vendredi 31 mars 2023

L'AFFRONTEMENT

vendredi 31 mars 2023 par Frédéric Lordon blog ANC

Et ce n’est pas l’élection de Binet à la tête de la CGT, dont tous les journaux bien pensant ont l’air de se réjouir, qui va pouvoir y remédier. La grève et les blocages demeurent la seule véritable solutions. Enfin, c’est mon avis ! (JP-ANC)

Il était fatal qu’il vînt. Nous y sommes. Comme toujours quand sonne l’événement, la situation va se clarifier avec une cruelle netteté. On va savoir qui est où, et on va le savoir sans erreur possible.

Pour ce qui est des médias du pouvoir, on le sait déjà — ou plutôt la confirmation est acquise. Car le swing de ces médias s’est fait en une après-midi, avec une brutalité qui ne trompe pas — en un instant, et à cette seule indication, on sait que les points critiques du système du pouvoir sont atteints.

Jeudi 23 mars, au soir de la manif monstre, BFM TV avait fusionné avec la salle de commande de la préfecture de police et n’avait plus qu’une source à écouter : Darmanin-Nuñez.
Envolés le projet de réforme « Retraite », l’obstination insensée du forcené, les millions de personnes manifestant avec ténacité depuis deux mois — pour ne pas même parler de la porcherie policière dans les rues de Paris et d’ailleurs : il n’y avait plus que poubelles en feu, « éléments radicalisés », et surtout, « violence, « violence », « violence » — des manifestants. France Info, France Télé : à la suite de l’audiovisuel privé, l’audiovisuel public, pour une bonne part, est lui aussi passé en mode Radio-Police, Télé-Police.

L’impasse de la soumission aux médias

Au passage vole en éclats la terrible illusion stratégique de l’Intersyndicale qui pensait conduire un mouvement contre les intérêts de la bourgeoisie sous les vivats de la presse bourgeoise — mais qui ne voit aussitôt l’erreur manifeste de cette formulation ? : « conduire un mouvement contre les intérêts de la bourgeoisie ». L’Intersyndicale n’avait évidemment aucune intention de cette sorte, même si l’entreprise dans laquelle elle se lançait l’impliquait logiquement.
Cette contradiction profonde, essentielle, l’a conduite là où elle en est : des manifestations de masse dont l’inanité est désormais avérée (elle l’était dès le début), butant dans un pouvoir décidé à ne rien entendre.

Voilà donc l’Intersyndicale rendue au point d’échec qui l’attendait depuis le début, sans la moindre solution alternative puisqu’elle les refuse toutes, que ce soit la grève générale, à laquelle elle n’aura jamais appelé, ou la déclaration du moindre soutien à tous ceux qui, avec conséquence, sont passés à d’autres moyens — les seuls que ce pouvoir a jamais laissés à la disposition de la contestation décidée.

À défaut d’un fer de lance, cette stratégie avait pour instrument principal un doudou. Laurent Berger, le doudou de la presse. Alors on a poussé le doudou sur le devant. Miracle tant espéré : les médias ont ronronné de plaisir. Nous sommes en train de découvrir que leur sympathie n’avait pas d’autre base. Les médias étaient partants pour accompagner le doudou dans la défaite, lui indiquant quelle était son ambition raisonnable : perdre, mais avec les félicitations du jury.

On aurait pu s’en douter : que ce soit en matière de sélection d’intellectuels, d’artistes de personnes politiques ou de « leaders » variés, l’unique critère guidant les choix (devenus inconscients à force d’incorporation) des médias est l’innocuité.
C’est-à-dire la garantie de ne rien déranger. Au moment où il est avéré que, ne servant plus à rien, le moment « doudou » est clos et qu’autre chose doit commencer, les médias reviennent à leur ligne de toujours, entre les-violences-contre-la-démocratie et la défense par tous les moyens, fussent-ils les plus grossiers, du système des pouvoirs.

Sur France 2, Nathalie Saint-Cricq, qui a déjà pris le pli de dire « on » quand elle commente l’action du gouvernement, explique que le mouvement social n’a pas d’autre mobile que la jalousie : la personne d’Emmanuel Macron est une telle perfection — « Il réussit, il est jeune, riche, diplômé » — qu’elle inspire nécessairement du ressentiment.
On en est là.
Sur le service public. À ce degré d’avilissement intellectuel et moral — à l’image du régime aimé. Saint-Cricq ne sait pas qui est Peter Watkins, elle n’a pas entendu parler de la Commune, elle ignore que le premier a fait un film sur la seconde : elle ne peut donc pas imaginer qu’elle y aurait eu sa place, dans le casting hilarant de Télé-Versailles.

