Les Banderistes ont pris le pouvoir en Ukraine déjà sous Gorbatchev, par Ludmila Nikolaeva
Si on découvre en particulier grâce à des auteurs américains à quel
point la dénazification allemande a été un mythe, cet interview présente
un autre aspect du problème, la manière dont l’URSS elle-même n’a pas
souhaité réellement mettre à jour les collaborations soit dans les pays
du pacte de Varsovie, soit pire encore dans ceux de l’URSS et l’Ukraine
est à ce titre un cas d’école et effectivement ce que l’on sait
d’Himmler face au massacre de Lvov et la cruauté inhumaine des
collaborateurs ukrainiens va dans le sens de ce constat, avec l’idée de
préserver la race des seigneurs nazis de ces basses besognes. Dès
Khrouchtchev (et c’est le sens du film de Konchalovsky “chers
camarades”, il y a eu une entente au sommet entre bureaucrates qui a
permis de développer le retour du nazisme dans des “élites” corrompues”
et un lumpen prolétariat toujours prêt à se vendre. Notez la référence
au Caucase, à l’Arménie en particulier. (note de Danielle Bleitrach
traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)
https://svpressa.ru/post/article/402961/
Ces jours-ci, la ville sur la Neva célèbre le jour de la victoire de
Leningrad, le 80e anniversaire de la libération de la ville du blocus
nazi, qui a coûté la vie à au moins 1,5 million de civils en 872 jours.
Et un an plus tard, le 27 janvier 1944, les troupes soviétiques
entraient dans Berlin, ayant achevé l’ennemi dans son repaire et en
ayant fini pour toujours, comme tout le monde le pensait à l’époque,
avec le nazisme.
L’histoire doit-elle nous apprendre quelque chose ? Oui, mais il
s’avère que tout le monde n’apprend pas. L’Ukraine, que les fascistes
ont brûlée et détruite dans les années 1940, où un million et demi à
trois millions d’habitants ont péri, est aujourd’hui devenue comme
l’Allemagne sous Hitler. Ou pire.
Comment cela a-t-il pu arriver ? Et pas à l’État allemand, pas à
l’État italien, qui évoque encore avec nostalgie son Duce, pas aux
Polonais narcissiques avec leurs éternelles prétentions au pouvoir, mais
à nos frères – les Malorossi….
SP s’est entretenu avec Natalia Yeremina, historienne spécialisée
dans les problèmes du nationalisme en Europe et professeur à
l’université d’État de Saint-Pétersbourg.
– Le nationalisme en tant que tel est caractéristique de tous les
pays du monde à un degré plus ou moins élevé. Il se manifeste sous
différentes formes. Par exemple, sous la forme du colonialisme, où les
peuples asservis par les pays plus industrialisés travaillent pour eux,
dépendent d’eux, mais ne perdent pas pour autant leur identité. Dans le
nazisme, le droit à l’existence des autres nations est nié par principe.
Le génocide politique est une caractéristique de la plupart des États
d’Europe de l’Est. Cette même Pologne a considéré pendant des siècles
les habitants de l’Ukraine comme du bétail. Elle les a traités en
conséquence. La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, dans leur
politique internationale, ont suivi la logique du darwinisme social
pendant des siècles et continuent de le faire : “notre vie est
meilleure, plus nourrissante, alors nous revendiquons vos terres”.
“SP” : Mais les Ukrainiens sont des Slaves, nous sommes du même sang ! Comment se sont-ils retrouvés en si mauvaise compagnie ?
– Il y a beaucoup de facteurs. Prenons par exemple leur désunion,
conséquence de la division de la société ukrainienne à différentes
époques. Et des tentatives infructueuses, en règle générale, pour
l’unifier. L’Union soviétique a également tenté de le faire dans
l’après-guerre. Mais même alors, selon les témoins oculaires, cela ne
s’est pas fait dans le calme. On n’en parlait tout simplement pas.
SP : A cause de l’amnistie de 1947, puis, quelques années plus tard,
de l'”absolution” complète des Banderistes avec leur retour au pays, où
ils se sont progressivement infiltrés au pouvoir ?
– Pour cette raison, entre autres. Mais aussi parce que le problème a
été passé sous silence pendant de nombreuses années. Il n’était pas
permis de parler ou d’écrire sur les crimes commis dans les villes et
les villages de l’Ukraine occidentale. Il s’est passé quelque chose
quelque part – les forces de l’ordre sont arrivées et ont ramené un
ordre relatif. Tout s’est calmé pendant un certain temps.
Les documents relatifs aux crimes commis par les organisations
pro-fascistes sur le territoire des “Ukrainiens de l’Ouest” ont été
largement négligés. Notamment pour des raisons opportunistes.
Les bandes de Bandera sont progressivement chassées de la majeure
partie du territoire de la RSS d’Ukraine et le Kremlin considère que le
sujet est épuisé. Les archives contenant des documents sur les atrocités
commises par les nazis locaux ont été fermées. C’est ainsi qu’ils sont
revenus, ou plutôt que leurs descendants et leurs partisans ont repris
une activité active depuis le début des années 1980. Un nombre
considérable de Banderistes ont occupé des postes importants dans les
administrations des villes, des districts et des républiques, dans les
universités et les institutions scientifiques, où l’histoire du pays a
commencé à être rapidement réécrite.
