L’invasion de l’Ukraine aggrave la crise du capitalisme
L'invasion de l'Ukraine par Poutine, a mis en évidence la profondeur
de la crise du système capitaliste. Les prix de l'énergie et des
aliments ont augmenté. La zone euro pourrait entrer en récession avant
la fin de l’année ouvrant le risque d’une récession mondiale.
L’inflation y a atteint le taux inhabituel de 8,6%. Record battu aux
Etats-Unis où elle atteint 9,1% soit le niveau le plus élevé depuis 40
ans. En Turquie, il a atteint 73,5%, 80% en Argentine et 130% au
Zimbabwe. Au niveau mondial l’inflation s’envole atteignant son niveau
le plus élevé depuis 34 ans. La guerre en Ukraine accélère et
approfondit la crise capitaliste amorcée auparavant.
- Où en est la guerre aujourd'hui ?
Quand le 24 février Poutine a annoncé l’invasion, il croyait qu'elle
ne durerait que quelques semaines et qu’il en sortirait gagnant avec une
autorité et un prestige renforcés. L'impérialisme des USA et de l’UE
l’ont cru aussi à tel point que Macron et Biden sont venus proposer leur
soutien à Zelensky pour l’aider à quitter l'Ukraine. En d'autres
termes, ils lui ont suggéré de capituler en se démettant de ses
fonctions.
Cependant, après plus de 7 mois, les troupes de Poutine reculent. En
septembre-octobre la contre-offensive ukrainienne a permis de récupérer
près de 8 000 km2 de territoire. Le monde entier a été
surpris par le retrait en catastrophe des troupes russes. Dans leur
précipitation, les soldats ont abandonné armes, caisses de munitions,
chars et véhicules. Les troupes ukrainiennes ont repris des villes et
des territoires. Elles se rapprochent de la frontière russe. L’armée
russe a subi une nouvelle défaite le premier octobre quand les
ukrainiens ont repris la ville de Limán qui était supposée être sur un
territoire qui venait à peine d’être déclaré par Poutine comme étant
nouvellement annexé à la Russie. La crise politique fragilise le pouvoir
de Poutine au point que le chef de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, a parlé de « trahison » et a appelé à l’utilisation « d’armes nucléaires de faible puissance » en Ukraine. Une centaine de conseillers de 18 districts des villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont demandé la démission de Poutine
dans une déclaration publique l'accusant de "haute trahison" pour avoir
déclenché une guerre qui touche directement les citoyens russes. Le
ministre de la défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valéri Guerassimov, sont de plus en plus ouvertement critiqués.
Après la prise de Limán Poutine subit un nouvel affront le 8 octobre.
Les ukrainiens ont en effet réussi à déclencher une explosion
endommageant le pont qui relie la Russie à la Crimée. Poutine avait
lui-même inauguré ce pont en 2018 après avoir annexé à la Russie cette
province ukrainienne en 2014,
- Le moral des combattants
Dans une guerre, l'armement est très important mais aussi le moral
des combattants. Le facteur moral a toujours été meilleur du côté du
peuple ukrainien que du côté russe. Le peuple ukrainien s'est uni pour
défendre son pays, ses terres, ses maisons, face à l’invasion d’une
puissance capitaliste étrangère. La force et l'unité de la résistance
militaire et populaire du peuple ukrainien ont créé la surprise par
rapport à toutes les prévisions.
Dès les premiers assauts les troupes russes ont été démoralisées en
se trouvant face à cette réalité imprévue. Les soldats russes ont vite
compris que les discours de Poutine étaient de purs mensonges. Ils
devaient se battre pour vaincre le nazisme et libérer le peuple
ukrainien ! Ce qu’ils ont découvert était à l’opposé de ce qu’on leur
avait dit. Et maintenant, en Russie la jeunesse s'enfuit du pays pour
échapper à l’appel à 300 000 nouveaux réservistes.
