Les coups d’État de velours par Jacques Lancière
Ecrit par Jacques Lanctôt
Je délaisse aujourd’hui momentanément la politique québécoise pour
parler d’une série d’événements qui sont en train de se produire en
Amérique latine et qui risquent de mettre un terme au progrès social
qu’on observait depuis quelques dizaines d’années sur ce continent.
Après l’Argentine, où le gouvernement progressiste de Cristina
Kirchner a perdu le pouvoir à la suite de campagnes de salissage comme
on en a rarement vu, puis le Brésil où un autre coup d’État de velours
vient de se produire, c’est maintenant au tour du Venezuela de subir des
attaques de toutes sortes dans le but de renverser un gouvernement
progressiste dûment élu. Faudrait être aveugle pour ne pas voir derrière
ces tentatives concertées de déstabilisation, la main du gouvernement
américain qui veut reprendre le contrôle de son arrière-cour. Ces mêmes
tactiques ont déjà été éprouvées au Chili dans les années soixante-dix
et ont mené au renversement sanglant du gouvernement légitime de
Salvador Allende. Même le pape s’est récemment montré préoccupé de cette
situation, mais tout se passe comme si, dans nos médias, y compris ceux
de gauche, il n’y avait rien à signaler de ce côté.
De quoi s’agit-il? De susciter un climat de mécontentement général au
sein de la population, en créant artificiellement des pénuries de
toutes sortes. Plus de sucre, plus de farine, plus de lait, plus de
pain, de moins en moins de viande, etc. Pénuries de pétrole qui
entraînent des coupures d’électricité et de longues files d’attente dans
les stations-service. Dans le pays qui possède les plus grandes
réserves pétrolières au monde, comme le Venezuela, avouez que cela a de
quoi étonner. Vous imaginez une telle chose au Québec?
Pourtant ces produits existent bel et bien, ils sont stockés dans des
entrepôts, bien à l’abri de la population qui n’en peut plus de
souffrir et de perdre son pouvoir d’achat. De guerre lasse, elle descend
dans la rue pour réclamer la chute du gouvernement. Parfois ces
manifestations tournent à la violence, tel que prévu dans les plans de
ceux qui conspirent contre les gouvernements légitimes. Les journaux se
mettent de la partie. Ici comme ailleurs, les médias ne sont certes pas
sous le contrôle des gens qui pensent en faveur des gagne-petit, des
sans voix, du 99 %. Ils organisent, eux aussi, d’énormes campagnes
publicitaires pour réclamer la chute du gouvernement en argumentant que
les libertés fondamentales sont systématiquement violées. La situation
devient rapidement explosive et propice à une intervention extérieure.
Au Brésil récemment, cela a pris des proportions grotesques où ce
sont des voleurs, des corrompus notoires qui ont obtenu momentanément le
départ de la présidente Dilma Rousseff. Le Brésil est un gros morceau
dans l’échiquier latino-américain. C’est la première économie et, tout
comme au Venezuela, on a empêché le gouvernement progressiste de
fonctionner normalement depuis des mois, pour susciter le mécontentement
populaire, alors qu’aucune accusation de corruption ne pèse contre la
présidente du pays.
Au Vénézuela, les forces militaires américaines ne cachent plus leur
désir d’intervenir dans le pays pour rétablir «l’ordre démocratique»,
comme ils l’ont fait ailleurs, au Guatémala, en République dominicaine,
ou en Irak, pour ne mentionner que ces trois pays. Elles ont même publié
un document , «Opération Venezuela Freedom 2», où elles expliquent les
différentes étapes pour parvenir au renversement du gouvernement de
Nicolas Maduro. Ce plan est déjà en marche.
En Bolivie, la défaite du président Morales, qui tentait d’obtenir,
par référendum, la possibilité de gouverner pour un quatrième mandat,
est essentiellement due à la campagne médiatique mensongère orchestrée
par l’ambassade américaine à La Paz. On s’est attaqué à sa vie privée
durant les cent jours qui ont précédé le référendum, en alléguant qu’il
entretenait une relation secrète avec une actrice blonde bien connue,
qu’elle aurait obtenu des contrats du gouvernement, qu’il avait eu un
enfant avec cette femme, etc. Tout cela s’est avéré faux, mais le mal
était fait.
Tous ces coups d’État de velours procèdent de la même façon:
ingérence américaine dans la gouverne du pays et manipulation
médiatique. Et cela ne risque certainement pas de changer, avec
l’élection de l’un ou de l’autre des candidats aux élections
présidentielles américaines.
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