Une interview de Jean-Pierre Page à l'Agence Chine Nouvelle (Xinhua) au sujet du livre : LA CHINE SANS ŒILLÈRES
1. Pourquoi avez-vous accepté de rédiger ce livre ? Combien de temps avez-vous consacré à ce recueil ?
Nous avons fait le choix avec mon ami Maxime Vivas de faire le livre « la Chine sans œillères »
avec les contributions de 17 auteurs de différentes disciplines et
opinions, des 5 continents et de plusieurs pays dont la Chine, parce que
les médias maintiennent le public français dans une grave ignorance.
Celui-ci est quotidiennement harcelé par de fausses informations sur ce
qu’est la Chine et ce que sont ses objectifs. Cela se fait, à travers
des caricatures, des idées reçues souvent héritage de notre passé
colonial. Mais plus généralement, parce que la France tout comme l’Union
Européenne accompagnent la vision hégémonique qui est celle des
Etats-Unis et du camp occidental.
Pour notre part, nous ne considérons pas la Chine comme un modèle, mais
comme un exemple. Le monde change très vite et les conservatismes qui
caractérisent la plupart des pays occidentaux doivent et devront reculer
pour faire place aux idées nouvelles. C’est la seule voie pour répondre
aux enjeux auxquels doit faire face l’humanité. Il s’agit de
promouvoir comme réponse, la justice sociale, la coopération, la
non-ingérence, le multilatéralisme, le respect scrupuleux de la
souveraineté des états, la paix. Tous les auteurs du livre partagent ce
point-de-vue et ces exigences!
C’est pourquoi, nous avons voulu faire un livre « pro vérité », un livre
qui rétablit les faits dans leur contexte, et présente de manière
objective ce qu’est la réalité de la politique chinoise avec à sa tête
un Parti communiste fort de 95 millions d’adhérents dans ce pays
continent de 1,4 milliards d’habitants et de 56 ethnies..
Nous avons voulu être fidèles à la demarche qui était celle de ces
intellectuels qui au moment où la Chine a commencé à se libérer de
l’oppression étrangère, puis des inégalités sociales et qu’elle a
commencé à explorer la mise en oeuvre d’un nouvel ordre des choses ont
fait le choix de chercher à la comprendre. A cette époque, ce qui les
intriguait était de savoir comment dans ce pays continent à la
civilisation 5 fois millénaire en continu, un groupe de jeunes militants
marxistes dont Mao Zedong pouvait avoir l’ambition titanesque
d’entraîner le peuple chinois dans un projet d’émancipation unique dans
l’histoire humaine. Inciter à comprendre et à partager sont les
maîtres-mots de cet ouvrage.
Réunir autant de personnalités de talent était donc un défi, nous
l’avons relevé. La plupart des auteurs et notre éditeur Delga ne se
connaissaient qu’à travers leur réputation. Tous et toutes ont accepté
la mise en commun d’un objectif: si l’on veut parler de la Chine,
faisons-le à partir de ce qu’elle est et non à partir de fantasmes ou de
contre-vérités délibérées.
Pour l’essentiel, ce travail avec les traductions a pris plus de 6 mois.
Dans notre diversité, nous voulions collectivement que l’ouvrage
coincide avec cet évènement historique qu’a été le 100e anniversaire du
Parti communiste Chinois. La couverture du livre est un geste amical à
cette actualité autant qu’il rend homage au peuple chinois.
2. Hong
Kong, Xinjiang, Tibet, les origines de COVID-19. Ce recueil touche
presque tout les sujets desquels les médias occidentaux font usage pour
attaquer la Chine, ou, autrement dit, font une propagande antichinoise.
Les sujets ont été choisis et distribués comment ? Quels sont les
messages que ce livre voudrait transmettre aux lecteurs ?
