mardi 1 août 2023

Quelques leçons du Sommet Russie-Afrique

Auteur : Omar Benbekhti

Premièrement, la Russie a montré que, contrairement aux pressions et velléités de l’Occident, elle n’était pas du tout isolée à l’échelle planétaire. Deuxièmement, ses apports pour le développement des pays africains, longtemps pillés et restés sous le joug de cet Occident prédateur, étaient beaucoup plus consistants que ceux habituellement «offerts» par les institutions capitalistes néocoloniales. L’ordre assuré par le chaos tel que mis en œuvre par les puissances impérialistes, ne paie plus et ne rencontre guère l’écho escompté. La peur ne sauve pas, et contrairement au dicton de chez nous, elle n’apporte pas la paix. Il faut accepter d’affronter les difficultés de la vie, avec ses hauts et ses bas. Cela exige des prises de conscience d’abord, mais aussi et surtout une forte dose de courage. Mettre le feu partout ne saurait constituer le contenu d’une politique internationale. Or c’est bien cela que fait l’Occident: mettre le feu partout. Enfin, on aura compris qu’en géopolitique, les symboles ne sont pas anodins. Aujourd’hui, par exemple, les Etats-Unis découvrent leur visage au Sahel, en prononçant des «sanctions» inutiles, fausses et futiles à l’encontre de hauts gradés maliens: ceci démontre qu’à présent, ce sont eux qui sont à la manœuvre, car la France a failli. Mais ils seront comme au Vietnam, comme en Afghanistan, chassés et s’enfuiront dans leurs avions. Leur Rambo et ses prouesses, c’est juste valable pour Hollywood. Tout le reste c’est de l’enfumade. Quant à leurs «droits de l’homme», ils sont bien mal placés pour en parler, eux qui ont commis les pires exactions en Irak, au Vietnam et ailleurs. Les peuples ont de la mémoire ! (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

 


D’abord nous allons à Moscou, puis nous prenons Pékin

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par Pepe Escobar

Trois interventions à Saint-Pétersbourg résument la volonté panafricaine de se débarrasser enfin du néocolonialisme exploiteur.

La Majorité mondiale est libre de choisir deux voies différentes pour contrer les psychopathes straussiens néocons rabiques et cognitivement dissonants en charge de la politique étrangère impériale ; les ridiculiser sans relâche ou travailler dur sur la route longue et sinueuse menant à une nouvelle réalité multipolaire.

La réalité a frappé fort lors du sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg, avec son ampleur et sa portée étonnantes, reflétées dans la déclaration officielle et les faits marquants tels que l’annulation par la Russie de pas moins de 23 milliards de dollars de dette africaine, et l’appel du président Poutine à l’entrée de l’Afrique au G20 et au Conseil de sécurité des Nations unies («Il est temps de corriger cette injustice historique»).

Trois interventions à Saint-Pétersbourg résument la volonté panafricaine de se débarrasser enfin du néocolonialisme exploiteur.

Isaias Afwerki, président de l’Érythrée : «Ils impriment de l’argent. Ils ne fabriquent rien du tout, c’est de l’argent qu’ils impriment. C’est l’une de leurs armes au niveau mondial – le système monétaire… des sanctions ici, des sanctions là… Nous avons besoin d’une nouvelle architecture financière au niveau mondial».

Le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, visage d’un Sud mondial résurgent et plus jeune dirigeant du monde : «Un esclave qui ne se rebelle pas ne mérite pas la pitié. L’Union africaine (UA) doit cesser de condamner les Africains qui décident de se battre contre leurs propres régimes fantoches de l’Occident».

Yoweri Museveni, président de l’Ouganda : «L’une des facettes du néocolonialisme et du colonialisme a été de confiner l’Afrique à la production de matières premières, de cultures, comme le café, et de minéraux (…) Cette question est le principal facteur expliquant pourquoi les économies africaines sont rabougries ; elles ne se développent pas, parce que toute la valeur est prise par d’autres personnes (…) Donc, ce que je veux proposer à la Russie et à la Chine, c’est de décourager comme politique l’importation de matières premières d’Afrique, pour plutôt travailler avec les Africains afin d’ajouter de la valeur à la source».