Le JDD a beau expliquer que Macron « veut tenir quoi qu’il en coûte » et « refuse toute remise en question ou pause de la réforme des retraites », nous entendrons bientôt que ceux qui prennent la rue sont des « jusqu’auboutistes ». Ou « des radicalisés »« des éléments très radicalisés », dit le ministre des bassines et du glyphosate Fesneau sur BFM TV. Qui ne demandera à aucun moment s’il n’y aurait pas un peu de radicalisation sur les bords du côté d’un pouvoir prêt à mettre le pays à feu et à sang et à ce que des manifestants meurent.

« Est-ce que vous condamnez ? »

Mais non : l’heure est à « condamner ». « Est-ce que vous condamnez ? » glapissent jusqu’à épuisement de l’invité – de gauche – les journalistes de BFM TV, de RTL ou de France Info. Car la seule chose « condamnable » dans le pays aujourd’hui, ce sont les feux de poubelle — également de se défendre contre une police de provocation et d’intimidation.

Quand verra-t-on l’inénarrable Alice Darfeuille sur BFM TV, quand entendra-t-on les pitres de France Info ou bien Caroline Roux harceler un ministre ou un député de la majorité pour lui demander jusqu’à signature des aveux s’il « condamne » :

  • « est-ce que vous condamnez la violence sociale d’une réforme des retraites qui va infliger à des travailleurs déjà démolis deux ans de démolition supplémentaire ? » ;
  • « est-ce que vous condamnez la violence politique d’un gouvernement qui ne répond plus à aucune régulation démocratique et ne connaît plus que le passage en force ? » ;
  • « est-ce que vous condamnez la violence physique d’une police d’intimidation ? » ;
  • « est-ce que vous condamnez la violence générale d’un pouvoir décidé à faire la guerre à son peuple ? » ;
  • « est-ce que vous condamnez ? ».
    Non : on ne condamne pas. Pas plus qu’on n’a jamais eu à l’idée de condamner la violence des morts au travail, des plans de licenciement, de leurs suicides, de leurs dépressions, de leurs divorces. « Geoffroy Roux de Bézieux, est-ce que vous condamnez ? », « Dominique Seux, est-ce que vous condamnez ? ».

Certes, de la réforme des retraites elle-même, du 49.3, des paroles étranges qui tombent de la bouche « du président » en interview, des petits « dérapages » de la police, on parle. On informe. On interroge, même : « La réponse policière est-elle disproportionnée ? » (Sainte-Soline, BFM TV). On soupèse les « proportions », on analyse la « réponse ». On fait venir des experts, on a des invités en plateau.
Mais sommer de condamner, jamais. C’est quand une poubelle brûle que l’hystérie explose, et que les médias fusionnent avec la police, lampe dans la figure du gardé-à-vue — plus exactement : quand suffisamment de poubelles brûlent pour que la position du pouvoir en soit inquiétée.

Mettre à l’envers

C’est qu’ici nous sommes au point tri-critique, le point de coalescence de toutes les composantes du système de pouvoir : gouvernement-police/capital/médias.
Dans cette phase indistincte, toute inquiétude de l’une des composantes devient aussitôt celle des autres. Le degré d’autonomie relative de ces médias ne trompe déjà pas grand monde en temps ordinaires, mais leur nature, leur position et leur fonction véritables sont exposées en pleine lumière dans les situations d’exception : quand les enjeux vitaux du régime sont en question.

Dans ces moments-là, il n’y a plus d’information : il n’y a plus que des communiqués préfectoraux.

Des policiers blessés sont en « urgence absolue », dit le communiqué. Curieusement on ne sait jamais rien de bien précis quant à la nature de ces urgences — sinon que, d’« absolues », elles ne tardent pas à devenir « relatives », mais plus discrètement.
Ici le fact checking a un peu de retard à l’allumage, mais peu importe : la préfecture fait foi, on vérifiera plus tard (comme à la Salpêtrière en 2018). On sait en revanche qu’un jeune homme est entre la vie et la mort après la boucherie policière programmée de Sainte Soline et, dans son cas, malheureusement, la véracité de l’information est hors de doute.

