mercredi 26 avril 2023


Publié par El Diablo

 

Chers tous,

Ces remarques portent sur une déclaration un peu lointaine (datant de plus d'un mois) mais comme leur objet - la contestation de la (contre)-réforme des retraites - est loin d'être obsolète, je vais y revenir quelques instants.

- Le 21 mars dernier, la veille de son interview, à 13 h, sur les chaînes nationales, Emmanuel Macron, devant les élus de son parti, a dit : « L'émeute ne l'emporte pas sur les représentants du peuple ». Par « émeute », il faisait allusion aux nombreuses manifestations (parfois accompagnées de violences et de déprédations) organisées contre sa « réforme » (en fait sabotage) des retraites.

Remarque 1. Emmanuel Macron ne serait pas président de la République (le mot est important) si, le 14 juillet 1789, le 10 août 1792, le 27 juillet 1830, le 22 février 1848, le 4 septembre 1870 (entre autres), il n'y avait pas eu « d'émeutes » (pour reprendre son terme méprisant) qui renversèrent le pouvoir monarchique du moment. Si ces « émeutes » n'avaient pas eu lieu, la France serait encore un royaume (comme en Angleterre ou en Belgique) ou un empire (comme sous Napoléon III) et le chef de l’État s'appellerait Louis XXII, Charles XV, ou Napoléon VI. Et Macron devrait se souvenir de ce qu'était le roi à l'origine : un chef de bande, un brigand de grand chemin, un peu plus fort, un peu plus rusé et un peu plus impitoyable que les autres, qui, sans état d'âme, éliminait ses concurrents.

Et, peu après et continuellement au cours des siècles, l’Église, à grand renfort d'in-folios, de références scripturaires, de citations latines, de sermons et de catéchismes justifiait le coup de force originel, en expliquant au bon peuple combien il était salutaire et bénéfique de courber la tête et d'être exploité. Ce qui était le propre de l'idéologie.

Remarque 2. Plus précisément, ce terme d'émeute m'a remis en mémoire un passage des Misérables, de Victor Hugo, au Livre dixième, intitulé Le 5 juin 1832, et sous-titré Le fond de la question. Que dit Hugo dans ce sous-chapitre ?

Il dit : « Il y a l'émeute, et il y a l’insurrection ; ce sont deux colères ; l'une a tort et l'autre a droit. Dans les États démocratiques, les seuls fondés en justice, il arrive quelquefois que la fraction usurpe ; alors le tout se lève, et la nécessaire revendication de son droit peut aller jusqu'à la prise d'armes. Dans toutes les questions qui ressortissent à la souveraineté collective, la guerre du tout contre la fraction est insurrection, l'attaque de la fraction contre le tout est émeute ; selon que les Tuileries contiennent le roi ou contiennent la Convention, elles sont justement ou injustement attaquées. » [...]. Et, plus loin, il poursuit : « De là vient que, si l'insurrection, dans des cas donnés, peut-être, comme a dit Lafayette, le plus saint des devoirs, l'émeute peut aussi être le plus fatal des attentats. [...]. La révolte, nous l'avons dit, est quelquefois dans le pouvoir. Polignac est un émeutier ; Camille Desmoulins est un gouvernant. Parfois, l'insurrection, c'est la résurrection. »

Remarque 3 pour l'intelligence des noms citésJules de Polignac fut le dernier chef de gouvernement du roi Charles X (1824-1830). En promulguant les ordonnances de Saint-Cloud, particulièrement réactionnaires, le 25 juillet 1830, il suscita la révolution connue sous le nom de Trois glorieuses (27-19 juillet 1830), qui renversa ce dernier roi de la Restauration. Camille Desmoulins fut un révolutionnaire et conventionnel montagnard, proche de Danton, guillotiné en même temps que Danton, le 5 avril 1794. Il n'eut jamais, à vrai dire, un rôle dirigeant, gouvernemental, à l'instar de Robespierre, Danton, Saint-Just, Couthon ou Carnot. Hugo joue néanmoins de ce rôle subalterne, moindre, pour en faire, paradoxalement, en le qualifiant de gouvernant, l'antithèse de Polignac.