En bref : les pays panafricains devraient se lancer à corps perdu dans la création de leurs propres marques et produits à valeur ajoutée, sans attendre l’«approbation» de l’Occident.

Le drame sud-africain

L’Afrique du Sud est un cas extrêmement complexe. Sous la pression extrême des suspects habituels, Poutine avait déjà succombé à l’hystérie collective de l’Occident liée à la participation de Poutine au prochain sommet des BRICS, se contentant de la présence physique du ministre des Affaires étrangères Lavrov et de Poutine par vidéoconférence.

Puis, lors d’une rencontre personnelle avec Poutine à Saint-Pétersbourg, le président Cyril Ramaphosa a décidé de parler au nom de tous les dirigeants africains, remerciant la Russie pour l’offre de céréales gratuites, mais soulignant qu’ils n’étaient pas venus pour «recevoir des cadeaux ; l’Afrique propose le retour de l’accord sur les céréales».

Traduction : il ne s’agit pas de céréales gratuites offertes pour plusieurs pays africains ; il s’agit de Pretoria qui veut encaisser l’accord, qui privilégie les oligarques mondialistes et leur vassal de Kiev.

Comparons maintenant avec la position russe. Poutine a une fois de plus été très clair : répondez à nos exigences et nous reviendrons à l’accord sur les céréales. En attendant, la Russie reste un leader dans la production de blé – comme elle l’était auparavant ; et tandis que les prix continuent d’augmenter sur les marchés mondiaux, Moscou partagera les revenus avec les pays africains les plus pauvres.

Les tensions au sein des BRICS, comme l’illustre ce cas, sont douloureusement réelles et proviennent des nœuds les plus faibles. Malgré toute la rhétorique sournoise, le fait est que l’Inde et le Brésil préfèrent que les BRICS+ avancent lentement, comme les sherpas le confirment officieusement.

Parmi les plus de 40 pays – et ce n’est pas fini – qui meurent d’envie de faire partie du club, l’Indonésie et l’Arabie saoudite sont très bien placées pour être acceptées dans le premier groupe de membres des BRICS+, contrairement à l’Argentine (qui a essentiellement payé un prêt du FMI pour pouvoir continuer à payer des prêts du FMI).

La réalité impose une approche lente. Biden – sous la pression extrême du «combo Biden» – dispose d’une marge de manœuvre minimale. Et New Delhi propose d’abord un statut d’«observateur» pour les membres potentiels, avant une admission à part entière. C’est un peu comme dans l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont New Delhi a décidé que le récent sommet se tiendrait en ligne. Pour une raison très simple : l’Inde ne voulait pas s’asseoir à la même table que la Chine.

Ce qui est inquiétant, c’est que le calendrier de travail pratique et gargantuesque des BRICS et de l’OCS est ralenti par un mélange toxique de querelles internes et d’ingérences étrangères. Pourtant, le partenariat stratégique Russie-Chine a dû l’anticiper et des mesures d’urgence ont été mises en place.

Ce qui est clair, c’est que, par exemple, l’admission éventuelle de l’Indonésie, de l’Iran et de l’Arabie saoudite au sein des BRICS+ modifiera immédiatement l’équilibre interne du pouvoir, et les maillons faibles devront nécessairement rattraper leur retard.

L’UEEA à la rescousse

Saint-Pétersbourg a également démontré un élément crucial sur le front de l’évolution des organisations multilatérales : l’importance renouvelée de l’Union économique eurasiatique (UEEA). L’UEEA s’étend rapidement au-delà de l’Asie centrale vers l’Asie du Sud-Est (un accord de libre-échange avec l’Indonésie est imminent), l’Afrique et, surtout, la RPDC : ce point a été discuté en détail lors de l’accueil en grande pompe du ministre de la Défense, Choïgou, à Pyongyang.

Tout cela dessine une feuille de route comme celle-ci : l’UEEA à l’avant-garde, parallèlement à la BRI de la Chine (forum crucial à venir à Pékin en octobre) jusqu’à ce que l’impasse des BRICS+ et de l’OCS soit résolue.

