La décadence idéologique de Mitterrand à Macron
Aprés les deux septennats de Mitterrand, Jospin
avait théorisé sur la gauche de lutte et la gauche de pouvoir ( une
gauche gestionnaire) dans un entretien publié par Les Temps Modernes en
1996. Il voyait dans les quatorze ans de mitterrandisme au pouvoir, une
réconciliation de la gauche avec l’idée de la durée en la confrontant
avec les contraintes du pouvoir et donc l’ont amené à être comptable des
conséquences de ses propres actes. Jospin voulait rénover et mettre en
mouvement la gauche. Il a envoyé Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des
élections et ouvert la voie du vote républicain qui a permis l’élection
de Chirac jusqu’à celle de Macron. Dans le glissement idéologique opéré
sous Mitterrand et théorisé par Jospin, transparaissait déjà le « ni
droite ni gauche » et le « en même temps », formulés par Macron.
Dans quel monde vit-on ? Un monde d’image et de bruits de fond dont
la télévision et la radio sont les vecteurs. Sur certaines chaînes et
ondes, on entend des voix discourir sur tout et donner un avis tranché,
alors que tous les jacasseurs ne connaissent pas ou plus la vraie
vie. Le paysage audiovisuel est peuplé de sophistes, souvent sans
culture autre que celle de la doxa libérale, de ses fausses vérités, de
ses boucs émissaires et de ses privilèges. Malheureusement, cette pensée
racornie par l’individualisme des nantis et des carriéristes est aussi
celle de nos politiciens. Tous ces moralistes et experts-en-tout vivent
dans un monde bien concret qui est celui de l’argent et traite de façon
virtuelle le reste du monde. Ils se protègent par un mur de préjugés
assénés comme des vérités premières. Tout acquis social leur est devenu
insupportable. Alors, pour régner et continuer à s’enrichir, ils
divisent et excommunient. Ils ont pris tous les leviers et se livrent à
des simulacres démocratiques que sont devenues les élections. Ils
imposent des reculs sociaux à coups d’article 49-3.
Sous la présidence de Hollande, nous avions noté deux sujets de philo posés au Bac « La politique échappe-t-elle à une exigence de vérité ? » et « La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ? ». On
se demande quelle partie optimiste de leur devoir les candidats ont pu
rédiger en répondant à ces deux questions à travers le regard qu’ils
peuvent avoir sur le comportement des politiciens, la montée de
l’abstentionnisme civique, la xénophobie galopante, l’individualisme
érigé en vertu…etc. A la première question, François Hollande éviterait
de répondre, alors que Sarkozy jurerait être un partisan de la vérité,
la sienne. Ils ont passé leur bac depuis longtemps et la philosophie ne
leur sert qu’à jouer les Machiavel. Pour la seconde, nous sommes bien
obligés de constater le formatage des individus pour qu’ils soient le
reflet non pas de la société telle qu’elle est et telle qu’ils
aspireraient qu’elle soit, mais plutôt pour les soumettre et faire
lâcher prise aux plus combattifs. Bon vous me direz que la philosophie
explique tout mais ne répond à rien. Peut-être les politiciens mettent
trop de philosophie dans leurs discours ?Il est vrai qu’ils apparaissent
souvent comme des sophistes quand ils ne pratiquent pas la langue de
bois.
Un troisième sujet pourrait convenir à un socialiste d’aujourd’hui : Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?
Un national-social-libéral ? Ce n’est certainement pas le passé du
socialisme qui a conduit le PS au libéralisme de la Droite. C’est une
lignée de dirigeants du PS depuis 1983. Après le virement idéologique de
Mitterrand, Hollande, Valls et Macron sont le triumvirat de
l’aboutissement d’un objectif de la doxa libérale : détruire la Gauche.
Macron a achevé le long travail de reniement de la gauche. Le parti
socialiste n’a plus de colonne vertébrale ! La Gauche est ailleurs, là
où elle a toujours été pour que ce qui est décrit comme des utopies
sociales soient des réalités. Il s’agit de la gauche de combat sans
laquelle aucun acquis social n’aurait été obtenu et sans laquelle la
régression sociale suivra un seul cours, celui de la Bourse.
