Quand l’éducation nationale finit dans la soupe de Stan
Par Coeur de Beauce
Amélie Oudéa-Castéra n'a pas inventé l'eau chaude. Notre ministre de l'éducation nationale est une pure bourgeoise bon teint, typique de la Macronie. Ancienne joueuse de tennis (j'ai l'honneur de vous l'apprendre), directrice d'évènements sportifs, on voit mal ce qu'elle peut apporter au système scolaire tant son univers est éloigné de l'enseignement et de la pédagogie.
Peut-être une bonne chose après tout, puisque les apparatchiks n'ont jamais apporté grand-chose hormis des déclarations d'intentions (Allègre par exemple). Amélie Oudéa-Castéra est malgré tout parent d'élève, donc directement concernée par l'école ; mais hélas ses représentations personnelles du milieu scolaire sont à l'image de sa médiocre carrière sportive (elle culmina à la 251ème place du classement WTA), très convenues.
Donc madame a retiré sa progéniture de l'école publique où elle était scolarisée, un établissement du pourtant très select 6ème arrondissement de Paris épargné par les réseaux d'éducation prioritaire. Ce n'est pas le niveau de l'enseignement (identique en principe partout, puisque les programmes sont nationaux) mais "l'absentéisme" des profs qui ont motivé sa décision de migrer vers le groupe scolaire Stanislas, un vieil établissement catholique ultra-conservateur du centre parisien.
Poncif et préjugé de pilier de comptoir du café du commerce, rappelons que cet absentéisme n'est pas plus marqué chez les profs qu'ailleurs. Il s'agit d'ailleurs d'arrêts-maladie liés à l'exposition aux épidémies courantes dans les collectivités, et je peux en témoigner pour avoir collectionné grippes, rhino-pharyngites et sinusites notamment dans les écoles maternelles en début de carrière. Prendre en charge une classe avec 39°C de fièvre est une épreuve que je ne souhaite à personne. Ajoutons les maladies mentales courantes liées aux conditions d'exercice et au climat de travail dégradé, chacun comprendra les raisons de ces absences qui concernent aussi les remplaçants exposés encore plus au stress de la prise en charge de classes souvent difficiles. C'est la triste réalité, dans une administration où il n'existe toujours pas de médecine du travail.
Or Madame Oudéa-Castéra ne se comporte pas en ministre, mais en madame Beauf. Parle-t-elle de solutions aux profs non remplacés ? De médecine du travail ? Du climat scolaire parasité par le harcèlement ? Non. On a l'impression qu'elle se retrouve là par hasard, par défaut.
Elle ne propose qu'une solution, la fuite vers les établissements privés déjà surchargés et parfois soumis aux mêmes problèmes que ceux du public. D'ailleurs remplace-t-on plus facilement un prof absent à Stanislas ? Difficile à dire. Tout le monde a cependant compris que d'autres raisons motivent le choix de notre tennis-woman, sans doute indignée de voir ses gosses jouer au ballon dans une cour de récréation avec des fils de concierges. Le groupe scolaire Stanislas est ce qu'il y a de plus bourgeois dans la capitale avec l'école Alsacienne : fils de banquiers, de médecins, de chefs d'entreprise... Les enfants y grandissent entre eux à l'abri des pauvres et des réalités de notre société.
Ces gens ont toujours été ainsi, ils vous donnent des leçons de vivre-ensemble, de tolérance et de mixité qu'ils ne s'appliquent pas à eux-mêmes. Oudéa-Castéra, Aymeric Caron député du 18ème qui met ses enfants à Versailles, la plupart des stars du show-business qui manifesteront contre la loi immigration dimanche prochain. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Mais qu'en est-il de ce "Stanislas" aux enseignants omniprésents ? Wikipédia nous rappelle qu'il fut fondé début XIXème siècle par un prêtre. Loin de Don Bosco et de l'abbé Pierre, il ne s'agissait pas d'éveiller les miséreux mais de préserver les familles bourgeoises du quartier latin. Pour les parisiens de ma génération, on se souvient des bizutages gothiques dont la TV nous montrait quelques extraits il y a trente ans : défilés d'élèves couverts d'excréments, d'autres urinants sur leurs camarades allongés à terre et en dessert la fameuse "soupe de Stan", une mixture dont je vous laisse deviner la composition qui était imposée aux petits nouveaux du bahut. A des anneés-lumières des valeurs humanistes de l'enseignement, républicaine ou proche de la doctrine sociale de l'église, Stanislas formait de futurs cadres, insensibles et déshumanisés, formatés par des heures de bourrage de crâne avec catéchisme imposé, à la sauce ultra que les islamistes n'auraient pas dédaigné.
L'enseignement privé catholique est respectable, appréciable, tant qu'il constitue un choix des parents lié à des convictions. Le problème est son recours en "zone-refuge" pour ceux qui fuient le public et ses réalités, ceux qui recherchent des échappatoires ou qui veulent se confiner socialement.
Pour en revenir à Stanislas, aucune condamnation pénale n'est relevée pour ses bizutages. On apprend qu'un rapport sur son fonctionnement interne a été enterré. Que des surveillants ont été condamnés pour des agressions sexuelles sur des élèves. Que cet univers semble relevé davantage d'un thriller que d'un centre socio-culturel. Ce n'est pas l'endroit où j'aurai scolarisé mes gosses...
Amélie Oudéa-Castéra est donc la ministre de ce milieu fermé de la bourgeoisie qui joue au tennis à Roland-Garros, fréquente écoles et cliniques privées, méprise petits fonctionnaires et milieux populaires. Elle ne connait pas la banlieue, ignore ce qu'est une cité HLM, passe ses repas de famille à discuter des abattements fiscaux liés aux frais d'inscription de ses gosses à Stanislas, elle s'inquiète de la montée des populismes, de ce peuple de gilets jaunes et de "jeunes des cités" qu'elle méprise autant qu'elle craint. Elle n'a rien à apporter à l'éducation populaire.
Et pourtant, avec un peu de volontarisme on pourrait faire évoluer les choses. Plusieurs de mes anciens élèves du 93 réussissent une carrière : footballeur pro (ce n'est pas MBappé), chef de rayon à la FNAC, employé de banque... Mes quelques recherches sur Google m'ont plutôt redonné le moral. J'ai transmis à ces gamins une histoire positive de la France, je leur ai appris à lire, écrire et compter. Je n'étais pas "absent" tous les quatre matins. Tous ne sont pas délinquants aujourd'hui, contrairement aux représentaions mentales de la Macronie, intoxiquée en plus par les fumeux tests PISA.
J'ai une pensée en conclusion de cet article pour un autre Agoraxien dénommé Chalot, qui fut lui-aussi instit' en milieu populaire. A force de se décharger sur les autres de l'éducation des "pauvres", la bourgeoisie conservatrice a fabriqué une contre-société hostile, d'abord communiste jusqu'en 1990, puis islamiste aujourd'hui. Comment des jeunes pourraient-ils respecter celles et ceux qui les fuient au lieu de les remettre à leur place ?
L'attitude de madame Oudéa-Castéra est un pavé dans la soupe de Stan, elle a mis le doigt dans les préjugés basés d'excréments de son milieu envers ceux qu'elle considère comme inférieurs. Le peuple s'en souviendra aux élections à venir, chacun a compris ce qu'est la Macronie.
AGORA VOX