Remarque 4. Comment ne pas faire le rapprochement entre la situation de 2023 et celle de 1830 ? Comment ne pas rapprocher le duo Macron-Borne du duo Charles X-Polignac ? En effet, dans les deux cas, nous avons l'exemple de gouvernants, représentant une minorité du pays, confrontée à la majorité des habitants du même pays. En 1830, il y avait le suffrage censitaire, qui n'accordait le droit de vote qu'aux plus riches, ce qui donnait 100 000 électeurs pour 30 millions de Français. En 2023, on se trouve dans la même situation : Macron est triplement minoritaire. D'abord, en 2022, il n'a été élu que par 20 % des inscrits. Ensuite, comme en 1830, ses électeurs sont comme ceux de Polignac : ils regroupent une majorité de classes aisées. Enfin, la contre-réforme des retraites est rejetée par plus des deux tiers des Français et 96 % des actifs. On peut donc, logiquement, appliquer à Macron la définition que Victor Hugo attribue à Polignac : en imposant la volonté d'une minorité à une majorité, il se comporte en émeutier.

Remarque 5. Le 19 mai 1968, face aux grèves et aux manifestations, de Gaulle proclamait : « La réforme, oui ! La chienlit, non ! ». Mais quelques jours après, une affiche était placardée sur les murs de Paris. On y voyait une silhouette de de Gaulle avec ses bras levés, portant l'inscription vengeresse : « La chienlit, c'est lui ». Sur ce même modèle, et en s'inspirant de l'exemple célèbre de Hugo, ne pourrait-on dire de Macron : « L'émeute, c'est lui » ?

Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, compléments et critiques.

Bien à vous

Philippe Arnaud

Amis du Monde Diplomatique - Tours

 

ENTRETIEN. Sophie Binet, à la tête de la CGT: « On peut perdre des batailles sans perdre la guerre »

La première femme à la tête de la CGT entend poursuivre la mobilisation pour obtenir le retrait de la réforme des retraites. En interne, elle doit jouer la carte du rassemblement dans un syndicat qui s’est déchiré lors du dernier congrès. « On n’est pas dans la logique du grand soir », dit-elle.

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, prévient : « La CGT va continuer à se battre pour que la réforme des retraites ne s’applique pas. »
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, prévient : « La CGT va continuer à se battre pour que la réforme des retraites ne s’applique pas. » | THOMAS BRÉGARDIS/ OUEST-FRANCE

Élue au terme d’un congrès houleux dans un contexte marqué par la lutte contre la réforme des retraites, Sophie Binet est la première femme à diriger la CGT. Elle aura la rude tâche de diriger un syndicat où réformistes et partisans d’une ligne dure s’affrontent à intervalles réguliers. « Faire du syndicalisme, c’est être très concret. En partant de la mobilisation et de la volonté de gagner, on arrive à trouver des points de convergence en s’appuyant sur la diversité des regards et des analyses », explique-t-elle dans le premier entretien qu’elle accorde à Ouest-France.

La réforme des retraites a été promulguée. Pourquoi continuer ce combat ?

Sophie Binet : Quand on ne gagne pas par la porte, il faut se battre pour passer par la fenêtre. On peut perdre des batailles sans perdre la guerre. La CGT va continuer à se battre pour que la réforme ne s’applique pas.

Qu’allez-vous faire ?

Le Président peut décider de suspendre l’application de cette loi comme Jacques Chirac l’avait fait avec le CPE (Contrat première embauche). On ne peut pas gouverner contre le peuple. Aujourd’hui, il ne peut plus faire un déplacement sans être rattrapé par des manifestations. Il y a par ailleurs une proposition de loi d’abrogation qui sera examinée le 8 juin. Le hold-up du gouvernement a empêché les députés de voter. Ils peuvent jouer leur rôle et offrir une sortie de crise.

Est-ce que vous avez été déçue par la conduite des débats à l’Assemblée nationale ?

J’ai surtout été déçue par le comportement du gouvernement. Il y a eu un scandaleux verrouillage institutionnel qui n’a pas permis de débat démocratique.