Un seul membre des BRICS, sans lequel il est impossible de construire l’intégration de l’Eurasie, a de sérieux problèmes avec la Chine : L’Inde (et notamment la rivalité pour l’influence en Afrique, en Asie occidentale et en Asie centrale).

Simultanément, il n’y a qu’un seul membre des BRICS capable d’influencer l’Inde : la Russie.

Il s’agit là d’un défi pour l’éternité. Pourtant, Moscou a le potentiel – et les compétences – pour réguler l’ensemble du nouveau système émergent de relations internationales. Le moment de la mise en œuvre de ce qui sera en fait un nouveau système mondial est maintenant, et tout de suite après : entre 2025 et 2030.

Ainsi, les relations entre la Russie et l’Inde deviendront sans doute la clé qui permettra de débloquer complètement les BRICS+. Il s’agira notamment de créer une route pétrolière russe à toute épreuve vers l’Inde via Rosneft, de résoudre l’énigme de l’Afghanistan (Moscou devant veiller à la synchronisation entre Pékin et New Delhi), d’assurer une présence plus musclée au sein de l’OCS, de renforcer les délibérations sur la sécurité entre les trois ministères de la Défense, d’inclure des observateurs chinois et indiens dans le processus Russie-Afrique, le tout étant microgéré par Poutine lui-même.

Si la concurrence entre la Chine et l’Inde est déjà importante, il faut s’attendre à ce qu’elle devienne encore plus complexe après 2030. La Russie est donc confrontée à une autre mission historique/culturelle primordiale. Cette mission va bien au-delà de l’Himalaya. Elle s’étend sur tout l’arc de la concurrence entre la Chine et l’Inde.

Et n’oubliez pas d’appeler le Chaton d’Acier

Il est toujours très instructif de suivre les analyses relatives aux BRICS de Sergey Glazyev, ministre de l’Intégration et de la Macroéconomie à la Commission économique de l’UEEA.

Glazyev, dans deux interviews majeures, a confirmé qu’une unité de compte numérique des BRICS «à l’abri des sanctions» est en cours de discussion, basée non seulement sur les monnaies nationales des BRICS mais aussi sur un panier de produits de base.

Il a également confirmé que «nous» travaillons à la création d’un groupe interne aux BRICS chargé de concevoir et d’établir le nouveau système (soit dit en passant, ces discussions au sein de l’UEEA sont bien plus avancées).

Selon Glazyev, un système de paiement en dehors de SWIFT peut être mis en place par le biais d’un réseau de monnaies numériques gérées par l’État – à ne pas confondre avec les crypto-monnaies soutenues uniquement par des spéculateurs privés.

Glazyev défend également avec force l’adoption du rouble numérique. Il affirme que c’est le moyen de suivre les transactions de la blockchain et d’empêcher l’utilisation non intentionnelle des fonds, comme le détournement vers les marchés spéculatifs.

En dehors de tous les énormes défis, la voie optimale à suivre consiste pour l’UEEA et les BRICS+ à respecter le droit international et à construire lentement mais sûrement le système de paiement capable de contourner les énormes points d’étranglement impériaux. La nouvelle monnaie des BRICS peut attendre. Ce qui compte, c’est l’évolution de tant d’interconnexions au fur et à mesure que l’infrastructure du nouveau système se construit.

Et cela nous amène une fois de plus à la Corée du Nord.

La visite de Choïgou a de facto ouvert la voie à la RPDC pour qu’elle s’aligne totalement sur le partenariat stratégique Russie-Chine dans le cadre du processus massif d’intégration, de développement et de sécurité mutuelle de l’Eurasie.

Oh, les ironies de l’histoire «post-tout». L’hégémon a peut-être été piégé en détruisant l’OTAN en tant que force militaire crédible au moment même où la Russie et la Chine ont revigoré un allié majeur en Asie du Nord-Est et en Extrême-Orient – avec une puissance nucléaire, des missiles balistiques et un complexe militaire industriel hyperproductif.

