Quelle unité populaire pour une rupture politique ? par PIERRE ALAIN MILLET
Un très beau texte, calme digne et politique au sens noble du terme…
Espérons qu’il sera entendu… Être communiste ce n’est pas suivre l’air
du temps c’est savoir défendre ce qu’on estime juste, l’individu peut le
faire mais l’essentiel est un parti qui lui donne la force de résister
et il faudra cette force-là dans ce qui nous attend quel que soit le
résultat des élections parce que tout ne dépend pas des institutions
mais bien de la mobilisation populaire, les élections en font simplement
partie et sont souvent conçues pour démobiliser, l’analyse concrète
d’une situation concrète reste indispensable, merci PAM. (note de
Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
La création de la “nouvelle union populaire écologique et sociale” est
présentée comme un évènement historique sortant de décennies de
divisions pour ouvrir la possibilité d’une rupture politique. Jean-Luc
Mélenchon avait donné le ton “élisez-moi premier ministre”. Les
dirigeants de gauche suivent avec des annonces spectaculaires,
salaires, retraite, emploi… tout va changer dès le 1er juillet. Mieux
que le 10 Mai 1981..
Pourtant, de nombreux militants se posent des questions sur la
réalité derrière l’affichage quasi publicitaire, des insoumis se
demandant pourquoi faire autant de place au PS, et même à deux anciens
LREM, des communistes se demandant où sont passés les jours heureux, des
candidats locaux légitimes effacés au profit de parachutages insoumis,
et beaucoup d’anciens se demandant si on ne recommence pas comme hier…
Si la promesse médiatique NUPES ne se concrétise pas à la hauteur de
l’annonce, le retour de bâton pourrait être violent…
Une exigence populaire ou une illusion médiatique ?
Oui, tous les militants le savent, et les sondages le disent, il y
avait, il y a, une forte attente d’unité ressentie comme la condition
pour affronter le pouvoir des riches. Mais les communistes peuvent-ils
se contenter des idées dominantes ?
Le parti communiste ne serait pas né en 1920 si ses militants avaient
suivi en 1914 un peuple qui envoyait sa jeunesse à la boucherie “la
fleur au fusil”. Il n’existerait pas s’il ne s’était pas engagé contre
la guerre du Rif contre la majorité de notre peuple, ni s’il avait suivi
la collaboration largement majoritaire pendant de longs mois après la
défaite en 1939. En 1956, c’est bien sous la pression du soutien
populaire à celui qui disait préparer la paix en Algérie que le PCF vote
les pleins pouvoirs. Avec le recul, était-ce si raisonnable ?
Enfin, ma génération se souvient bien de la difficulté à expliquer à
la fin des années 1970 qu’il fallait renforcer le parti communiste et
conforter le programme commun. A tel point que nous avons constaté le 24
avril 1981 que le parti socialiste était devenu majoritaire à gauche et
que nous avons dû organiser à contrecœur, des “fêtes de la victoire” en
juin, quand de nombreux communistes savaient que la trahison des
espoirs de “changer la vie” ne tarderait pas. Dans son célèbre rapport
secret au comité central de 1972, Georges Marchais avait pourtant
prévenu. A Vénissieux, déjà, cela avait fait perdre un député communiste
au profit d’un socialiste.
On le sait, l’histoire se répète, la deuxième fois comme une farce.
Alors quelle est la réalité de cette exigence populaire d’une nouvelle
union de la gauche ? Comment ne pas voir que ce qui domine, loin d’une
exigence populaire unie, c’est la division avec un quart
d’abstentionnistes, un quart d’extrême-droite, un quart d’une gauche
dans laquelle les idées communistes sont très faibles. La situation est
bien plus dangereuse qu’en 1981 !
D’abord, cette “exigence populaire” reste faible, elle a
permis à Jean-Luc Mélenchon d’écraser la gauche, mais elle ne lui a
permis de faire reculer ni l’abstention ni l’extrême-droite. Et
l’analyse géographique et sociologique confirme même que le monde ouvrier s’est massivement détourné de cette “exigence populaire de l’union de la gauche”, en tout cas de sa représentation par l’Union Populaire.
