jeudi 28 juin 2018




REMARQUES SUR LES MÉDIAS : en regardant le JT de France 2 du 22 juin 2018...par Philippe ARNAUD]


Le 22 juin 2018

Chers tous,

J'ai écouté, ce jour, le journal télévisé de 13 h sur France 2, présenté par Marie-Sophie Lacarrau. Le premier sujet présenté était l'explosion des CDD (Contrats à Durée Déterminée). Ces contrats, dit la journaliste, sont de plus en plus courts, et 1 sur 3 (un sur trois) dure seulement une journée et 8 sur 10 durent moins d'un mois. Le reportage dit que 87 % des contrats signés l'an passé étaient à durée déterminée. Et la durée des CDD a été divisée par deux en 25 ans. Il y avait 6 % de salariés travaillant en CDD en 1982 et 12 % en 2017. Une situation que déplore la ministre du Travail (Muriel Pénicaud).

Et Muriel Pénicaud dit : "Aujourd'hui, on peut être en précarité toute sa vie. On peut être en CDD intérimaire même chez le même employeur toute sa vie. Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond".

Remarque 1. Contrairement à ce que dit le reportage, la baisse du nombre de CDI (et l'augmentation corrélative du nombre de CDD) ne date pas d'hier. Il me souvient d'avoir été opéré en 1997 (avec deux jours d'hospitalisation) et d'avoir été soigné par une infirmière. En parlant avec elle, j'appris qu'elle n'était pas salariée de la clinique mais sous contrat. Je lui demandai :
- "Vous avez un contrat au mois ?".
- "Non !".
- "Vous avez donc un contrat à la quinzaine ?".
- "Non plus !"
- "A la semaine, alors ?"
- "Pas davantage !"
- "A la journée ?"
- "Même pas ! J'ai un contrat pour deux heures..."

Remarque 2. Marie-Sophie Lacarrau est une jeune femme (42 ans). Elle n'a donc pas eu la possibilité d'entendre son arrière-grand-mère (comme moi ma grand-mère, née en 1902) lui dire que, lorsqu'elle était jeune (dans l'adolescence, ce qui correspondait à la période de la guerre de 14), elle allait se "placer", tous les matins [je souligne], sur la place face à l'église, auprès d'un gros paysan [je souligne l'adjectif] qui assignait à chaque jeune (garçon ou fille) la tâche qu'il (ou elle) avait à exécuter pour la journée.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Qu'en un siècle, après des milliers de luttes, de combats syndicaux, de grèves, de lois sociales, de déclarations de droits, on en est revenu au même point ! Un jeune ou une jeune (ou un jeune couple) qui veut se lancer dans la vie ne le peut pas : parce que pour acheter ou louer un appartement, pour contracter un emprunt (pour achat d'une maison, d'une voiture, de meubles), le bailleur ou le banquier réclament un CDI - et même parfois la caution des parents des deux jeunes. On en est revenu à la précarité du XIXe siècle. Après les lois inspirée par le CNR (Conseil National de la Résistance), les patrons ont réussi, 73 ans après, à tout démolir...

Remarque 3. La ministre du travail ne manque pas de souffle de déplorer ("Aujourd'hui, on peut être en précarité toute sa vie", "Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond") une situation qu'elle s'est elle-même employé à aggraver !
En effet, c'est cette même ministre qui a promulgué une loi travail qui, dans la lignée de la loi El Khomri (passé sous le gouvernement "de gauche" [je souligne les guillemets] de François Hollande, démolit encore plus les droits des salariés : inversion de la hiérarchie des normes (l'entreprise avant la branche, elle-même avant la loi), possibilité d'augmenter le temps de travail, facilitation des CDD, possibilité de baisser les salaires, plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, etc., etc.

Pourquoi les patrons se gêneraient-ils, alors que le gouvernement leur déblaie la voie ?


En effet, de deux choses l'une : ou Muriel Pénicaud voit le rapport entre sa loi (et toutes les autres lois du gouvernement Macron) et la précarisation des salariés, et elle est cynique, ou elle ne le voit pas et elle est bête à manger du foin. Et, dans les deux cas, elle prend les Français pour des imbéciles.

Remarque 4. Muriel Pénicaud, en outre, ne manque pas d'inconscience en versant des larmes de crocodile sur la précarisation des salariés français alors qu'elle a touché 4,74 millions d'euros en trois ans, lorsqu'elle était DRH chez Danone, en profitant notamment d'une plus-value boursière liée à la suppression de 900 emplois chez Danone.

Je vous saurais gré de vos remarques, compléments, rectifications et critiques.

Bien à vous

Amis du Monde Diplomatique (Tours)