Les psychopathes straussiens néocons veulent donc étendre leur guerre éternelle impossible à gagner à la Pologne, hyène enragée, et aux chihuahuas de la Baltique ? Comme si c’était nous allons à Moscou, puis nous prenons Pékin ? Allez-y. Mais assurez-vous d’abord de passer un coup de fil à la puissance du Sud mondial, la RPDC. Le Chaton d’Acier Kim Yo-jong, la sœur cadette de Kim Jong Un, sera ravi.

Pepe Escobar

 

Staline et la Révolution, version abrégée

1 Août 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Front historique, #Russie, #Réseaux communistes, #L'Internationale, #Europe de l'Est, #Mille raisons de regretter l'URSS

Les révolutionnaires du XXIème siècle auraient tout intérêt à se libérer du discours bourgeois sur Staline, discours sur un élément essentiel de leur histoire, qu'ils le veuillent ou non, discours faux mais hégémonique, y compris dans leurs rangs. Et de se rendre compte que Staline eût-il été un ange, le discours bourgeois à son sujet aurait été exactement le même. En fait, il serait bon qu'ils se rendent compte qu'il leur faudrait eux-même mériter un peu de la mauvaise réputation de Staline auprès de la bourgeoisie mondiale.

Dans le monde entier les exploiteurs et les hypocrites qui travaillent pour eux prononcent le nom de Staline, mort le 5 mars 1953, avec haine, terreur et horreur. A titre conservatoire, c'est plutôt bon signe. C'est peut être le signe qu'il ne devait pas être si mauvais, s'ils ont encore peur de lui, après si longtemps.

Staline comme monstre maléfique dénoncé par l'idéologie libérale-démocratique hante le monde de la fin de l’histoire. Il est abusivement assimilé à Hitler par l’usage de la théorie de guerre froide du « totalitarisme ». Le dirigeant criminel raciste contre-révolutionnaire allemand est rejeté en paroles par la même bourgeoisie qui l’a utilisé, comme si elle n’avait rien à voir avec lui. Staline, dirigeant victorieux de l'Union Soviétique et de la révolution mondiale qui a combattu et vaincu le nazisme hitlérien lui est assimilé, au défi de la réalité historique, pour « exorciser le communisme » comme l’a écrit un jour le journal « Le Monde » sans mettre de guillemets, pour rendre à jamais impossible une nouvelle révolution comme celle d'octobre 1917 en Russie.

Il apparaît de plus en plus clairement que le Staline historique n’était pas le personnage monstrueux que ses ennemis de l'extérieur et de l'intérieur ont cherché à accréditer. L’histoire objective de son pouvoir sur l’URSS et le mouvement communiste commence à être écrite avec le recul scientifique nécessaire à la manifestation de la vérité. C'est une histoire terrible pleine d’excès et de brutalité. Mais la terreur stalinienne qu'on dénonce n’a pas été introduite dans l’histoire par la malveillance d’un homme ou d'un petit groupe dirigeant. Elle résulte d'un contexte et de circonstances précises. Lorsque ces circonstances se sont apaisées, les groupes dirigeants embourgeoisés en URSS et dans les partis communistes des autres pays, en quête de respectabilité, n'ont plus osé assumer leur histoire, et ont cru s'en tirer en faisant de Staline le bouc émissaire de tous leurs excès et toutes leurs erreurs. Et le bouc émissaire était particulièrement mal choisi.

C’était un homme politique d'origine populaire, très intelligent, habile, convaincu, incorruptible, et plutôt prudent, qui fut sans doute, comme Mao après lui, victime des illusions que produit un pouvoir politique trop étendu.

On ne peut pas si facilement le dissocier de la tradition politique qu'il applique et qu'il prolonge. Staline incarne la dictature du prolétariat. S’il y a quelque chose qui ne va pas chez Staline, c’est dans la théorie de la dictature du prolétariat qu’il faut le chercher, théorie appliquée fidèlement telle que Karl Marx et Lénine l’avaient envisagée.

Et certes, ce n'est pas pour rien que Gramsci (qui a toujours soutenu Staline contrairement à ce que l'on laisse croire souvent) l'a reprise de fond en comble à la même époque, non pour la supprimer, mais pour l'actualiser.

