vendredi 2 septembre 2022

L'extrême-gauche, encore et toujours,

 contre les ouvriers

2 Septembre 2022 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Théorie immédiate, #Qu'est-ce que la "gauche", #GQ, #Front historique, #Positions

 

La maladie infantile du communisme (une suite à Lénine) :

Il y a une grande différence entre l’activité révolutionnaire dont le centre et la raison d’être se trouve au final dans l’intérêt et dans l’action du prolétariat et l’activité politique d’extrême-gauche qui volontiers prêche la révolution, mais pas de manière à la rendre populaire parmi les masses !

Cette tendance politique n’est en effet pas du tout une expression du prolétariat, ni même de la petite bourgeoisie, mais plutôt une expression de secteurs ou d’individus déclassés de la bourgeoisie proprement dite, et de son intelligentsia. Il faut rechercher le sens et la fonction sociopolitiques de l’extrême-gauche dans les contradictions internes de la bourgeoise : fractions montantes, ou au contraire groupes fragilisés à le recherche de rentes, problèmes d’affectation des héritiers, des cadets, des parents pauvres, ou parfois comme ce fut le cas autour de mai 1968, une dynamique de transformation inhérente au capital lui-même, et à son besoin d'un panel à qui proposer le renouvellement des marchandises à offrir sur le marché.

On voit que l'origine sociologique de l'extrême-gauche est presque la même que celle de l’extrême-droite internationale classique, avant qu’elle ait reçu la correction de 1945 administrée par l’Armée Rouge.

Extrême-gauche et extrême-droite ont en commun le culte de Nietzsche et la haine de l’URSS - et souvent aujourd'hui, rancunier comme ils sont, de la Russie.

La gauche et l’extrême gauche dans le système cohérent de la vie politique bourgeoise, sont formées de ceux qui veulent changer l’ordre capitaliste pour l’améliorer, le modérer, le rendre plus humain, et les plus extrêmes dans cette direction sont ceux qui pensent avoir quelque chose à gagner directement dans la dramatisation de l’agitation politique notamment en attirant l’attention sur leur personne.

Il y a dans tous les partis des professionnels de la politique, et sans eux, pas de continuité ni d’action cohérente possible, mais ces professionnels peuvent rester au service du prolétariat, ou se servir de sa cause, pour se servir eux-mêmes, et entre les deux comportements plutôt qu’une frontière bien délimitées par des grands principes (mais la moralité individuelle joue aussi son rôle) il y a plutôt une zone grise de transition. On trouve rarement dans la biographie d’un militant 100 % d’abnégation, ou 100 % d'opportunisme.

Le critère de distinction entre le groupe révolutionnaire prolétarien et le groupe d’extrême-gauche à l’agitation spectaculaire, mais politiquement passif ou même nocif, est donc non pas le radicalisme verbal mais le réalisme politique, et la volonté d’exercer le pouvoir au nom du prolétariat.

Bien entendu, nous considérons ici comme « d’extrême-gauche » ceux qui se désignent eux-mêmes ainsi, ou qui se satisfont de cette étiquette quand elle leur est accolée par les autres et par les médias. Nous les désignons plus généralement comme les « gauchistes », comme le faisait Lénine, qui visait dans sa brochure de 1922, La maladie infantile du communisme, le courant conseilliste ou « soviétiste » qui se revendiquait exagérément de Rosa Luxembourg et qui interprétait littéralement le slogan « tout le pouvoir aux soviets » comme un appel à l’autogestion généralisée. Et dont Socialisme ou Barbarie et les situationnistes sont des continuateurs, deux générations plus tard (l’Internationale Situationniste fut fondée par Debord et ses acolytes en 1957). Mais le gauchisme comme tradition politique bourgeoise relève plutôt d’autres courants, moins innocents, aux financements plus opaques, dont les développements principaux sont d’ailleurs bien postérieurs à Lénine, ce sont le communisme libertaire anarchiste individualiste, le trotskysme, et le maoïsme de salon.

Ce qui caractérise tous ces courants, c’est le refus des étapes intermédiaires entre la situation présente et le communisme, et le refus des compromis et des alliances provisoires nécessaires pour y parvenir. C'est l'incompréhension de la dialectique (on ne comprenait pas, par exemple, qu'il faille faire la guerre à Hitler pour préserver la paix). Et donc le refus, théorisé ou non, de l’État socialiste et de sa politique machiavélienne, et de sa stratégie qui pour en être une ne peut pas être à tout moment transparente.

Ce critère de la pratique peut être parfois difficile à utiliser : si un gauchiste comme Mélenchon en arrive à briguer réellement le pouvoir, il devient du même coup relativement plus légitime qu’un parti prolétarien trop faible pour envisager ce but. Parfois des politiciens douteux se retrouvent à leur propre étonnement dans un costume trop grand pour eux. En général ils ne le restent pas très longtemps.

D’autre part il s’est développé, de concert avec l’écologisme (qui a beaucoup de liens à son origine avec le courant anarchiste - mais aussi avec la réaction antidémocratique), un nouvel esprit gauchiste non seulement sectaire comme il l’a toujours été, mais sectoriel, communautaire, séparatif, « intersectionnel » qui met l’accent sur les luttes de minorités considérées à tort ou à raison comme particulièrement opprimées.

Ce faisant il n’aide en rien les membres des dites minorités qui sont réellement opprimés, c’est à dire ceux qui font partie du prolétariat. Et quant aux autres, ils n’ont pas vraiment besoin d'aide !

Ce gauchisme est la continuation, mais aussi la métamorphose et dans bien des cas l’inversion des combats pour les droits civiques qui ont marqués les années 1960 et 1970 dans les métropoles occidentales. Pour l’essentiel, ces combats ont gagné la partie à l’époque et les discriminations institutionnelles ont disparu : les dates charnières étant la promulgation de l’amendement des droits civiques en 1964 aux États-Unis, et la fin du type de société qualifiée par Foucault (parangon intellectuel du gauchisme libéralisant) de « société disciplinaire », à la suite des mouvements qui comme mai 68 terminent l’histoire du mouvement ouvrier traditionnel, tout en écrivant les premières pages des « révolutions colorées » libérales. Le laissez-faire des mœurs et le laissez-faire économique sont les deux expressions du même slogan des années-fric, « chacun fait ce qui lui plait-plait-plait », comme on dit dans la chanson Chagrin d’Amour (1980).

Or la situation générale des minorités dans le nouvel âge du capitalisme post 68 – et on inclura pour la commodité de la démonstration les femmes qui ne sont pas une minorité – c’est la réalité de leur émancipation. Cette émancipation, qui concerne aussi bien les Noirs américain que les Français d’origine maghrébine, les femmes que les homosexuels, les indigènes américains et les minorités ethnolinguistiques un peu partout dans le monde, et même les groupes religieux dissidents, se caractérise par la recomposition à la faveur du mouvement dans leurs rangs d’une bourgeoisie et d’une petite bourgeoisie interne qui prétend au droit de représenter l’ensemble de la communauté sur des bases inter-classistes, et qui s’accapare tout le fruit matériel de la lutte émancipatrice. Les Afro-Américains ou les français d’origine maghrébine sont invités à se sentir libres parce qu’ils peuvent s’identifier à des présentateurs de télévision, des vedettes du sport ou du show-biz, des ministres, ou à de grandes fortunes, et qu’ils peuvent s’ils le souhaitent suivre exclusivement des canaux de diffusion culturels animés à leur intention où ils ne verront que des gens qui leur ressemblent.

Le capitalisme va flatter ces représentants (qui ne sont jamais démocratiquement désignés) et même leur accorder le bénéfice d’une discrimination positive, qui consiste non pas à leur faire une place parmi la bourgeoise déjà nantie et bien installée (d’où chez eux le maintien d’un sourd ressentiment), mais à leur réserver un quota favorable parmi ceux qui sortent des classes exploitées et qui réussissent leur promotion dans la bourgeoisie. La discrimination positive des minorités pour favoriser l’ascension sociale de quelques individus est donc en fait une discrimination tout court à l’encontre des prolétaires sans qualité, c’est à dire n’appartenant pas à une minorité.