Aux bassines comme dans les rues, règne la stratégie de la tension : brutaliser, à mort s’il le faut, pour terroriser. Et faire porter aux brutalisés le chapeau de la brutalisation.

Le tout avec le gracieux concours des médias qui se chargeront de donner crédit à cette histoire retournée sur la tête. Qu’on ne s’inquiète donc pas : demain sur BFM TV, sur France Info, la « violence » restera celle des brûleurs de poubelles, des opposants au désastre des bassines, et d’eux seuls.

Au milieu d’articles pourtant dévastateurs, mais demeurant purement factuels, nous verrons bien si l’autorité sentencieuse du Monde se décidera un jour à une position éditoriale franche et claire, défaite des entortillements du « raisonnable » et du « modéré », c’est-à-dire à la hauteur de ce qui se passe actuellement, qui n’est ni très raisonnable ni très modéré.

Le Monde finira-t-il par articuler sans faux-fuyants et d’un seul tenant l’effondrement des libertés publiques, la militarisation du maintien de l’ordre, la terrorisation délibérée des populations, l’enfoncement dans un illibéralisme qui dépasse celui, tant aimé, de la Hongrie ou de la Pologne, et ceci sans éprouver le besoin de mettre en regard des poubelles en feu, des abribus cassés, ni même les actions de défense légitime et conséquente que des individus plus courageux conduisent contre le pouvoir, d’ailleurs avec l’estime et la gratitude des moins courageux.
Conséquente en effet, dès lors que la radicalisation gouvernementale, épuisant toute procédure dialogique, ne laisse plus d’autre choix que des formes d’action directe.

Le pouvoir veut la violence

Nous verrons bien surtout, et ce sera sans doute le test décisif, s’il se trouvera quelque « commentateur » pour dégager la logique d’ensemble de l’action gouvernementale, désormais dissoute dans celle de l’action policière : la logique de l’affrontement.

De l’affrontement voulu, pensé, organisé. Sainte-Soline, à cet égard, aura été comme la preuve étendue, criante, de ce qui se passe partout ailleurs. Car tout le monde a bien compris que sans une armée de gendarmes dépêchée pour garder un trou (!), les opposants ne rencontrant ni provocation ni confrontation, la manifestation, par défaut, serait restée entièrement paisible.

Mais la confrontation est ardemment souhaitée par le pouvoir. Le pouvoir veut la violence, car il sait pouvoir compter sur le traitement médiatique de la violence. Aussi, voulant la violence, il n’a de cesse de l’organiser lui-même. Avec, croit-il, son double bénéfice : et de communication et d’intimidation.

Il n’est plus douteux en tout cas, et c’était somme toute assez logique, que du gouvernement d’un forcené, nous sommes passés à un gouvernement de la peur.
Appliquer des moyens de violence indiscriminée pour terroriser une population à des fins politiques, c’est une définition possible du terrorisme. C’est dans le monde inversé de Darmanin, mais validé par les médias, que ce sont les activistes du climat qui sont rebaptisés « (éco-)terroristes ».
Attendons donc qu’un éditorialiste ou un animateur de tranche matinale, après avoir retourné la charge de la « condamnation », exhibe le pattern stratégique gouvernemental de l’affrontement — non, pas la peine d’attendre, ça ne viendra pas.

Les peuples ne veulent pas l’affrontement, ils ne veulent pas la violence.

Les peuples ont une préférence profonde pour la vie paisible. Mais pas à n’importe quelle condition. Ils n’entrent dans l’action que quand on leur a trop, et depuis trop longtemps, fait violence. En l’occurrence ça fait trente ans que ça dure, trente ans d’une longue, d’une usante montée de la violence sociale et politique — et puis soudain une explosion sans précédent, non seulement de maltraitance sociale, également de mépris et d’insultes, de coups et blessures pour finir : le macronisme.

Les peuples ne veulent pas l’affrontement, mais quand on les a trop cherchés, on les trouve.

Maintenant, nous allons voir ce que les uns et les autres font de cette vérité.

 

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Douze mille deux cent soixante seize.

C'est le nombre de visites reçues par le blog de  Pedrito "Puraficion L'Insoumis - Ni Dieu Ni Maître" ce mois de février 2023.

En espérant que les lectures auront été profitables à ses nombreux visiteurs. Merci aux blogs dont je m'inspire pour diffuser leurs articles toujours sérieux et politiquement dignes du plus grand intérêt.