L’intérêt
de la France, c’est la coopération sans exclusive et sans ostracisme
politique. Cette manière de voir pour être constructive doit tourner le
dos aux idées reçues et être conforme à la période nouvelle dans
laquelle nous sommes entrés sur le plan international. Certes, celle-ci
comporte des risques, des menaces, mais elle comporte également des
opportunités. Par consequent, prenons appui sur les besoins de nos
peuples pour écarter les obstacles et les incompréhensions. Les Chinois
aiment notre pays et ils respectent les français. C’est un point d’appui
important, il est essentiel ! C’est pourquoi nous devons également
faire le choix de la réciprocité à l’égard de la Chine et de son grand
peuple. Les choses ne peuvent être à sens unique, nous avons tous à
apprendre les uns des autres. Nous n’avons pas à craindre le rayonnement
de la Chine, elle contribue aux progrès de l’humanité toute entière,
tout comme en d’autres temps cela a été le cas de la France ou encore
d’autres pays.
Par conséquent, le but de notre livre, était d’encourager la curiosité,
l’ouverture d’esprit, la compréhension mutuelle d’une Chine qui est
devenue un état moderne et dont les progrès sont incontestables.
Soutenir cette démarche est aussi important que la signature de contrats
économiques. Il y a les défis économiques mais il y a aussi les défis
politiques et culturels. C’est ce à quoi nous avons voulu contribuer.
Nous voulions montrer la Chine telle qu’elle est, à partir de sujets qui
ont été au cœur de l’actualité récente et dont l’on a beaucoup parlé.
Par conséquent les sujets on été répartis selon certaines compétences,
les enjeux économiques de la Chine nouvelle par des économistes réputés,
les enjeux géo politiques en mer de Chine par exemple par une ancienne
ambassadeur, la crise sanitaire et le covid 19 par une médecin
épidémiologiste, le Tibet et le Xinjiang par des observateurs lucides
qui connaissent bien ces régions, etc. Nous avons aussi voulu que des
auteurs chinois évoquent la manière dont ils observent le regard des
français à l’égard de la Chine. Ils l’ont fait avec talent.
Je le répète l’objectif était de chercher et aider à comprendre. Par
principes je récuse pour ma part la démarche qui consiste à dénaturer le
sens de décisions prises par la Chine et dans quelques domaines qui
soit. En fait, cela se fait souvent pour flatter la politique de
conflictualité que poursuivent les Etats-Unis. Nous avons donc voulu
dans notre diversité d’opinions faire le choix de la compréhension et de
la conviction. D’une certaine manière, notre livre se veut pédagogique.
3.Dans
le chapitre que vous rédigez, vous citez que "La guerre est semblable
au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’ont
provoquée". Qu’est-ce que vous voudriez souligner sur le dossier de Hong
Kong par cette formule de Sun Tzu ? Quel est le rôle des États-Unis sur
les questions de Hong Kong ? Et d’après vous, quel est le sens de
l’adoption de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong par la Chine ?
J’ai
volontairement donné le titre suivant à ma contribution : “ N’en
déplaise à Donald Trump et Joe Biden, Hong Kong est en Chine”. Ce qui
peut sembler une évidence mais elle ne l’est pas pour tout le monde et
en particulier pour ceux dont l’hostilité déclarée à l’égard de la Chine
les ont conduit à travestir ce fait historique qui par ailleurs est
doublé d’une certitude.
J’ai cité volontairement, le philosophe et grand stratège militaire Sun
Tzu pour qui j’ai une grande admiration, parce qu’il a décrit de manière
simple et anticipatrice ce qui finalement est arrivé à ceux qui ont
tenté de provoquer une rupture entre Hong Kong et la mère patrie.
Délibérément, au plan international les Etats-Unis assument cette
responsabilité, avec comme relais, les médias mainstream et des ONG
locales connectées à des reseaux outre atlantique. C’est ce que mon ami
Bensaada a parfaitement démontré dans son texte. Au fond, il s’agissait
d’une entreprise de déstabilisation visant la Chine toute entière, Ce
fut un échec complet pour les apprentis sorciers, et ils en ont été pour
leurs frais.