Le discours bourgeois est à peu près celui-ci : enrichissez vous comme l’ont fait les plus méritants ou les plus valeureux de vos représentants, et le discours victimaire qui n’en continue pas moins ne porte finalement plus que sur ce point : contrairement aux promesses, il n’est pas possible d'enrichir tout le monde, ni de s’enrichir autant qu’on le voudrait. Et comme on sait, le désir est sans limite.

Pour la grande majorité, qui ne change pas de classe sociale au cours de sa vie, cette politique n’a aucune autre effet que celui de rendre invisible ses revendications. Pour prendre un exemple comme un autre, un ouvrier d’industrie n’a rien à perdre objectivement à une extension des droits des groupes estampillés LGTB (etc.) mais il va quand même bien souvent en prendre ombrage, non pas tant parce qu’il serait un homophobe irrécupérable mais parce qu’il aura le sentiment hélas justifié que cette cause n’est en fait mise en avant dans les médias et les partis politiques que pour prendre la place de la sienne, qu’il estimera, et je pense justement, bien plus universelle bien que trivialement matérialiste. A terme, ce sentiment de frustration, et cette jalousie de la bonne place accordée dans les médias aux surenchères permanentes des représentants des minoritaires peut finalement contribuer à diffuser massivement une sorte de racisme secondaire qui s’appuiera sur le constat que ces néo-bourgeois sont effectivement favorisés, et particulièrement pour l’accès au quart d’heure de célébrité à laquelle se résume l’idée du bonheur post-moderne.

Minoritaire ou non minoritaires doivent pourtant tous les deux se préoccuper de leur beefsteak, même s’il est préparé à base de tofu. Mais le porte-parole minoritaire qui milite en tant que tel a déjà résolu ce problème et vise plutôt à obtenir de tous les autres non plus un droit à l’indifférence qui est acquis depuis longtemps, mais une reconnaissance spéciale qui ressemble beaucoup à une résurrection en plein XXIème siècle de la notion de privilège. Et on remarquera que les minoritaires entre eux n’ont pas particulièrement de tolérance pour les privilèges de reconnaissance revendiqués par une autre minorité.

Par réaction, la majorité sans qualité en vient à réclamer le privilège de l'antériorité, et à se « minoriser » en se réfugiant dans le roman historique et les clichés scolaires de l’histoire de France, et la boucle est bouclée.

Par contre, le beefsteak, (et le fromage, le vin, et le couscous) ils l’ont tous en commun, et pendant qu’ils se disputent entre eux sur leurs identités respectives, ils sont tous en train de se le faire rogner à l’âge du capitalisme hyper tolérant, mais encore plus hyper exploiteur.

Et donc n’en déplaise à Frédéric Lordon, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignoles sont des ouvrières qui ne sont pas prêtes à lâcher le beefsteack, et non des « noires », ou des « femmes », bien qu’elles soient presque toutes des femmes noires. Ce ne sont pas des filles à papa qui revendiquent un coupe-file pour passer à la télé et servir de faire-valoir à Zemmour, mais des travailleuses qui luttent contre l’exploitation, pour le bien de tous !

GQ 8 juin 2021, relu le 2 septembre 2022

 

PS : Je critique les gauchistes dans leur concept, mais je suis conscient du fait que des personnes dont l'engagement de fait pas de doute peuvent se retrouver dans leurs rangs, comme ce fut d'ailleurs mon cas, par erreur de jeunesse, ou par les hasards de l'existence. L'erreur est humaine; persévérer dans l'erreur est diabolique.

 

 

 

Trois entreprises américaines contrôlent plus d’un tiers des terres agricoles ukrainiennes

En 2021, une loi sur la vente des terres agricoles est entrée en vigueur en Ukraine. D’après le média Australian national review, des firmes américaines ont profité de cette législation pour investir massivement dans le pays. 40% des terres cultivables en Ukraine est désormais contrôlé par des capitaux américains. Cela projette un jour nouveau sur le récent accord entre les belligérants ukrainien et russe concernant l'exportation du blé récolté en Ukraine. Kiev a négocié sous la pression d'intérêts financiers américains. Plus fondamentalement, la question de la répartition de la propriété est fondamentale car elle permet de suivre l'échec de la démocratie dans l'Ukraine indépendante.

Les agriculteurs ukrainiens profitent-ils du fait que l’Ukraine dispose des terres agricoles les plus fertiles d’Europe? Avec l’entrée en vigueur le 1er juillet 2021 de la loi « modifiant certaines lois concernant les conditions de renouvellement des terres agricoles » (loi 552-IX), le président Zelensky et le FMI ont souhaité  “rendre le secteur plus attractif pour les investisseurs internationaux“. On ne sera pas étonner de constater que de nombreux Ukrainiens ont contesté cette loi, qui ne ferait que renforcer la corruption dans le pays et la mainmise de quelques grands propriétaires sur le secteur agricole. En effet, suite à l’entrée en vigueur de cette loi, selon le site Australian national review , l’Ukraine aurait vendu un tiers de ses terres agricoles à 3 grandes entreprises transnationales américaines. D’après l’agence australienne, ces firmes américaines seraient désormais propriétaires de 1.7 millions sur 42 millions d’hectares de terres agricoles, acquis en moins d’une année

Mainmise américaine sur 40% des terres arables ukrainiennes

Les trois enseignes Cargill, Monsanto (société germano-australienne à l’origine, mais aujourd’hui à majorité américaine) et Dupont sont bien connues aux États-Unis détiennent désormais environ  40% des terres arables ukrainiennes.

Cette réalité récente relie la guerre en Ukraine aux initiatives des décideurs financiers stratégiques occidentaux puisque des sociétés comme  Vanguard, Blackrock  et Blackstone figurent parmi les plus gros actionnaires de ces entreprises.

Désormais, lorsqu’on parle de blé ukrainien, on se demande si l’usage de ce terme est encore approprié. Si on tient compte des informations fournies par la revue australienne, le blé exporté par l’Ukraine provient de terres agricoles appartenant à des firmes américaines. (Il faudrait ajouter des investissements chinois récents, représentant à peu près 5% du total des terres arables du pays. 

 Les inspecteurs qui ont contrôlé le transit des cargaisons de blé ukrainien depuis le 03 août dernier, connaissent l’identité des propriétaires de ces céréales puisqu’ils ont à leur disposition les documents officiels liés aux échanges.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait qualifié le voyage du Razoni, le premier navire ukrainien transportant des céréales  à avoir quitté Odessa depuis l’invasion de l’Ukraine, « d’étape importante”. Mais on est amené à voir l’accord sur les exportations de blé à travers le couloir établi en Mer Noire sous un autre jour, si l’on considère qu’il s’est agi, pour les Etats-Unis, à travers leurs hommes de paille ukrainiens, de défendre les intérêts d’entreprises américaines. 

Une réforme renforçant la corruption et la mise à l’écart des agriculteurs ukrainiens

La propriété des terres cultivables constitue un sujet à controverses en Ukraine depuis la fin de l’URSS et la décollectivisation des terres qui s’en est suivie. Faut-il abolir la loi qui a autorisé la vente de ces terrains donnant à des investisseurs étrangers le droit de les acheter ? En Ukraine, ce n’est pas seulement un sujet de “conversations de comptoir”, c’est une question cruciale. 

Les terres agricoles en Ukraine étaient des propriétés de l’Etat à l’époque de l’Union soviétique. Les agriculteurs travaillaient dans des exploitations collectives et publiques. Suite à la création d’une Ukraine indépendante,  le gouvernement a décidé de privatiser la plupart des terres agricoles. Des coupons étaient distribués aux occupants, qui leur permettaient de devenir propriétaires d’une parcelle agricole délimitée. Mais dans un contexte de récession économique , beaucoup ont revendu leurs coupons. Il s’est ainsi constitué un groupe de grands propriétaires terriens, membres d’ une nouvelle oligarchie. Tout cela avait été encouragé par le Fonds Monétaire International, juge auto-proclamé des procédures adéquates de privatisation. 

