lundi 28 mai 2018

HYMNE À LA VIE D'UNE FEMME HÉROÏQUE


« VOTRE FATWA NE S’APPLIQUE PAS ICI »
de Karima BENNOUNE : L’hymne à la vie des musulmans qui combattent le djihadisme
Paul Euzière

lundi 28 mai 2018, par Comité Valmy

« VOTRE FATWA NE S’APPLIQUE PAS ICI »
de Karima BENNOUNE : L’hymne à la vie
des musulmans qui combattent le djihadisme

Au terme de nombreux voyages et rencontres dans vingt-six pays musulmans, Karima Bennoune a écrit un livre «  Votre fatwa ne s’applique pas ici  » publié en France aux éditions Temps Présent. C’est un livre rare et bouleversant, d’abord par la trajectoire de son auteure Algéro-Américaine, née en Algérie, qui est la fille d’une sommité intellectuelle de l’Algérie indépendante, le Professeur Mahfoud Bennoune décédé en 2004, tout à la fois anthropologue, universitaire, chercheur, militant et humaniste, vétéran de la guerre de libération nationale algérienne. Un des rares grands intellectuels de la génération de l’Indépendance restés en Algérie pendant « la Décennie noire » (1191-2001) qui a réussi à survivre aux massacres organisés par les djihadistes sans jamais capituler devant leur terreur, interpellant même en 1995 le n°3 du FIS – Anouar Haddam- alors hébergé aux Etats-Unis- dans une lettre publique qui a fait date. Il y écrivait : « Votre mouvement est la négation de la raison, de la démocratie, du bon sens et des valeurs aussi bien islamiques qu’universelles. Il est voué à l’échec ».
Karima Bennoune est, elle, Professeur de Droit à l’Université de Californie et, depuis 2015, Rapporteuse spéciale aux Nations Unies pour les droits culturels.
Son livre n’est donc pas une étude universitaire ou journalistique, même s’il en a aussi toutes les qualités, mais c’est d’abord un vécu personnel -avec ses tensions, ses peurs et ses espoirs- et une réflexion à partir de quatre années de terrain – 2010-2014- dans vingt-six pays et de situations aussi différentes que celles du Pakistan à l’Algérie, de l’Égypte à l’Afghanistan en passant par la Palestine et même la Russie.
Le livre de Karima Bennoune est poignant et, sans doute dérangeant pour ceux nombreux aux Etats-Unis et en Europe qui connaissent peu ou mal les réalités des pays musulmans souvent présentés comme un bloc qui serait monolithique, fanatisé et dangereux.
Ce que nous montre Karima Bennoune, avec chaleur mais sans jamais tomber dans l’irénisme, ce sont des femmes et des hommes, des enfants aussi, des anciens -musulmans pratiquants ou non, croyants ou pas, mais se revendiquant tous héritiers d’une culture musulmane qu’ils connaissent- qui s’opposent aux terroristes fondamentalistes non pas par des discours, mais par des actes et, bien souvent, au péril de leur vie.
Le titre même de l’ouvrage «  Votre fatwa ne s’applique pas ici « est la réplique que fait Sona, une jeune fille, à des zélotes dans un drame historique pakistanais à l’intrigue actuelle autour de Bulha Shah, poète soufi et philosophe du XVIIème siècle.
Si en France, jouer une telle pièce n’implique aucun danger, c’est tout le contraire au Pakistan où entre 2007 et 2010, 8000 personnes ont été assassinées et où le pays a subi 44 attaques terroristes pour la seule année 2010.
Effectivement, là, la création est l’arme par excellence contre l’obscurité.
Karima Bennoune rapporte le constat de créateurs Pakistanais qui pointent, dans les responsables de cette très dangereuse situation, les mollahs, le conservatisme social, le terrorisme , Al Qaïda, mais aussi les différents gouvernements américains à l’égard du Pakistan. Ecrire et interpréter une pièce de théâtre dans ce contexte met en danger de mort.
Situation bien différente en Algérie où la guerre menée à la société par les islamistes armés pendant 10 ans a entraîné 200 000 morts.
Les pages consacrées aux journalistes, aux forces de la culture et aux Algériennes et Algériens debout, à cette résistance et cet héroïsme du quotidien arrachent les larmes, y compris à ceux qui ont été solidaires du peuple algérien durant la Décennie noire et qui se sont alors rendus en Algérie.
Karima Bennoune rappelle l’héroïsme inimaginable qu’il fallut aux journalistes lorsqu’ils subirent successivement, le 11 février 1996, deux terribles attentats à la Maison de la Presse Tahar Djaout d’Alger, pour parvenir à sortir leur journal, le lendemain, malgré leurs collègues morts -18 morts et 52 blessés !- et les lourds dégâts matériels. Oui, il y a des journalistes qui risquent leur vie, parce qu’il écrivent et dérangent.
Qu’il s’agisse du Pakistan ou de l’Algérie, mais le constat vaut pour tous les pays musulmans où elle s’est rendue et a écouté, Karima Bennoune donne à voir et à entendre de l’intérieur la complexité des situations, sans facilité, sans raccourci commode. Loin de tous nos clichés.
Elle se fait la porte-parole de celles et ceux qui, en turban ou tête nue, les cheveux au vent ou voilées, résistent, très souvent seules et seuls, loin de pays occidentaux où ils sont ignorés, quand ce n’est pas lâchement abandonnés.
Que vous soyez spécialiste ou profane, croyant ou pas, si vous ne lisez qu’un livre dans l’année, lisez «  Votre fatwa ne s’applique pas ici « .
Lisez-le. Offrez-le.
Parce que, « la solidaridad es la ternura de los pueblos » –« la solidarité est la tendresse des peuples » disait le poète nicaraguayen Tomas Borge. Parce que « Résistance n’est qu’espérance », selon les mots du Provençal René Char, poète et Chef de maquis et que l’ouvrage de Karima Bennoune nous en apporte les preuves vertigineuses et fraternelles.
RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher


