’abord à l’intérieur du PCF. Cette exigence alors qu’il y a
un tel abandon, un tel absentéisme dans la vie politique française est
bien évidemment nécessaire à un parti révolutionnaire au meilleur sens
du terme. Mais il faut bien mesurer qu’un tel bouleversement pour être
indispensable n’en est pas aisé, ce qui est la norme, l’évidence, le
“pragmatisme”, voire le bon sens va a contrario et ces
écœurantes confessions d’un président “de gauche” ont le mérite de nous
prouver à quel point le mal est profond. Ceux qui dans le PCF ont
entrepris la liquidation le font au nom du même “pragmatisme”, du même
égoïsme individualiste, de la même autosatisfaction incapable de la
moindre autocritique. Ils partagent cet univers-là et prétendent faire
de leur échec, abandon, trahison la preuve qu’il serait vain de vouloir
être autre. Ces gens-là ont multiplié les catastrophes, couvert y
compris de véritables crimes et tortures du pouvoir et ils continuent
comme Hollande prétendre défendre leur bilan au nom de la gauche voire
de la prime “au sortant”.
Danielle Bleitrach
(1) Le système des dépouilles (spoils system) est un principe
selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la
loyauté partisane des fonctionnaires, substitue des fidèles à ceux qui
sont en place. Il caractérisait les Etats-Unis
alors que la France s’est au contraire longtemps caractérisée par un
système de grands commis de l’Etat, un fonction publique avec ses
incorruptibles obsessionnels. Il faudrait voir comment un système comme
celui de l’ENA, son pantouflage, passage du public au privé, et les
vagues de privatisation, a joué en même temps que la présidentialisation
de la Ve république pour aboutir à ce partage des dépouilles lié aux
élections.