En 2001, un moratoire a été décrété pour faire le bilan de ces transactions, suspendant la privatisation des terres publiques, et bloquant jusqu’à inventaire les transactions portant sur des terres privées.  Ce moratoire concernerait 41 millions d’hectares de surface agricoles, soit environ 96 % des terres agricoles ukrainiennes. Environ 10 millions d’hectares étaient à cette époque encore la propriété de l’Etat ou des communes; et 28 millions d’hectares appartenaient à des “petits et moyens propriétaires” privés au nombre de 7 millions. Pourtant, même renouvelé régulièrement jusqu’en 2019, le moratoire n’a pas joué son rôle de stabilisation. Il a certes été régulièrement renouvelé jusqu’en 2019. Cependant, les difficultés économiques de la population ont conduit beaucoup de petits propriétaires à louer leurs terres à des opérateurs qui étaient en fait membres de l’oligarchie terrienne en voie de constitution. La concentration des terres a continué sous une fome déguisée.  

Ce sujet est passionnant dans la mesure où il est bien vrai qu’une démocratie repose sur une classe moyenne nombreuse de propriétaires.  Or l’Ukraine s’est, avec les années, toujours plus éloignée de cet objectif. Et, dans ce domaine comme dans tous les autres, le président Zelensky a trahi l’espoir que les électeurs avaient mis en lui. 

Le candidat Volodimir Zelensky avait proposé l’organisation d’un référendum pour pouvoir remédier aux défauts du moratoire de 2005, mais il n’a pas eu lieu après qu’il avait été élu.

Pire, Zelensky a fait préparer une loi qui ouvrait largement la terre ukrainienne à des acquisitions étrangères. Pourtant, selon des sondages d’opinion 64% des participants des Ukrainiens se déclaraient contre la vente des terres aux étrangers. Par ailleurs, deux tiers des personnes sondées réclamaient l’organisation du référendum. promis par le Président.

La Verkhovna Rada, parlement ukrainien à chambre unique, a fini, en mars 2020, par voter un texte,  sous la pression du Président et celle du Fond Monétaire International, le principal créditeur du pays. La nouvelle  loi 552-IX a mis fin au moratoire et autorisé les particuliers à acheter jusqu’à 100 hectares de terres à partir du 1er juillet 2021. Dans le même temps, la loi, apparemment restrictive en ce qui concernait l’acquisition de terres par des étrangers (personnes physiques ou morales): elle permet l’acquisition de terres par des sociétés enregistrées en Ukraine; et elle n’a pas régulé le mécanisme de location des terres pour leur exploitation. C’est ainsi que les entreprises et les fonds dont nous parlons ont pu contourner la loi. 

Second pays plus vaste d’Europe, la superficie totale de l’Ukraine atteint 600 000 km², dont 170 000 km² ont été acquis indirectement (prête-noms ukrainiens ou baux de longue durée) par des sociétés étrangères, en grande majorité occidentale, notamment américaines.

Zelenski et les institutions internationales ont toujours présenté cette réforme agricole comme une condition nécessaire pour attirer les investissements étrangers, permettant de « libérer » le plein potentiel des terres agricoles ukrainiennes.

Cette loi était également la condition d’obtention d’un prêt de 5 milliards de dollars accordé par le Fonds monétaire international (FMI).Mais nombreux Ukrainiens contestent la loi qui , selon eux, ne fera que renforcer la corruption (devenu un fléau dans le pays) et l’accaparement des terres par les grandes multinationales étrangères.

Le Réseau ukrainien de développement rural dénonce le fait  que « la plupart des terres privatisées sont louées par de grandes exploitations commerciales agricoles…la terre ne sera même plus disponible à la vente au profit des agriculteurs indépendants ».

C’est ainsi que les investisseurs américains seraient devenus, de manière déguisée, propriétaires de terres agricoles en Ukraine. Pour rappel, avant l’adoption de cette loi, des manifestations pro-Zelenski proclamait que « la terre appartenait aux Ukrainiens » tout en stigmatisant « les Chinois et les Arabes » qui s’apprêtaient, selon les manifestants « à emporter notre terre par wagons ». Deux ans et demi plus tard, il s’avère que ce sont des capitaux américains qui contrôlent un tiers des terres ukrainiennes – contre seulement 5% pour des capitaux chinois. 

Le lobbying, 

l’arme des oligarques kazakhs en fuite

Plusieurs hommes d'affaires originaires du Kazakhstan ont fui leur pays où ils sont suspectés d'avoir détourné des sommes importantes à leur profit. Exilés en Occident, ces oligarques usent de leur fortune pour tenter de convaincre responsables politiques et opinions publiques de leur innocence, tout en finançant des campagnes hostiles au pays qui les a enrichis.


Après l'ombre de Vladimir Poutine planant sur les élections américaines, celle des oligarques kazakhs s'étendrait-elle au-dessus de Washington ? La presse locale spécialisée dans les arcanes du Capitole s'est ainsi récemment faite l'écho d'informations préoccupantes sur la manière dont des sociétés de lobbying, agences de communications et autres ONG « pop-up », rémunérées à prix d'or pour défendre les intérêts de grandes fortunes originaires des pays de l'ex-bloc soviétique, fondent sur le centre névralgique des États-Unis en déployant des méthodes pour le moins douteuses. Au premier rang desquelles la présentation de leurs clients, pour la plupart des oligarques s'étant enrichis de manière indue en pillant les ressources de leurs pays d'origine, comme d'honnêtes et respectables militants anti-corruption, voire comme d'infatigables défenseurs de la liberté et des droits de l'homme...

C’est ainsi le cas d'Akezhan Kazhegeldin, un ancien premier ministre du Kazakhstan qui vient de faire l'objet d'une minutieuse enquête du magazine Townhall. Avant de fuir son pays d'origine pour les rives de la Tamise, l'oligarque aurait empoché l'équivalent de 200 000 dollars en revendant, à la va-vite, une centrale électrique kazakhe dont la valeur dépassait pourtant les 50 millions de livres sterling. Condamné à contumace par la Cour suprême du Kazakhstan à dix ans de prison, Kazhegeldin, par ailleurs ancien agent du KGB, se présente désormais en Occident comme un dissident injustement poursuivi par les autorités de son pays. Et même un fervent avocat des droits humains, si l'on en croit la campagne de communication orchestrée ces derniers temps à Washington par ses lobbyistes attitrés, visant à convaincre les politiques et le public américains de la sincérité du combat anti-corruption d'un Kazhegeldin lui-même suspecté d'être corrompu jusqu'à la moelle. Un retournement de situation digne d'un véritable « artiste de la propagande », comme le qualifie l'éditorialiste américain Duggan Flanakin.

 

Moukhtar Abliazov, le « sans-papier milliardaire » dont ne sait que faire la France

Passé maître dans l'art de dissimuler un exil forcé sous les atours d'une croisade contre des pratiques dont il a lui-même largement bénéficié, Akezhan Kazhegeldin n'est pas le seul ni le premier ressortissant kazakhstanais sur ce registre. S'il est un oligarque kazakhstanais qui mérite aussi le qualificatif d' « artiste », c'est bien Moukhtar Abliazov : comme son compatriote, Abliazov a patiemment fait son nid dans les réseaux de pouvoir du Kazakhstan, avant de tomber en disgrâce à la faveur de la démocratisation du pays et de prendre la poudre d'escampette – non sans oublier de se remplir les poches au passage. Ancien ministre lui-même, Moukhtar Abliazov a pendant cinq ans dirigé la banque BTA, l'une des plus importantes de ce pays d'Asie centrale. Nationalisée en 2009, celle-ci l'accuse d'avoir à cette époque détourné quelque 7,5 milliards de dollars de ses caisses, un pactole disséminé et dissimulé dans le monde entier, via une constellation de sociétés-écrans.

Comme Akezhan Kazhegeldin, Moukhtar Abliazov fuit alors le Kazakhstan, où il écope d'une peine de prison à perpétuité. Direction Londres tout d'abord où, comme Akezhan Kazhegeldin toujours, notre homme espère démarrer une nouvelle vie dorée – tout en se payant le luxe de la bonne conscience, Abliazov se présentant volontiers comme la victime innocente et persécutée du régime de Noursoultan Nazarbayev, l'ancien président kazakh. Une stratégie de diversion qui rencontre rapidement ses limites, les autorités britanniques lui refusant le statut de réfugié politique et la justice de Sa Majesté le condamnant, en 2013, à 22 mois de prison pour « outrage ». Pas de quoi défriser notre « sans-papier milliardaire », comme le qualifie Paris Match, qui traverse alors la Manche... en autobus, avant de s'installer confortablement sur la Côte d'Azur. Il faudra attendre plusieurs mois pour que les policiers de la BRI forcent l'entrée de sa villa cossue et appréhendent un Moukhtar Abliazov en short, qui tentera tout de même de se faire passer pour un autre en tendant aux forces de l'ordre un faux passeport diplomatique – en vain.