Le jeune président de la Start-up Nation était en fait un vieux con comme les autres.

Je partage à peu près autant les idées d’Emmanuel Macron que la déclaration d’impôt de Patrick Balkany. Mais il est deux points sur lesquels j’espérais que la raison puisse l’emporter sur mes convictions. Primo il était "jeune". Et deuxio il ne se ferait pas prendre le mulot dans le bon coin puisqu’à l’instar du proctologue, il voyait du digital partout.
Et puis il y eut #Parcoursup. Alors là j’avoue qu’au delà de l’algorithme tout moisi, en plus de faire bien pire que le déjà sinistre APB, ma sidération fut totale. Tout le monde savait que la fin de la hiérarchisation des voeux allait causer un bordel innommable. Tout le monde l’avait expliqué et démontré. En tout cas tous les gens sérieux. Mais je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas qu’un gouvernement et un ministère puissent en toute connaissance de cause assumer le fait que sur les 750 000 lycéens de terminale, plus de 400 000 d’entre eux soient "en attente" ou "sans affectation" alors que le démarrage des épreuves du bac était fixé au 8 juin. Je ne comprenais pas davantage, sauf à vouloir littéralement mettre le feu aux lycées et à la jeunesse, que ce même gouvernement assume et revendique l’éventuel déblocage de places en université "au fil de l’eau" : c’est à dire qu’il puisse choisir de distiller le stress au jour le jour pour que cette jeunesse là n’ait jamais de répit. Et puis d’un coup j’ai compris. La logique du truc m’est apparue.
J’ai compris que le projet politique de notre jeune président était de semer une graine : celle de l’humiliation quotidienne, celle de l’intranquillité permanente qui fait grandir la résignation qui, à son tour, façonnera le corps et l’âme de la chair à Managers dont a besoin le patronat. Et puis bien sûr, la graine de la concurrence. Toujours mettre les gens en concurrence.
Le lendemain des résultats de Parcoursup il y eut des classes entières de terminale où aucun, je dis bien aucun lycéen n’avait autre chose que "refusé" ou "en attente". Je vous laisse juste imaginer l’ambiance et la tête du prof y débarquant le matin. Et si l’imagination vous fait défaut alors allez voir sur Twitter, sur Facebook, ou dans les journaux.
Donnez-moi les explications que vous voudrez mais les faits sont têtus : plus de la moitié d’une classe d’âge s’est trouvée, à 15 jours de l’examen du baccalauréat, avec un avenir qui indiquait "refusé" ou "en attente". On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Mais l’on n’a pas davantage envie d’être "refusé" ou "en attente" comme seule alternative sérieuse.
Mais cela n’était pas suffisant. Pour que l’humiliation soit totale, pour qu’elle achève de bâillonner les rêves et de cisailler la colère à la racine, il fallait lui montrer, à cette jeunesse, à quel point la vie était injuste et précaire et qu’elle l’accepte comme une norme raisonnable. Que l’envie même de la colère lui soit ôtée. Et pour cela rien de mieux que la stochastique, l’aléatoire, l’irrégularité, le brouillage des repères, des quelques repères restants, et la mise en concurrence.
Alors on vit fleurir, notamment sous le hashtag #Parcoursupercherie, beaucoup d’incompréhension : les meilleurs dossiers avec les meilleures moyennes se voyaient refusés là où leurs camarades avec de bien moins bonnes notes et de moins bons dossiers se trouvaient pris. A l’incompréhension s’ajouta le dégoût qui était le début du renoncement : puisque même cela devenait incohérent, à quoi bon lutter, à quoi bon résister ? Bien sûr certains bons dossiers étaient, eux, pris partout. Ils seraient les premiers de cordée de demain, eux seuls auraient le choix c’est à dire non seulement la possibilité de choisir pour eux-mêmes mais également la responsabilité bien plus écrasante d’aliéner et de subordonner l’avenir des autres à leur choix propre. Tant qu’ils n’auraient pas renoncé à tel ou tel voeux, tant qu’ils n’auraient pas "choisi", les autres resteraient "en attente". Quand on veut fabriquer de l’oppression il faut donner à certains cet avant-goût du sentiment de toute puissance que ressent l’oppresseur et espérer qu’ils y prennent goût.