SP : Leonid Kravchuk, qui est devenu le premier président de
l’Ukraine après sa séparation de la Russie en 1991, n’a pas caché sa
sympathie pour les criminels de l’OUN* et de l’UPA*. N’avons-nous pas pu
ou, pour une autre raison, ne nous sommes-nous pas opposés à leur
renaissance ? Avons-nous joué le jeu de l’amitié entre les nations ?
– Dans les années 90, notre seul soucis était de survivre… Le
génocide est imprescriptible. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de
rendre publics les noms de tous ceux qui ont participé à la destruction
du peuple ukrainien. Personne ne doit être oublié, qu’il soit vivant ou
disparu depuis longtemps. Avec un compte rendu détaillé des “actes” de
chacun. Totalement. Peut-être qu’alors, ceux qui sont trompés par
l'”héroïsme” de ces bipèdes réfléchiront au moins, enfin, à ce qui se
passe dans leur chère patrie.
Notre expert Dmitri Solonnikov, directeur de l’Institut du développement de l’État moderne, poursuit le sujet.
“SP” : On sait que les hitlériens considéraient le nationalisme
ukrainien comme plus terrible, plus inhumain que leur propre nazisme.
Est-ce une exagération ?
– C’est exactement ça. Les Banderistes ont montré à plusieurs
reprises leur barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, surpassant
les nazis en cruauté.
Ils se caractérisaient par une haine viscérale des gens. Quelle que
soit leur nationalité. Mais surtout à l’égard des Russes, des Juifs et
de leurs propres compatriotes.
Les Allemands leur confiaient le travail le plus sale : terroriser la
population locale, mener des actions punitives. Mais les Banderistes
prenaient souvent eux-mêmes l’initiative : ils brûlaient les villages,
violaient les femmes, tuaient les enfants. Il n’y avait aucune
restriction pour eux.
Ils pouvaient venir dans un village où ils avaient grandi, où ils
connaissaient tout le monde, qui partageait le pain avec eux – et tuer
tout le monde, puis s’en réjouir. C’est-à-dire une absence totale de
fondements moraux, éthiques, philosophiques et religieux. Des Inhumains,
on ne peut pas dire autrement.
SP : Et pourtant, ils ne sont pas nés comme ça !
– Il est évident que ces brutes sont issues de milieux non éduqués.
Ou pas d’éducation du tout. Ils ont été déclassés. Marginalisés. Des
lumpen. La vie est dure en Ukraine occidentale depuis des décennies.
Cela ne pouvait qu’affecter leur psyché. Ils n’avaient nulle part où
apprendre l’humanité. Et lorsque les commandos banderistes sont apparus,
la brutalité a été accueillie favorablement, et ils ont eu l’occasion
de déchaîner leur tempérament animal.
SP : Certains de vos collègues pensent que le fascisme est apparu en
réaction à la poussée révolutionnaire, dont le début a été ouverte par
le Grand Octobre en Russie….
– L’histoire est différente. D’abord la Hetmanshchina, puis
l’occupation allemande, puis Pilsudski… La Russie n’a rien à voir. Ce
n’est pas elle qui a formé Bandera. Mais la Banderovchtchina s’était
déjà manifestée à ce moment-là. Ses atrocités étaient connues bien avant
la naissance du pouvoir soviétique.
SP : L’Ukraine occidentale a donné naissance aux Banderistes, et
maintenant ils se sont déjà emparés de la mère des villes russes [Kiev,
NdT]!
– Et des villes russes, Odessa, Kharkov. Presque jusqu’à la Crimée…
Ce n’est pas surprenant, étant donné l’assiduité avec laquelle on leur a
lavé le cerveau avec de la russophobie. Ensuite, ils les ont formés,
préparés à devenir des voyous. L’Occident sait comment faire : des
méthodologies bien développées, des instructeurs professionnels venus de
l’étranger. Des équipes de sport, de jeunesse, de formation
professionnelle… C’était le cas dans les années 1920. Et il en va de
même aujourd’hui, dans les années 2000. Il y a cent ans, c’était
l’Abwehr qui finançait tout cela. Aujourd’hui, c’est la CIA et le MI6.
Vous pouvez vous demander : pourquoi nous, en Russie, étions-nous au
courant et n’avons-nous rien fait ? Le fait est que toute la politique
du pays était basée sur des tentatives de négociation avec l’élite
locale. Je me souviens que Viktor Tchernomyrdine, lorsqu’il était
ambassadeur en Ukraine, peu avant le Maïdan, ce qui était déjà évident
pour beaucoup, a déclaré que “tout va bien, nous sommes parvenus à un
accord avec tout le monde sur l’exportation de bonbons, nous allons
réduire les droits”… Tout était basé sur l’argent, que les élites russes
partageaient avec les élites ukrainiennes.
A bien des égards, c’est toujours le cas. On ne peut pas dire que
nous ayons un grand nombre de programmes de travail dans la CEI.
L’Arménie en est un exemple : travaillons-nous beaucoup avec les jeunes
de ce pays ? Non. D’autres y travaillent, en provenance de pays
lointains, d’outre-mer.
* L’Armée insurrectionnelle ukrainienne (la branche armée de
l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN)) a été déclarée
organisation extrémiste par la Cour suprême russe le 17 novembre 2014,
et ses activités en Russie sont interdites.