 

A Bruxelles, les réseaux « tentaculaires » de Moukhtar Abliazov

Depuis presque une dizaine d'années maintenant, l'oligarque kazakhstanais fait l'objet d'un véritable imbroglio politico-administratif dont seule la France a le secret : alors que l'extradition d'Abliazov est exigée tant par l'Ukraine que par la Russie, les divers services de l'État (tribunaux, Ofpra, Cour nationale du Droit d'Asile, Conseil d'Etat) se renvoient la patate chaude et annulent systématiquement les décisions des juridictions précédentes. Un délai à rallonge que le principal intéressé, toujours libre de ses mouvements dans l'Hexagone, a mis à profit pour défendre sa cause en déployant de considérables moyens de lobbying. A Bruxelles sévit ainsi la très opaque ONG « Open Dialogue Foundation » (ODF), une organisation de protection des droits l'homme créée en Pologne en 2009 et qui s'est fait une spécialité de défendre, «  aux côtés de véritables militants exposés à une incontestable répression, quelques figures fort peu recommandables ». Des figures comme Moukhtar Abliazov, suspecté d'arroser de généreux subsides l'organisation à but non lucratif en échange de la défense de ses intérêts personnels.

Hasard ou coïncidence, « l'ODF, dont les lobbyistes hantent les couloirs du parlement (européen), joue un rôle ''important'' dès que l'honorable assemblée débat du Kazakhstan », révèle aussi le site Atlantico. Jusqu'à glisser des amendements et résolutions « clé en main » aux députés européens pour condamner, bien opportunément, la politique interne du Kazakhstan. Trouvant des relais parfois inattendus dans l'ensemble des forces politiques représentées au Parlement européen, les « tentaculaires réseaux de Moukhtar Abliazov  » à Bruxelles permettent ainsi à ce dernier de renforcer sa posture victimaire de martyr du pouvoir kazakhstanais – tout en contribuant à minimiser ou passer sous silence les accusations qui pèsent contre l'oligarque. Un joli tour de passe-passe qui n'est pas sans interroger les fondements démocratiques sur lesquels reposent nos sociétés de l'information.

 

 

Révolution socialiste ou barbarie capitaliste

Le capitalisme mondialisé et financiarisé menace aujourd'hui plus que jamais la survie de l'humanité. Il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle crise grave du système, mais aussi d'une menace réelle pour l'avenir des hommes sur cette terre. La population assiste impuissante à sa lente destruction ainsi que celle de son environnement. Elle constate effarée les ravages du capitalisme : saccage systématique de la planète, réchauffement climatique, exploitation de la force de travail de plus en plus violente, misère sociale exacerbée, menace constante d'une guerre nucléaire, épidémies à répétition, marchandisation et déshumanisation des rapports sociaux etc.etc. Mais les hommes qui ont produit ce système sont également capables de se dresser contre lui et le dépasser, mettant ainsi un terme à la "préhistoire" de l'humanité.

La classe dirigeante, la bourgeoisie est non seulement dans l'incapacité de faire face à cette situation sans précédent, mais elle amplifie cet état de fait. Son système, le capitalisme avec sa logique d'accumulation, transforme ces ravages et ces catastrophes en autant d'opportunités de profit, lui permettant ainsi de poursuivre son oeuvre de destruction. De par sa nature, le capitalisme tend à envahir et à conquérir toutes les sphères pour en faire un marché.

Le capital non seulement produit du profit, mais le profit à son tour engendre le capital qui croît et se multiplie d'une manière irrationnelle et sans fin. Le processus peut donc se répéter à l'infini. Or les ressources naturelles, ou tout du moins une partie d'entre elles, sont finies. Le capitalisme est une machine qui est en train de dévorer l'homme et la planète qui ne sont pour lui que des moyens pour son extension et son développement. Il va sans dire que le système qui méprise l'homme ne peut respecter la nature.

Engels, cité par Rosa Luxemburg, disait "La société bourgeoise est placée devant un dilemme : ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie" (1). Si le socialisme n'est toujours pas là, la barbarie capitaliste et sa violence sur l'homme et la nature, par contre, se poursuivent toujours. Mais ce triomphe pourrait tout simplement mener à l'anéantissement de la vie sur terre. Les classes dirigeantes ne font que préserver et renforcer par leurs mesures dérisoires le système en donnant l'illusion qu'il est "réformable". Toutes les demi-mesures et toutes les réformes, si elles ont contribué à améliorer provisoirement la situation des esclaves modernes ne font, en dernière analyse, que perpétuer l'asservissement général engendré par le système.

Que faire alors contre cette marche suicidaire vers l'abîme ? Continuer sur cette voie tracée par une minorité d'exploiteurs qui mène au chaos, à la barbarie et à la destruction de l'homme et de la nature ou, au contraire, renverser l'ordre établi. Contrairement aux affirmations de l'idéologie dominante qui nie toute possibilité de transformation qualitative de la société, la révolution sociale et socialiste reste une alternative qui pourrait changer radicalement les relations entre l'homme et l'homme, entre l'homme et la nature.

Mais la marche en avant vers le socialisme ne peut résulter de la perfection de la démocratie bourgeoise, de la conciliation des classes etc. L'entente des classes est une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses. Elle est contredite chaque jour par les faits. La bourgeoisie qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs n'est absolument pas prête à la "concertation" au " dialogue" etc. Elle ne reculera devant rien pour perpétuer son système de production et d'exploitation sur lequel elle repose. Et si la lutte des classes s'intensifie, s'aiguise et dure dans le temps, elle n'hésitera parecourir à la violence sous toutes ses formes y compris la plus abjecte, la guerre.Toute l'histoire des classes dominantes n'est que cruauté et férocité exercées sur les dominés pour se maintenir au pouvoir. Seule la révolution socialiste est en mesure d'enfanter une nouvelle société en mettant un terme à la résistance de la minorité d'exploiteurs.

Mais la révolution ne se décrète pas comme disait Engels une fois encore "(...) les révolutions ne se font pas arbitrairement et par décret, mais qu'elles furent partout et toujours la conséquence nécessaire de circonstances absolument indépendantes de la volonté et de la direction de partis déterminés et de classes entières" (2).

Mais si la révolution ne se décrète pas, elle se prépare. Et qui sont les mieux disposés à la préparer que celles et ceux qui subissent au quotidien l'exploitation et le despotisme du capital ? Les travailleurs, et d'une manière générale les salariés, non seulement sont le produit le plus authentique de la bourgeoisie, mais possèdent aussi les moyens de paralyser le pouvoir économique et partant politique de la minorité dominante. Les prolétaires d'aujourd'hui comme ceux d'hier n'ont aucun intérêt, aucun privilège dans la société bourgeoise. Ils y sont ravalés et traités en bêtes de somme. Il ont donc tout intérêt à renverser le régime bourgeois. Mais il ne suffit pas que les oppimés prennent conscience de leur situation d'exploités pour que la révolution se produise ; il faut aussi et surtout que " "ceux d’en bas” ne veulent plus et que “ceux d’en haut”ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière " (3).

Malheureusement "ceux d'en bas" sont affaiblis et se livrent de surcroît une concurrence fratricide sur le marché du travail qui brise leur unité et les empêche de construire des organisations et des directions capables d'affronter efficacement la minorité exploiteuse. Ajoutons à cela l'omniprésence de l'idéologie dominante qui, à travers les grands médias, les programmes scolaires et universitaires, les institutions religieuses, les industries culturelles etc., trompe, démoralise et prive la classe des travailleurs des instruments idéologiques nécessaires au renversement de l'ordre établi. Sans solidarité fraternelle des travailleurs et sans théorie révolutionnaire, "ceux d'en haut" continueront à vivre à " l'ancienne manière" et poursuivront leur œuvre de destruction.