Du côté ukrainien, dès les premiers instants, des milliers et des
milliers de femmes et de jeunes se sont portés volontaire pour
combattre. Les femmes ont participé à la mobilisation. Elles ont
confectionné des cocktails Molotov pour accueillir les soldats russes
lesquels pensaient être accueillis en libérateurs avec des fleurs. Les
syndicats ont mobilisé les travailleurs dans les forces territoriales
qui se sont constituées en plus de l’armée ukrainienne.
Préparation des cocktails Molotov
Dès les premiers instants les révolutionnaires de l’UIT-QI (avec l’AGIMO)
ont soutenu la juste cause du peuple ukrainien. Il n’est pas question
d’être neutre dans cette guerre. D’un côté, nous voyons la Russie, une
puissance capitaliste et impérialiste qui, tel un pays colonisateur,
veut imposer sa domination à l’Ukraine par la force. De l’autre côté,
nous voyons le peuple ukrainien menacé dans sa volonté d’indépendance.
Nous soutenons la résistance ukrainienne sans pour autant apporter un
soutien politique au gouvernement capitaliste de Zelensky. Nous avons
participé à la campagne de solidarité pour collecter le matériel que les
syndicats avaient demandé. Une délégation de l’UIT-QI a livré à Kiev ce matériel aux organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier ukrainien.
Solidarité avec les travailleurs ukrainiens
- L’échec militaire provoque une crise politique en Russie
Le recul militaire a provoqué pour la première fois une crise
politique en Russie. La droite réactionnaire accuse Poutine d’être
faible dans ses actions en Ukraine. Tandis que dans les secteurs
populaires, outre des manifestations, c’est surtout la réaction contre
l’appel forcé de 300 000 réservistes qui a été remarquable. Des milliers
et des milliers de manifestants sont descendus dans les rues à travers
la Russie dans plus de 40 villes. La répression a conduit à plus de 1500
arrestations. Poutine en pleine crise, a réagi en organisant les
pseudo-référendums pour annexer les zones occupées. En d'autres termes
des « élections-à-la-mitrailleuse » lui ont donné un score de plus de
90 % des suffrages en faveur de l’adhésion à la fédération de Russie des
Régions du Donbass (Lougansk et Donetsk) avec Jerksón et Zaporijia où
se trouve la centrale nucléaire la plus puissante d'Europe.
La répression en Russie
Incapable de maintenir la situation militaire de ses troupes sur le
front, Poutine se venge en lançant des bombardements avec des armes à
longue portée. Cela ne nécessite pas en effet de mobiliser des troupes
et il sait que les ukrainiens n’ont pas la possibilité de répliquer avec
des armes à longues portées puisque les pays de l’OTAN respectueux des
consignes américaines refusent de leur en donner.
- La guerre et la crise économique mondiale
Les conséquences de la guerre en Ukraine sont désastreuses pour la
grande masse des exploités avec la hausse des prix de l’énergie et des
denrées alimentaires. Tout cela entraîne une nouvelle chute vertigineuse
du niveau de vie des peuples du monde avec un accroissement des
inégalités sociales. C’est la débâcle du système capitaliste avec
l’augmentation des dépenses d’armement, l’inflation dans le monde entier
et un risque de récession mondiale. Le FMI et les gouvernements
capitalistes tentent de faire supporter toutes les conséquences de cette
crise à la classe ouvrière mais les peuples répondent à cette offensive
par des grèves et des rébellions ouvrières comme au Sri Lanka, en
Amérique Latine mais aussi en Europe. Le sens, souvent caché mais
profond, de cette résistance c’est que, du point de vue des masses
ouvrières, il revient aux capitalistes de payer pour cette crise et non
pas aux travailleurs.
Toutefois, la concomitance entre l’invasion de l’Ukraine et cette
crise du système capitaliste ne doit pas amener à établir une relation
abusive de cause à effet. Les porte-paroles de l’impérialisme américain
et européen veulent justifier cette débâcle en affirmant que tout est dû
à l’invasion de l’Ukraine décidée par Poutine. Il s’agit sans aucun
doute d’un facteur important. Cependant, en réalité, la guerre jette de
l’huile sur le feu. Le système capitaliste mondial subissait déjà une
intense crise depuis le début de l’année 2007. Celle-ci avait été
aggravée par la pandémie de Covid avant même l’invasion de l’Ukraine.
