Selon
un sondage Viavoice pour Libération, les Français ont des idées
précises sur les changements nécessaires pour l’après crise, et ce ne
sont pas celles que prônent les défenseurs du marché.
Quand
certains parlent du « nouveau monde » à construire après la double crise
de la finance et du coronavirus, ils se gardent bien d’en dessiner les
contours, ce qui ouvre une porte salutaire pour se contenter d’un
changement a minima. A contrario, si l’on en croit un sondage Viavoice pour Libération les Français ont des idées très précises sur le sujet.
Ces
idées vont pour l’essentiel à contre-courant de la vulgate répétée en
boucle par les élites, les experts autoproclamés et autres
éditorialistes, confirmant que cette caste arrogante ne représente
qu’elle-même – ceci expliquant cela.
Qu’on en
juge. Les personnes interrogées se prononcent pour la relocalisation en
Europe des filières de production installées en Asie (84%) ; pour
reprendre la construction européenne sur de nouvelles bases (70%) ; pour
réduire l’influence des actionnaires et de la finance sur la vie des
entreprises (70%) ; pour ralentir le productivisme et la course à la
rentabilité (69%) ; pour nationaliser les secteurs stratégiques tels que
le transport, l’énergie, l’eau (68%) ou la pharmacie (60%) ; pour
instaurer un protectionnisme aux frontières de l’Europe (65%) et même à
l’échelle de la France (54%). Enfin quand on leur demande s’il faut que
l’Etat soutienne les entreprises nationales ou pas, les sondés répondent
de manière positive (56%).
Reconquête de la souveraineté collective
Bref, c’est
la convergence des exigences, ainsi résumées par Viavoice : reconquête
de la souveraineté collective, dépassement de la société de marché,
sanctuarisation des biens communs indispensables à tous.
Certes, le
sondage n’échappe pas au biais européiste qui fait de l’Union Européenne
le seul et unique espace d’existence d’une souveraineté qui s’exprime
pourtant d’abord dans le cadre national. Ainsi est-il étrange de
n’envisager les nécessaires relocalisations qu’à l’échelle du vieux
continent sans envisager l’hypothèse du champ national.
Cette
question, étrangement, n’a pas été posée. La chose est d’autant plus
surprenante que les Français interrogés se prononcent majoritairement
pour des nationalisations. Jusqu’à preuve du contraire qui dit
nationalisation dit nation. Or ce mot semble encore écorcher des âmes
sensibles qui y décèlent aussitôt la trace du nationalisme, voire du
fascisme. De même, la problématique de l’aide aux entreprises
demeure ambiguë car elle passe sous silence les critères d’utilisation
des fonds publics versés. Passons.
Un désaveu pour les "esprits supérieurs"
Reste l’essentiel, à savoir la défaite en rase campagne de tous ceux qui
ont prétendu formater les esprits en expliquant jusqu’à plus soif que
les délocalisations sont inéluctables ; que les financiers jouent le
rôle de Moïse guidant son peuple ; que la main du marché remet tout en
ordre par magie ; que les actionnaires sont une race d’intouchables ;
que l’Etat ne sait pas gérer à la place du privé, expert en la matière ;
et que le protectionnisme est le mal absolu.
Après plusieurs années de bourrage de crâne, les Français pensent majoritairement le contraire.
Comme le
déclare à Libération Stewart Chau, consultant pour Viavoice, « les
résultats sont frappants par leur ampleur ». Il s’agit bel et bien d’un
quasi plébiscite et donc d’un désaveu pour les esprits supérieurs qui
prétendent faire l’opinion en assénant jusqu’à plus soif des fausses
évidences édictées telles des vérités d’Evangile.
Il faut tout changer
Voilà qui
éclaire le débat sur le fameux « jour d’après », lorsqu’il faudra
repenser et refonder le modèle de croissance. Pour nombre de
commentateurs, la plupart des valeurs validées par le sondage font le
terreau du « populisme ». A ce compte-là, même Emmanuel Macron, avec son
hymne à la « souveraineté », serait un dangereux provocateur.
Dès que
l’on évoque la nationalisation, le protectionnisme (européen ou pas), la
sécurité (sanitaire ou pas), le besoin d’un Etat régulateur, ils y
voient une concession à Marine Le Pen, un alignement sur le premier
ministre hongrois Viktor Orban, voire un cadeau à Poutine.
En
vertu de quoi ils déroulent le tapis rouge aux petits malins (suivez mon
regard) qui parlent d’autant plus facilement du « nouveau monde »
qu’ils rêvent de sauver l’ancien, fut-ce au prix de quelques
aménagements de circonstance.
Or il faut
tout changer, en creusant certaines des pistes ouvertes par un sondage
qui vient confirmer que les Français ne correspondent en rien à la
caricature dressée ici et là. Loin d’être bornés, égoïstes, repliés sur
eux-mêmes et prêts à s’offrir au premier « homme fort » venu, les
citoyens ont des attentes parfaitement recevables, des suggestions
parfaitement réalistes, et des esquisses de solutions parfaitement
adaptées aux circonstances.
Alors
qu’on les décrit comme hostiles à toute réforme, ils ont le culot de
défendre des « réformes révolutionnaires », pour reprendre l’expression
de Jaurès.
Article de Jack Dion pour Marianne
Note de P.
Journaliste à l'Huma à cette époque, Jack Dion conduisait la délégation de 15 CDH français invités gratieusement par la Pravda en 1972, groupe dont je faisais partie. Deux semaines de découverte de l'URSS, depuis MOSCOU, jusqu'à MINSK, puis LÉNINGRAD.....J'avais plusieurs fois au cours de ce voyage manifesté ma réprobation face à certaines attitudes et comportements de Russes qui nous accompagnaient, et qui ne me paraissaient pas du tout conformes à l'idée que nous, communistes français, nous nous faisions de ce pays socialiste, du socialisme, -j'insiste sur "socialiste," le communisme n'a jamais existé, même si des Partis Communistes sont à la tête de certains pays qui cherchent à se libérer du capitalisme.- Avec Jack Dion nous avions eu des discussions au sujet de mes coups de colère, il y a quelques années, il m'avait écrit un message, sur lequel il admettait que j'étais déjà à l'époque un peu visionnaire, sur la suite prévisible de l'URSS. Près de 50 ans après notre rencontre au cours de ce voyage, je suis heureux de constater qu'il me parait avoir conservé des idées saines, contrairement à d'innombrables girouettes qui se sont égarées sur les chemins de la trahison.