Comment la direction du parti communiste peut-elle rester muette sur
cette situation ? Comment ne pas voir que nous faisons face d’abord à
une construction médiatique certes réussie, avec le slogan dénué de tout
fondement politique “Élisez moi premier ministre”, mais une
construction qui peut éclater comme toute bulle médiatique devant la
dureté du réel, des contradictions, et du potentiel de violence de notre
société ? Des sauvetages électoraux momentanés ne seront rien par
rapport au mouvement historique. En acceptant cet accord, nous avons
conforté les illusions populaires sur les conditions du changement et
nous nous sommes associés à la stratégie mélenchoniste, malgré les
insultes et les injures qui ont explosé contre nous dans les réseaux
sociaux insoumis. Avec cet accord, il sera plus difficile de faire un
vrai travail d’éducation populaire sur la nature de la démocratie en
système capitaliste, sur la nécessité d’unir et d’organiser le monde du
travail pour affronter le capital partout et pas seulement dans les
institutions.
Avons-nous appris quoi que ce soit de l’histoire de l’union de la
gauche et de ce qui a fait que le peuple ouvrier nous a fait payer
durement cette stratégie d’effacement devant la pression de l’unité à
gauche ?
Qu’est ce que la NUPES ?
Très vite, le débat public a simplifié ce sigle, il s’agit de l’union
de la gauche retrouvée, et Jean-Luc Mélenchon a clairement tracé son
objectif, une alliance qui doit devenir une “fédération de la gauche”,
un nom qui rappelle aux anciens les origines du parti socialiste créé
par François Mitterrand en 1972 à partir déjà d’une “fédération de la
gauche”.
Et Jean-Luc Mélenchon, qu’il faut lire et écouter car personne ne
pourra lui reprocher de ne pas avoir clairement affiché sa stratégie, a
droit à la une de l’humanité pour peser sur la direction du PCF en
pleine négociation [1].
Il s’installe comme son mentor Mitterrand dans les habits de la 5ème
république, réduit les législatives à un troisième tour des
présidentielles et demande de l’élire premier ministre. Une militante
syndicale crédule résumera parfaitement comment elle comprend ce
discours. Elle demande le retrait de la candidature communiste de la
14ème circonscription avec l’argument simple « L’élection législative ne
serait pas “une question de personne ou de parti” ». Fermez le
ban, supprimez le parti communiste, transformer les militants en
supporters spectateurs, et faites une campagne dans 577 circonscriptions
avec un seul candidat, Jean-Luc Mélenchon.
Et le leader LFI révèle le fonds de sa stratégie. Pour lui, il n’y a
plus de différences entre réforme et révolution, une fois éliminés les
macronisés. D’ailleurs, selon lui, il n’y a pas de différences de
programme entre LFI et le PCF. L’insoumission a réglé le problème de la
trahison de la social-démocratie. Et le parti communiste doit rejoindre
la grande fédération de gauche, ce que JLM lui-même appelait la “famille socialiste”.
Les communistes doivent prendre au sérieux cette affirmation dont
découle la création de l’UP, de son parlement, de son intergroupe
parlementaire… Jean-Luc Mélenchon pense avoir refermé la parenthèse de
1920, autrement dit, rendu inutile le parti communiste. Et il fait tout
pour le faire disparaitre au plus vite, par son affaiblissement comme
par son absorption dans le “mouvement”.
Il faut donc le dire clairement. La NUPES est le nouveau parti
socialiste. Le programme AEC n’est pas plus un programme de rupture que
les 101 propositions de Mittterrand en 1981. D’autant qu’il y a trois
programmes de la NUPES, puisque la FI a négocié séparément des accords
avec EELV, le PC et le PS sur des textes différents et contradictoires
sur plusieurs points. Quand à sa stratégie d’insoumission et ses éclats
médiatiques, elle aurait fait plaisir à celui qui disait avec force en
1981 « la révolution, c’est d’abord une rupture avec l’ordre établi.
Celui qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la
société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti
socialiste. » [2]
Cela dit, si les femmes et les hommes politiques ont des
responsabilités, l’histoire n’est pas d’abord celles des personnalités,
mais celle des luttes de classe. Il faut donc comprendre ce qui est ou
non différent dans la situation de 2022 par rapport à celle de 1981. En
quoi, cette NUPES est différente de la gauche plurielle de Lionel Jospin
ou de l’union de la gauche de Mitterrand. Mais cela suppose de tirer
les leçons des échecs successifs de l’union de la gauche de 1981, ou
peut-être d’ailleurs de ses trahisons réussies !
Quelle leçons de 1981 et de l’union de la gauche ?
Là encore, il faut lire JLM ! Nous avions publié sur ce site son très utile “bilan raisonné de 1981 et de la présidence de François Mitterrand” prononcé le 9 Mai 2011 et une analyse critique d’un point de vue communiste. Pour lui, l’échec de 1983 réside dans la trahison des “sociaux-démocrates” et l’absence du “mouvement révolutionnaire des masses”.