La tentative stalinienne de mettre en pratique le marxisme a finalement été vaincue. Mais il y a quelque chose d’étonnant à voir toute l’intelligentsia mondiale élevée dans le culte de Nietzsche s’épouvanter de voir ce que ça donne, d’agir « par de là bien et mal ». De voir ce qu'elle interprète comme un surhomme en chair et en os mettre en œuvre la dictature du prolétariat à ses dépens.

Le fait est que Staline, dont le nom qu'il s'était choisi signifiait "Homme d'Acier", fut le dirigeant rationnel à la barre de la Révolution dans les circonstances de fer où elle se produisit, dans le monde de violence sans limite ouvert par la boucherie de la Grande Guerre impérialiste de 1914-1918 qui avait déprécié totalement la valeur de l’existence humaine, et face à la contre-révolution également sans limite du fascisme et du nazisme qui en avait au concept même d’être humain. L’analyse qui veut proposer un « communisme sans Staline » qu’il fût celui de Trotski, des anarchistes, ou de « Socialisme ou Barbarie », n’a pas de sens. Leur analyse est d'ailleurs à contresens des faits : Staline n’a pas exercé la terreur au nom de la bureaucratie contre le prolétariat, il a exercé la terreur sur la bureaucratie, au nom du prolétariat.

Lui, et le groupe dirigeant qui l'entourait, étaient persuadés qu'une partie importante de la bureaucratie soviétique était prête à trahir la Révolution, "l'œuvre de Lénine" à laquelle ils accordaient tant de valeur, et à baisser pavillon face à l'Allemagne nazie, puis face aux États-Unis impérialistes. Ce qui s'est effectivement produit, deux générations plus tard.

Le recours à la Terreur eut pour but de faire face à la situation d'urgence créée par la menace extérieure nazie et/ou impérialiste occidentale. Le groupe dirigeant produisit une façade légale à la Terreur, assez inconsistante, pendant les grands procès de Moscou, de 1936 à 1938. Cette Terreur, en elle même, est infiniment tragique et démoralisante à long terme. Mais personne ne saura jamais si sans elle, l'URSS ne se serait pas écroulée au premier choc, comme la France de 1940, rongée de l'intérieur par la trahison des élites militaires, intellectuelles, politiques et économiques.

Moins les révolutionnaires seront tentés de répudier le Staline historique, moins ils seront tentés de rejeter Staline dans les poubelles de l’histoire, moins ils seront staliniens, au sens trivial du mot qui caractérise bien le bureaucrate opportuniste ou postcommuniste : autoritaire, menteur, dissimulé, corrompu, brutal, inculte, veule, opposé à la spontanéité révolutionnaire et à la démocratie. Car ceux que l’on qualifie spontanément ainsi avec ce que cela comporte d’opprobre justifiée ne sont pas staliniens, mais khrouchtcheviens, gorbatchéviens, yeltsiniens. Ou pour traduire dans les termes de la Révolution française, ce sont ceux de Thermidor et du Directoire, pourris et cyniques, qui ne peuvent pas juger la Terreur, à laquelle ils ont participé sans vertu.

Restent les mérites du personnage historique Staline auquel il faut rendre justice : Il a su rendre concrète l’expérience du socialisme dans un seul pays (l’alternative étant, non pas la « révolution permanente » prônée par Trotsky, mais « le socialisme dans aucun pays »), expérience que l’humanité du XXème siècle devait faire. Il a su diriger le peuple soviétique pour vaincre le nazisme. Sans Staline, le Parti communiste soviétique, et le peuple russe, le Troisième Reich aurait triomphé. Il a accéléré la décomposition du monde colonial et du racisme, et rendu dans le monde entier l’exploitation et la misère illégitime.

Le seul moyen de vaincre le socialisme a été de faire provisoirement mieux que lui sur son terrain, le terrain social, et on voit bien ce que ça donne aujourd’hui que ce puissant stimulant a disparu.

Il est vrai que Staline assume avec tous les autres dirigeants soviétiques (y compris ceux qui en ont été victime à leur tour) le bilan terrible de la Terreur, atteignant peut-être (selon une estimation très élevée) un million de condamnés exécutés ou morts en déportation, en trente ans, une fois écartés les bilans délirants diffusés par les historiens anticommunistes professionnels.

