Durant ce temps, notre monarque-Président, de plus en plus imitateur du Père Ubu de notre enfance [2]
joue à Clémenceau retour du front, face à ses patrons US et Allemands
qui le méprisent, en expliquant qu’il a pourtant fait ce qu’il pouvait
pour leur complaire, plus 40 pour cent de budget militaire, chars lourds
et gros canons donnés aux nationalistes d’Ukraine contre la Russie,
etc.
Pendant ce temps, services de santé et sociaux français sont en
pleine panade, les médias d’état et de ses alliés comme Bolloré font
quotidiennement campagne pour un régime politique autoritaire, voire
policier, contre les risques que sont les immigrés et leurs enfants.
Ce massif bourrage de crâne a un but maintenant évident,
préparer l’accès au pouvoir par les urnes aux prochaines élections
françaises d’une coalition Droite et Extrême Droite, autoritaire,
réactionnaire, xénophobe et belliciste, alignée sur Washington, l’OTAN
et l’UE, comme l’est le gouvernement Méloni en Italie.
Face à l’inertie politique actuelle de l’opinion française, désarmée
par la faillite des partis de gauche plus ou moins convertis au
réformisme électoraliste, c’est le « modèle Méloni » à l’italienne qui
nous guette, comme le remarquent tous les observateurs étrangers.
Mais le pire de ce danger est qu’il se déploie avec
l’assentiment du Pouvoir Macronien actuel, et notamment de son appareil
médiatique. Ne nous y trompons pas : Macron, certes, s’est fait élire
deux fois en arguant de son opposition au RN. Mais aujourd’hui, les
Macroniens d’Extrême Centre sont de plus en plus alignés idéologiquement
sur la future coalition de droite, socialement réactionnaires avec
Lemaire, sécuritaires et xénophobes avec Darmanin, bellicistes avec
Macron lui-même, rien d’essentiel ne les sépare plus, sauf les ambitions
carriéristes.
Il suffira que se concrétise cette coalition des Droites en France pour
les voir se rallier les uns après les autres, et sauver ainsi leurs
carrières.
Évidemment, tout cela n’est guère imprégné d’impératifs
moraux. À l’occasion, ici ou là, on peut y dénoter de petites
escroqueries, de minables saletés, qui n’empêcheront pas nos maîtres à
penser télévisés de continuer à donner des leçons de démocratie
moralisante à Poutine et ses épigones.
Le camp de Rieucros, une histoire occultée
Je l’ai rencontré cet été dans ma Lozère natale, une région
parmi d’autres que les touristes traversent en aimant ses paysages et
en ignorant tout de son histoire et des drames de ses habitants. Un
exemple parfait de ces petites vilénies des autorités actuelles, de ces
manipulations intéressées du passé, comme il s’en déroule des centaines à
tout instant, partout en France. L’hebdomadaire local « Lozère
Nouvelle » annonçait pour le 16 juillet l’inauguration par les autorités
d’une « stèle du souvenir » près des restes du Camp de Rieucros, près
du chef-lieu départemental Mende. Une page oubliée qui a pourtant fait
l’objet il y a plus de vingt ans d’un ouvrage de grande qualité
scientifique et riche de témoignages de ceux qui le vécurent, par
l’historienne allemande Mechtild Gilzner [3].
Dans ce lieu, furent internés entre janvier 1939 et février
1942 quelques centaines d’hommes, et surtout de femmes et d’enfants,
contrairement à la légende bien-pensante selon laquelle il n’y eut sur
le territoire français que des camps d’internés-déportés créés et gérés
par de méchants occupants allemands, sous la botte nazie.
Le camp de Rieucros fut créé par décret du Président du
Conseil radical Daladier, élu par la majorité de gauche à l’Assemblée
nationale, celle de 1936, dite de Front populaire. Elle avait « viré sa
cuti » par anticommunisme en 1938, ce qui l’amena à la fois à abandonner
à leur sort les Républicains espagnols vaincus par les fascistes de
Franco, et à donner à Hitler le droit d’annexer la Tchécoslovaquie, par
les honteux « accords de Munich » (septembre 1938).
