A propos de l’instrumentalisation 
de la démocratie par l'Occident, alors que la RP de Chine revendique le 
rôle dirigeant du parti communiste, face aux pressions impérialistes, à lire ici.
Il existe actuellement cinq pays 
officiellement socialistes dans le monde, qui sont tous dirigés par un 
parti unique, ou placé institutionnellement au pouvoir, ce qui revient 
presque au même. Cela ne signifie pas que ces pays ne sont pas des 
démocraties. Ce sont : Cuba, La RPD de Corée, la RP de Chine, le Viet 
Nam, et le Laos.
On a toujours martelé l’accusation : les communistes seraient les fossoyeurs de la liberté. 
Et
 en effet, nous sommes les fossoyeurs de la liberté du capital, des 
capitalistes, et de leurs agents et des hommes et des femmes dont ils 
ont lessivés le cerveau. Et cela fait de nous des défenseurs presque 
exclusifs de la liberté réelle dans ce monde sur-aliéné à l'argent, à la
 marchandise et au spectacle .
La
 liberté, pour reprendre la rigoureuse définition de Friedrich Engels, 
c'est la conscience de ce qui doit être fait nécessairement, et non le 
droit d'ignorer superbement autrui en faisant tout ce qu'on veut (tout 
ce qu'on a fait vouloir), ou de scandaliser pour se faire remarquer.
Dans
 la société bourgeoise, loin que la liberté de l’individu s’arrête aux 
bornes de celle d’autrui, comme l’affirme la déclaration des droits de 
l’homme, la liberté illimité de l’argent y écrase complètement la 
liberté d’autrui.
Si
 on veut la démocratie, il faut l’imposer aux minorités qui accaparent 
la puissance politique : les nobles, les riches. Sinon, on n’en aura que
 l’apparence.
Il
 ne faut pas confondre démocratie, et régime d’assemblée. Même la 
démocratie étymologique, celle de Périclès, à Athènes, au Vème siècle 
avant Jésus Christ, où l’assemblée du peuple était toute puissante, 
était fondée sur la guerre, l’impérialisme et l’esclavage, et n’en était
 pas une au sens actuel.
Tant
 que les partis communistes ont revendiqué et défendu le système de 
parti unique qui prévalait dans les pays socialistes, ils ont été de 
puissantes forces politiques, des contre-pouvoirs démocratiques 
efficaces dans les pays capitalistes, et des bornes posées par la classe
 ouvrière à la dictature du capital sur ces pays. Les peuples 
occidentaux comprenaient très bien qu'il était consistant et logique 
pour un pays socialiste d'interdire aux représentants du capital sous 
ses formes diverses de briguer le retour au pouvoir. Mais dès que ces 
partis ont accepté de se soumettre à l’État de droit tel qu’il est 
défini par le libéralisme politique leur puissance s’est évaporée.
Les
 pays qui se revendiquent du socialisme méritent le titre quand ils 
empêchent les capitalistes étrangers ou à domicile de jouer un rôle 
politique. 
Cet
 interdit, s’il n’est pas suffisant pour préserver le socialisme, est 
nécessaire. Il comporte des risques mais il est inéluctable pour la 
maîtrise de l’échelle temporelle de la révolution de longue durée dont 
il est question. Personne n'a jamais voté pour le remplacement du 
féodalisme par le capitalisme, et ce ne sera pas le cas non plus quand 
celui-ci laissera la place au socialisme. Un petit nombre de personnes 
ont conscience claire de ce qui est décisif, au moment du choix décisif,
 et même comprennent son caractère décisif.
Le
 parti communiste, comme Gramsci l'a défini dans les prisons de 
Mussolini, est la forme moderne et collective du Prince de Machiavel, 
qui instruit ce petit nombre et le met au service de la classe 
prolétarienne. Le parti objectif n’est pas toujours celui qui porte ce 
nom, ce que chacun sait (ce serait trop simple).
Réclamer
 le multipartisme à Cuba ou en Chine, c’est réclamer le retour au 
capitalisme. C’est d’ailleurs tout à fait revendiqué par le discours 
impérialiste dominant des "révolutions colorées" qui tente de pousser 
les gens à descendre dans rue contre le socialisme au nom du pluralisme,
 sans autre programme.
Mais
 alors demandera-t-on avec un peu d’inquiétude : quelles sont les 
garanties pour la liberté individuelle s’il n’y a pas de pluralisme ?
