lundi 10 août 2020

Une "révolution colorée" à Beyrouth ? L'Elysée à la manoeuvre... par Jean LEVY

LIBAN: Macron engagé dans une nouvelle croisade ?

Qui ce dimanche 8 août s'était branché sur franceinfo" n'avait pas le sentiment de vivre en direct une révolution colorée au Liban ? Les reportages sur place, de quart d'heure en quart d'heure annonçaient les progrès stratégiques d'une foule bien décidée à en découdre et à mettre à bas le régime libanais, dénoncé conjointement par les journalistes français de cette radio sur place et par les commentaires de "spécialistes" du monde libanais interpellés par la radio.
Chaque bulletin d'information de la station publique annonçait les "progrès" des manifestants dans leur offensive contre le pouvoir en place. L'annonce de l'occupation du ministère des Affaires étrangères, comme "QG de la Révolution" retentissait comme une victoire de cette "Révolution", une étape décisive dans le renversement des autorités libanaises. On avait l'impression de vivre en direct les dernières heures du gouvernement.  
Le soir, au JT de 20 h de la 2, si le ton était le même, aucune info nouvelle n'annonçait le succès des émeutiers. 
Et ce matin dimanche, c'est la douche froide : les ministères occupés étaient évacués par les "forces de l'ordre", dont l'armée libanaise, qui n'avait donc pas rejoint la "Révolution".
Et franceinfo en avait l'air fort dépitée. Aussi, la station s'étend sur la vidéo conférence internationale qui doit s'ouvrir aujourd'hui pour coordonner l'aide internationale, face au désastre économique et social créé par l'explosion du port de Beyrouth.
D'emblée, Emmanuel Macron s'est désigné comme coprésident de cette conférence, compte-tenu des "liens particuliers qui unissent la France et le Liban", allusion au mandat que la France exerçait depuis l'autre guerre sur le Liban jusqu'en 1943, , dans le cadre d'une mainmise coloniale du Proche-Orient par notre pays et la Grande-Bretagne.
Le Président français, par son passage à Beyrouth, avait déjà signifié que le gouvernement libanais n'était plus qualifié comme interlocuteur, et que l'aide internationale devait être envisagée qu'à cette condition. Déclaration élyséenne qui encourageait les Libanais à changer de dirigeants, donnant le feu vert de Paris aux tentatives de subversion de dimanche dernier.. franceinfo, ce dimanche matin, va plus loin dans l'analyse de la situation au Liban.
Ce ne sont plus uniquement les classes dirigeantes qui sont désignées du doigt. Les journalistes pointent le véritable ennemi à leurs yeux, le grand méchant loup, l'ennemi principal de l'Occident, c'est le Hezbollah !
Ce parti chiite étend son influence sur 40% de la population qui embrasse cette religion. Et d'autres forces reconnaissent en cette force, la seule qui au moment critique, face à  l'envahisseur israélien dans les années 70/80, l'ont mis en déroute, libérant le territoire national. Le Hezbollah s'est également distingué dans le soutien militaire apporté au peuple syrien, lorsque celui-ci subissait les assauts conjugués des terroristes de Daesh et de l'impérialisme occidental;. Cerise sur le gâteau, les liens étroits entretenus par le Hezbollah avec l'Iran chiite, pays étranglé par des sanctions des USA. font hurler les Occidentaux .
Nul doute, l'impérialisme veut un Liban occidentalisé, soustrait aux influences du Hezbollah. N'est-ce pas l'explication des événements en cours, et les raisons de l'engagement en première ligne d'Emmanuel Macron, qui s'est auto proclamé le chevalier blanc du Proche -Orient ?
Laissons-nous la France engagée dans cette nouvelle croisade ?

Blog "çà n'empêche pas Nicolas"

Le socialisme, condition nécessaire de tout programme à vocation écologique 

(contribution au débat sur la défense du climat)

10 Août 2020 , Rédigé par Réveil Communiste
A la mémoire de Domenico Losurdo

La question écologique est une question scientifique et politique réelle, qui reflète le fait impossible à nier que l'Humanité est devenue une force naturelle d'ordre de grandeur géologique pendant ces deux derniers siècles de révolution industrielle, et peut-être même était-ce déjà le cas sans qu'elle n'en ait clairement conscience depuis l'invention de l'agriculture au cours de la révolution néolithique qui commença il y a dix mille ans.

En termes matérialistes, l'Humanité et la conscience commune qu'elle développe sont devenus les responsables de la poursuite de l'équilibre physique qui permet à la planète Terre d’abriter la vie, et sont comptables vis à vis d'elles-mêmes du maintien des formes actuelles de la vie non-humaine.