 

Mohamed Belaali

Blog de Mohamed Belaali


Le ridicule vers lequel le wokisme nous mène 

par Jean-Luc ROBERT (son site)

jeudi 1er septembre 2022

Merci à cet humoriste d'éveiller les consciences sur l'obsessionnelle inclusivité qui anime les wokistes autres lobbyistes en tout genre par un sketch inclusif qui se moque de l'inclusion ;-)

L'humour est parfois la meilleurs armes pour démonter une idéologie comme le wokisme qui gagne du terrain jour après jour.

Le sketch inclusif de Tom VILLA, est me semble-t-il, la meilleure réponse que l'on puisse apporter à Sandrine ROUSSEAU qui veut déconstruire la langue Française ainsi que l'homme et son insupportable virilité.

Extrait de la brillante démonstration par l'absurde de l'humoriste : "Sans transition... Alors je ne juge pas les gens en transition. Je sais que c'est toujours des périodes compliquées... ou simples ! En tout cas, j'espère que ceux qui nous écoute sont bien installés dans un canapé ou une chaise. Parité oblige. Enfin, elle oblige à rien, c'est tout à fait légitime. Ou illégitime d'ailleurs, je ne suis pas là pour dénoncer l'adultère", ... "Avant qu'il y ait toute polémique... ou pas... Je précise que j'ai écrit ce texte avec un homme et une femme, et que dans un souci d'équité parfaite, aucun des deux n'a été payé ! Bonjour."

Mais le wokisme, ou "l'éveil des consciences", ce n'est pas que l'écriture inclusive (ou le parler inclusif comme dans le sketch). Le wokisme va tel un régime totalitaire, jusqu'à s'immiscer dans chaque moment de votre vie, dans chaque foyer. Ainsi "Manger une entrecôte cuite sur un barbecue" est "un symbole de virilité", a déclaré la députée écologiste Sandrine ROUSSEAU ce week-end à l’occasion des universités d’été d’Europe Écologie Les Verts, à Grenoble.

Il faut selon elle déconstruire cet imaginaire viril de l'homme, le castrer en quelque sorte. Parce que le monde féminisé serait un monde de paix pour Mme ROUSSEAU. 

Dans son dernier livre intitulé : "Par delà l'androcène" qui au passage montre le chaos grammatical et la dysorthographie que peut produire un livre écrit en écriture inclusive, l'écoféministe impute carrément la crise écologique aux garçons.

Les nouveaux mots du wokisme > La novlangue des écolos  : Ce livre écrit avec deux féministes militantes, dans l'esprit de l'écriture inclusive, veut gagner la baille des mots avec le néologisme « androcène » et lui accoler l'idée que les hommes doivent être déconstruits pour une société en paix et une planète préservée. Pour sauver la planète donc, il faudrait déviriliser les hommes.

Tout un programme n'est-ce pas ? On vous culpabilisait déjà de manger de la viande. Maintenant, on vous culpabilise de la faire cuire par un homme sur un barbecue. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le wokisme n'aura pas de limite. Il est comparable à un ogre insatiable !

PAR JEAN-LUC ROBERT https://www.jeanlucrobert.fr/ 

auteur de :

Ma vérité sur l'autisme

LezAPe : La face cachée de la psychologie de l'enfant

L'ENFANT : L'instrument du Conflit Parental

Les Amours Nues

La pensée du jour : Livre de sagesse

 

Le suicide économique et social de l’Europe, provoqué par les États-Unis et favorisé par les dirigeants européens

vendredi 2 septembre 2022 par Moon of Alabama

En raison de la stupidité des dirigeants politiques européens, les États-Unis ont réussi à pousser l’Europe au suicide économique et social.

Le 8 février, Michael Hudson, professeur d’économie à l’Université du Missouri, écrivait au sujet du conflit qui se préparait alors en Ukraine et que les États-Unis avaient intentionnellement provoqué.

Michael Hudson : Les véritables adversaires de l’Amérique sont ses alliés, européens ou autres.

  • Les sanctions que les diplomates américains insistent pour que leurs alliés imposent au commerce avec la Russie et la Chine visent ostensiblement à dissuader un renforcement militaire de ces pays. Mais un tel renforcement ne peut pas vraiment être le programme principal des Russes et des Chinois. Ils ont beaucoup plus à gagner en offrant des avantages économiques mutuels à l’Occident. La question sous-jacente est donc de savoir si l’Europe trouvera son avantage à remplacer les exportations américaines par des fournitures russes et chinoises et des liens économiques mutuels associés.

Ce qui inquiète les diplomates américains, c’est que l’Allemagne, les autres pays de l’OTAN et les pays situés le long de la « Nouvelle Route de la Soie » comprennent les gains qui peuvent être réalisés en ouvrant le commerce et les investissements de manière pacifique.
S’il n’existe aucun plan russe ou chinois pour les envahir ou les bombarder, pourquoi l’OTAN est-elle nécessaire ?
Et s’il n’y a pas de relation intrinsèquement conflictuelle, pourquoi les pays étrangers doivent-ils sacrifier leurs propres intérêts commerciaux et financiers en ne misant exclusivement que sur les exportateurs et les investisseurs américains ? …

Au lieu d’une réelle menace militaire de la part de la Russie et de la Chine, le problème pour les stratèges américains est l’absence d’une telle menace. …

Le seul moyen qui reste aux diplomates américains pour bloquer les achats européens est d’inciter la Russie à une réponse militaire, puis de prétendre que venger cet acte l’emporte sur tout intérêt économique purement national. Comme l’a expliqué la sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, Victoria Nuland, lors d’un point de presse du département d’État le 27 janvier : « Si la Russie envahit l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, le Nord Stream 2 n’avancera pas«  . Le problème est de créer un incident suffisamment offensif et de dépeindre la Russie comme l’agresseur.

Provoquer une guerre en Ukraine était facile car l’équipe à la manœuvre estimait que l’Ukraine était prête à sacrifier son peuple et son pays dans une guerre ingagnable contre la Russie. L’acteur et président ukrainien Vladimir Zelensky avait déjà annoncé que l’Ukraine reprendrait, par la force, la Crimée et les républiques du Donbass qui étaient aux mains d’une résistance ukrainienne alignée sur la Russie.

Le 15 février, le professeur John Mearsheimer donnait une conférence (vidéo) dans laquelle il expliquait comment les États-Unis avaient provoqué et étaient responsables de toute la crise ukrainienne.

Depuis l’année dernière, environ la moitié de l’armée ukrainienne est positionnée dans le sud-est du pays, sur la ligne de cessez-le-feu avec les républiques du Donbass. Le 17 février, elle lançait un tir d’artillerie préparatoire contre les positions de la résistance. Au cours des jours suivants, les tirs n’ont cessé d’augmenter en nombre.

Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE), positionnés sur la ligne de front, ont compté et documenté chaque impact d’artillerie et publié des résumés quotidiens sur leur site Internet. De 80 impacts d’artillerie le 16 février, les attaques ont augmenté chaque jour pour atteindre plus de 2 000 par jour, le 22 février.

Les observateurs de l’OSCE fournissaient également des cartes indiquant où les obus explosaient (ici le 21 février)  :

La grande majorité des impacts se sont produits dans trois zones à l’est de la ligne de cessez-le-feu, sur des positions tenues par la résistance du Donbass. Toute personne ayant un peu de connaissances militaires reconnaîtra ces campagnes d’artillerie intenses le long d’axes distincts comme des tirs préparatoires à une attaque totale.

Les dirigeants des républiques du Donbass et de la Russie ont dû réagir à cette attaque imminente. Le 19 février, la République populaire de Donetsk et la République populaire de Louhansk demandaient l’aide du gouvernement russe. Laissés seuls, ils n’auraient eu aucune chance de résister contre l’armée ukrainienne que les États-Unis et leurs alliés, depuis 2015, finançaient et renforçaient.