Comme le montrait Domenico Losurdo, récemment disparu l'État révolutionnaire fondé par les bolcheviks n'a jamais pu bénéficier de la paix et se sortir de l'état d'exception, il n'a pas réussi à fonder une nouvelle légalité, de manière à entrer dans un développement pacifié et prosaïque, et le philosophe italien pensait même, paradoxalement, que la composante anarchisante du projet communiste, qui comporte l'objectif du dépérissement rapide de l'État, a empêché la stabilisation du socialisme et son retour au respect de la légalité. Et en effet, les premiers bénéficiaires d'une telle pacification devaient être les cadres, les "bureaucrates", et leurs cousins à la face souriante, les intellectuels et les artistes plus ou moins dissidents. Staline, comme promoteur de la constitution démocratique de 1936, représente justement la recherche du point d'équilibre jamais trouvé entre légalité et révolution, entre "experts" et "rouges".

Mais tout ça ne s’est pas produit dans une époque et dans des pays tranquilles, où comme on dit dans le Chant des partisans : "les gens aux creux des lits font des rêves", et en condamnant sans nuance Staline et son groupe dirigeant on fait comme s'il n’y avait jamais eu de guerre menée au socialisme, comme si l'Union Soviétique et la révolution prolétarienne n’avaient eu aucun ennemi, et surtout comme si cet ennemi n’avait pas pris dès avant octobre 1917 l’initiative de la violence et de la Terreur. Au fond, ce que l'on reproche véritablement à l'URSS dirigée par Lénine et Staline, c'est de ne pas avoir été vaincue comme le sera la République espagnole sur qui on a versé tant de larmes de crocodile.

Dans quel sens devons nous utiliser cette histoire dans notre siècle ? Marx nous indique en tout cas la marche à ne pas suivre : faire comme les révolutionnaires de 1848 fascinés par la Montagne de 1793 qui cherchaient à rejouer la grande révolution, et qui souvent se déguisaient en révolutionnaires plutôt qu’ils n'agissaient. Réévaluer le rôle révolutionnaire de Staline ne signifie pas préconiser l'emploi ici et maintenant de son langage ni de ses méthodes d'action, et encore moins de l'utiliser comme un symbole creux destiné à choquer le bourgeois. Mais cela signifie qu'il faudra pour renverser le capitalisme une détermination de fer, comme la sienne.

Il faut reconnaître le fait incontestable que dans le monde entier presque tous les révolutionnaires prolétariens déterminés se sont rangés du coté de Staline quand il gouvernait l’URSS. Et une grande partie des mouvements de libération nationale dans les colonies et le Tiers Monde aussi.

Le mouvement révolutionnaire du prolétariat a mal géré son repli idéologique depuis la mort de Staline en mars 1953, et il faut en reprendre l'autocritique au début.

La critique anticommuniste a raison sur trois postulats :

1) Staline est un communiste authentique, ceux qui s’intitulent encore communistes doivent assumer cet héritage et expliquer pourquoi ils le font.

Ce défi est très facile à relever, et sans provocation ni extrémisme ! Il suffit de savoir ce qu'on veut, la respectabilité ou la révolution. Car ce qui est perdu en obstruction, calomnies et conspiration du silence peut être regagné et largement au-delà par la publicité involontaire que produit l'indignation de la bourgeoise scandalisée et de ses intellectuels et journalistes.

2) L’URSS a été une tentative de réaliser une utopie économico-politique qui a échoué dans la confrontation avec l'impérialisme.

Sauf que pour nous, ce n’est pas l’utopie en elle qui la condamne, au contraire ! Et de plus en plus clairement, c'est le projet économique capitaliste dans son ensemble qui semble une utopie mortifère. Elle a échoué, certes, mais pas dans une sorte de compétition sportive équitable, ou de sélection naturelle du plus apte, de type darwinien. Elle a engagé, soutenu puis perdu une grande et longue bataille. Mais la guerre n'est pas finie.

3) Et le phénomène historique nazi-fasciste s'explique par une réaction à la menace communiste.