Le projet global de l'Humanité depuis qu'elle en a un, c'est à dire depuis l'apparition des grands empires de l'Antiquité, puis de leurs reflets dans le ciel imaginé des religions monothéistes, est plutôt axé sur la création d'une continuité éternelle de l'humanité elle-même, conçue comme séparée du milieu qui a permis son apparition, la cause de son apparition étant d’ailleurs déplacée dans la transcendance d'un Dieu créateur. Pour le monde des monothéismes, la fin est programmée et l'Humanité sera sauvée, après un tri salutaire du bon grain et de l'ivraie, dans un autre monde après la destruction de celui-ci.

Il n'est donc pas particulièrement étonnant que la civilisation monothéiste ait abouti à Auschwitz, à Hiroshima et à la fosse à purin des déchets accumulés par la marchandise, où nous allons nous noyer rapidement si rien n'est fait.

Descartes, en posant que l'homme devait devenir « maître et possesseur de la Nature » introduisit une aggravation de la contradiction de la conscience humaine sous sa forme religieuse dans la mesure où comme la nature devint le champ réel de l'action humaine, sa modification catastrophique à l'échelle du temps géologique fut impérative : réaliser un paradis sur la Terre signifiait détruire la Terre telle qu'elle était, ce qui est aujourd'hui pratiquement réalisé. Cette contradiction ne fut pas immédiatement perçue, car les moyens techniques de transformer le monde habitable étaient encore très limités vers 1640 au moment de la publication du Discours de la Méthode, et nul ne pouvait prévoir alors que la science allait devenir un moyen de production, et de destruction, de l'ampleur qu'elle est devenue dans le mode de production capitaliste.

Hegel termine et couronne la philosophie occidentale (ce qui suit dans la culture sous cette désignation, ce n'est plus de la philosophie, mais de la littérature) en réalisant une synthèse dialectique dont la conclusion est fort inquiétante : l'humanité n'est au fond comme la Terre qu'une sorte de suppôt de l'Esprit dont on peut penser qu'il n'a plus besoin pour se contempler dans la gloire de sa réalisation en soi et pour soi. L'humanité après avoir créé Dieu serait en passe d'être détruite par lui !

La culture occidentale qui a conquis la Terre depuis Christophe Colomb contient cependant une autre conception forte de son rapport à la nature et au monde : la pensée rationnelle formalisée dans une première puissante synthèse par le philosophe grec Aristote, au quatrième siècle avant JC, pour lequel le monde est incréé et éternel, et qui offre le cadre de pensée nécessaire pour reconvertir l'humanité en une force susceptible de ne pas s’autodétruire avec le sol sur lequel elle repose.

Lorsque Marx proclame la fin de la philosophie dans les Thèses sur Feuerbach en 1845, la fin de l'activité qui consiste à interpréter le monde, et son remplacement par celle de la transformation du monde, il parle du monde économique et social, dont le monde des idées n'est qu’une émanation, et il n'envisage encore la terre que comme une inépuisable source de valeurs d'usages. D'un autre coté, la théorie marxiste, de par la révélation du mode de production capitaliste comme une structure irrationnelle et incontrôlée d'accumulation infinie du capital, dévoile son caractère mortifère et apocalyptique, à très court terme à l'échelle géologique. Cette accumulation sans limite provient directement de l'exploitation des travailleurs.
Marx conserve l'idée cartésienne de mettre la nature au service de l'humanité, mais démontre la nécessité pour ce faire de briser par une révolution violente l'État qui protège le capital qui est voué à l'accumulation sans limite. Le capital l'a mis à son service, en récupérant le personnel composé des reliquats des anciennes classes dirigeantes de rentiers de la terre, que Marx veut remplacer par une dictature de la conscience dont le prolétariat est devenu le dépositaire. Seule cette conscience débarrassée de la passion du profit peut prendre en charge le futur de l'humanité, et de la Terre, à très long terme.

Aujourd'hui la seule tradition théorique existante qui puisse construire un projet rationnel pour sauver l’humanité et la Terre ensemble et sortir du capitalisme qui va sinon les détruire inexorablement est celle qui est issue de Marx.

Marx remet sur ses pieds la dialectique hégélienne en donnant au prolétariat la mission historique concrète d'en finir avec l’aliénation, et d'ouvrir les portes du paradis à l'humanité réelle, et non à une couche privilégiée ou à un esprit dont le caractère abstrait est indépassable. Mais Marx est resté en contact (comme Spinoza avant lui) avec la vision d'ensemble de la raison aristotélicienne, ils sont restés les pieds sur terre dans le monde infini. Pour Marx, lorsqu'il publie Le Capital en 1867, la richesse a bien deux origines : le travail, et la nature.