On parle beaucoup du tournant de
1983 mais on en parle très mal. Quelle était la situation ? Nous avions
eu 4 dévaluations, nous avions instauré le contrôle des changes et
l’emprunt forcé. Le pays a touché le mur de l’argent, que faire ? Une
stratégie eût été de dire, nous nous appuyons sur le mouvement social,
révolutionnaire des masses qui vont défendre les acquis du gouvernement
de gauche. Et bien où était le mouvement des masses ? Il n’y en avait
pas. Pourquoi ? première leçon parce qu’il y avait une conception
totalement institutionnelle du changement
Excellente analyse. Mais d’où vient cette “conception totalement institutionnelle du changement” ?
Pour lui, c’est seulement d’un coté le poids des éléphants du PS, la
nouvelle gauche de Rocard et de l’autre, le gauchisme type NPA qui
refuse toute responsabilité gouvernementale. Autrement dit, faites-moi
confiance, avec moi, d’un coté, les sociaux-démocrates sont éliminés ou
recyclés par Macron, et de l’autre les plus radicaux ont leur place dans
des groupes d’actions où ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Les
contradictions dans le peuple peuvent se traduire par des groupes
d’actions concurrents, voire des listes concurrentes aux élections
locales, peu importe, car à la fin, tout converge vers cette “exigence
de l’union populaire de rupture” concentrée sur l’élection
présidentielle et ses suites.
Cette analyse ne peut satisfaire un communiste. D’abord parce qu’elle
passe sous silence toute analyse de classe, et notamment ce fait
incontournable que l’abstention à l’élection présidentielle est
directement corrélée au poids de la classe ouvrière.
Si la FI a mobilisé un militantisme écologique et social très urbain,
présent d’abord dans les couches moyennes éduquées, si elle a aussi
marqué un syndicalisme CGT à la recherche d’une issue politique à ses
difficultés de mobilisation, elle n’a nulle part construit de nouvelles
bases d’unité et d’organisation populaire. Les 7 millions de voix
insoumises en 2017 se sont pour moitié évanouies dans les luttes
sociales des années suivantes.
Ensuite justement, parce-que nous savons qu’aucune majorité de gauche
ne pourra résister au “mur de l’argent” sans un puissant mouvement
populaire capable d’imposer réellement une rupture, et donc une défaite
pour tous les gagnants du système, non pas seulement une défaite
électorale, mais une défaite économique et sociale, autrement dit, la
remise en cause de leurs privilèges et de leurs pouvoirs.
Que peut être un mouvement populaire majoritaire ?
D’abord, l’Union Populaire peut-elle être la base d’un tel mouvement ?
Sur
le contenu et donc le programme, tout le monde connait les
contradictions antagoniques d’intérêt entre couches sociales que le
programme insoumis masque soigneusement pour intégrer en apparence toute
contestation. C’est vrai sur les questions écologiques comme sociales
ou régaliennes :
les
promoteurs du photovoltaïque citoyen peuvent être mélenchonistes sans
critiquer le fait que leurs installations sont payées par une taxe y
compris par les précaires énergétiques !
Les
défenseurs des réseaux coopératifs électriques citoyens, proposant de
reprendre des éléments du réseau public de l’électricité peuvent être
mélenchonistes en, contradiction avec l’objectif d’un grand service
public de l’électricité.
Les
défenseurs du logement social peuvent être mélenchonistes très
satisfaits de l’objectif de 200 000 constructions de logement social par
an sans remettre en cause le scénario negawatt qui lui limite la
construction à 36 000 logements par an.
Les
défenseurs de la sécu à 100% peuvent être mélenchonistes tout en
défendant la fiscalisation de la SECU en rapprochant fiscalité et CSG.
Les
militants “anti-flics” contre les violences policières peuvent être
mélenchonistes tout en soutenant les black blocks contre les cortèges de
la CGT, et même en défendant le trafic de stupéfiants et sa
légalisation contre l’attente populaire massive dans les quartiers d’une
plus forte présence et sévérité de la police…
Ensuite sur la pratique des mouvements sociaux que promeut un
“mouvement gazeux”. Tout le monde le sait, il n’y a pas d’organisation
LFI, uniquement des groupes d’actions, qui peuvent être concurrents, il
n’y a pas de structure départementale, seulement des élus municipaux,
métropolitains ou régionaux, dont on peut constater qu’ils ne sont nulle
part dans les processus de décision qui sont tous concentrés à la tête
du mouvement. Pour se faire désigner candidat, JLM organise ce qui n’est
évidemment qu’un plébiscite, et entre les deux tours, il organise un
sondage sans pouvoir décisionnaire puisque sa décision répétée “’pas une
voix pour MLP” est connue avant les résultats… Bref, les insoumis sont
totalement… soumis aux décisions du leader. Les communistes se
reprochent parfois, d’avoir été trop centralistes, mais plus “stalinien”
que Mélenchon, pas possible !