L’invasion de l’Ukraine s’explique dans le cadre du déclin du
capitalisme mondial et des affrontements entre les grandes puissances
impérialistes pour le partage du gâteau. La Russie a subi une grande
détérioration de son économie. Poutine a dû prendre des mesures
d’austérité auprès de la population avec des réformes impopulaires. Dans
le même temps, il a augmenté la répression pour faire taire les
protestations. Aux élections législatives de septembre 2021,
son parti « Russie unie » a organisé une fraude massive avec des
bourrages d'urnes et des violences dans certains bureaux de votes. Le
scrutin avait été précédé d'une forte répression faisant suite aux
révélations d'Alexeï Navalny sur l'existence d'un luxueux palais caché de Poutine.
Ce scrutin avait aussi été précédé par l'interdiction de tout réel
parti d'opposition puisque certains opposants n’ont pas pu se présenter.
Malgré tout cela, le parti de Vladimir Poutine a reculé. Poutine a
aussi réprimé des rébellions populaires au Belarus et au Kazakhstan.
Quand Poutine décide d’envahir l’Ukraine, il veut contrecarrer la
détérioration de sa position politique avec sa chute de popularité. Il
pense redorer son blason en faisant preuve d’autorité pour arracher une
victoire de la « Grande Russie ». Il veut continuer sur la lancée de la
guerre en Syrie où il a montré qu’il pouvait disputer la position de
force aux américains.
La guerre en Ukraine est une expression de la crise et, à son tour,
cette guerre approfondit la crise par ses conséquences politiques,
économiques et sociales. L’économie mondiale subit une nouvelle
secousse. Toutes les données montrent un nouveau recul des indicateurs
des prétendues croissance et reprise dont nous avaient tant parlé les
organisations au service des impérialistes. De nombreux analystes
parlent déjà d’une possible récession en Europe et aux Etats-Unis. Les
masques tombent et le pessimisme se répand. Jamie Dimon
qui est le PDG de JPMorgan Chase Co, c’est-à-dire l’un des banquiers
les plus puissants et assurément les plus payés du monde, a déclaré au
journal El Pais, le 9 juillet 2022 « Les problèmes économiques ne sont pas temporaires. Les choses pourraient devenir bien pires ».
La guerre en Ukraine a réellement affecté les prix des denrées
alimentaires et de l’énergie puisque la Russie est un grand exportateur
de gaz et de pétrole et l’Ukraine un grand producteur de denrées
alimentaires.
Au milieu de la crise qui s’aggrave, le pillage impérialiste
s’accroit. L’escalade inflationniste, qui appauvrit des milliards de
familles de travailleurs, rapporte des profits faramineux aux grands
monopoles de l’énergie, de l’alimentation et des banques. La famine ne
cesse de croître avec 828 millions de personnes souffrant de la faim
dans le monde en 2021, soit 46 millions de plus que l’année précédente
et 150 millions de plus qu’en 2019. En 2021, 2,3 milliards de personnes
dans le monde (29,3%) étaient en situation d’insécurité alimentaire
modérée ou grave soit 350 millions de plus qu’avant le déclenchement de
la pandémie de Covid (données du rapport des Nations Unies de juillet
2022). En 2022, « au moins 276 millions de personnes sont désormais
confrontées à une insécurité alimentaire aiguë (…) 40 millions de
personnes dans 43 pays sont au bord de la famine (…) nous sommes dans
une crise sans précédent » (avertissement de l’ONU cité par le New
York Times, dans Clarin, le 31 mai 2022). La guerre en Ukraine a
provoqué une flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires.
Cela amène la famine dans des pays d’Afrique comme le Burkina Faso et
dans bien d'autres pays du monde.