Jusqu’à ce stade, la Russie avait insisté sur le fait que la RPD et la RLN fassent partie de l’Ukraine, mais qu’elles devaient recevoir une sorte d’autonomie, comme le prévoyaient les accords de Minsk. Mais elle devait maintenant prendre des mesures qui légaliseraient le soutien russe au Donbass. Le 21 février, la Russie reconnaissait ces républiques comme des États indépendants. Les trois parties ont signé des accords de coopération comprenant des clauses de soutien militaire mutuel :

  • Le traité entre la Russie et les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL) stipule l’octroi du droit de construire des bases militaires sur leur territoire et de fournir une assistance militaire mutuelle, a déclaré mardi le vice-ministre russe des Affaires étrangères Andrey Rudenko lors d’une session plénière de la chambre basse du Parlement.
  • « Un aspect important : le traité stipule les intentions des parties d’interagir dans le domaine de la politique étrangère, de la protection de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de la fourniture de sécurité, notamment en se fournissant mutuellement l’assistance requise, y compris l’aide militaire, et en accordant le droit de construire, d’utiliser et d’améliorer les infrastructures militaires et les bases militaires sur leur territoire«  , a souligné le haut diplomate russe.

Avec la mise en place de ces accords, l’aide militaire russe contre l’attaque ukrainienne est devenue (du moins en apparence) légale en vertu de l’article 51 (autodéfense collective) de la Charte des Nations unies.

Le 22 février, alors qu’aucun soldat russe n’avait encore foulé le sol ukrainien, les États-Unis et leurs alliés imposaient des sanctions économiques extrêmes à la Russie. Le président Biden a reconnu que les États-Unis s’y étaient préparés depuis longtemps.

  • Au cours des derniers mois, nous nous sommes coordonnés étroitement avec nos alliés et partenaires de l’OTAN en Europe et dans le monde pour préparer cette réponse. Nous avons toujours dit, et je l’ai dit à Poutine en face, il y a un mois, plus d’un mois, que nous agirions ensemble dès que la Russie s’attaquerait à l’Ukraine.
  • La Russie a maintenant indéniablement agi contre l’Ukraine en déclarant ces États indépendants.
  • Aujourd’hui, j’annonce donc la première tranche de sanctions visant à imposer des coûts à la Russie en réponse à ses actions d’hier. Ces mesures ont été étroitement coordonnées avec nos alliés et nos partenaires, et nous continuerons à intensifier les sanctions si la Russie intensifie ses actions.

Le 24 février, les forces russes entraient en Ukraine pour anticiper l’attaque à venir contre les républiques du Donbass. (Le plan A russe consistait à faire pression sur Kiev pour qu’il accepte un règlement rapide de la crise. Ce plan a échoué début avril après l’intervention de Boris Johnson à Kiev.
La Russie est donc passée au plan B, la démilitarisation de l’Ukraine).

Dans la foulée, le gouvernement allemand annonçait que le gazoduc Nord Stream II, qui était techniquement prêt à livrer du gaz russe à l’Allemagne, ne serait pas lancé.

Le 27 février, le chancelier allemand Olaf Scholz faisait un discours hystérique et moralisateur devant le parlement allemand. Il y accusait la Russie de rompre la paix en Europe.

L’accord de Minsk, en vertu duquel l’Ukraine s’était engagée à se fédéraliser pour donner une certaine autonomie au Donbass, n’y a pas été mentionné une seule fois. L’Allemagne et la France étaient les deux puissances garantes qui, en 2015, avaient cosigné l’accord de Minsk mais qui, pendant sept longues années, n’ont guère fait pression pour sa mise en œuvre.

Au lieu de travailler à un cessez-le-feu rapide et à un renouvellement des relations économiques avec la Russie, Scholz a engagé l’Allemagne dans un suicide économique.

Le 28 février, le professeur Hudson publiait une autre analyse approfondie de la crise :

L’Amérique vainc l’Allemagne pour la troisième fois en un siècle : Le CMI, le BARE et l’OGAM conquièrent l’OTAN.

En tête de l’article, Yves Smith résumait :

  • Michael Hudson développe son thème sur la façon dont le conflit en Ukraine est le résultat de forces beaucoup plus importantes à l’œuvre, et pas nécessairement celles que vous avez en tête. Il affirme que ce qui est réellement en jeu, c’est d’empêcher les pays européens, en particulier l’Allemagne, de développer des liens économiques plus profonds avec la Chine et la Russie.
  • Hudson décrit ici l’emprise des principaux intérêts américains sur la politique étrangère et la manière dont ils considèrent le conflit comme un moyen de se prémunir contre une éventuelle chute de leur statut et de leur pouvoir.
  • L’article de Hudson est assez long et profond. Je vous recommande de le lire en entier.

L’idée des États-Unis est d’isoler l’Europe de son arrière-pays eurasien, de déplacer les industries européennes vers les États-Unis et d’acheter le reste à bas prix.

Afin d’éliminer Nord Stream II et d’inciter les pays européens à boycotter l’énergie russe, les États-Unis ont promis d’apporter leur « aide » en vendant leur gaz naturel liquéfié (GNL) (assez cher) à l’Europe. Mais lorsque les prix du gaz naturel ont commencé à augmenter en Europe, les forces du marché libre se sont mises en marche et ils ont également commencé à augmenter aux États-Unis. Les prix élevés de l’énergie menaçaient de nuire à Biden et de faire plonger les Démocrates lors des élections de mi-mandat.

Alors un accident mystérieux s’est produit :

Une explosion survenue dans un terminal de gaz naturel liquéfié au Texas a semé la panique parmi les habitants des environs et a retiré du marché une quantité importante de ce combustible, alors que la demande mondiale est en pleine explosion.

Freeport LNG sera hors service pendant au moins trois semaines, a déclaré jeudi la société, suite à un incendie dans son installation d’exportation. …

La plupart des exportations de Freeport LNG étaient destinées à l’Europe, selon Rystad Energy. L’Europe pourrait être en mesure de compenser le volume perdu par des augmentations provenant d’autres installations, a déclaré Emily McClain, vice-présidente de Rystad. L’Europe obtient environ 45 % de son GNL des États-Unis, le reste provenant de Russie, du Qatar et d’autres sources, a-t-elle précisé.

Mais trois semaines étaient trop court pour faire baisser les prix du gaz naturel aux États-Unis. L’autorité américaine de réglementation de ces installations, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA), est intervenue et a prolongé le processus de redémarrage :

La deuxième plus grande installation d’exportation de gaz naturel liquéfié des États-Unis, touchée par un incendie au début du mois, ne sera pas autorisée à réparer ou à redémarrer ses activités tant qu’elle n’aura pas éliminé les risques pour la sécurité publique, a déclaré jeudi un régulateur des pipelines. …

Les contrats à terme sur le gaz naturel américain ont dégringolé de 15 % jeudi en raison du rapport et de l’accumulation continue des stocks, contribuant à une chute des prix de 33 % en juin, la plus forte baisse mensuelle depuis 2018. …

« Le processus réel (d’examens, de réparations et d’approbations) prendra plus de trois mois, et potentiellement de six à douze mois«  , a déclaré Alex Munton, directeur du gaz mondial et du GNL chez les consultants Rapidan Energy Group.

On a également entendu parler de « problèmes » soudains dans d’autres installations de GNL.

Ce n’est pas seulement le gaz naturel mais aussi les produits pétroliers que les États-Unis retiennent alors que l’Europe en a besoin :

L’administration Biden avertit les raffineurs qu’elle pourrait prendre des « mesures d’urgence » pour faire face aux exportations de carburant alors que les stocks d’essence et de diesel restent à des niveaux historiquement bas dans le Nord-Est.

Des usines de fabrication d’engrais en Europe ont fermé leurs portes en raison des prix beaucoup trop élevés du gaz naturel. Les fonderies d’acier et d’aluminium suivent. La production de verre en Europe est gravement menacée.

Dans un long article publié aujourd’hui, Yves Smith examine les conséquences économiques et politiques pour l’Europe. En violation de la loi de Betteridge, il titre :

L’Europe va-t-elle s’avouer vaincue avant l’Ukraine ?

Nous aurons l’audace d’affirmer que non seulement la guerre des sanctions contre la Russie s’est retournée contre elle [l’Europe] de manière spectaculaire, mais que les dommages causés à l’Occident, et surtout à l’Europe, s’accélèrent rapidement. Et ce n’est pas le résultat de mesures actives prises par la Russie, mais les coûts de la perte ou de la réduction des ressources russes clés qui s’accumulent au fil du temps.

