D’aucuns
auraient pu avoir l’impression que le mouvement social et le peuple
français étaient lassés. Lassés des précédents combats perdus, lassés de
l’inflation et de la vie chère, lassés des lendemains qui déchantent.
Mais
ce jeudi 19 janvier, plus de deux millions de personnes sont venues
rappeler au gouvernement qu’il n’en était rien et que sa réforme ne
passerait pas.
Unité syndicale, politique et populaire
Fait
inédit depuis 2010, l’appel à la mobilisation avait été lancé par une
intersyndicale unie, forte de huit organisations (CGT, FO, Solidaires,
FSU, CFTC, CFDT, CFE-CGC, UNSA). Derrière eux, les organisations de
jeunesses, les partis politique de la Nupes, le NPA ou encore LO
complétaient ces cortèges denses, plus de 250 dans tout le pays. Avec, à
chaque fois, des chiffres impressionnants : 400 000 à Paris, 100 000 à
Toulouse ou encore 40 000 à Lyon. Mais la mobilisation est sans doute
encore plus significative dans les petites villes, Guéret,
Lons-le-Saunier, Rodez, Boulogne-sur-Mer etc.
A côté des
manifestants chevronnés, les organisateurs ont surtout réussi à
mobiliser bien au-delà de leurs bases traditionnelles, si bien que
beaucoup de nos concitoyens descendaient dans la rue pour la première
fois de leur vie.
Hérésie économique et démocratique
D’ailleurs,
tous les chiffres le montrent : 70 % des Français et 93 % des
travailleurs sont opposés à cette réforme. Et puisque Emmanuel Macron
n’a de cesse d’invoquer la démocratie dans ses propos, au vu des
chiffres de « popularité » de ce projet, celui-ci ne devrait même pas
être envisagé. Or il l’est bien et la majorité semble être déterminée à
ne pas lâcher dans ce combat qui risque de s’inscrire dans la durée.
Côté
économie, si le gouvernement insiste sur la nécessité de « réformer
pour sauver », en réalité, dans les faits, rien ne justifie un tel
changement. Et pour s’en convaincre, nul besoin de prendre les
déclarations d’un obscure groupuscule marxiste. Il suffit simplement
d’écouter Pierre-Louis Bras, président du fameux Conseil d’orientation
des retraites (COR). Un organisme auquel tout le monde se réfère
puisqu’il prévoit quatre scénarios pour le futur de notre système de
retraite. Auditionné à l’Assemblée nationale ce même 19 janvier, le
principal concerné a avoué ceci : « Les dépenses de retraites sont
relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent
à terme ».
Des suites !
Réunies dans la
foulée des manifestations, les centrales syndicales ont acté une
nouvelle journée nationale de grève mardi 31 janvier. Est-ce trop tard ?
Les avis divergent, les uns disant que les journées saute-mouton ont
déjà prouvé leur inefficacité, les autres prétextant qu’avec le contexte
économique actuel, peu de gens peuvent se permettre d’enchaîner les
journées sans salaires.
Toutefois, la contestation devrait prendre
une autre ampleur à partir de cette date-là, avec des secteurs ayant
déjà annoncé des actions sur plusieurs jours. La CGT Cheminots a déjà
déposé un préavis de grève couvrant la période du 25 janvier au 2
février, les syndicats Sud Educ et CGT Education lancent un appel à la
grève reconductible dès le 31, tandis que les salariés des ports et des
docks pencheraient pour 48 heures de grève. D’ici, d’autres actions
locales ou nationales sont à prévoir, à l’image des journées des 26 et
27 janvier où les travailleurs des secteurs de l’énergie devraient se
mettre en grève pendant 48 heures. Toujours dans l’idée de donner des
suites avant la prochaine grande journée, les organisations de jeunesse,
appuyées par la France Insoumise, le NPA et Générations étaient dans la
rue ce samedi 21 janvier, à Paris. Bilan : des dizaines de milliers de
personnes.
Le peuple a remporté la première bataille. « Le problème c’est la suite ».