Mais la crise a atteint aussi les pays impérialistes comme le
Royaume-Uni. Les tarifs de gaz et électricité ont augmenté entre juillet
et septembre de 140 %. Les travailleurs qui ont les plus bas salaires
ne peuvent pas payer de tels tarifs. Le mouvement de protestation
mouvement appelé « Don't Pay ! » se développe. On estime que 40 % des
ménages du Royaume-Uni ne pourront pas chauffer leur habitation
correctement cet hiver. Mais, tout le monde ne souffre pas des
augmentations au Royaume-Uni. Au contraire, les entreprises privées
d’énergie, connues sous le nom des « Big six », ont un taux de profit de
40%. Comme cela s'est produit en Amérique du Sud et dans bien d’autres
régions du monde ces entreprises sont issues du démantèlement des
services publics. Cela s’est fait avec Margaret Thatcher dans les années
1980. Cela permet maintenant à des multinationales de sociétés
énergétiques, comme l’anglo-néerlandais Shell, de faire des
superprofits. Il a réalisé son bénéfice record au deuxième trimestre
avec 11 500 millions de dollars. Le nord-américain Exxon Móvil a atteint
17 600 millions de dollars alors que le français Total, au deuxième
trimestre 2022, ne parvient à accumuler que 9 800 millions de dollars !
La crise économique est sans issue. Elle est chronique et ses effets
ne cesseront de s’aggraver. L’impérialisme et tous les gouvernements
capitalistes tentent d’imposer de nouveaux plans de surexploitation
capitaliste pour sortir de la crise ce qui provoque une exacerbation de
la lutte de classe.
- Dans le monde entier, les peuples se révoltent
Nous assistons à une vague de luttes mondiales qui ne cesse de
s’amplifier. 2019 pour les français, fut surtout l’année de la
mobilisation des gilets-jaunes. Celle-ci avait commençé à la fin 2018
avec un mouvement quasi-insurrectionnel qui avait fait reculer le
gouvernement. 2019 fut aussi l’année de la longue grève chez General
Motors aux Etats-Unis. Ce fut encore la rébellion populaire au Liban. Ce
furent aussi en Amérique Latine les luttes en Equateur puis la poussée
révolutionnaire contre piñera au Chili.
En 2020, la pandémie de Covid a semblé ralentir ou effacer les
mobilisations cependant la rébellion antiraciste aux Etats-Unis à la
suite de la mort de George Floyd a pendant un moment effrayé le
gouvernement de Trump. Toutefois cette lutte et quelques autres n’ont
pas atteint le niveau de mobilisation de 2019.
En 2021, c’est à nouveau en Amérique Latine que les masses populaires
se sont manifestées notamment avec la rébellion colombienne et avec les
manifestations sans précédent du 11 juillet à Cuba.
L’année 2022 a assurément été marquée par de multiples révoltes dans
le monde entier. En mai 2022 la révolte au Sri Lanka a conduit à la
suspension du paiement de la dette extérieure. En juillet des centaines
de milliers de personnes sont descendues dans la rue et ont pris
d’assaut le palais présidentiel provoquant la fuite et la démission du
président.
Pendant toute l’année 2022, de nombreuses mobilisations se sont
déroulées dans toute l’Amérique Latine. En Equateur, une rébellion a
fait reculer le gouvernement qui a accepté de réduire les prix des
carburants. Au Chili une grève a été déclenchée dans la plus grande mine
de cuivre du monde tandis qu’au Panama, dans un vaste mouvement, la
population a demandé un gel des prix des produits de base, du carburant,
des médicaments et des mesures contre la corruption.
Toujours en Amérique latine, l’année 2022 a été marquée par des
mouvements de grève au Brésil et des rébellions d’enseignants en
Argentine ainsi qu’une grève des travailleurs du pneu qui ont obtenu une
augmentation de leurs salaires. Ils se sont appuyés pour cela sur
SUTNA, un syndicat combatif et antibureaucratique. Au Venezuela, les
protestations syndicales contre le gouvernement Maduro ont repris. Une
nouvelle rébellion populaire a éclaté en Haïti contre l'augmentation du
carburant.
