La manière dont on hypostasie les figures historiques sont non
seulement fausses mais ce faisant on ne leur rend pas justice. On a
voulu faire du Che une espèce d’icône marchandisable assimilable par
toutes les obédiences révolutionnaires et les vendeurs de tee shirts. Ce
qui le caractérise : cette modestie austère, ce respect des plus
humbles, ce refus des honneurs et cette exigence du combat peut être
effectivement l’apanage de tous, et ce n’est pas négligeable. Mais le
Che a aussi témoigné pour son temps, ce passé qui alimente ou non notre
futur, celui où nous étions tous inspirés par les victoires de l’URSS et
par celui qui exprimait à sa manière ce pouvoir désincarné, n’exigeant
rien pour lui, un homme d’acier. Ce qui est évident est que la
“déstalinisation” a été un ratage monumental et rien n’a pu naître de la
contrerévolution qui l’a accompagnée. Aujourd’hui encore en particulier
en Europe, là où l’eurocommunisme exerce encore et toujours ses
ravages, la nécessité du changement s’ouvre sur une vague
d’extrême-droite comme en Espagne où la droite du PPE, ouvertement
franquiste alliée à des fascistes de Vox l’emporte dans des dizaines de
municipalités et est bien placée pour l’emporter aux législatives
proches. Dans cette débâcle que l’on retrouve au Chili qui a choisi la
même stratégie de coalition et les mêmes abandons internationalistes,
les seuls qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui ont refusé cette
vague conciliatrice et qui se sont positionné dès le départ dans le
refus de l’atlantisme et des compromis avec l’UE, comme les camarades
grecs. Ils sont dès aujourd’hui, comme le Che, sur leurs bases
révolutionnaires et sans être tout à fait prêts aux grands changements
géopolitiques, ils sont déjà en position de véritable rassemblement
contre la dictature des marchés, contre l’Otan, dont sont porteurs de
fait les autres forces. Est-ce qu’il se trouvera en France une force
semblable où sommes-nous condamnés à la débâcle eurocommuniste, à ces
coalitions qui n’engendrent que la déception et le désarroi à force de
manipulations politiciennes ? Il y a des pas faits dans l’autre sens,
une conception des rassemblements larges sur des projets concrets mais
le refus de ces forces dites de gouvernement, une véritable volonté de
retourner vers le monde du travail, les couches populaires, mais il y
manque ce dont avait tellement conscience le Che : d’abord la conscience
du caractère impitoyable de l’ennemi et de la manière dont sa
démocratie est de même nature que son fascisme, la nécessité d’un parti
révolutionnaire, organisé avec sa discipline exigeante du sommet
exemplaire à la base où chacun se sentait un chef indispensable là où il
était et jusqu’à son dernier souffle. Ce parti là a besoin de théorie
mais quelle que soit la passion que l’on met dans les débats
idéologiques, les préférences,le Che était sans doute “pro-chinois” mais
aussi Cubain, c’est-à-dire que jamais les antagonismes théoriques ne
devaient être un obstacle à l’unité révolutionnaire face à l’ennemi, le
refus de l’opportunisme seulement. Oui le Che était stalinien parce que
être stalinien, voir thorézien c’était être un communiste comme cela
mais l’essentiel est le but, la perspective, ce pourquoi la vie mérite
qu’on la sacrifie ou comme le disait notre Robespierre “nos raisons
d’exister vallent mieux que notre existence”.parce que “le peuple est
notre boussole”. (note de Danielle Bleitrach)
Date : 14 juin 2023
Histoire
A l’occasion du 63e anniversaire de la mort du grand dirigeant
soviétique, rappelons-nous ce que Che Guevara pensait de Staline, en
tenant compte de ses propres lettres et notes.
En 1953, alors qu’il est au Guatemala, le Che, 25 ans, écrit dans sa lettre à sa tante Beatriz:
« Au fait, j’ai eu l’occasion de parcourir les possessions de United
Fruit*, m’assurant une fois de plus à quel point ces pieuvres
capitalistes géantes sont sinistres. J’ai juré devant une photo du vieux
et pleuré camarade Staline que je n’aurais pas de repos jusqu’à ce que
la pieuvre soit détruite ” [1].
Plusieurs années après cette lettre du Guatemala, en plein processus
révolutionnaire à Cuba, Guevara réaffirme sa position sur Staline:
« Dans les soi-disant erreurs de Staline réside la différence entre
la position révolutionnaire et la position révisionniste. Il faut
regarder Staline dans le contexte historique dans lequel il agit – le
regarder non pas comme une sorte de brute, mais dans un contexte
historique spécifique. Je suis venu au communisme grâce à l’oncle
Staline et personne ne peut me dire que, voyez-vous, je ne devrais pas
le lire. Je l’ai lu alors que sa lecture était considérée comme une très
mauvaise chose. C’était une autre époque. Et comme je suis une personne
faible et têtue, je continue à le lire. Surtout maintenant, dans la
nouvelle période, où sa lecture est considérée comme une chose encore
pire. Et puis, et maintenant, je lis et trouve un tas de choses qui sont
très bien.
En plus d’approuver la politique de Staline, le Che a toujours
souligné le rôle contre-révolutionnaire de Trotski, lui reprochant des
“motifs cachés” et des “erreurs fondamentales”. Dans une de ses notes,
il souligne:
« Je pense que les choses fondamentales sur lesquelles Trotski était
basé étaient erronées, et ses actions ultérieures étaient erronées, et
ses dernières années étaient complètement obscures. Les trotskistes
n’ont rien apporté au mouvement révolutionnaire ; là où ils ont le plus
réussi, c’est au Pérou, mais même là-bas, à la fin, ils ont échoué parce
que leurs méthodes sont mauvaises » [2].
