Les
forces israéliennes d’occupation et les colons terrorisent la
population palestinienne de Cisjordanie afin de l’expulser et de voler
ses terres.
Depuis un mois et demi, les objectifs génocidaires
d’Israël à Gaza sont devenus de plus en plus clairs. Non seulement
l’armée israélienne massacre des civils, mais elle bombarde également
l’enclave dans le but de détruire toutes les infrastructures civiles
nécessaires à la vie.
Hôpitaux, écoles, stations d’épuration,
toute source d’électricité – y compris les panneaux solaires -,
entrepôts et fermes ont été pris pour cible. Cela a rendu la bande de
Gaza invivable, forçant les Palestiniens à vivre une nouvelle Nakba.
Mais
ce n’est pas seulement à Gaza qu’Israël espère se débarrasser de la
population palestinienne. La volonté israélienne de procéder à un
nettoyage ethnique s’étend à la Cisjordanie occupée, où est mis en œuvre
un plan similaire, bien que plus subrepticement.
Des plans d’annexion
Séparer
la poursuite du génocide à Gaza du contexte palestinien à plus grande
échelle revient à nier que la cible des crimes israéliens n’est pas
limité au mouvement Hamas ni à la bande de Gaza, mais bien à l’existence
palestinienne dans la Palestine historique dans son ensemble.
Il
ne s’agit pas d’une crainte imaginaire des Palestiniens, mais d’une
réalité que même les fondateurs de l’État israélien ont constamment et
ouvertement admise.
« Il n’y a pas d’autre moyen que de transférer
les Arabes d’ici vers les pays voisins, et de les transférer tous, sauf
peut-être [les Arabes de] Bethléem, Nazareth et la vieille Jérusalem »,
écrivait Joseph Weitz, le directeur du Fonds national juif (FNJ), dans
son journal en 1940.
« Pas un seul village ne doit être laissé
debout, pas une seule tribu [bédouine]. Ce n’est qu’après ce transfert
que le pays pourra absorber des millions de nos frères et que le
problème juif cessera d’exister. Il n’y a pas d’autre solution »,
avait-il conclu.
Les milices juives qui ont mené une campagne de
nettoyage ethnique massif des Palestiniens pour créer Israël n’ont pas
pris le contrôle de la Cisjordanie et de Gaza en 1948, non pas parce
qu’elles ne le souhaitaient pas, mais parce qu’elles n’en avaient pas la
capacité.
La pression internationale et les limites de leurs propres capacités militaires les en ont empêchées.
Ces
territoires servaient aussi commodément de destination aux Palestiniens
expulsés du littoral méditerranéen, des villes comme Yaffa, Safad, Lydd
et des villages environnants, dont les milices s’étaient emparées.
La
guerre de 1967 a donné à Israël l’occasion de réaliser son objectif de
régner sur toute la Palestine historique. Il a occupé Jérusalem-Est, la
Cisjordanie et Gaza, ainsi que la péninsule égyptienne du Sinaï et le
plateau du Golan syrien, qui reste occupé à ce jour.
Depuis lors,
divers plans ont été élaborés pour annexer une partie ou la totalité de
la Cisjordanie et de Gaza, tout en repoussant la population
palestinienne soit dans des bantoustans séparés les uns des autres, soit
vers les pays voisins, la Jordanie et l’Égypte.
La construction
de plus de 150 colonies israéliennes (totalement illégales au regard du
droit international) et de 120 avant-postes dans toute la Cisjordanie
occupée est une politique qui découle de ces plans.
C’était
également le cas à Gaza jusqu’en 2005, date à laquelle Israël a
démantelé ses colonies et imposé un siège sur le territoire deux ans
plus tard.
Sous le prétexte de « protéger » les 700 000 colons,
Israël a empiété sur de plus en plus de terres palestiniennes, expulsant
de plus en plus de Palestiniens de leurs communautés et leur refusant
l’accès à leurs fermes, à leurs pâturages et à leurs oliveraies.