Il
 n’y en a pas. Mais ces fameuses garanties n’existent en réalité nulle 
part : la bourgeoisie pose des règles, et lorsqu’elles ne lui 
conviennent plus, elle les change. L’inscription dans le marbre des 
libertés fondamentales des individus ne pèse pas lourd en face des 
intérêts matériels. Et son pluralisme n'est que celui des grands 
intérêts.
De
 toute manière, la démocratie n’est pas individualiste. Son grand 
paradoxe dans l’histoire est que lorsqu’elle est véritable, elle est 
toujours aussi une dictature exercée sans faiblesse l’encontre de ses 
ennemis, contre les classes privilégiées de la naissance et de la 
fortune et contre leurs agents culturels. Ce qui explique le fait que 
dans toute la culture politique classique de l’Antiquité à 1848, la 
démocratie entendue au sens étymologique, « le pouvoir populaire », est 
détestée et redoutée par les élites qui donnent le ton dans la culture. 
C’est le règne de la tourbe, de la racaille, de la canaille, de la foule
 puérile et cruelle de Gustave Le Bon qui opprime la mince couche 
sociale civilisée et cultivée qui revendique pour elle-même et pour elle
 seulement le caractère humain.
Or
 au contraire la démocratie reflète la prise de conscience des masses, 
et cela ne peut advenir qu’après avoir éliminé la puissance d'influence 
mécanique de l’argent qui reproduit à l’infini la foule sans conscience 
des aliénés.
Un
 exemple actuel particulièrement frappant de cette puissance mécanique 
est le développement depuis un demi-siècle du courant politique 
réactionnaire islamiste qui a fait couler tant de sang et encore plus 
d’encre, et qui n’a pu se développer dans de telles proportions, que 
grâce à l’injection massive de fonds pétroliers, et sous la haute 
protection occidentale. Mais ce qui est dénoncé chez "l'autre" islamique
 existe aussi chez nous.
Ni
 les réactionnaires religieux musulmans, ni les églises affairistes 
évangélistes, ni les courants conservateurs de l’Église catholique, ni 
les partis chauvins de tous les pays n’ont obtenu la moindre influence 
par leurs mérites éthiques, ou par leurs analyses et leur compréhension 
du monde réel et de ses enjeux. Leur seule inspiration provient des 
fonds illimités de leurs donateurs, et leur seule intelligence est le 
martelage publicitaire à la manière de Goebbels.
Curieusement
 personne ne se demande pourquoi contre toutes les lois de la 
probabilité les résultats des élections "libres" convergent en général 
vers la constitution de deux camps de force à peu près égale, qui 
obtiennent des scores très proches, de l’ordre de 50 % pour chaque camp 
[au Pérou, le 6 juin 2021, Pedro Castillo - exception d'une alternance 
véritable qui confirme la règle - a obtenu 50,12% des voix!], au lieu de
 présenter une variation aléatoire de résultats. On présente une 
victoire à 52% comme un immense succès alors qu'elle comporte une large 
part de raisons aléatoires qui auraient aussi bien pu justifier le 
résultat inverse et qu'elle n'implique aucune prééminence morale ou 
théorique. Cette convergence s’explique par la pratique concrète des 
partis électoraux  : ils ne mesurent leur action qu'à la résistance du 
camp d’en face, ce qui fait que chaque effort du coté "bleu" provoque 
une réaction similaire du coté "rouge" . Autrement dit, ces partis sont 
complémentaires dans une totalité stable, ont à peu près la même 
capacité de recueillir des fonds, ce qui se fait toujours en dernier 
ressort auprès des capitalistes, et participent en commun à la 
construction, autour d’enjeux factices ou dépassés, d’une vision 
purement idéologique du monde, sans prise sur le réel.
La
 démocratie véritable ne résultera jamais de la confrontation électorale
 où le slogan anti-apartheid « one man, one vote » est retraduit « one 
dollar – one vote ». La démocratie en action ne provient pas de la 
confrontation et des compromis de clans ou de partis qui sont autant de 
mafias, et dont le jeu libre ferait apparaître magiquement l’intérêt 
général ou l’optimum politique. Il ressort au contraire du cirque 
électoral presque universellement méprisé du bon sens populaire mais 
révéré avec idolâtrie par la culture des Instituts d'études politiques 
un spectacle complètement nul qui est le contraire parfait de la 
participation véritable et en connaissance de cause du peuple aux 
décisions qui le concernent.
