vendredi 19 novembre 2021

Alain Deneault : « Les médiocres ont pris le pouvoir »

Ce constat renvoie à une expérience globale de la crise de nos société qui va au-delà de la médiocrité de nos “experts” et idéologues baptisés intellectuels, parce qu’il est le produit, tel qu’il est décrit ici, de la privatisation de toute la société. Privé, privé de quoi, d’abord d’une vision globale autant que de l’intérêt général, ce qui entraîne une force d’inertie qui se transforme en mépris et en concurrence angoissante. Un des symptômes de l’incapacité des forces productives humaines dans le capital à s’adapter à l’évolution des forces productives scientifiques et techniques, à ne voir que dans la régression, la réaction le soulagement face à ce qui peut être vécu par les individus comme une véritable souffrance celle du vide social, de l’anomie du non sens.. Le sens comme la sécurité n’existe que dans le collectif, la coopération alors que la protection est recherchée à ce stade dans l’individualisme et les destructions concurrentielles. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

nouvellesasblleprogresargentcapitalismesociété  15 novembre 2021 6 Minutes

Dans « La Médiocratie », un livre coup de poing, le philosophe Alain Deneault critique la médiocrité d’un monde où la moyenne devient une norme. Cet empire s’étend à toutes les sphères de l’existence : travail social, économie, politique.

Avec le tranchant d’une lame, il s’emploie – depuis des années – à dénoncer les scandales miniers et les paradis fiscaux. Son précédent essai, « Noir Canada », ayant fait l’objet d’une poursuite en diffamation. Alain Deneault n’est pas du genre à mâcher ses mots. Docteur en philosophie et enseignant en sciences politiques à l’université de Montréal, il s’attaque à un nouveau régime : la « Médiocratie ». Sous un jour caustique et incisif. Mais c’est d’une « révolution anesthésiante » qu’il s’agit. Celle qui nous invite à nous situer toujours au centre, à penser mou, à mettre nos convictions dans notre poche de manière à devenir des êtres interchangeables, faciles à ranger dans des cases.

Alter Échos : Qu’est-ce que la « médiocratie » ?

Alain Deneault : Quand on veut désigner ce qui est supérieur, on parle de supériorité. Pour ce qui est inférieur, on parle d’infériorité. Mais si l’on veut désigner ce qui est moyen, on ne dira pas la « moyenneté », mais plutôt la « médiocrité ». La médiocrité renvoie à ce qui est moyen. Un « médiocre » n’est pas un parfait incompétent. Ce n’est pas quelqu’un d’étourdi qui n’est pas capable de respecter un horaire, qui n’est pas capable de faire fonctionner la photocopieuse ou de dire bonjour à la bonne personne au bon moment… Mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui a de l’initiative, des convictions, du courage ou de l’envergure. C’est quelqu’un de fonctionnel et de soumis. Il n’y a pas de problème à cela. Être « médiocre » n’est pas péjoratif. On est tous « médiocre » en quelque chose… Le problème de la « médiocratie », c’est lorsqu’on se retrouve dans un système qui nous enjoint à être un citoyen résolument moyen, ni totalement incompétent au point d’être incapable de fonctionner ni compétent au point de se savoir fort d’un pouvoir critique. La « médiocratie », c’est donc le stade moyen hissé au rang d’autorité. C’est la moyenne impérative, même lorsqu’on peut prétendre à mieux.

A.É. : Comment les médiocres ont-ils pris le pouvoir ?

A.D. : Ils ont pris le pouvoir sans forcément s’en rendre compte… La division et l’industrialisation du travail – manuel et intellectuel – ont largement contribué à l’avènement du pouvoir médiocre. Au XIXe siècle, on est passé des « métiers » à l’« emploi ». Et ce faisant, on a standardisé le travail sur un mode moyen, parce qu’il s’agissait de rendre les acteurs interchangeables à l’ouvrage. En fait, nous ne sommes plus des artisans – dépositaires d’un savoir-faire – mais des agents qui remplissent une fonction, insérés dans des protocoles dont le sens nous échappe. Le médiocre, lui, n’a pour seul souci que de se positionner sur un échiquier dont il ne contrôle pas les paramètres.