En Europe aussi de nombreux mouvements de protestations sont apparus
tout au long de l’année contre les hausses de prix. En Belgique, une
grève générale est annoncée pour le 9 novembre prochain alors que dès le
mois de septembre des manifesatations se sont déroulées, notamment à
Bruxelles, contre l’augmentation du coût de la vie. Nous avons déjà
parlé de la crise au Royaume-Uni qui touche les travailleurs pendant que
les entreprises d’énergie font des super-profits. Les cheminots ont en
effet lancé une grève face à l’inflation puis ce sont les dockers,
éboueurs, postiers, chauffeurs, avocats qui sont entrés dans les
mouvements de protestation. Finalement, ce fut une grève générale
massive comme on n’en avait jamais vu depuis 2011. Grève des pétroliers
aussi en Norvège et en France (Total). Grève aussi des travailleurs des
compagnies aériennes puis des enseignants et des personnels de santé
dans plusieurs pays. A Berlin et à Rome, il y a eu aussi des
manifestations contre l'inflation.
2022 a aussi été une année de grandes mobilisations dans d’autres
pays. Le parlement a été incendié à Tripoli, capitale de la Lybie, par
des manifestants. Le peuple rend les deux gouvernements en concurrence
responsables de la situation sociale désastreuse. En Ouzbetiskan une
rébellion qui mettait en danger le gouvernement a été matée par les
troupes de Poutine.
En Iran, après les grèves menées par les enseignants, nous voyons
depuis le 16 septembre, une grande rébellion des femmes et du peuple
iranien qui a éclaté pour condamner un abominable crime de la police :
la jeune Mahsa Amini, avait été arrêtée parce qu’elle était accusée de
porter le voile de manière incorrecte. A la surprise du régime
théocratique dictatorial iranien, des milliers et des milliers de femmes
sont descendues dans les rues à travers le pays, se coupant
publiquement les cheveux et retirant leurs voiles. Les hommes se sont
joints à ces protestations. Les secteurs populaires se sont mobilisés
dans tout le pays avec des grèves dans plusieurs villes, des assemblées
d'étudiants et des sit-in. Ainsi, les travailleurs, les femmes et les
étudiants se sont unis dans la lutte. Malgré la répression criminelle du
régime iranien, qui a déjà tué plus de 60 personnes, la rébellion ne
s'est pas arrêtée. Pendant plus d’un mois, les iraniens et les
iraniennes se sont rebellés non seulement contre le patriarcat et
l'usage du voile, mais aussi contre la théocratie et l'ayatollah
Khomeini aux cris de « mort au dictateur ».
- Le « désordre mondial »
La situation internationale est donc en évolution avec cette crise du
capitalisme aggravée par la guerre en Ukraine. L’exacerbation de la
lutte des classes au niveau mondial est assurément un symptôme.
L’impérialisme américain reste dominant en raison de sa puissance
économique et militaire mais aussi grâce aux alliances qu’il a nouées
avec d’autres pays capitalistes dans le monde notamment avec l’UE
(l’Union européenne). Une unité de l’Europe traditionnelle qui
rappelons-le, va de l’Atlantique à l’Oural, lui disputerait assurément
ce rôle dominant. Depuis la chute du bloc de l’Est, les guerres qui
tourmentent cette Europe sont une planche de salut pour les USA. Il en
fut ainsi des guerres en Tchétchénie et en Yougoslavie. La guerre en
Ukraine garantit aux USA de rester la puissance dominante mondiale
malgré la concurrence de la Chine. Aujourd'hui, le dirigeant chinois Xi
Jinping est principalement préoccupé par des questions de politique
intérieure. Il veut d'abord consolider son pouvoir en interne. La Chine
est maintenant plus puissante que l’URSS. Elle n’a pas dénoncé
l’invasion russe de l’Ukraine se réservant ainsi la possibilité de faire
bloc avec la Russie contre les USA.