Peut être une image de texte

Crise politique : Fabius et Juppé pour sortir de la nasse ?

Emmanuel Macron est arrivé à l’Élysée grâce à une opération politique voulue et organisée par la haute fonction publique d’État, soucieuse de porter l’un des siens au sommet dudit État. Elle fut également soutenue et financée par les grands intérêts. Sa réussite a bénéficié d’un concours de circonstances et de l’appui décisif de la magistrature – souvenons-nous de l’opération de disqualification judiciaire de François Fillon, favori de l’élection présidentielle 2017. Un concours de circonstances qu’il n’est pas excessif d’assimiler à une forme de coup d’État, qui a bénéficié de l’absence de réaction des forces politiques et démocratiques, inertes devant cette manipulation. Qui avait pourtant retiré au scrutin son caractère de sincérité et de légitimité. Le problème, c’est qu’il a installé à l’Élysée un parfait inconnu au parcours intellectuel, social et politique d’un vide abyssal. 

Emmanuel Macron infirme politique

Le CV du président de la République ne fait apparaître ni études universitaires brillantes, ni parcours professionnel digne de ce nom, ni la moindre responsabilité politique. Et c’est bien ce dernier point qui aboutit à ce que l’actuel locataire de l’Élysée apparaisse comme inadapté, dès lors qu’il s’agit de gérer des moments difficiles. Desservi par un narcissisme pathologique, il pense que le brio et le charme qu’il s’attribue seront suffisants pour franchir les obstacles. Sans mesurer que ses atouts essentiels sont le soutien de l’oligarchie, celui d’un bloc élitaire minoritaire, et le caractère hétérogène d’une opposition politique pourtant largement majoritaire.

Manifestement, Emmanuel Macron n’a pas retenu la leçon de Richelieu, celle qui dit que « la politique est le moyen de rendre possible ce qui est nécessaire ». Son caractère et son absence d’expérience le rendent incapable jusqu’à l’infirmité d’intégrer et de traiter la conflictualité constitutive du politique. Ce qui l’a amené à commettre toutes les erreurs possibles dans la conduite de son projet de réforme des retraites. Jusqu’à l’invraisemblable bras d’honneur du recours par Élisabeth Borne à l’article 49-3 après qu’elle et ses ministres aient affirmé la veille encore qu’il n’en était pas question… 

Le mouvement social a passé un cap, et l’acharnement de Macron à jouer le pourrissement débouche sur une crise politique que ses commanditaires risquent de trouver inopportune. La presse occidentale ne se gêne pas pour traiter le président français d’autocrate et accuse son système d’être antidémocratique. 

Et beaucoup se demandent comment sortir de l’impasse dans laquelle le président a enfermé le pays. Alors, on va peut-être demander au Conseil constitutionnel de s’y coller. Voyons comment.

Les groupes d’oppositions au Parlement l’ont saisi de plusieurs recours contre la loi adoptée grâce au 49-3. Pour rappel, dans le système français, toute loi votée par le Parlement et faisant l’objet d’un recours parlementaire ne peut être promulguée par le Président de la République qu’après la « validation » par le Conseil constitutionnel. 

Fabius et Juppé pour sortir de la nasse

Normalement, le contrôle de constitutionnalité devrait être limité à l’examen de la conformité de la loi, confrontée au texte-même de la Constitution. Une évolution jurisprudentielle trentenaire a vu une considérable augmentation du champ d’intervention du Conseil et de ses possibilités d’interprétation, récupérant ainsi dans les faits une partie importante du pouvoir législatif. Ce qui donne à ses décisions un caractère éminemment politique. Rappelons qu’il est présidé par Laurent Fabius et qu’Alain Juppé y siège. Deux poids lourds d’expérience de la politique, qui ne veulent probablement aucun mal à Emmanuel Macron mais ne seraient pas fâchés de contribuer à une sortie de crise, par exemple en annulant la loi. Et en renvoyant ce faisant l’exécutif à remettre son ouvrage sur le métier. Répétons qu’il s’agirait d’une décision politique mais qu’elle nécessite de préserver les formes et d’avancer des motifs juridiques. Il semble bien qu’il n’en manque pas.