Ernesto Guevara, lecteur érudit et connaissant bien les fondements de
la philosophie marxiste, considérait les articles de Staline comme des
classiques du marxisme-léninisme. Voici ce qu’il a écrit dans une lettre
à Armando Hart Davalos, trotskiste et figure éminente de la Révolution
cubaine :
« Rien n’est publié à Cuba, si l’on exclut les briques soviétiques,
qui créent des désagréments en ne permettant pas de penser. Le Parti a
fait pour vous, et vous le digérez. Il faudrait publier les œuvres
complètes de Marx, Engels, Lénine, Staline [souligné par Che dans
l’original] et d’autres grands marxistes. Ici, il atteindrait les
révisionnistes hors pair (si vous voulez, vous pouvez ajouter ici
Khrouchtchev), bien analysés, plus profonds que les autres, et aussi
votre ami Trotski, qui a existé et a évidemment écrit quelque chose
»[3].
La voie révisionniste choisie par la direction soviétique après le XXe Congrès
du PCUS est devenue une source de grave préoccupation pour le Che. Les
politiques de soi-disant “déstalinisation” et les vues erronées et
opportunistes sur le processus de construction du socialisme annoncées
après 1956 par Khrouchtchev ont eu leur propre influence critique sur la
vision de la révolution et du socialisme de Che Guevara.
L’un des biographes de Che Guevara – l’homme politique mexicain Georges Castañeda – ajoutant un zeste d’anticommunisme, écrit :
« Guevara est devenu stalinien à une époque où des milliers de
personnes étaient désillusionnées par le “communisme” officiel. Il a
rejeté le discours de Khrouchtchev de 1956 condamnant les crimes de
Staline comme de la “propagande impérialiste” et a défendu la même année
l’invasion russe de la Hongrie pour réprimer un soulèvement ouvrier ».
Quatre ans après le début de la “déstalinisation” de Khrouchtchev, en
novembre 1960, Ernesto Che Guevara se rendit à Moscou en tant que
représentant officiel du gouvernement cubain. Malgré les conseils de
l’ambassade de Cuba pour éviter de telles actions, le Che a insisté pour
visiter la tombe de Staline près de la nécropole du Kremlin pour y
déposer une couronne.
Che admirait profondément Joseph Staline en tant que leader et son
implication dans la construction du socialisme. Et c’est parce que,
comme il l’a dit lui-même, « Staline doit être regardé dans le contexte
historique dans lequel il a agi […] dans ce contexte historique
spécifique ». Ce contexte historique, et l’environnement social,
économique et politique extrêmement hostile et complexe dans lequel
Staline a dirigé l’Union soviétique, est délibérément passé sous silence
par les antistaliniens. Ils se taisent et ignorent délibérément le fait
que le processus de construction du socialisme en Union soviétique
s’est déroulé dans le cadre d’une lutte de classe féroce, avec de
nombreuses menaces internes et externes (encerclement impérialiste),
tandis que les efforts massifs d’industrialisation se sont heurtés à des
réactions et à de vastes sabotage (le processus de collectivisation,
par exemple, a dû affronter la position hostile des koulaks).
Joseph Staline – à la fois en tant que personne et en tant que
dirigeant – est le produit des activités des masses dans un contexte
historique spécifique. Et c’est Staline qui a dirigé le parti
bolchevique (VKP(b)) et le peuple soviétique pendant trente années
entières, sur la base du solide héritage idéologique du léninisme.
Véritable communiste et véritable révolutionnaire, théoricien et
praticien, Ernesto Che Guevara devait inévitablement reconnaître et
apprécier cette réalité historique.
Auteur : Nikos Motas
Traduction : Alexander Ivanov
1 . Jon Anderson, Che Guevara : Une vie révolutionnaire, 1997
2 . Commentaires sur les « Notes critiques sur l’économie politique » de Che Guevara, Revolutionary Democracy Journal, 2007
3 . Contracorriente, No.9, Sept.1997
4 . J. Castañeda, Compañero : La vie et la mort de Che Guevara, 1997
United Fruit Company (“United Fruit Company”) était la plus
grande société étasunienne exportant des fruits tropicaux des pays du
tiers monde vers les États-Unis et l’Europe. La société a été créée le
30 mars 1899, à la suite de la fusion de l’entreprise commerciale de
bananes de Minor K. Keith et de la Boston Fruit Company[1]. En plein
essor au début et au milieu du XXe siècle, elle contrôlait de vastes
territoires et réseaux agricoles dans les pays d’Amérique centrale, du
nord de la Colombie, de l’Équateur et des Antilles.
Entrée principale de l’ancien bâtiment United Fruit sur l’avenue Saint-Charles, La Nouvelle-Orléans
L’entreprise a grandement influencé le développement économique
et politique d’un certain nombre de pays d’Amérique latine. Les
critiques l’ont souvent accusée de néo-colonialisme d’exploitation et
l’ont citée comme un exemple typique de l’influence d’une société
transnationale sur la politique intérieure des “républiques bananières”.
Après le ralentissement économique, United Fruit a fusionné avec la
société AMK d’Eli Black, en 1970, la nouvelle société s’appelait United
Brands Company. United Brands Company est devenue Chiquita Brands
International en 1984.
Source : Université ouvrière. I.B. Khlebnikov