Ce pari de l’humiliation de la jeunesse, s’il était mené à son terme, serait une victoire éclatante : la victoire des managers. Car toute cette histoire n’est rien d’autre qu’un conditionnement, une préparation aux formes routinières de management par le stress qui attend cette jeunesse et que réclame le Medef.
Comme dans tout pari osé bien sûr il y avait un risque. Le risque d’une rébellion. Et que cette rébellion prenne. Toute étincelle si faible qu’elle soit devait immédiatement être douchée.
Ils sont une vingtaine de lycéens et de lycéennes, tous et toutes mineur(e)s, à avoir passé 48 heures en garde à vue et à être aujourd’hui mis en examen. A 17 ans. Motif ? Refus de résignation. Refus d’humiliation. Refus du bâillon. Ils ont, avec des adultes dont certains sont enseignants, osé tenté d’occuper un lycée parisien. Je dis bien "tenté d’occuper". Pacifiquement qui plus est. Le jeune président et son ministre de l’intérieur cacochyme, mais le jeune président avant tout, a collé en garde à vue et mis en examen plus d’une vingtaine de lycéens mineurs parce qu’ils ont voulu manifester leur sentiment d’humiliation devant une machinerie sociale qui craque de toute part et où chaque repère est patiemment foutu en l’air par une agitation qui se veut "réformatrice" et qui n’est que destructrice.
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. On n’est pas sérieux, on n’est pas en garde à vue, on n’est pas mis en examen. La honte et la colère que je ressens ce soir n’est pas prête de s’éteindre. Mais ma colère ne compte pas.
Le jeune président est avant tout un vieux con, certain de son pouvoir, mais qui a peur. Réprimer la jeunesse pour l’exemple n’a jamais été une marque de fermeté mais le signe d’un vieux con apeuré. Qui a peur de la jeunesse, de toutes les jeunesses, qu’elles soient dans les idées ou dans les corps. Alors il noie quelques Zadistes sous des tombereaux de grenades. Alors il met en garde à vue et en examen des lycéen(ne)s. Alors il dit les yeux dans les yeux à 400 000 lycéens : apprenez à avoir peur de l’avenir, apprenez à attendre, apprenez à vous soumettre aux désirs et aux choix des premiers de cordée qui demain seront vos managers, apprenez à vous résigner, apprenez à renoncer. Pour y parvenir mieux il traîne avec lui un Gérard Collomb dont la jouissance cacochyme ne tient qu’à l’illusion qu’il a d’être autre chose qu’une place manquante en EHPAD et dont le nom est moins un patronyme qu’une métonymie digestive mal orthographiée.
Le jeune président, c’est à porter à son crédit, n’a jamais prétendu être le président des jeunes. Il est désormais, pour une immense partie de la jeunesse, devenu ce qu’il n’avait jamais finalement cessé d’être : juste un vieux con de plus.
Et comme tous les vieux cons qui l’ont précédé dans ces fonctions, son avenir à lui n’est ni "en attente" ni "refusé". On raconte qu’il était plutôt sérieux quand il avait 17 ans. Et qu’il a eu ses tilleuls verts, et sa promenade. S’il s’imagine Rimbaud rappelons-lui qu’il n’est qu’un Créon. Et qu’il prend le risque de fabriquer une génération d’Antigone.
Et que nous ne le laisserons pas faire.