La « médiocratie », c’est donc le stade moyen hissé au rang d’autorité. C’est la moyenne impérative, même lorsqu’on peut prétendre à mieux.

A.É. : Ce système va-t-il jusqu’à marginaliser les compétences ?

A.D. : Dans un tel cadre, les éléments les plus prometteurs se voient systématiquement contraints à la médiocrité même s’ils ne sont justement pas médiocres… On brise toutes les compétences qui ne sont pas compatibles avec les formes « standards » attendues. L’injonction sous-jacente à tout contrat de travail, c’est : « Ta gueule, je te paie ! ». On nous paie pour qu’on se refuse à sa propre pensée. C’est un motif d’inquiétude dans un monde où les problèmes requièrent tellement de perspicacité, de sens critique, d’innovation au sens radical.

A.É. : Vous dites que la figure centrale de la médiocratie, c’est l’expert. Drôle de paradoxe…

A.D. : L’expert, très souvent, transforme de l’idéologie en science et présente un discours d’intérêts en un discours de savants. Il est le représentant de pouvoirs qui l’embauchent portant les habits du scientifique désintéressé. L’expertise consiste de plus en plus souvent à vendre son cerveau à des acteurs qui en tirent profit. À l’université, c’est une vraie question que doivent désormais se poser les étudiants : veulent-ils devenir des experts ou des intellectuels ?

A.É. : En quoi l’Université participe-t-elle de cette médiocratie ?

A.D. : Au Canada, plus de la moitié du budget des universités provient de fonds privés. Les professeurs savent que si les travaux n’utilisent pas les mots du vocabulaire managérial, ils n’obtiennent pas de bourse de recherche. Certaines universités ont des représentants des entreprises dans leur conseil d’administration et l’assument. En 2013, le recteur de l’université de Montréal a déclaré la même chose que l’ancien patron de TF1, Patrick Le Lay : « Les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises » ! À l’école de commerce de Montréal, il n’y a plus de numéros de local, mais des logos. Les cours ont lieu en salle « L’Oréal », « Air Transat » ou « Goodyear », du nom des sponsors. Les réformes successives de l’Université en Europe, notamment celle de Bologne, tendent vers ce modèle-là. Un modèle où le savoir est généré pour satisfaire le marché, alors que le rôle des intellectuels est de faire de l’entreprise un objet de la pensée.

Désormais on ne parle plus du bien commun, on fait comme si l’intérêt général n’était plus que la somme d’intérêts particuliers que les uns et les autres sont ponctuellement invités à défendre.

A.É. : Selon vous, la politique s’efface devant la « gouvernance ». Pourquoi ?

A.D. : Les premiers à avoir formulé le terme sont les théoriciens de l’organisation, dans les années 1980. C’est Margaret Thatcher qui l’a, par la suite, propulsé dans la sphère publique. Appliquée au champ politique, la « gouvernance » prétend « gérer » l’État comme n’importe quelle multinationale, avec les mêmes critères de rendement, d’efficacité, etc. L’État devrait en quelque sorte se mettre au diapason des critères de rentabilité économique. Et cela vaut pour tout genre d’organisation, y compris les ONG, les universités et les associations civiques, qui sont invitées à rendre des comptes, à prouver que chaque centime de subvention est rentabilisé dans une perspective entrepreneuriale. C’est à partir du moment où tout n’est que gestion que la démocratie disparaît, au profit d’un management totalitaire. Désormais on ne parle plus du bien commun, on fait comme si l’intérêt général n’était plus que la somme d’intérêts particuliers que les uns et les autres sont ponctuellement invités à défendre. C’est à partir de là que la culture du grenouillage, des arrangements douteux, se développe. Or un ordre qui met en péril 80 % des écosystèmes, et qui permet à 1 % des plus riches d’avoir 50 % des actifs mondiaux n’a rien de pondéré.