En raison de l’intensité du choc énergétique, le calendrier économique évolue plus rapidement que le calendrier militaire. À moins que l’Europe ne s’engage dans une correction de trajectoire majeure, et nous ne voyons pas comment cela pourrait se produire, la crise économique européenne semble devoir devenir dévastatrice avant même que l’Ukraine ne soit officiellement vaincue. …

Comme nous l’expliquerons, ce choc sera si grave si rien n’est fait (et comme nous l’expliquerons, il est difficile d’imaginer que quelque chose de suffisamment significatif soit fait), que le résultat ne sera pas une récession, mais une dépression en Europe. …

En théorie, l’UE pourrait essayer de se rattraper auprès de la Russie. Mais l’heure n’est plus à cela. Ce n’est pas seulement que trop d’acteurs européens clés comme Ursula von der Leyen et Robert Habeck sont trop profondément investis dans la haine de la Russie pour reculer. Même s’il y avait du sang dans la rue en décembre, ils ne seraient pas chassés assez rapidement.

C’est aussi que l’Europe a brûlé ses ponts avec la Russie au-delà des seules sanctions. Poutine a offert à plusieurs reprises à l’UE la possibilité d’utiliser le Nord Stream 2. Même si la Russie n’utilise plus que la moitié de sa capacité, elle pourrait toujours se substituer entièrement aux anciennes livraisons de Nord Stream 1. Poutine a toutefois prévenu que cette option ne resterait pas ouverte très longtemps et que la Russie commencerait à utiliser le reste du volume. …

L’issue semble donc inévitable : de nombreuses entreprises européennes vont faire faillite, entraînant des pertes d’emplois, des défauts de remboursement de prêts aux entreprises, des pertes de recettes publiques, des saisies. Et comme les gouvernements pensent qu’ils ont peut-être dépensé un peu trop généreusement avec l’aide Covid, leur approvisionnement d’urgence en énergie sera trop faible pour faire une grande différence.

A un moment donné, la contraction économique conduira à une crise financière. Si le courant descendant est suffisamment rapide, il pourrait entraîner une perte de confiance (justifiée) autant que des pertes et des défauts de paiement réels à ce jour.

Les États-Unis ont, pour des raisons purement égoïstes, entraîné l’Europe, et surtout l’Allemagne, dans un piège qui conduira à sa destruction économique et sociale. Au lieu de reconnaître le danger et de prendre les contre-mesures nécessaires, les « leaders » européens et allemands se sont engagés à contribuer au processus.

La meilleure chose à faire pour l’Europe et l’Allemagne aurait bien sûr été d’éviter la crise. Cela a échoué en raison d’un manque de perspicacité et d’efforts. Mais maintenant, alors que l’Europe est au fond du trou, les politiciens devraient au moins arrêter de creuser. Il est dans l’intérêt évident de l’Europe et surtout de l’Allemagne de maintenir la crise aussi courte que possible.

Mais les imbéciles qui dirigent l’Europe font tout le contraire :

  • L’Allemagne maintiendra son soutien à Kiev « aussi longtemps qu’il le faudra« , a déclaré lundi le chancelier Olaf Scholz, appelant à un élargissement de l’Union européenne pour inclure à terme l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. …
  • L’Allemagne a connu ces derniers mois un « changement d’avis fondamental » sur son soutien militaire à l’Ukraine, a-t-il déclaré.
  • « Nous maintiendrons ce soutien, de manière fiable et, surtout, aussi longtemps qu’il le faudra« , a-t-il déclaré devant un auditoire universitaire bondé.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait écho à la promesse « aussi longtemps qu’il le faudra » faite à Kiev dans un discours prononcé en Slovénie, appelant à « une nouvelle réflexion stratégique » pour défendre les valeurs européennes.

Comme ces « dirigeants » semblent le dire, une énergie abordable, des maisons chaudes, une alimentation suffisante, des emplois et des pensions pour les citoyens européens ne font pas partie des « valeurs européennes » qu’ils entendent défendre.

L’effondrement économique et financier de l’Europe sera beaucoup plus rapide que le changement politique, manifestement nécessaire, pour virer ses dirigeants de troisième zone.

Le seul secteur politique qui ne sera pas endommagé par tout cela, du moins en France et en Allemagne, est l’extrême droite.
En soi, cela constitue également un danger.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone Blog ANC

 

 

L'URSS et ses contradictions, ou aurait-elle survécu si elle avait été dotée d'institutions pluralistes?

31 Août 2022 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Russie, #Europe de l'Est, #Chine, #Corée, #Cuba, #Viet-Nam, #classe ouvrière, #Front historique, #Mille raisons de regretter l'URSS

Station Komskomolskaya, Moscou : rien n'est trop beau pour la classe ouvrière

Station Komskomolskaya, Moscou : rien n'est trop beau pour la classe ouvrière

Tous ceux qui espèrent que l’humanité va poursuivre sa route vers le progrès et s’orienter vers le socialisme sont interpelés par l’échec des pays socialistes au XXème siècle qui a laissé le monde dans une profonde dépression, morale et psychique.

Souvent on s’en tire par une pirouette : ces pays, ces régimes n’auraient pas été vraiment socialistes. D’autres pensent qu’il faut abandonner la perspective du socialisme pour sauter à pied joints dans le communisme. Je ne discuterai pas ces points de vue, qui ne sont pas sérieux.

Donc les pays socialistes étaient vraiment socialistes, et ils ont disparus, sauf deux : République Populaire Démocratique Corée et Cuba qui manifestent une incontestable résilience, mais dont l’avenir est toujours menacé. La Chine, le Viet-Nam, et le Laos, peut être aussi le Bélarus sont revenus à l’économie de marché, et ont réintroduit le capitalisme, mais sans lui laisser les clés du pouvoir politique. Plusieurs pays latino-américains et africains ont une politique sociale de redistribution avancée qui fait penser au socialisme, qui provoque l’ire de la bourgeoisie mondiale et l'hystérie de sa presse, mais qui ne s’attaque pas assez directement à la propriété privée des moyens de production pour qu'on puisse les rattacher au socialisme [constat de 2015, à nuancer en 2022]. Et aujourd’hui, plus important encore que les grands moyens de production, les médias de masse. D'où leurs difficultés présentes.

Mais globalement il nous reste en tenant compte de ces expériences présentes et passées (dont certaines étaient en fait assez réussies pour produire le bonheur le plus répandu, si on en croit les regrets formulés à cet égard en Europe de l’Est et en ex URSS) à proposer un schéma du socialisme de l’avenir (2.0, ou XXI, peu importe le slogan), qui ne se fracasse pas sur les mêmes écueils.

Toute la question est de savoir si le socialisme à succombé davantage à ses contradictions internes ou à la pression extérieure. Selon le cas le diagnostic est tout à fait différent. Si le socialisme a succombé à ses défaillances internes, il faut les localiser et prévoir une organisation politique nouvelle capable de les neutraliser ou de les inverser en faveur du processus.

La principale contradiction interne du socialisme a été la production d’un groupe social spécifique, distinct des reliquats de la bourgeoisie antérieure à la révolution, et intéressé au retour au capitalisme, groupe qui proliférait dans l’intelligentsia et dans la bureaucratie (qui sont les deux faces, coté jardin, coté cour, de la même réalité sociologique) et qui était essentiellement composé de cadres espérant égaler le niveau de vie et le statut social de leurs homologues en pays capitalistes. Il y avait certainement dans le monde socialiste de première génération un défaut dans la culture diffusée par l'éducation de masse, et dans le système de formation, de désignation et de rotation des cadres, que les autorités tentaient par accès à l'époque stalinienne de corriger par une répression souvent aveugle, disproportionnée ou erratique. L'idéologie spécifique de ce groupe, conservatrice et idéaliste, avait triomphé en URSS dès les années 1970 comme le montre bien la production culturelle de l'époque, dissidente ou officielle. Il suffit pour cela de comparer l'adaptation cinématographique fleuve de Guerre et Paix, réalisée dans les années 1960, bien moins progressiste que le roman de Tolstoï.

Si le socialisme a été victime des pressions extérieures, il faut réfléchir à la nature de ces pressions et imaginer des défenses d'un nouveau genre, tenant compte de l'évolution de la stratégie politico-militaire mondiale. Il est indéniable que les puissances impérialistes ont mené une politique de fond, économique, militaire, et communicationnelle, pour son éradication, et qu'il a été continuellement sur la défensive sur ces trois terrains.

Lorsque les facteurs internes et externes se sont unifiés, la partie était jouée.