Loin de remettre en cause le statut spécial de Hong Kong, la loi sur la
sécurité nationale a comblé un vide. Je constate d’ailleurs que peu de
personnes se sont exprimé sur le contenu de cette loi prise légitimement
par le Parlement et l'Assemblée nationale Populaire de Chine. Le droit
de se protéger à l’intérieur de ses frontières contre toute forme
d’ingérence est un droit inaliénable pour chaque nation. Il est garanti
par le droit international et la Charte des Nations Unies. Hong Kong
d’ailleurs n’est pas membre de l’ONU, ce qui est d’ailleurs aussi le cas
de Macao et Taïwan.
Comme au Xinjiang, à Taïwan ou en mer de Chine méridionale, on ne peut
examiner ce qui s’est passé à Hong Kong indépendamment de la politique
générale des USA à l’égard de la Chine. En réalité et dans les faits, la
rétrocession de Hong Kong n’a pas bouleversé le monde des affaires,
conformément aux accords Hong Kong est demeuré une des plus importantes
places financières au monde et le capitalisme continue à y dominer, le
territoire y dispose de sa propre monnaie. Pour autant, son statut est
parfaitement clair ”un pays, deux systèmes”. En d’autres termes et selon
la formule de Ji Pengfei qui comme ministre des affaires étrangères
supervisa les négociations avec la Grande-Bretagne, “une seule Chine,
une seule souveraineté, une seule diplomatie, une seule défense”. Il
fallait donc en tirer les conséquences politiques et assumer ce qui
devait l’être. C’est ce qui a été fait.
L’objectif de Washington et de ses vassaux était d’internationaliser les
tensions qu’a connu Hong Kong. Les autorités chinoises ont fait preuve
de sang-froid et de patience, de plus, une large majorité de la
population a rejeté la violence, elle aspire au calme. Dans ces
conditions, la loi sur la sécurité a permis de stabiliser les choses.
D’ailleurs ces dernières semaines, j’ai noté que les protagonistes
politiques qui brandissaient drapeaux américains et britanniques dans
leurs manifestations ont annoncé l’auto dissolution de leur mouvement.
Mais , je voudrai ajouter qu’on a oublié bien vite 1967 et la répression
brutale du gouverneur britannique de l’époque face à des revendications
sociales, ayant fait l’objet d’une large mobilisation syndicale. Il y
avait eu officiellement 51 morts, 800 blessé, des centaines
d’arrestations, des peines de prison très lourde. En fait, aujourd’hui,
la Chine par ses décisions a introduit à Hong Kong un système autrement
plus démocratique que sous la colonisation britannique. C’est pourquoi,
il y a une arrogance insupportable à vouloir donner des leçons à la
Chine, quand l’on connait le bilan des pays occidentaux dans tous les
domaines tout particulièrement dans celui du respect des droits de
l’homme comme on le voit malheureusement en France ou aux Etats-Unis..
4.Jusqu’à présent, quelles sont les réactions ou commentaires des lecteurs et des médias français sur ce livre ?
Le
livre est en circulation depuis peu de temps. Il a rencontré déjà
beaucoup d’intérêts, y compris internationalement et plusieurs articles
dans la presse ou sur les réseaux sociaux ont mis en évidence la
prouesse d’avoir réunis un nombre aussi important de personnalités sur
un tel sujet. André Lacroix, qui est un fin connaisseur de la Chine, a
dit du livre: « qu’il représentait une petite encyclopédie à entrées
multiples. »
Je pense que les éditions Delga dont le directeur a été reçu en audience
officielle par son Excellence l’Ambassadeur Lu Shaye à l’occasion de la
sortie du livre a eu raison de souligner la portée politique de ce
livre pour les lecteurs français, mais aussi pour ceux de Chine.
L’ouvrage représente une somme importante d’informations qui contribuent
à clarifier des dossiers importants.