A.É. : Comment repolitiser la société ?

A.D. : Je milite pour le retour à des mots investis de sens, tous ceux que la gouvernance a voulu effacer, galvauder ou récupérer : la citoyenneté, le peuple, les droits collectifs, la contrainte sociale, la souveraineté, le bien commun… Parce qu’une révolution, ce n’est pas des barricades ou des bannières ensanglantées. À chaque fois, ce sont les mots qui ouvrent la voie. La médiocratie, elle, a réussi une « révolution anesthésiante » : dans l’esprit des puissants, on va parler de « partenaires sociaux », de « société civile », de « droits libéraux », d’acceptabilité sociale, de questions sociétales, d’empowerment… « d’économie de la connaissance » qui fait entrer les multinationales à l’université, de « l’essor des marchés émergents » qui autorise le néocolonialisme bon teint. Le langage n’est plus vecteur de sens ou d’interrogation, mais un jeu de faux-semblants articulé sur l’idéologie du profit. Aujourd’hui, même l’Administration publique recrute des « architectes en gouvernance ministérielle » qui maîtrisent « l’approche client » et qui sont également « propriétaires de processus ». On entre dans un domaine du langage qui nous fait perdre le sens des choses… L’économie nous rend stupides. Ce statu quo n’est plus tenable.

La Médiocratie, d’Alain Deneault, Lux éditeur, 224 pages, 15 euros.

Rafal Naczyk

 

Eoliennes
Quelques notes sur la soirée du 26 août 2021
à Saint Clément des Baleines, sur l’île de Ré.

samedi 4 septembre 2021, par Comité Valmy


Eoliennes


Une réunion avait été annoncée dans le journal de l’île , le « Phare de Ré », organisée par différentes associations, dont le collectif « NEMO » (« Non à l’Eolien en Mer d’Oléron »), la LPO, (ligue de Protection des Oiseaux) , L’ASPC (Association de préservation des Sites de la Couarde). Une projection du film « Océan, ma voix des invisibles, Eoliennes une drôle de guerre », a été faite. Dominique Chevillon, président de la LPO, ancien président du CESIR de Nouvelle Aquitaine présenta le problème., ainsi que le président des Amis de l’île de Ré, Claude Yves Rieg. Un représentant des marins pêcheurs participa au débat ;

Le parc prévu au large des côtes de Vendée et de Charente Maritime sera le plus grand d’Europe, selon Castex, et s’inscrit dans un plan gigantesque d’éoliennes en mer pour toute la France. Ce seront des milliers d’éoliennes qui occuperont la surface maritime de Royan aux Sables-d’Olonne (2400 monstres de 260 mètres de haut) .
Le parc pose des problèmes économiques, écologiques, financiers :

1)Problèmes économiques.

La construction de ces parcs nourrit essentiellement des emplois à l’étranger. Elles sont certes assemblée en France, mais elles ne donnent que 3 à 6% des emplois sur le territoire national. Les acteurs sont essentiellement allemands (Siemens), américains (GE, même si le mari de Valérie Pécresse est directeur monde de GE pour les ENR, remarque personnelle), espagnols (Iberola), danois, voire chinois… et autres (Windeurope ?). La hausse des coûts de l’électricité, due à ces « énergies renouvelables », permet de payer, par le biais de fonds de pensions, les retraites d’américaines, entre autres (48% pour les acteurs de ces parcs éoliens). Elles vont détruire toutes les activités nautiques, de plaisance, de pêche, de ressources halieutiques, sur la vaste zone d’implantation. Au moment où la pêche française est menacée par les restrictions dues au Brexit. 9400 emplois directs et indirects sont ainsi menacés. 4 ports La Côtinière, La Rochelle, Arcachon, Les Sables-d’Olonne, verront leur activité tuée. L’UE propose des « indemnisations » de la destruction de leur outil de travail. De plus L’UE autorise la destruction sans problème de 60 espèces protégées, et nourricières, lors de ces parcs éoliens Le tourisme sur nos côtes sera aussi impacté, par la vision de ces « allumettes », par milliers, au large, ainsi que par les conséquences météorologiques, environnementale (courants, détergent pour les pales répandus par hélicoptère, brassage et pollution des eaux et des fonds…). Soulignons que le temps de vie de ces éoliennes ne sera que de 15 à 20 ans. Que deviendront les épaves ?, surtout si « l’opérateur » dans ces temps futurs saura se mettre à l’abri dans des îles lointaines.