Toutes
 les associations, des confréries mystiques aux clubs de supporters, 
prétendent partager un idéal, ou une éthique, ou pour parler avec les 
concepts relâchés de l’époque, « des valeurs », mais on constate que 
dans l’univers libéral cet affichage moralisant cède le pas aux 
relations concrètes qui lient entre eux les individus ambitieux qui les 
constituent, et dont l’ambition personnelle est souvent la seule 
qualité. Les organisations du pluralisme ont comme objectif rationnel 
rien autre chose que le beefsteak de leurs adhérents. La 
franc-maçonnerie est l’archétype de ce fonctionnement à deux vitesses : 
un idéal commun fumeux à la limite de la puérilité qui recouvre des 
relations d’affaire et des conflits d’intérêt, avec un double 
recrutement de naïfs et de pourris, et de naïfs qui pourrissent sur pied
 au fur et à mesure qu’ils s’affranchissent.
Donc
 l’idéal du parti communiste n’est pas de ce type. Le parti n’est pas un
 trafiquant d’influence qui produit des discours et des récits trompeurs
 mais un maître d’œuvre qui recrute des membres à l’esprit constructif, 
pour reconstruire le monde.
Le
 parti bourgeois, par contre, (y compris le parti bourgeois d’extrême 
gauche) est en fait un lieu de survie tissé par des réseaux d’ordre 
économique, des trafics, et par des réseaux sexuels. 
Pour
 éviter de lasser le lecteur, concluons : le socialisme et la démocratie
 réelle qu’il permet et qu’il implique ne sont pas un système libéral, 
parlementaire, où les représentants du peuple s’insultent en public et 
magouillent amicalement en privé, et dont les fausses querelles peuvent 
malheureusement pousser les gens ordinaires à s’entre-tuer, comme hier 
en Yougoslavie, et en 2019 dans le Caucase (et même aux États-Unis !) .
Simple
 question : la démocratie règne-t-elle davantage maintenant en Arménie, 
et en Azerbaïdjan ? Ou régnait-elle plutôt sans en avoir l’air à 
l’époque où ces deux pays formellement indépendants, aujourd’hui engagés
 dans un conflit absurde, étaient deux des républiques soviétiques, au 
sein de l’Union, sur un pied d’égalité avec la Russie ? Et a fortiori, 
en Ukraine et en Russie ?
Le
 plus mauvais gouvernement socialiste vaut mieux que la meilleure 
démocratie libérale, parce qu’en cette pseudo-démocratie, c’est le 
capital qui gouverne. Il vaut mieux être gouverné par des êtres humains 
que par des choses. Et ce n’est pas la montée en puissance 
l’Intelligence Artificielle qui va nous démentir !
GQ, 17 novembre 2020, relu le 14 juin 2021
PS
 : L'intention de l'article, qui est destiné aux nouvelles générations 
de militants, n'est pas forcément de promouvoir le système de parti 
unique, qui a des défauts, comme c'est indiqué dans le texte sans 
développer, mais de leur montrer qu'y recourir quand c'est nécessaire 
pour préserver le but est parfaitement légitime. C'est un système que 
les bolcheviks ont été contraints d'appliquer pour faire face à la 
contre-révolution, à partir de l'été 1918, et qui a perduré parce que 
jamais la bourgeoisie mondiale n'a admis la légitimité de l'État issu de
 la Révolution d'Octobre, ni des autres États socialistes fondés par la 
suite au XXème siècle. Si le gouvernement américain actuel n'admet pas 
la légitimité du gouvernement chinois sous la conduite du parti 
communiste, ce n'est pas parce qu'il n'est pas pluraliste, mais parce 
qu'il est socialiste et souverain dans une mesure qu'il trouve déjà 
excessive, et il réclame l'introduction du pluralisme en Chine (ou à 
Cuba) pour pouvoir y favoriser librement l'action de ses agents, qu'ils 
le soient objectivement ou qu'ils soient directement patentés. Le 
pluralisme considéré comme fétiche dans le système de l'Empire globalisé
 est la garantie qu'à long terme ses clients, financés , publicisés, et 
légitimés par ses médias et se diplomates l'emportent partout.