L’utilisation de l’article 49-3 ne pose pas de problème de principe et c’est une possibilité offerte au gouvernement par la Constitution de la Ve République. Et ce n’est pas la bombe atomique antidémocratique que l’on nous présente sans arrêt. Elle est avant tout le moyen d’obliger les parlementaires à prendre leurs responsabilités.

« Vous ne voulez pas voter le projet de loi que le gouvernement vous propose. Fort bien, mais vous êtes les élus de la Nation et donc responsables devant le peuple. Par conséquent, vous devez manifester votre défiance vis-à-vis de cet exécutif qui vous a proposé un texte dont vous ne voulez pas. Et voter une motion de censure pour le renverser. Et si vous n’avez pas ce courage, le texte est adopté. » On sait ce qu’il en a été du courage d’Éric Ciotti, pour ne citer que lui.

En revanche, le véhicule législatif choisi était bien une manipulation. Le gouvernement a utilisé l’article 47-1 de la Constitution, qui permet aux lois budgétaires de bénéficier du fait de leur urgence d’un calendrier contraint et d’un examen accéléré. Élisabeth Borne a ainsi prétendu que son projet de loi de réforme des retraites était une loi rectificative de financement de la Sécurité sociale ! Une collection de mesures prévues dans le texte n’avait aucun rapport avec une telle loi et devenait de ce fait autant de ce que l’on appelle des « cavaliers législatifs » que la Constitution interdit. Leur annulation par petits bouts priverait la loi de de sa cohérence. La meilleure solution serait de considérer le choix de l’article 47-1 comme inconstitutionnel, et de prononcer une annulation globale.

Il y a ensuite la violation d’un principe déjà consacré par des décisions antérieures du Conseil, celui de la nécessaire « sincérité du débat parlementaire ».

Il y a eu par ailleurs un certain nombre de manipulations, comme par exemple l’activation de l’article 38 du règlement du Sénat, ayant pour effet de limiter les prises de parole, ou encore l’utilisation à deux reprises de l’article 44 al.2 de la Constitution par le gouvernement pour faire tomber les sous-amendements non examinés par la commission des affaires sociales. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a enfin eu recours à l’article 44-3 de la Constitution, qui prévoit « un vote bloqué » permettant à une assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie d’un texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement.

Pris séparément, tous ses moyens ne pourraient entraîner une censure globale du texte. Mais avec l’usage de l’article 47-1, il s’est produit un effet d’accumulation, caractérisant ce que les juristes appellent un « détournement de procédure ».  D’autant qu’il existe des précédents dans la jurisprudence constitutionnelle, comme par exemple l’annulation totale de la loi de finances parce que le gouvernement avait fait examiner à l’Assemblée nationale la deuxième partie du texte sur les dépenses avant la première sur les recettes ! Autre exemple de réaffirmation du principe de « sincérité du débat » : l’annulation totale en 2012 de la loi Duflot, motivée par le fait que le texte examiné au Sénat était celui du gouvernement et non celui amendé par la commission des affaires économiques.

Répétons-le, les décisions du Conseil constitutionnel ont d’abord et avant tout un caractère politique. Alors, si Laurent Fabius et Alain Juppé veulent contraindre Emmanuel Macron à abandonner sa stratégie de fuite en avant, ils ont toutes les motivations juridiques qui pourraient le permettre. Cela constituerait une défaite politique pour le Président, et l’on voit mal comment Élisabeth Borne pourrait alors conserver son poste.

Est-ce qu’un tel scénario désamorcerait la crise politique et ramener le calme ?  Ce n’est même pas sûr, tant le rejet de la personne même d’Emmanuel Macron plonge la majorité du peuple français dans la rage.

Le problème, c’est bien lui.

 

 

la dédollarisation est inévitable

SOURCE / GT VOICEGT Voice : La dé-dollarisation est inévitable alors que l’utilisation d’autres devises s’accélèrePar Global TimesPublié: Mar 30, 2023 10:08 PM   Illustration : Chen Xia/Global Times

Illustration : Chen Xia/Global Times

La Chine et le Brésil ont conclu un accord pour échanger leurs devises, a rapporté l’AFP, citant mercredi le gouvernement brésilien.

L’accord permettra à la Chine et au Brésil d’effectuer des transactions commerciales et financières directement en yuan chinois ou en réal brésilien, au lieu d’utiliser le dollar américain comme intermédiaire. « On s’attend à ce que cela réduise les coûts… stimule encore plus le commerce bilatéral et facilite les investissements », a déclaré l’Agence brésilienne de promotion du commerce et des investissements (ApexBrasil) dans un communiqué.