2) problèmes écologiques :

Ces éoliennes, qui devront être remplacées au bout de 15 à 20 ans, vont anéantir les fonds marins, par les empreintes en béton, les câbles d’évacuation de l’électricité, les détergents utilisés. Les pilons utilisés pour enfouir sur des dizaines de mètres les tubes de 8 mètres de diamètres, support des monstres de 260 mètres de haut au dessus de niveau de la mer , peuvent selon les géophysiciens provoquer des séismes comme il en advenu récemment en Alsace et dans la Drôme, suite à des forages géothermiques ou l’exploitation de carrière. Et nous sommes dans une zone sismique, comme l’a montré le séisme de 1974. Ce gigantesque parc se fait dans une zone « Natura 2000 » et un « Parc Naturel », plein d’espèces protégées , mais l’urgence « climatique » permet à Bruxelles de lever toutes ces protections. Le paradoxe, c’est que ces éoliennes, associées à la fermeture de 14 réacteurs prévues « en même temps « , va causer une forte augmentation de l’émission de gaz à effet de serre. Les éoliennes ont une puissance au cube de la vitesse du vent (par exemple, de 30 à 60 km/h, elles donnent 8 fois plus de puissance, mais s’arrêtent au delà d’une vitesse critique, au risque de s’envoler…Ces énergies intermittentes sont donc obligatoirement accompagnées de puissances pilotables (Thermiques, nucléaires, hydrauliques). En absence de puissance suffisantes sur le nucléaire (fermeture en France de Fessenheim puis de 14 réacteurs) et de l ‘hydraulique, (saturé), c’est le gaz et le charbon qui supplée, d’où la flambée des émissions de CO2 en Allemagne, et la tentative de considérer le gaz comme « énergie propre » (480 g de CO2/kwh contre 6g pour le nucléaire) par le gouvernement allemand (et espagnol ?) Comme je l’ai explique dans ma courte question, pourquoi ne pourrait on pas attaquer en justice l’UE ou la France pour violation du traité de Paris (COP21) ?

3) problèmes financiers et démocratiques

La construction de ces parcs se fait en toute opacité : sous prétexte de « secrets industriels », les données obtenues dans les autres parcs concernant l’environnement sont secrètes. La pyramide d’actionnaires, d’acteurs financiers et industriels, qui changent d’ailleurs rapidement, assure à la fois une rentabilité maximale et une irresponsabilité totale pour les différends acteurs qui agissent, y sur la chaîne de décision, avec une possibilité de recours réduite au minimum (pas d’appel possible, avocat exigé). Les enquêtes d’ »utilité publique » concluent toujours avec un « avis favorable » alors même que la majorité des populations expriment un avis opposé. Et ceci alors que les traités internationaux (Convention d’Aarhus) stipulent que les populations doivent donner leur accord.

Un autre film sur les éoliennes mérite d’être vu : « mes éoliennes, du rêve à la réalité ». Dans le film présenté lors de cette soirée, il était effrayant de voir la marine nationale, qui devrait protéger nos côtes, attaquer nos marins pêcheurs pour permettre à une entreprise étrangère assez opaque (pavillon luxembourgeois !?) de détruire nos côtes, notre littoral, nos emplois, nos ressources halieutiques… notre vie. Le préfet maritime assume de faire respecter « l’ordre public ». Quel ordre permet une telle prédation ?

Un intervenant, lors du débat (réduit) a fait remarquer qu’il s’agit d’une gigantesque « escroquerie écologique, économique, financière, économique … ».

J.M.
3 septembre 2021