Mais cette domination des USA ne garantit nullement aux dirigeants
américains de pouvoir jouer le rôle de « gendarme du monde » pour
ramener l’ordre quand des peuples se soulèvent. Leur départ précipité
d’Afghanistan en est la preuve la plus flagrante. Au cours de la période
de la « Global War » consécutive aux attentats du 11 septembre, l’armée
américaine s’est embourbée dans des occupations en Irak et en
Afghanistan qui ont finalement été des échecs. La période du
« désengagement » qui a suivi n’a guère été plus glorieuse. Le départ de
l’Irak s’est étalé sur plusieurs années sans laisser la garantie aux
USA de pouvoir y exercer son pouvoir. Le départ d’Afghanistan, lui aussi
programmé, s’est finalement fait dans une précipitation qui a
ridiculisé l’armée américaine. Cette période du désengagement a
notamment été marquée par le printemps arabe puis la guerre en Syrie. Au
cours de cette guerre Poutine et les dirigeants américains ont
contribué ensemble à écraser la révolution syrienne. Poutine a bombardé
Alep et la banlieue de Damas et les américains ont bombardé Raqqa. Les
massacres de la population civile ont fait entre 300 000 et 500 000
morts. Au cours de toutes ces guerres de Tchétchénie, de Yougoslavie et
de Syrie le « terrorisme-islamique » a largement été utilisé par les
puissances impérialistes (USA et Russie) pour venir à bout de toutes les
rebellions et révolutions. Les puissances impérialistes ont largement
contribué au développement de ces extrémismes-islamiques qui leur ont
ensuite servi de prétexte pour massacrer les peuples qui se révoltaient.
Au cours de cette guerre de Syrie, Poutine s’est affirmé comme venant
concurrencer les USA dans ce rôle de gendarme du monde. Il a renforcé
ensuite cette image en « ramenant l’ordre » en Ouzbékistan.
Du coup, Poutine ayant perçu la faiblesse politico-militaire des
Etats-Unis, a osé tenter d’envahir l’Ukraine. Il lui fallait redorer son
blason en apparaissant comme le reconquérant d’un territoire de la
Grande Russie. Nous avons vu en effet que sa popularité était en baisse.
Rappelons ce qu’est réellement la « grandeur de la Russie » que Poutine
se plait à afficher. Son économie est à peine supérieure à celle du
Brésil et nous commençons à percevoir la réalité de sa puissance
militaire. Son armée traditionnelle était censée disposer de
technologies d’avant-garde dépassant tous les autres pays. Nous voyons
aujourd’hui qu’il n’en est rien. En matière de haute technologie,
Poutine est maintenant secouru par la théocratie d’Iran !
C’est donc l’expression « désordre mondial » qui caractérise le mieux
la situation internationale actuelle. Aucune puissance impérialiste ne
peut prétendre assurer un rôle de gendarme du monde au cours de cette
année 2022 où nous voyons les peuples se soulever dans de multiples
pays. Les masses laborieuses refusent de faire les frais de la crise
d’un système de domination qui pour se maintenir veut toujours exploiter
davantage en plongeant les masses populaires dans des situations de
plus en plus dramatiques avec notamment la famine qui menace dans de
nombreux pays.
Dans la concurrence entre Poutine et les USA, Poutine pensait sortir
renforcé par une victoire en Ukraine en quelques semaines. C’est
l’inverse qui se produit. Dans cette concurrence c’est maintenant le
bloc USA/OTAN qui est renforcé. La Finlande et la Suède vont adhérer à
l’OTAN. L’armement impérialiste se développe en Europe notamment en
Allemagne. L’impérialisme occidental utilise la guerre en Ukraine pour
renforcer sa mainmise sur l’Europe de l’Est. Du point de vue des
dirigeants des deux impérialismes cette guerre se déroule comme un jeu
dont ils négocient les règles entre eux. Il n’est pas prévu que les
ukrainiens détruisent le pont qui relie la Russie à la Crimée. Il n’est
donc pas question de leur donner des armes à longue portée. Les
américains et les dirigeants de l’UE ne verraient aucun inconvénient à
ce que les ukrainiens cèdent une bonne partie de leur territoire à la
Russie. A vrai dire cela les indiffère. Peu importe pour eux de savoir
quels capitalistes exploiteront les travailleurs des régions concernées
pourvu que l’ordre règne. Seuls les ukrainiens tiennent à conserver
l’intégralité de leur territoire et ne veulent abandonner aucun des
leurs à la domination russe. Du point de vue des USA cette guerre est
très bien pour affaiblir Poutine qui est leur concurrent plus qu’il
n’est leur ennemi. Ce ne sont pas les morts dans les deux camps qui vont
émouvoir ni Poutine ni les dirigeants des USA/OTAN. Les massacres de la
guerre en Syrie avec des centaines de milliers de morts ne les ont
jamais émus. Ils ne vont pas s’inquiéter pour quelques dizaines de
milliers de morts. Les dirigeants américains ne voient que des avantages
à ce que cette guerre dure longtemps. Ils sont prêts à armer les
ukrainiens autant que nécessaire pour qu’ils ne se fassent pas écraser
mais ils ne tiennent pas particulièrement à ce que l’Ukraine gagne cette
guerre. Les pays de l’OTAN fournissent une aide mesurée à l’Ukraine
pour que la guerre dure.