Cette situation a porté atteinte aux moyens de subsistance et à l’autosuffisance des Palestiniens.
Elle
a également enhardi et encouragé les colons à harceler, torturer et
tuer les Palestiniens sur leur propre territoire. Ces mesures, associées
à des politiques visant à étrangler l’économie palestinienne et à
pousser la majorité des Palestiniens dans un état de constante
précarité, ont pour but ultime de forcer la population palestinienne à
partir « volontairement ».
Préparer la Nakba
Au
cours de l’année écoulée, le gouvernement israélien dirigé par Benyamin
Netanyaou a intensifié ces politiques. Lorsque le Hamas a lancé son
offensive du 7 octobre, la situation en Cisjordanie occupée était déjà
intolérable depuis longtemps.
L’année 2023 s’annonçait comme la
plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie occupée depuis que
les Nations unies ont commencé à recenser les décès en 2006.
A la
date du 7 octobre, les forces israéliennes et les colons avaient tué
quelque 248 Palestiniens, en majorité des civils, dont au moins 45
enfants.
L’armée israélienne, en coordination avec les forces de
sécurité de l’Autorité palestinienne (AP), a mené des raids violents et
des meurtres en série dans toute la Cisjordanie, en particulier dans les
districts de Naplouse, Jénine et Tulkarem, dans le nord du pays.
Le
nombre d’attaques de colons contre les communautés palestiniennes a
également explosé et a gagné en ampleur et en violence. En février, les
colons ont mené un pogrom dans la ville palestinienne de Huwara.
En
juin, le gouvernement israélien et son ministre des finances, (le
fasciste) Bezalel Smotrich, ont annoncé de nouvelles mesures facilitant
et accélérant l’annexion de terres palestiniennes. En juillet, les
expansions approuvées des colonies israéliennes ont atteint des sommets.
L’économie
palestinienne, déjà au bord du désastre, a souffert encore plus de la
destruction des infrastructures et de la limitation de la liberté de
mouvement par les forces israéliennes et les colons.
Les
démolitions de maisons et de structures de subsistance palestiniennes se
sont multipliées. Au 1er octobre, plus de 750 bâtiments avaient été
détruits, entraînant le déplacement de plus de 1 100 Palestiniens.
Tous
ces processus, qui visent à l’expulsion des Palestiniens et à
l’annexion de leurs terres, étaient déjà en cours avant le 7 octobre.
Israël a ensuite profité de l’offensive du Hamas le 7 octobre pour les
accélérer.
Et alors que jusque-là, les vociférations de « mort aux
Arabes » pouvaient être entendues publiquement, principalement lors de
rassemblements de colons, après le 7 octobre, une majorité d’Israéliens
s’est sentie tout à fait à l’aise pour exprimer ouvertement ce sentiment
entre eux et avec le reste du monde.
Au cours des 50 derniers
jours, Israël a tué 249 Palestiniens en Cisjordanie, dont au moins 60
enfants. Les raids israéliens sur les villages, les villes et les camps
de réfugiés palestiniens en Cisjordanie occupée se sont intensifiés en
termes d’ampleur, de gravité et d’utilisation d’armes meurtrières,
notamment des fusils automatiques, des chars et des drones suicides
« Maoz ».
Le nombre de Palestiniens arrêtés et placés en détention
administrative – la version officielle de l’enlèvement par Israël – a
atteint un niveau record. Depuis le 7 octobre, au moins 3 260
Palestiniens ont été arrêtés en Cisjordanie occupée, dont de nombreux
enfants. Les 150 Palestiniens libérés jusqu’à présent dans le cadre de
l’accord d’échange d’otages sont également susceptibles d’être arrêtés à
nouveau.
Les rapports et les vidéos faisant état d’abus et de
tortures en détention se sont multipliés. Les Palestiniens sont
également régulièrement harcelés et battus, même chez eux ou dans la
rue.