Mais avant tout il ne faut pas faire fausse route. Qu’on l’appelle ainsi ou autrement, "hégémonie" par exemple à la manière de Gramsci, le socialisme est le système économique et social géré par la dictature du prolétariat. Le point crucial est donc dans la conscience prolétarienne. Si la classe ouvrière ( au sens large) ne sent plus cet État comme le sien, la partie est perdue.

Ce qui a caractérisé l’image finalement négative du socialisme réel entrepris dans les pays socialistes, c’est l’idée abondamment ressassée par la propagande bourgeoise-occidentale qu’il s’agissait d'une dictature de parti unique, interdisant l’expression des opinions d’opposition, défendue par un appareil policier, n’hésitant pas à soumettre la société à une surveillance de masse et à recourir à la dénonciation. Dans ces conditions l’idée la plus répandue pour dépasser la contradiction du socialisme a été de proposer le fameux « socialisme à visage humain » suivant le slogan de Dubcek, leader du soi-disant Printemps de Prague de 1968. Un socialisme pluraliste, sans répression, sans surveillance, libertaire à l’instar de mai 68 (ou tout simplement de l’Angleterre des swinging sixties). Marx Engels Lénine et John Lennon.

Je pense que cette possibilité n'existait pas, et que ce socialisme imaginaire était destiné à le rester. C'est ce qu'avaient montré dès 1956 les événements de Hongrie, où contrairement à la légende gauchiste la libéralisation ouvrit en grand la brèche pour les lynchages fascistes, et le Chili en 1973 où le respect des règles de la démocratie formelle désarma le peuple ; un socialisme sans police, sans surveillance des activités contrerévolutionnaires, et qui se remet en jeu de lui-même candidement dans l’alternance électorale n’a pas d’avenir, tant que les métropoles principales du capitalisme ne sont pas tombées. N’oublions pas que le choix du socialisme est à long terme, qu’il n’est pas réversible sans massacre social, et que son rythme de maturation centenaire n’est pas celui des vagues de l’opinion.

Il faut prendre conscience de ce fait têtu : dans un pays socialiste, où il n’y a pas de forces économiques séparées qui revendiqueraient le pouvoir sur l’ensemble de la société, il ne peut pas y avoir de parti d'opposition au sens historique du terme : le parti d’opposition, celui des « dissidents », s’appuie uniquement sur l’extérieur : l'émigration, l'impérialisme, la CIA ou aujourd'hui les "ONG" de Soros et compagnie, et quelque soit son influence sur les foules et sa capacité de nuisance il ne "représente " littéralement rien d'autre que ceux qui le financent.

Le socialisme devra se défendre tant qu’existera l’Empire des multinationales, et c’est la culture de la conscience qui permettra que le parti unique du prolétariat et l’action des services de sécurité soient approuvés et soutenus par le peuple et non ressentis comme une chape de plomb ; dans les deux cas où le socialisme a subsisté, en Corée et à Cuba, ce soutien populaire provient du caractère évident, immédiat et existentiel de la menace impérialiste sur le pays tout entier. A Cuba les CDR n’ont pas suscité de rejet équivalent à d’autres institutions de contrôle social, dans d'autres pays; sans doute parce que ce quadrillage s’enracine dans une volonté populaire et publique de défendre la population contre les agressions impérialistes évidentes pour tous, et non dans le souci d’un socialisme dynamique mais minoritaire de tenir en respect un peuple indifférent ou hostile en grande partie, comme en RDA, dans l’Allemagne post-nazie.

A quoi sert le pluralisme politique bourgeois actuel ? Il n’est en aucun cas producteur de conscience ou de quelconque qualité de "gouvernance". On frémit à l’idée de ce que ferait la Chine gouvernée par des politiciens comparables aux politiciens européens ou américains. Mais d’une part il permet de recruter des dirigeants politiques en canalisant la compétition des ambitieux, et les ambitieux existent et sont nécessaires partout, d’autre part il permet de repérer les opposants, de les isoler ou de les acheter, dans un monde où les médias efficaces sont contrôlés par la bourgeoisie.

La question est de savoir si nous sommes gouvernés par la puissance brute du capital qui achète ses séides, ou si nous sommes gouvernés par la conscience collective à laquelle nous participons ; si nous sommes des esclaves ou non. Mais s'il pouvait échapper à la séduction impérialiste, un certain jeu de pluralisme politique en pays socialiste pourrait servir précisément à dénoncer le parti renaissant du retour au capitalisme qui grandit comme un parasite à l’intérieur du parti révolutionnaire, sans avoir à en venir à l’exterminer, avec beaucoup de bavures, comme en URSS en 1936 (la trahison massive des cadres soviétiques en 1985-1991 permet de comprendre a posteriori sinon la méthode au moins la logique des épurations du parti dans le contexte de la menace hitlérienne, puis au commencement de la Guerre Froide).

Sous le socialisme l’individu est sans doute frustré de bien des désirs matériels immédiats mais il est en réalité beaucoup plus libre que sous l’influence de la marchandise, car sa personnalité n’est pas rongée de l’intérieur par la réification marchande, elle n’est pas le jouet des calculs constants du marketing pour le faire courir après les miroirs aux alouettes élaborés par les multinationales. Mais il ne le sait pas, ou plutôt la plupart des intellectuels soviétiques par inertie idéologique bourgeoise ont utilisé cette liberté pour une rêverie réactionnaire qui les a fait tomber tout crus dans les filets de l’impérialisme. L’image du socialisme comme bagne spirituel est sortie de la féconde imagination littéraire de l’intelligentsia bourgeoise opprimée dans ses rêves de grandeur par le prolétariat, et ces pays étaient loin d’être un bagne pour les travailleurs. Mais les intellectuels organiques de la bourgeoisie ont su façonner l’histoire à leur manière, et rendre le type de liberté dont on jouit sous le capitalisme (celle d’acheter des marchandises avariées tant qu'on a de l’argent) la seule imaginable.

L’individu bourgeois est élevé dans l’illusion messianique de son destin exceptionnel. Il estime que sa liberté se trouve en tout ce qui facilite cette illusion, et il se rebelle si on l’empêche de la poursuivre. Les classes populaires ne sont pas composées de ce type d’individu projeté hors de soi dans un rôle et pour lequel le bien n’a de sens que s’il est un bien de vanité, de gloriole et d’ostentation. Le socialisme permet le vrai développement de l’individualité de tous, et des prolétaires avant tout, dont le désir sous-jacent au bourrage de crâne marketing n’est pas d’écraser les autres prolétaires mais de participer à la grande coopération créatrice. C’est par la discussion collective, éclairée par le parti qu'il a lui même créé que le prolétariat accède petit à petit à la conscience sociale, qui est supérieure à la conscience romanesque aliénée, à la Madame Bovary, qui occupe la tête des étudiants et des cadres bourgeois, d'extrême droite ou d'extrême gauche, libéraux ou conservateurs, mondialistes ou chauvins.

Le prolétariat dans la Bible est voué éternellement à couper le bois et à porter l’eau. Jusqu’à la Révolution il reste l’humble instrument de l’ambition et du confort des classes cultivées. Seul le socialisme permet au coupeur de bois et au porteur d’eau qui a tout créé de l’humanité de vivre humainement. Les expériences socialistes ne peuvent être jugées qu'à l'aune de la totalité du temps historique.

Dans un premier temps cette libération se produit au détriment de la production car le prolétariat affranchi a tendance à se partager la plus-value, ou à cesser de la produire. Mais après l’étape d’adaptation, la classe exploitée deviendra comme le pensait Marx la nouvelle force productive inépuisable et gratuite, car elle décidera elle-même de l’emploi de la plus-value pour le bien commun de l’humanité. Le stakhanoviste qui est la figure de l’histoire révolutionnaire la moins comprise et la plus haïe du gauchiste petit-bourgeois préfigure pourtant cette mutation du prolétariat en classe créative.

Mais il doit en chemin se défaire des mythes existentiels et du roman parasitaire de la bourgeoisie et des classes moyennes (esclaves qui se croient libres, exploités qui se prennent pour des bourgeois). Il faut simplement lui donner le temps de son auto éducation pour se passer des exploiteurs, et c’est son parti qui peut lui donner ce temps critique.

GQ, 22 septembre 2015, relu en août 2022