Que ce soit Mitterrand ou Hollande, une fois au pouvoir, ils ont
rapidement perdu, par cynisme, l’idée de la lutte, du changement de
l’ordre social et du mouvement. Comme la droite, Hollande et Valls ont
considéré le discours de l’opposition de gauche comme coupé des réalités
et restant dans la négativité. Leur discours est celui de la doxa
libérale relayé par les grands médias. Comme la droite, Hollande et
Valls ont voulu entrer en symbiose avec les pouvoirs économiques. Jospin
avait théorisé sur la gauche de lutte et la gauche de pouvoir dans un
entretien publié par Les Temps Modernes en 1996. Il déclarait
notamment : « Je sais que les trois traditions du socialisme
français : Radicalisme révolutionnaire/Utopistes (Saint-Simon, Charles
Fourier, Pierre Leroux, Pierre Proudhon)/Marxisme (notamment la
tradition Guesdiste), pour être dissemblables sur bien des points, se
rejoignent néanmoins dans un même mépris du réformisme et de la
social-démocratie. C’est pourtant d’un nouveau réformisme dont nous
avons besoin. Sans lui, nous laisserons le terrain à une droite dure
(Alain Madelin) qui, sous couvert de réformes, nous prépare le pire. Le
PS doit redevenir le parti du mouvement et se défaire de l’accusation –
particulièrement injuste – qu’on lui colle parfois de « nouveau
conservatisme », crispé qu’il serait sur la seul défense d’avantages
acquis. Le PS doit redevenir ce qu’il a toujours été historiquement –
au-delà des divisions, des inévitables divergences de vue, des discours
mobilisateurs – : le parti de la réforme ». Il ajoutait que son
idée était de « faire revivre un parti socialiste sans l’idéaliser ». Il
était déjà loin le temps où, interne du Lycée Janson-de-Sailly ( lycée
de la bourgeoisie parisienne), Jospin suivait des cours de philosophie
et avait pour prof Maurice Cavaing , un des théoriciens du parti
communiste qui réunissait ses élèves en fin d’année dans un appartement
du XVIème arrondissement pour une initiation au marxisme , au
matérialisme dialectique. En 1999, le même Jospin déclarait : « Ce n'est pas par la loi, par les textes, qu'on va réguler l'économie ».
Cette phrase, prononcée lors d’une intervention télévisée, ne pouvait
évidemment pas laisser indifférente la gauche radicale. Sans surprise,
les réactions les plus virulentes sont venues des rangs du Parti
communiste, de l'extrême gauche et de l'aile gauche du Parti socialiste
qui ont, avec des mots différents, accusé le Premier ministre de s'être
converti au libéralisme. Une mutation idéologique pour quel résultat ?
La continuation d’une même politique depuis 30 ans. Jospin voulait
rénover et mettre en mouvement la gauche. Il a envoyé Jean-Marie Le Pen
au deuxième tour des élections et ouvert ma voie du vote républicain qui
a permis l’élection de Macron. Dans le glissement idéologique opéré
sous Mitterrand et théorisé par Jospin, transparaissait déjà le « ni
droite ni gauche » et le « en même temps », formulés par Macron.
Avec Hollande, Macron était dans la place. Il a certainement joué un
rôle important dans le glissement idéologique « ni droite, ni gauche ».
En faisant ce choix politique et en considérant qu’il était la seule
voie possible, ils se sont mis dans une impasse et ont fait le lit à la
droite et à l’extrême-droite. Ils ont voulu tuer la gauche mais ils sont
morts pour la gauche qui se reconstruira, comme elle l’a toujours fait.
Ils veulent « renaître » mais leurs idées sont trop vieilles pour
parler de renouveau.
Les pouvoirs économiques sont à droite. Sarkozy n’a pas réussi à
revenir et s’est empêtré dans des affaires judiciaires. Son ancien
premier ministre et la Justice ont contrecarré ses projets. Son éviction
judiciaire semblait être l’événement attendu par Hollande. C’est Fillon
qui l’a été évincé avant de l’être lui-même.
Sarkozy et Hollande ont renforcé le Front national d’autant plus que
ce parti d’extrême-droite a bénéficié d’une campagne de dédiabolisation
entre chaque élection présidentielle pour préparer le vote dit
républicain du deuxième tour. La diabolisation est maintenant réservée
au Front de gauche, puis aux Insoumis et à tous les mouvements qualifiés
d’extrême-gauche, pour faire croire que le PS est la Gauche
respectable. Hollande, Cambadélis, Aubry, Valls, Cazeneuve, Castaner,
Ferrand, Coulomb ont jeté les dernières pelletées sur le cercueil de la
vieille dame. Ce n’est pas Raphaël Glucksmann qui va l’exhumer et la
ranimer. Macron a coulé la dalle et Glucksmann vient s’assoir dessus.