Encouragés et armés par les autorités israéliennes, les
colons israéliens sont devenus encore plus violents. Ils ont intensifié
les expulsions forcées des communautés bédouines palestiniennes dans le
sud, près de la vallée du Jourdain, et dans le centre, près de Ramallah,
déplaçant plus de 1000 personnes depuis le 7 octobre.
Ces pratiques ont également eu un impact dévastateur sur l’économie palestinienne.
L’armée
israélienne a verrouillé les principaux barrages militaires dans toute
la Cisjordanie occupée, paralysant presque totalement les transports.
Les travailleurs journaliers ont eu du mal à gagner leur vie, tandis que
les stocks de nourriture s’amenuisent et que les importations sont
retenues plus longtemps dans les ports israéliens.
Le secteur de
la santé est également en état de crise, incapable de gérer le nombre
qui ne cesse d’augmenter de blessés et de malades. Pour tout aggraver,
l’armée israélienne a également commencé à assiéger et attaquer les
hôpitaux de Cisjordanie.
Toutes ces tactiques servent à répandre
la crainte et le désespoir parmi les Palestiniens, les préparant
finalement à l’annexion et à l’expulsion.
Éliminer la résistance
Aujourd’hui,
nous assistons à la poursuite de la Nakba à Gaza et en Cisjordanie.
L’objectif d’Israël est d’expulser les Palestiniens et de tenter
d’assimiler les survivants, comme il a essayé de le faire avec les
Palestiniens de 1948.
Aujourd’hui, ces survivants ont la
citoyenneté israélienne, mais sont traités comme des citoyens de seconde
zone et souvent exposés à des pratiques discriminatoires et violentes
de la part des citoyens juifs-israéliens et des autorités.
Face à cette catastrophe imminente, les Palestiniens de Cisjordanie sont livrés à eux-mêmes.
L’Autorité
palestinienne (AP) est le seul acteur palestinien ayant accès aux
armes, mais elle n’a rien fait pour protéger les Palestiniens contre la
violence israélienne.
Les forces de sécurité de l’AP, fortes de 10
500 hommes, sont formées par les États-Unis et la Jordanie au maintien
de l’ordre, et non à la confrontation avec une autre force armée.
Pire
encore, ces forces et les unités de renseignement ont directement aidé
Israël à attaquer et à démanteler toutes les poches de résistance armée
en Cisjordanie au cours des dernières années.
Contrairement aux
affirmations de la propagande israélienne, les jeunes qui ont décidé de
prendre les armes – principalement concentrés à Naplouse et Jenine – ne
font pas partie du Hamas ; certains sont membres du Fatah ou sont des
transfuges des forces de l’Autorité palestinienne, mais beaucoup n’ont
aucune affiliation politique.
Depuis le 7 octobre, l’armée
israélienne s’est attachée à éradiquer ces groupes de résistance afin
que la population civile de Cisjordanie soit totalement démunie face à
la violence, à la dépossession et à l’expulsion.
Mais à mesure
qu’Israël intensifie la violence, la résistance palestinienne apparait.
Les Palestiniens ne cesseront pas de lutter contre l’occupation et
l’apartheid simplement parce qu’ils n’en ont pas les moyens.
Personne ne veut vivre au bord de la survie, poussé et maintenu au bord du gouffre par un régime étranger.
Le
moins que le monde puisse faire est de cesser de donner tête baissée
dans la propagande israélienne et de défendre le droit des Palestiniens à
résister à leur colonisateur et à leur oppresseur dans leur quête de
libération.
C’est le moment de rassembler le courage nécessaire
pour s’exprimer et mettre un terme à la volonté génocidaire d’Israël.
C’est ici que les livres d’histoire nous offrent la possibilité de
reconnaître que les États d’apartheid violents fondés sur des massacres
ne sont ni légitimes, ni durables.
* Mariam Barghouti est une
écrivaine palestino-américaine basée à Ramallah. Ses commentaires
politiques sont publiés, notamment, dans l’International Business Times, le New York Times, la chaîne de télévision TRT-World Mariam Barghouti est également correspondante en Palestine du site d’informations et d’analyses Mondoweiss.