Cette « Gauche » encore au pouvoir laissait depuis des mois fleurir les
campagnes de presse basées sur la xénophobie (« les émigrés, notamment
juifs fuyant les pogroms en Pologne ou ceux pourchassés par les
fascismes italien, espagnol ou le Nazisme allemand sont responsables du
chômage en France ») et anticommunistes.
C’est dans cette optique que le PCF sera interdit le 26 septembre
1939 et ses militants emprisonnés. Et c’est dans la même optique à la
fois xénophobe et anticommuniste, que le Camp de Rieucros est créé, pour
y enfermer les étrangers considérés comme « menaces potentielles » par
les dirigeants français (décret Daladier du 21 janvier 1939).
Les internés(es) de Rieucros furent donc en priorité des
antifascistes espagnols, des antinazis allemands raflés sur le
territoire français, surtout quand le camp a été réservé aux femmes et à
leurs enfants à partir d’octobre 1939. On y verra passer toute sorte de
militantes, des intellectuels allemands antinazis, Mathilde Taurinya,
l’épouse du journaliste communiste Gabriel Péri (contraint à la
clandestinité par les autorités françaises, et plus tard livré aux
fusilleurs nazis) ou le futur romancier Del Castillo alors enfant avec
sa mère, avant le transfert des déportés restants vers le camp de Brens
près Gaillac en février 1942 par le gouvernement Pétain.
Donc, une histoire peu connue, mais qui mérite de l’être, car
révélatrice de l’éternelle propension de la « Gauche » française à
trahir ses idéaux et ses électeurs.
La gifle mémorielle
Certains ne manqueront pas de nous rétorquer : « même avec
80 ans de retard, il est louable de cultiver le souvenir de tous ceux
qui ont souffert des turbulences de notre histoire ».
Le problème est qu’à l’occasion, les responsables organisateurs
falsifient totalement la mémoire des militantes et militants
antifascistes enfermés à Rieucros, grâce au titre suivant :
« À l’occasion de la journée nationale des victimes des crimes
racistes et antisémites de l’État français (et en hommage) aux Justes
de France sera inauguré le mémorial du camp de Rieucros. »
L’article continue ensuite en plaçant la réflexion sur l’aménagement
du site sous l’égide du militant sioniste Elie Wiesel ( ! ), en
précisant que la cérémonie se conclura par des chants yiddishs….et
pourquoi pas sous la présidence de l’ambassadeur de l’État colonial
Israélien ?
On peut difficilement aller plus loin dans la contre-vérité historique.
L’inauguration a bien eu lieu le 16 juillet, en présence des
autorités, Préfet de Lozère et Maire actuel de Mende, et sous
l’affirmation répétée du « souvenir des persécutions racistes de l’État
français » (CR Lozère nouvelle de la semaine suivante) !
Est-ce un hasard si la même semaine, les chacals
fascisants de CNews ont multiplié leurs aboiements haineux contre
Mélenchon, « antisémite et communautariste musulman, qui voit le
fascisme partout », parce qu’il a eu le culot de refuser l’invitation du
CRIF, organisation communautariste juive de France, liée aux partis
sionistes israéliens ?
Dans cette jungle idéologique, où tous les coups-bas sont
permis, rien ne peut plus nous étonner. Mais il est encore possible de
s’indigner d’une telle insulte à la mémoire des déportés antinazis et
antifascistes, et même à celle du maire courageux de Mende en 1940,
Bourillon, qui réussit dans cette atmosphère toxique à faire s’enfuir
quelques déportés allemands, leur permettant ainsi d’échapper aux camps
de la mort hitlériens qui les menaçaient après la défaite française.
Cet authentique résistant antifasciste le paya d’ailleurs de sa vie, dans un camp nazi.
L’histoire véritable des déportés de Rieucros doit être
racontée, pour ne pas que se renouvèlent les concessions coupables à
l’anticommunisme et à la xénophobie d’extrême-droite qui menacent à
nouveau la Nation française..
30 juillet 2023