Valérie Hayer, tête de liste macroniste aux élections européennes, a dit
de lui dans le Figaro : « Il devrait être avec nous, et il le sait. Il serait beaucoup plus efficace pour porter ses idées et avoir des résultats ». Cette députée européenne explique voter à Bruxelles et à Strasbourg "à 90% de la même façon"
que l'essayiste du mouvement « Place publique » qui brigue la tête
d’une liste avec le PS. Ce néo-conservateur qui a soutenu les trois
derniers présidents de la république est le « fils de » et le « mari
de ». Il est le fils de feu André Glucksman, nouveau philosophe sorti de
mai 1968 qui est passé du maoïsme au néolibéralisme. Il fut le mari
d’Eka Zgouladze, vice-ministre de l'Intérieur de Géorgie (2005-2012),
puis vice-ministre de l'Intérieur de l'Ukraine (2014-2016). Le couple a
un garçon, né en 2011. Il a été conseiller de Conseiller de Mikheil
Saakachvili, président de la Géorgie. Séparé de sa première femme, il a
trouvé une nouvelle compagne en la personne de Léa Salamé, célèbre
journaliste franco-libanaise avec qui il a eu un autre enfant. Ses liens
anciens avec la Géorgie et l’Ukraine expliquent ses positions
belligérantes contre la Russie de Poutine. Si l’on s’intéresse à ses
deux compagnes, avec son air de dandy, il choisit des femmes friquées.
Il est sans aucun doute de droite, malgré le nez rose qu’il affiche.
Pour idéaliser, il reste Prévert, Char, Aragon, Pessoa, me
direz-vous. Ils sont morts et ne servent plus que pour les
commémorations dans des discours rédigés par des littéraires pour les
politiques ! A l’Elysée, des DJ et des rappeurs sont invités. Macron y
reçoit Kiddy Smile, Pharrell Williams, Jul et d’autres. C’est l’ambiance
des boîtes de nuit. Brigitte se dandine dans ses tenues LVMH et
Vuitton. A chacune de ses sorties, la presse people ne manque pas de
complimenter les tenues de la première dame, plus vieille mannequin de
la haute couture chez le milliardaire Bernard Arnault.
Macron n’est plus qu’un épouvantail et en 2027, il ne pourra pas
déclamer : « Ah !... Qu’il est bon de renaître ! », comme il l’a fait à
ses 15 ans en jouant la comédie du langage, pièce mise en scène par sa
professeure devenue son épouse. Toutefois, il faut se méfier de Vulcain,
alias Jupiter. Macron aime se déifier. La mythologie grecque raconte
que Zeus (Jupiter pour les Romains) a enfanté pendant plusieurs mois,
dans sa cuisse, son fils Dionysos (Bacchus pour les Romains). Qui va
sortir de la cuisse de Macron ? A moins que Vulcain ( Héphaïstos chez
les Grecs) prenne le dessus. Il aurait eu de nombreux enfants, tous
bâtards. Nous devons être persuadés que Macron va se choisir un
successeur sorti de la cuisse de Jupiter. A moins que ce ne soit un
bâtard républicain, Modem ou social-libéral aunez rose. Pour l’instant,
il semble préoccupé par les élections européennes et les sondages qui
mettent le Rassemblement National en tête. La gauche partant en ordre
dispersé, il réserve donc ses flèches au RN et à Marine Le Pen. On se
demande même si son annonce sur des troupes européennes envoyées en
Ukraine n’a pas été faite dans le but de gêner l‘extrême-droite empêtrée
dans ses relations avec la Russie.
Nous sommes en 2024 et 2027 est encore loin. Macron nous a amené au
bord du gouffre et il pourrait encore nous faire avancer pour un pas de
trop, celui qui nous plongera dans la guerre. Ce serait le dernier acte
de la représentation d’un acteur qui aura joué le chef d’Etat dans des
habits trop grands pour lui. Avec Macron le pire est toujours possible !
Le meilleur restera à reconstruire sans lui dans un avenir qui s'est
assombri. .