Le tableau effarant des effets meurtriers de ce phénomène nullement mystérieux n'exige de la postérité aucun mutisme craintif, aucune sidération. Les blancs de la Guerre Civile en Russie et en Ukraine préfigurent l'action des nazis jusqu'aux crimes les plus répugnants. Il est donc parfaitement possible, et nécessaire, de continuer à penser "après Auschwitz", contrairement aux admonestations des marxistes repentis de l'École de Francfort. L'horreur nazie n’est rien autre chose que le fruit démesuré d’une réaction de panique de la bourgeoisie, face à ce qu’elle nomma le « bolchevisme », signifiant émotionnel dont le sens était alors à peu près le même que celui de « Staline » aujourd’hui, et le plaidoyer pour une réhabilitation implicite du nazisme qui a été présentée avec cohérence par Ernst Nolte en Allemagne, est en fait un aveu de la bourgeoisie, qui replace le génocide sans mystère au terme de l’escalade criminelle de la contre-révolution des années 1920/30, les juifs étant accusés d'être à l'origine de la propagation de cet épouvantable bolchevisme.

4) Par contre, la quasi-totalité des allégations de l’historiographie anti-stalinienne est fantasmatique, fausse ou exagérée.

Soljenitsyne, Conquest, Trotsky, Chalamov, les frères Medvedev etc. ne sont pas des sources fiables, mais des auteurs partisans, le plus souvent directement liés à des forces organisées contre-révolutionnaires, des auteurs souvent lourds et grossiers qui ne seraient pas pris au sérieux s'ils écrivaient sur n'importe quelle autre question.

5) Dans l’affrontement entre la révolution mondiale et la contre-révolution mondiale, depuis 1914, le camp capitaliste est responsable de crimes innombrables et n’a pas de leçon de morale à donner. 

6) Nous éviterons à l’avenir les dérives antidémocratiques, les erreurs et les excès violents en étudiant l’histoire réelle de notre mouvement et non en reproduisant les critiques de l’adversaire, sa version des faits, et les mythes qu'il a propagés. 

7) Les critiques émanant de mouvements ou d’hommes se prétendant révolutionnaires et qui n’ont pas fait de révolution n'ont pas de valeur. Comme celles de Georges Orwell par exemple, prototype de tous les conservateurs déguisés en gauchiste. Non plus que celles émanant d’acteurs de l’histoire du communisme qui tentaient de couvrir leurs responsabilités, comme Trotski et Khrouchtchev.

L'application de ces principes, en s'inspirant notamment des concepts critiques développés dans les Cahiers de prison de Gramsci, devrait aboutir à une critique nuancée, comme le fait la critique du maoïsme en Chine, et non à la diabolisation de l'histoire de la révolution.

 

GQ, 24 avril 2020 (texte élaboré depuis 2010, publié en versions successives, ceci est une version raccourcie). Relu et republié sans autre modification le 1er août 2023.