La Chine étant le plus grand partenaire commercial du Brésil, enregistrant un commerce bilatéral record de 150,5 milliards de dollars en 2022, il va sans dire que l’accord provient de besoins liés à la forte dynamique du commerce bilatéral entre les deux pays.

Mais plus important encore, du point de vue du système monétaire mondial, cette décision pourrait marquer un développement significatif de la tendance à la dé-dollarisation à travers le monde, alors que les pays tentent de négocier des devises autres que le dollar et cherchent à diversifier leurs réserves de change.

Avec le système de Bretton Woods et le système des pétrodollars, le dollar est passé d’un véhicule dominant de paiement, de règlement et d’investissement à un outil de chantage politique et de coercition. En militarisant leur hégémonie du dollar, les États-Unis peuvent non seulement imposer arbitrairement des sanctions unilatérales à d’autres pays, mais aussi récolter la richesse mondiale et exporter leurs propres risques au reste du monde par des politiques monétaires irresponsables.

Mais chaque système monétaire hégémonique a son jour d’effondrement. Ce n’est pas la Russie, la Chine, l’Inde ou tout autre pays, mais les États-Unis eux-mêmes qui déclenchent la tendance inévitable de la fin de la domination du dollar, ce qui inquiète peut-être de nombreux stratèges et experts économiques américains.

Les sanctions américaines radicales contre la Russie à la suite de la crise russo-ukrainienne, qui ont non seulement gelé les avoirs à l’étranger des institutions financières russes, mais ont également coupé la connexion entre le système SWIFT et la plupart des banques russes, ont envoyé un avertissement au reste du monde sur les risques que les États-Unis utilisent le dollar comme outil de gain géopolitique. Plus les États-Unis adopteront des moyens hégémoniques pour atteindre leurs objectifs, plus la communauté internationale sera désireuse de se débarrasser de la dépendance excessive au dollar. Craignant le risque d’être entraînés dans des sanctions similaires à l’avenir par l’hégémonie du dollar, les pays du monde entier ont cherché à remplacer le système SWIFT pour éviter la coercition monétaire américaine, et l’élan est devenu de plus en plus évident et fort.

Par exemple, lors d’une réunion officielle de tous les ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales de l’ASEAN qui a débuté mardi, les discussions visant à réduire la dépendance à l’égard du dollar américain, de l’euro, du yen et de la livre sterling pour les transactions financières et à passer à des règlements en monnaies locales figurent en tête de l’ordre du jour, selon le rapport de l’ASEAN.

En janvier, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a déclaré dans une interview accordée à Sputnik que les BRICS voulaient trouver un moyen de contourner le dollar pour créer un système de paiement plus équitable qui ne serait pas biaisé en faveur des pays plus riches.

Le ministre saoudien des Finances, Mohammed Al-Jadaan, a également déclaré en janvier que son pays était ouvert à des discussions sur le règlement du commerce du pétrole dans des devises autres que le dollar américain.

En plus de ces signes de dé-dollarisation, l’Inde et la Russie ont fait un pas important vers les transactions autres que le dollar, ce qui peut être un encouragement pour les pays qui envisagent de déménager. Les clients indiens ont payé la plupart du pétrole russe dans des devises autres que le dollar, y compris le dirham des Émirats arabes unis et plus récemment le rouble russe, a rapporté Reuters en mars, citant plusieurs sources pétrolières et bancaires. Les transactions des trois derniers mois totalisent l’équivalent de plusieurs centaines de millions de dollars.

Un autre signe important des efforts de dédollarisation accélérés est que les pays, y compris certains alliés des États-Unis, ont réduit leurs avoirs en dette américaine pour diversifier leurs réserves de change. Le poids du dollar dans les réserves de change est tombé à environ 60%, un niveau relativement bas au cours des dernières décennies, selon les données du FMI sur la composition en devises des réserves de change pour le troisième trimestre de 2022.

Bien que le fait que le dollar reste la monnaie la plus fréquemment utilisée dans le monde ne changera pas dans un avenir prévisible, la tendance selon laquelle de plus en plus de pays envisageront et piloteront le commerce de devises autres que le dollar est également immuable. L’histoire nous dit que le déclin de l’hégémonie commence souvent par sa monnaie.