Pour ne pas oublier de quoi
l’extrême droite est capable
Ce matin, sur Facebook je lisais l’emploi du temps d’un député de Saône-et-Loire, il écrivait notamment, ceci :
« A
partir de 10h et pour toute la matinée je participe au colloque
organisé par la Fédération des chiens guides d'aveugles sur le thème
"Accessibilité : chiens guides d'aveugles éduqués et en éducation :
droits, devoirs et responsabilités".
Ceci
m’a rappelé un dramatique épisode de la guerre d’Algérie : l’attentat
dirigé contre le ministre André Malraux le 7 février 1962 et, par
erreur, c’est Delphine Renard qui fut victime de l’OAS.
Depuis que je connais cette dramatique histoire, chaque mois je verse un don à cette association.
Michel Dandelot
En
médaillon: Delphine Renard, fillette, victime de l'attentat qui visait
le domicile d'André Malraux, le 7 février 1962. Mai 2012. Phèdre, son
chien guide, l’accompagne chaque jour dans le jardin du Luxembourg
Delphine Renard écrit :
Dans
quelques jours, seront commémorés, ici et là, le cinquante-troisième
anniversaire des Accords d’Évian puis celui de l’accès de l’Algérie à
l’indépendance. Ces événements ont mis fin à des mois de terreur,
orchestrée, des deux côtés de la Méditerranée, par les factieux de
l’OAS, Organisation armée secrète, créée en février 1961 pour s’opposer à
la politique de décolonisation mise en place par le général de Gaulle.
Longtemps,
la guerre d’Algérie, épisode honteux qui a souillé la France
d’après-1945, a fait l’objet d’un consensus de refoulement collectif,
malgré les initiatives courageuses de certains historiens tels que
Benjamin Stora.
Aujourd’hui, le tabou tombe
Paris
a été, le 6 octobre 2011, la première institution française à témoigner
officiellement de reconnaissance à l’égard des victimes en leur dédiant
un monument au cimetière du Père Lachaise. Ce geste demeure cependant
isolé. En effet, loin d’une condamnation rétrospective des 2700
assassinats perpétrés par les nostalgiques de l’empire colonial, nous
assistons au contraire à une consécration de leur mémoire, au mépris des
victimes de leurs actes odieux.
Ayant
survécu à un attentat dirigé contre le ministre André Malraux le 7
février 1962 et à la suite duquel, grièvement blessée, j’ai perdu la
vue, je serais non pas une victime mais une "bavure", selon une
confidence récente d’un vieil activiste - pas du tout repentant - à un
journaliste.
J’avais jusqu’alors gardé le silence. Je choisis de le rompre ici pour dire ma révolte.
Sous
le couvert d’hommages a priori légitimes rendus aux morts, des stèles
ont été élevées non à la mémoire mais bel et bien à la gloire de
criminels de l’OAS, pourtant condamnés en leur temps par la justice
française.
Dans
les municipalités où ces impudents cénotaphes ont vu le jour,
l’idéologie extrémiste et le révisionnisme ont triomphé à la fois du
sens commun et de l’esprit républicain : pas de tueurs de l’OAS, mais
des combattants, des résistants, des patriotes ; et, dès lors, pas de
crimes non plus, mais des exécutions et pas de victimes, mais des
traîtres ou simplement des bavures !
Le
28 novembre 2011, le chef de l’État lui-même a apporté une contribution
éminente à l’excitation des passions mémorielles en remettant
personnellement la plus haute distinction de la Nation au légionnaire
putschiste Hélie Denoix de Saint Marc et en érigeant ainsi en modèle la
rébellion contre l’autorité légitime.
Peu
après, le 10 janvier 2012, lors d’une audience du tribunal
administratif de Marseille liée à un recours contre l’édification d’une
stèle magnifiant l’OAS dans un cimetière de Marignane, l’on a pu
entendre l’avocat de la défense parler tranquillement des "prétendus
assassinats" reprochés à l’organisation terroriste !
Tribune de Delphine Renard (Le Monde du 7 février 2012), défigurée à 4 ans par une bombe posée à Paris par l’OAS.
Aujourd’hui,
le révisionnisme glisse vers un véritable négationnisme. À l’oubli des
victimes succède la négation de la réalité des faits auxquels cette
guerre sale a donné lieu de la part des ultras de l’Algérie française.
Selon Élie Wiesel, "tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde fois les victimes."
Il
est des ressorts sur lesquels l’extrême-droite s’appuie pour sa montée
en régime : l’Histoire nous l’a appris et elle adore bégayer. Nous
sommes tous concernés par une République qui s’oublie au point de
commettre des attentats à la vérité en honorant ceux qui ont eu recours à
la barbarie pour tenter de renverser l’ordre démocratique.
Le
8 février de chaque année, rappelant la responsabilité écrasante de
l’État dans les neuf morts du métro Charonne, nous célébrons, à travers
eux, le sacrifice de tous ceux qui sont tombés sous les coups de l’OAS.
N’oublions pas, certes, mais surtout souvenons-nous, car la mémoire est
une action en marche.
Delphine Renard, pour l’ANPROMEVO (Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS)
Tiré du blog de Michel Dandelot