Peu importe cependant comment fonctionne en interne la FI si on
arrive à organiser un mouvement populaire puissant. Or, c’est là que
l’expérience des grandes mobilisations contre les lois travail,
retraite, assurance chômage, sont éclairantes. La faiblesse des
organisations syndicales, les contradictions de centaines
d’organisations militantes écologiques ou sociales, la place de la
violence de manifestants, black block ou gilets jaunes, certains
théorisant la violence, d’autres s’y laissant entrainer, mais tous
entrant dans le cycle bien connu “provocations répressions”, tout
conduit de larges parties de notre peuple à se détourner de
mobilisations qui mettent en scène des divisions au lieu de faire
converger des mobilisations. Et les incertitudes sur le projet de
société rend impossible un mouvement massif dans les entreprises.
Bref, s’il fallait soutenir un gouvernement de rupture dans les
conditions politiques et sociales actuelles, nous sommes sûr d’aller au
casse-pipe ! Un mai 68 aujourd’hui, nécessairement plus faible que
l’original, se traduirait par un coup de barre politique à droite
beaucoup plus fort !
Construire un mouvement populaire majoritaire suppose d’unir et
d’organiser de larges parties du peuple de manière cohérente, en faisant
converger les revendications et pas seulement les manifestations, en se
donnant les moyens de défendre nos mobilisations contre les
provocations, les divisions, les répressions.
Quand on se heurte au mur de l’argent, celui-ci a d’énormes moyens
médiatiques, politiques et de mouvements sociaux pour organiser sa
défense, et en premier lieu diviser ceux qui le contestent. Et ses armes
sont nombreuses, opposer ville et campagne, diplômés et non diplômés,
statutaires et précaires, industrie et services, environnement et
emploi, ouvriers et cadres…. On ne peut y résister sans engagement de
masse, sans des centaines de milliers de militants capables de
s’organiser, de se mettre d’accord à l’échelle de la lutte, pas
seulement au plan local, mais à tous les niveaux de la lutte,
d’agglomération, départementaux, jusqu’au national et aux relations
internationales.
Le cas exemplaire de Vénissieux et de la 14ème circonscription du Rhône
La 14ème circonscription du Rhône, comme quelques autres, est
révélatrice de la réalité de “l’accord” associant le PCF à la NUPES et
qui a conduit le député communiste Stéphane Peu a dire qu’il viendrait
lui-même défendre le sulfureux Taha Bouhafs contre les communistes, sans
qu’aucune déclaration de la direction du parti ne vienne le rappeler au
minimum de fraternité.
De fait, dans la logique de l’union populaire, les dirigeants du PCF,
ses négociateurs, Fabien Roussel lui-même, ont dû lâcher les
communistes de la 14ème circonscription, malgré les alertes nombreuses.
Chacun doit le savoir, pour beaucoup de militants, c’est une trahison.
Quand le maire de la plus grande ville communiste hors région parisienne
est candidate légitime pour rassembler la gauche, on lui explique que
c’est compliqué, que l’accord est difficile, mais en fait, aucun
négociateur ne fait de cette circonscription une ligne rouge. Mélenchon
est intransigeant. D’ailleurs, il semble que toutes les grandes villes
communistes historiques sont préemptées par la FI. Mais quand Sébastien
Jumel, Stéphane Peu, Elsa Faucillon mènent campagne contre Fabien
Roussel aux élections présidentielles, non seulement il n’y a aucune
sanction, mais ils sont candidats NUPES-PCF aux législatives ! Quel
dirigeant communiste a dit quoi que ce soit aux députés du groupe
communiste qui n’ont pas soutenu le candidat communiste à la
présidentielle ?
En cédant dans cet accord, le PCF s’efface, ses candidats s’affichent
NUPES et l’électeur ne saura pas qu’il vote communiste. Dans 520
circonscriptions, de toute façon, il n’a pas de candidat communiste.
Dans des dizaines de villes où les communistes sont organisés, ont une
histoire y compris de députés, ils sont absorbés dans une union de la
gauche dirigée par Mélenchon. Et Fabien Roussel ne peut défendre
publiquement la candidature de Michèle Picard au fond. Les communistes
de Vénissieux prennent leur responsabilité et organisent une
consultation large des communistes et de leurs nombreux soutiens.
Mais il faudrait dire qui refusait que Michèle Picard soit députée,
qui d’autres que Stéphane Peu au plan national ? Qui au plan local ?