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DE LA FOLIE EXTERMINISTE DES ETATS-UNIS D’AMERIQUE 

Par Georges Gastaud*

On lira ci-dessous plusieurs documents démontrant la folie exterminatrice des USA. En somme, ce n’est pas nous, militants du PRCF, qui affirmons que « l’exterminisme est le stade suprême du capitalisme-impérialisme« , ce sont les coupables eux-mêmes qui le proclament et qui s’en vantent tandis que la fausse gauche atlantiste et européiste préfère regarder ailleurs : j’ai nommé les dirigeants étatsuniens prêts à tout depuis 1945 et Hiroshima (et plus encore sans doute aujourd’hui que la suprématie mondiale du dollar est ébranlée par la montée des BRICS…) pour maintenir leur domination au service d’un système à bout de souffle. Un système planétairement suprémaciste (en termes plus feutrés on dit « unilatéraliste ») qui menace toute l’humanité, voire le vivant tout entier, et cela sur tous les plans: militaire, environnemental et culturel . Telle est en effet l’obsolescence historique du mode de production capitaliste-impérialiste en crise structurelle qui dévaste au quotidien les liens de l’homme avec l’homme et l’interaction globale de l’homme avec la nature. Dès lors il faut constater l’hubris historique sans précédent des dirigeants américains actuels (et de leurs vassaux européens, Macron en tête!): soutenue par une fausse gauche qui vire au social-exterminisme (socio-écologisme en paroles, exterminisme en pratique), ces maxi-prédateurs « cherchent la bagarre » avec la Russie postsoviétique et avec la Chine populaire des Etats baltes au Caucase en passant par l’Ukraine et par la Géorgie (réactivation opportune des tensions entre la Serbie et le Kossovo autoproclamé et demande provocatrice de Tbilissi d’entrer dans l’UE-OTAN), et de l’île chinoise de Taiwan à la Péninsule coréenne. Telle est la dégénérescence sociohistorique profonde d’un système sociopolitique agonisant qui, pour ne pas céder la place, si ce n’est au socialisme, du moins à une planète régie de manière moins unilatérale, est prêt à risquer ce que l’idéologue principal de l’exterminisme atlantique, le regrettable André Glucksmann, appelait avec gourmandise la « seconde mort de l’humanité », voire l’ « extinction de l’humanité dans son exhaustivité ». Car déjà en 1984, le mouvement pacifiste Pugwash estimait que l’utilisation de seulement 15% des stocks fuséo-nucléaires existants à l’occasion d’un conflit mondial conduirait à l’ « hiver nucléaire », donc à l’interruption pluriannuelle de la photosynthèse terrestre. Donc à l’extinction de l’humanité et à celle de l’immense majorité des espèces végétales et animales existantes. Bref, plus que jamais, construisons parallèlement et complémentairement les fronts anti-exterministe, anti-hégémoniste, anti-impérialiste et anticapitaliste dont le prolétariat international sera tout naturellement le centre de gravité. Sans oublier la revitalisation urgentissime du combat antifasciste étant donné que les dirigeants euro-atlantistes sont prêts, pour affronter Moscou et Pékin, à s’allier aux forces les plus ténébreuses de la planète: l’extrême droite raciste et suprémaciste, les intégristes religieux de toutes obédiences, voire les néonazis ukrainiens et autres nostalgiques européens des Benito Mussolini, Franco, Bandera, Pétain et Adolf Hitler.Plus fondamentalement encore, souvenons-nous de la devise de Fidel et du Che : « le socialisme ou la mort »… pour toute l’humanité! 

En clair, soit le capitalisme-impérialisme virant à l’exterminisme finira par tuer l’humanité, soit l’humanité conduite par la classe travailleuse éliminera à temps le capitalisme pour construire un socialisme-communisme de nouvelle génération. Non datur tertium, il n’existe pas de milieu à terme!
*Auteur de « Mondialisation capitaliste et projet communiste » (Delga, 2022, réédition actualisée d’un livre paru en 1997). Lire en particulier la partie IV « Marxisme et universalisme » qui traite notamment de l’exterminisme et de sa signification de classe à notre époque.  

« Le feu et la fureur » de Truman à Trump : l’idiotie de la politique étrangère des USA

L’idiotie de la politique des USA, qui vise à donner un visage humain à leurs crimes contre l’humanité, s’étale depuis fort longtemps.

Le 9 août 1945, le jour même où la seconde bombe atomique a été larguée sur Nagasaki, le président Truman globalresearch.ca

Truman (à droite), dans une allocution radiodiffusée à l’intention de la population étasunienne, a conclu que Dieu est du côté de l’Amérique en ce qui concerne l’utilisation d’armes nucléaires et :

« qu’il puisse nous guider vers une utilisation [de la bombe atomique] allant dans Son sens et qui serve Ses fins. »

Selon Truman, Dieu est avec nous et décidera s’il faut recourir à la bombe et quand :

«Rayer l’Union soviétique de la carte» en larguant 204 bombes atomiques sur ses villes importantes. Les USA planifiaient une attaque nucléaire contre l’URSS pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Les USA et l’Union soviétique étaient alors des alliés.

Par Prof Michel Chossudovsky

Mondialisation.ca, 31 octobre 2022

7 novembre 2017

Région : États-UnisRussie et CEI

Thème: Histoire et GéopolitiqueMilitarisation

Analyses: Nucléaire (guerre et énergie)