L'écologisme rationnel spécule également sur l'idée d'un monde infini, ou au moins à l'existence extrêmement longue et pour nous assimilable à l'infini ; il s'offre alors à lui un choix. Il peut choisir, ce qui est le cas habituellement, de se complaire du rêve réactionnaire et romantisé de revenir à ce monde infini tel qu'il l'imagine dans le passé et qui a été irréparablement détruit par le capitalisme auquel il assimile abusivement la technique et l'industrie. La littérature heideggerienne passe pour être la philosophie anti-humaniste de ce retour et n'est qu'un rêve de petit bourgeois désemparé par la crue de l'accumulation catastrophique dont les débordements sont les grandes guerres du XXème siècle. Mais si le capitalisme fera beaucoup de mal encore, on peut au moins espérer de lui qu'il ne planifie pas le retour à un âge de pierre qui sans doute serait une piètre caricature de l'original.

Ou alors l'écologisme rationnel rejoint le projet de réaliser un État fédéral socialiste mondial, sous la direction du prolétariat, c'est à dire de la classe qui n'a pas d'intérêt à l'accumulation infinie, qui organisera l’atterrissage en douceur de l'accumulation capitaliste et qui analysera exactement les ressources, les besoins réels des humains et de leur terre, et les dangers réels qui les menacent, qu'ils soient d'origine humaine ou non. Selon Hegel seul l'État peut exprimer la conscience collective et la rendre effective. Marx en prônait le dépérissement au vu du caractère mystifiant de l'État de la bourgeoisie tel qu'il pouvait en voir la formation en Prusse, dans le courant de sa jeunesse, dans son pays d'origine. Mais ceux qui de Moscou à Pékin, et d'Hanoï à La Havane ont tenté d'appliquer à la réalité les idées de Marx ont bel et bien brisé l'État de classe bourgeois et développé en tâtonnant un nouveau type d'État, l'État prolétarien, et il faut continuer dans cette voie, parce qu'il n'y en pas d'autre.

GQ, 2 septembre 2018, 2 avril 2020

Le curé gilet jaune, chanteur et un peu voleur

On n’a guère de sujets drôles à se mettre sous l’œil en ce moment ? J’avoue que le curé qui chante dans son église avec les gilets jaunes m’a fait hurler de rire !
Aussitôt, le haut clergé a ouvert les hostilités : « quoi, dans une église ? Profanation et damnation ! D’ailleurs, il était exclu, déjà ! Défroquons-le, dénonçons-le, excommunions-le (non on ne peut pas aller jusque là) Et il ose continuer ? Insulter le roi ? (Ah non pardon, le président, des riches il est vrai, mais enfin le président quand même). Il n’obéit pas ? Alors, vite, alliance du sabre et du goupillon, demandons protection contre l’infâme, aux autorités, à la justice de ce pays, Monsieur le préfet vite ! ».
Bien sûr, le curé des gilets jaunes n’est pas l’abbé Pierre. Il a bien (un peu, beaucoup) piqué dans la caisse des quêtes (pas autant que les Balkany me souffle un copain communiste). Pourtant, si tous les curés du monde voulaient donner la main (ce qui est le rôle de l’église, non, si je me souviens bien de mon catéchisme) aux pauvres quand ils luttent pour gagner tout simplement leur pain, ça serait une alliance formidable non ? La main tendue, qui a dit ça déjà ?
Hélas, l’église n’a pas été aussi vigilante pour dénoncer les prêtres pédophiles qui ont abusé d’enfants pendant des années. Elle a protégé ces criminels, refusant de les livrer à la justice. Quand il y avait prescription, elle disait « Grâce à Dieu ». Mais les victimes ont fini par ne plus compter sur Dieu pour réclamer justice, elles se sont révoltées !
Comme les gilets jaunes. Lisant un article sur « la disparition de la gauche » (Fondation Copernic, Huma), j’ai pensé que l’auteur était trop pessimiste. Tant qu’il y a des gilets jaunes, des cheminots, des ouvriers qui se battent pour garder leur emploi, des personnels en lutte à l’hôpital, à l’école etc. Il y aura une gauche, parce que c’est elle qui lutte, non ? Pas la droite.
Et si un curé ou plus veulent chanter et lutter avec nous, notre main est tendue.
Mireille Popelin Blog faire vivre le pcf