Pourquoi le Parlement européen recherche-t-il des agents de Moscou à Barcelone ?
Le désir passionné d’accuser Moscou de tous les maux a atteint un
niveau tel d’hystérie de la part du parlement européen que dans le
cadres des futures élections, les partis postulants, la gauche en
particulier en sont à apporter leur contribution… Les Russes implantent
partout leurs agents et ce qui se passe en Russie en matière de
séparatisme doit être soutenu par les amoureux de la liberté, en
revanche si un phénomène semblable a lieu en Europe, c’est la main du
diabolique Poutine… il est clair que ce niveau de propagande devient
intolérable et l’interview de Macron dans l’Humanité est la goutte d’eau
qui fait déborder le vase. Il y a des limites à la complaisance, à la
forfaiture et à l’imbécilité dans la trahison (note de Danielle
Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://vz.ru/opinions/2024/2/16/1253019.html
Par Vladimir Dobrynine
“Le Catalan Puigdemont est un espion de Moscou”. C’est à peu près
ainsi que l’on peut traduire en russe la résolution adoptée par le
Parlement européen le 8 février 2024.
Carles Puigdemont est un ancien journaliste espagnol et maire de la
ville provinciale de Gérone, élu ensuite à la tête de l’autonomie de la
Catalogne. À son initiative, un référendum a été organisé le 1er octobre
2017 pour demander aux sept millions d’habitants de la Catalogne s’ils
souhaitaient que la Catalogne se sépare du reste de l’Espagne. La
Constitution espagnole stipule que de tels plébiscites ne peuvent être
organisés qu’avec l’autorisation du gouvernement. Par conséquent, la
tentative d’exprimer la volonté des Catalans a été reconnue comme
illégitime par les autorités de l’État. La justice a d’ailleurs condamné
à des peines de prison certains des plus ardents défenseurs du principe
du droit à l’autodétermination de la nation.
Carles Puigdemont faisait partie des “bouillants”, mais il n’est pas
allé en prison, ayant réussi à se cacher en Belgique, d’où il n’y a pas
d’extradition vers la péninsule ibérique.
Au cours des deux derniers mois, l’Espagne a été légèrement secouée
par des rassemblements et des manifestations : le gouvernement
socialiste actuel a décidé d’apaiser les tensions au sein de la société
et d’amnistier les “séparatistes” catalans qui ont déjà purgé plusieurs
années de prison. Le Premier ministre Pedro Sanchez a personnellement
suggéré que l’amnistie serait l’occasion de réconcilier
l’irréconciliable – et donc de mettre l’Espagne sur la voie de l’unité.
Les rassemblements ont commencé à se calmer, les manifestants ont
atténué leurs slogans, mais soudain, le Parlement européen sort un
dossier explosif. Pourquoi ?
Pour toujours la même raison : un désir passionné d’accuser Moscou de
mettre en œuvre un plan d’effondrement de l’UE par l’intermédiaire de
certains hommes politiques européens.
La résolution, écrit le journal espagnol El Periodico, souligne la
nécessité d’une enquête urgente sur la “crise politique de 2017” (en
référence au référendum en Catalogne). Et spécifiquement à la lumière de
cette crise – “enquêter sur les contacts possibles entre Carles
Puigdemont et l’agent du FSB Nikolay Sadovnikov.”
Selon les députés, Sadovnikov “a occupé des postes diplomatiques
discrets” afin de faire profil bas et de mener des actions invisibles à
l’œil extérieur, en l’occurrence la séparation de la Catalogne de
l’Espagne. En d’autres termes, les députés s’attendent à ce que la
confirmation des contacts entre Puigdemont et un “diplomate russe
discret” prouve l’ingérence de Moscou dans les affaires intérieures de
l’UE afin de la déstabiliser politiquement et de parvenir à une scission
territoriale des États européens, ce qui conduira à leur
affaiblissement.
En outre, le document cite des “exemples d’ingérence de la Russie”
dans les affaires de la France et de l’Autriche. Selon la version des
députés, en France, Moscou “finance prétendument des partis d’extrême
droite” (c’est-à-dire, bien sûr, le “Rassemblement national” de Marine
Le Pen). Dans le second, il s’agit de contacts politiques avec des
hommes politiques et des organisations d’extrême droite (il n’est pas
encore question d’argent).
Pourquoi toute cette préoccupation démonstrative sur la main présumée
de Moscou du côté des séparatistes d’Europe ? Tout cela pour une seule
raison : justifier les phénomènes indésirables sur le territoire de
l’UE. Ursula von der Leyen, Charles Michel et d’autres ne voient que la
faute des Russes dans les problèmes émergents.
En d’autres termes, lorsque quelque chose se sépare de la Russie, par
exemple les républiques de l’URSS, ce séparatisme est considéré par
l’Europe comme légitime et bienvenu. Mais lorsqu’un territoire européen
cherche à devenir indépendant, c’est “tout à fait différent, vous ne
comprenez pas”. Le séparatisme est un phénomène étranger à l’UE, les
Russes l’implantent ici en introduisant leurs agents ou en recrutant des
politiciens européens. L’expression démocratique de la volonté, c’est
quand les gens votent correctement. Mais si des Écossais ou Catalans
veulent se séparer, c’est antidémocratique. Tout comme dans le cas de la
Crimée, de Kherson, de Lougansk, de Donetsk, de Zaporozhye.
Deux poids, deux mesures typiques, dont les Européens eux-mêmes
commencent à être lassés. En tout cas, les Espagnols le sont
certainement. Au palais de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol,
ils sont convaincus que la recherche par le Parlement européen de
raisons de déclarer l’ex-chef de la Catalogne espion pour le compte de
Moscou ne réduira pas la tension entre Madrid et Barcelone. “Nous
verrons bien qui est Puigdemont”, tel est le leitmotiv de la presse
espagnole actuelle, qui estime que les hommes politiques d’autres pays,
même s’ils font partie d’un conglomérat commun avec l’Espagne, ne
doivent pas mettre leur nez dans les affaires d’un territoire souverain.
Et c’est déjà un germe d’espoir que les politiciens espagnols
commencent à traiter de manière adéquate les processus qui se déroulent
sur le territoire de l’ancienne Ukraine. D’ailleurs, ça nous est bien
égal.