Pour les détracteurs habituels de la Chine, ils semblent plus faciles à
mettre en cause par exemple le travail de mon ami Maxime Vivas sur le
Xinjiang. Ils le font à partir de procès d’intention sans fondements et
souvent d’une grande vulgarité se comportant ainsi comme de véritables
mercenaires. Dans le cas de notre livre, c’est évidemment plus
compliqué à faire à l'égard de17 auteurs de sensibilités diverses, mais
animés du souci de rendre compte avec sincérité de leur vision de la
Chine. Notre grand écrivain et ministre de la Culture du Général de
Gaulle, André Malraux, qui admirait la civilisation chinoise a écrit : «
La Chine est la Chine, et le reste du monde est le reste du monde ». Je
serai tenté de dire, par respect pour elle et aussi pour nous-mêmes,
comment ne pas en tenir compte.
5. En outre, si c’est possible, pourriez-vous me présenter un peu votre prochain livre
Ce
prochain livre sur lequel nous travaillons avec Bruno Drweski qui
enseigne à l’Institut National des Civilisations et langues
orientales(INALCO) qui est un chercheur et auteur de nombreux ouvrages,
portera sur la politique étrangère de la nouvelle administration
américaine de Joe Biden à l’égard de la Chine.
Notre opinion est que les Etats-Unis vont non seulement poursuivre, mais
développer leur politique agressive à l’égard de la Chine. Cette
volonté de restaurer une “nouvelle guerre froide” qui était celle de
Donald Trump, est aujourd'hui celle de Joe Biden. Comme le declare
celui-ci, il s’agit d’ un “défi majeur “. En fait, pour comprendre cette
orientation, il faut prendre en compte l’antériorité de la politique
américaine en particulier depuis Barack Obama et la réorientation de
celle-ci à travers le fameux document stratégique « Pivot to Asia ».
Au moment même de l’intronisation du nouveau Président américain à
Washington, une des plus fameuses fondations nord-américaines,
“l’Atlantic Council » a produit pas moins de trois rapports visant à
donner une stratégie offensive à la nouvelle administration y compris
avec son volet militaire. Le néo conservatisme continue donc
d’influencer profondément la politique étrangère des Etats-Unis et c’est
pourquoi s’y retrouvent dans un large consensus, républicains et
démocrates.
Ce qu’il y a de nouveau dans ces documents, c’est que cette fois-ci les
choses sont dites crument . Il ne s’agit plus de contenir ni de refouler
l’influence de la Chine, mais d’en finir avec le Parti communiste
Chinois et son principal dirigeant à la tête du pays : Xi Jiping.
L’objectif serait ainsi selon les auteurs de favoriser par tous les
moyens une direction plus modérée afin de contribuer à ce que le peuple
chinois s’émancipe de la domination centenaire du Parti communiste.
Les Etats-Unis dont le déclin est une chose largement admise traversent
une crise profonde qui divise et affaiblit la société américaine toute
entière. Joe Biden et ses conseillers, cherchent à faire porter la
responsabilisé de leurs échecs économiques, sociaux, sur le plan
international comme en matière de droits de l’homme à la Chine. Le
dynamisme de celle-ci entraînerait selon eux des conséquences négatives
pour la mise en oeuvre de la politique intérieure et étrangère
américaine. C’est ridicule! En fait, Joe Biden cherche à disculper un
système incapable de répondre aux enjeux de notre temps et aux propres
besoins de ses citoyens. Les événements que nous vivons actuellement en
Afghanistan sont de mon point de vue révélateur, tout comme le sont sur
un autre plan la crise épidémique.
Le discrédit, la perte de crédibilité des USA en même temps que
l’influence grandissante de la Chine bouleverse la donne, les références
internationales, et d’une certaine manière le rapport des forces dans
le monde en même temps que se nouent de nouvelles alliances contre la
recherche d'imposer toute forme d’hégémonie. Comme le dit le Président
Xi Jiping « Pour construire une communauté de destin, l’ancienne
mentalité de jeu à somme nulle doit céder la place à une nouvelle
approche de la coopération gagnant-gagnant. ». Je crois que cette pensée
anticipatrice et novatrice contribue à donner confiance.
car elle représente aujourd’hui une alternative crédible.