- Pour résumer et conclure
La crise capitaliste frappe le monde entier. L’avant-garde du
mouvement ouvrier veut se porter aux avant-postes des combats de la
classe ouvrière en affirmant : « La crise doit être payée par les capitalistes et non par les ouvriers ! ».
Nous appelons à des actions unitaires dans chaque pays et au niveau
international pour exiger des mesures d'urgence afin que les
travailleurs puissent vivre décemment malgré cette crise. Ils doivent
réclamer la nationalisation des entreprises énergétiques afin qu’elles
soient gérées sous le contrôle des travailleurs et des utilisateurs. Les
travailleurs ne veulent pas de plans d’austérité. Il faut mettre à
contribution les grands groupes commerciaux et financiers en leur
faisant payer des impôts et des taxes.
Dans sa concurrence avec les USA/OTAN, Poutine pourrait ne pas
accepter les règles du jeu s’il se sent par trop ridiculisé. Le risque
d’une troisième guerre mondiale avec des armes nucléaires s’accroit.
Poutine réaffirme qu’il n’exclut pas le recours à l’arme nucléaire
tandis que Kadyrov le demande. Cela fait partie des dangers de la
décadence croissante du capitalisme. Plus que jamais, nous sommes face à
l’alternative « Socialisme ou Barbarie ».
Les révolutionnaires sont opposés à toute forme d’armement
impérialiste, nous sommes pour la dissolution de l’OTAN et la
suppression de ses bases militaires dans le monde. Nous sommes aussi
pour la suppression des bases militaires russes comme Tartous (base
navale militaire russe en Syrie) et Hmeimi (base militaire aérienne russe en
Syrie) et toutes les bases en Abkhazie, Armémie et Azerbaïdjan. Ne
parlons pas de Bélarus qui, en principe, n’héberge pas de base militaire
russe.
La question de la crise de la direction révolutionnaire reste le
point faible pour la classe ouvrière et les peuples du monde. Les
révolutionnaires interviennent dans les luttes pour que se dégagent de
nouvelles directions contre les anciens appareils passés du côté de
l’ordre bourgeois. Nous sommes pour l’unité de la classe ouvrière avec
toutes ses organisations dans son combat contre les exploiteurs.
L'UIT-QI et l’AGIMO
continuent d’apporter leur soutien à la résistance du peuple ukrainien
pour vaincre les envahisseurs. Nous soutenons aussi les protestations et
la mobilisation de la classe ouvrière, de la jeunesse et du peuple
russe contre la convocation de centaines de milliers de réservistes,
contre la guerre et pour la liberté des prisonniers politiques.
L’AGIMO
propose que les organisations ouvrières ukrainiennes lancent un appel
aux travailleurs russes pour qu’ils disent : Non à la guerre ! Non à
Poutine !
Jean Dugenêt, membre de l’AGIMO.
Je me suis inspiré, pour écrire cet article, du dernier numéro de « Correspondance Internationale », la revue de la section espagnole de l’UIT-QI.