Notons que dans les deux circonscriptions historiquement à gauche du
Rhône, Villeurbanne et Vénissieux, ce sont deux femmes candidates
légitimes qui sont effacées par la FI au profit de deux hommes. Il est
vrai qu’il semble que les négociateurs de la NUPES étaient
principalement des hommes.
Quand on ne mène pas une bataille, les reculs sont toujours plus violents
La décision du 38ème congrès de présenter un candidat à l’élection
présidentielle répondait à une exigence historique. Sans candidat, le
PCF, déjà fortement affaibli disparaissait de la vie politique
française. JLM avait valorisé le PCF en 2012, utilisé en 2017, il
l’aurait effacé en 2022.
Le vote Roussel au premier tour est certes faible, beaucoup plus
faible que ce que la campagne montrait comme possible, beaucoup plus
faible que les espoirs militants. Mais le fait est que le PCF a existé
dans cette campagne, qu’un discours communiste qui ne se confondait pas
avec un discours “de gauche” a été visible pour les citoyens. Et
beaucoup ont dit qu’ils auraient aimé voter Roussel s’ils n’avaient pas
été contraints au vote utile.
Cette bataille difficile s’est donc traduite par deux résultats
positifs, une large unité des communistes très heureux de cette
bataille, et une forte visibilité médiatique dont l’absence pendant des
années nous avait couté cher.
Mais la bataille politique ne s’arrêtait évidemment pas au premier
tour, et une véritable guerre contre le vote communiste s’est organisée
pour contraindre les communistes à reculer. Mais quelle est la première raison de l’échec de Mélenchon ?
C’est bien l’échec de sa stratégie de vote utile qui est devenue
dominante dans les dernières semaines alors qu’il avait dit lui-même que
c’était l’abstention qui était déterminante. Et c’est bien l’abstention
qui a progressé pendant que Mélenchon écrasait la gauche !
Aux Minguettes à Vénissieux, Mélenchon progresse de 50% à 3069 voix,
et les militants communistes ne peuvent que constater que tout leur
travail de mobilisation a finalement produit du vote Mélenchon, mais il y
a encore 3138 abstentionnistes ! Quel est le vrai problème dans ce
grand quartier populaire, le vote Roussel ou l’abstention ? Et quand le
monde ouvrier s’est majoritairement abstenu comme le montrent toutes les
études, comment peut-on parler de la France qui travaille sans en tenir
compte comme le fait d’ailleurs justement François Ruffin ?
De fait, le vote Roussel bien trop faible n’est pas du tout la cause
de l’échec de Mélenchon. C’est au contraire sa propre stratégie de fin
de campagne qui est en cause. Plus le vote utile était mis en avant,
plus les TROIS candidats en tête progressaient. Autrement dit, plus
Mélenchon pompait l’électorat de gauche, plus Macron pompait celui de
droite et plus Le Pen récupérait la colère noire populaire. Cette
stratégie était une impasse concentrée sur le premier tour contre le
reste de la gauche, au lieu de créer les conditions d’une victoire au
deuxième qui supposait à la fois le recul de l’abstention et des
réserves de voix à gauche !
L’agressivité de Mélenchon contre Roussel après le 10 avril était
d’abord une manière d’interdire le débat sur cette stratégie en
désignant un coupable facile. L’anticommunisme latent a fait le reste.
Une bordée d’insultes et d’injures dans les réseaux sociaux qui laissera
des traces.
Donc oui, il y a eu une terrible bataille politique pour renforcer
encore le vote utile au-delà de la présidentielle, et enfermer
définitivement la vie politique française dans cette médiatisation des
réseaux sociaux qui fait de chacun le spectateur-cliqueur qui n’existe
que pour soutenir. Cette rupture engagée depuis des années dans la vie
politique et qui est caractéristique du mélenchonisme comme du
macronisme révèle au fond que le capitalisme ne peut plus rester dans
l’illusion d’une démocratie politique. Il a besoin d’un pouvoir
“jupitérien” qui pousse la 5ème république jusqu’au bout. On parle
parfois de fascisation, ce n’est sans doute pas le bon terme, mais il y a
quelque chose de la fin de la démocratie “libérale” dans ce vote utile.
Cette bataille acharnée contre le vote communiste avant, pendant et
après l’élection montre que pour le système, 2,3%, c’est encore trop.
Si le PCF ne mène pas cette bataille, s’il ne construit pas
avec ses militants la capacité de résister aux idées dominantes, s’il
s’efface derrière un nouveau parti socialiste, il jettera à la poubelle
les faibles acquis de la campagne présidentielle qui sont pourtant sa
première base pour