Et la dimension chaotique des échanges ?

Nous sommes dans des institutions républicaines. L’Assemblée nationale n’est pas une assemblée générale. Mais je n’ai pas à juger des stratégies déployées dans l’hémicycle.

Quel est le rôle des syndicats et des partis dans ce débat sur les retraites ?

Le travail avec les organisations politiques progressistes nécessite aussi le maintien de contre-pouvoirs forts. On voit la nécessité de conserver un syndicalisme indépendant. Les rôles sont complémentaires. C’est aux organisations syndicales d’animer la mobilisation et de la rythmer et aux partis de conduire cette bataille au Parlement. C’est aussi à ces derniers d’élargir l’horizon politique et d’offrir des alternatives.

Publié par El Diablo

 

Les patients qui décèdent sur des brancards dans les services d’urgence s’accumulent. L’association professionnelle Samu-Urgences de France, présidée par François Braun avant qu’il ne devienne ministre de la Santé, avait même lancé fin 2022 un recensement et avait comptabilisé uniquement par voie déclarative 38 décès dits « évitables ». Depuis la situation s’aggrave. Les urgences du CHU de Grenoble annoncent un troisième décès en quelques mois et le service des urgences de Metz, dirigé auparavant par le même François Braun, a également été concerné avec la mort d’une jeune femme de 19 ans.

Mais le gouvernement reste impassible avec un président de la République qui annonce du haut de son Olympe qu’il va « désengorger » les urgences. Sa crédibilité est nulle car il n’a pas répondu à nos demandes lorsque nous étions dans la rue en 2019 pour dénoncer cette situation. Depuis il a continué à fermer des lits – plus de 20 000 depuis son arrivée au pouvoir – alors que justement la sortie des urgences est « engorgée » par les malades qui doivent être hospitalisés.

En ce qui concerne la médecine de ville, rien n’est fait pour donner une priorité aux visites à domicile, pour qu’il y ait des médecins dans les EHPAD et – autre promesse de Gascon du président – que les 700 000 personnes souffrant d’une affection de longue durée disposent d’un médecin traitant très rapidement. Dans le même temps, le ministre de la Santé applique de manière brutale la limitation de l’intérim à l’hôpital sans donner les moyens à ce dernier de s’organiser, ce qui entraîne des fermetures de service de manière quotidienne depuis début avril.

Ainsi, l’hôpital de Langon en Gironde dans lequel le ministre s’est déplacé cette semaine voit son service d’urgence fermer ce dernier week-end. Dans le département où je travaille, ce sont les urgences de l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois qui sont fermées aux patients arrivant par leurs propres moyens jusqu’au 2 mai. Or ce service est un des plus importants d’Ile-de-France et est l’hôpital support pour l’aéroport de Roissy. Cette situation était prévisible car ce même hôpital avait fermé ses urgences en septembre dernier à la suite de l’arrêt de travail de la plupart des personnels soignants pour cause d’épuisement.

Fatigue, conditions de travail dégradées, sous-effectifs sont le lot quotidien des soignants. Ils n’en peuvent plus et sont très nombreux, médecins et non-médecins, à préférer quitter le bateau qui est en train de couler avant de se noyer. Car il s’agit bien de cela, partir avant de craquer. Alors oui, la colère peut aider à tenir mais elle épuise et sans perspectives d’améliorations, elle est stérile. Mais comment de pas être touché au plus profond de soi-même quand dans son service survient un décès car le manque de personnel n’a pas permis d’assurer une surveillance et des soins optimaux.

Combien rentrent chez eux le soir en culpabilisant et parfois en pleurant. La catastrophe est déjà là et il y aura d’autres morts qui pourraient être évitées. Des morts dont la responsabilité morale est celle de ceux qui font tout pour que la santé devienne une activité marchande comme les autres et nous mènent tout droit à un système à l’américaine, où le business est très florissant avec des dépenses de santé 50 % supérieures aux nôtres mais avec une espérance de vie qui chute et qui est passée en-dessous de celle de tous les pays développés.

Docteur Christophe Prudhomme

Praticien hospitalier – SAMU 93