L’Eclaireur
- Alors que la question se pose de la fin de la suprématie du dollar,
vous dites que la guerre en Ukraine est non seulement la guerre du
dollar mais qu’elle n’est pas la première...
Oleg Nesterenko – Je vois que vous faites allusion à mon analyse sur les guerres du dollar,
publiée cela fait quelque temps. En effet, ce n’est pas la première, ni
même la deuxième, mais la troisième guerre du dollar. La première,
c’était la guerre contre l’Irak de Saddam Hussein. La deuxième, celle de
la guerre contre la Libye de Kadhafi. Et la troisième, donc, contre
Moscou sur le territoire de l’Ukraine, menée sur le territoire d’un Etat
tiers tout simplement parce qu’on ne peut pas mener la guerre contre
les Russes directement chez eux. Et ce n’est que la guerre hybride et
par procuration qui peut avoir lieu face à la Russie.
S’agissant
des deux premières guerres du dollar, il faut d’abord comprendre que des
pays comme l’Irak et la Libye sont, avant tout, des grandes puissances
énergétiques. Des puissances qui ont osé mettre la monnaie étasunienne
en danger. En 2003, Saddam Hussein avait mis sa menace à exécution :
celle de cesser de vendre les hydrocarbures et le gaz en dollar. Saddam
Hussein était le premier à soulever la question de la légitimité du
dollar, du pétrodollar et, surtout, à agir d’une manière très
significative contre ce dernier. Il a alors signé son arrêt de mort.
En
février 2003, Saddam Hussein a vendu 3 milliards de barils de pétrole
brut pour un montant supérieur à 25 milliards d’euros. Cette vente a
bien eu lieu en euros et non pas en dollars. Un mois plus tard, les
Etats-Unis envahissaient l’Irak. On ne connait pas les chiffres exacts,
mais on estime le nombre de victimes à un million, dont une sur deux
était mineure. Sans parler des centaines de milliers de morts
supplémentaires dans les années qui ont suivi à la suite de la
destruction totale de l’infrastructure sociale et économique du pays.
D’ailleurs les EU eux-mêmes, leurs analystes dignes de ce nom, le
reconnaissent.
En 2009, en Libye, c’est aussi une guerre du dollar
qui a eu lieu. Président de l’Union africaine à cette époque, Mouammar
Kadhafi, a proposé à tout le continent africain une véritable révolution
monétaire : se soustraire à la domination du dollar et créer une union
monétaire panafricaine. Avec elle, les exportations du pétrole et
d’autres ressources naturelles du continent noir auraient été payées non
pas en dollar ou pétrodollar, mais dans une nouvelle monnaie qu’il
appellerait le dinar-or. Lui aussi a signé son arrêt de mort.
Si
de telles déclarations avaient été faites non pas par l’Irak ou la
Libye, richissimes en pétrole et le gaz, mais, par exemple, par le
Burkina Faso qui est riche en or, mais dépourvu des réserves prouvées en
hydrocarbures - il n’y aurait eu aucune guerre. L’Irak de Saddam
Hussein et la Libye de Kadhafi, étant des puissances énergétiques dotées
de réserves gigantesques étaient un danger existentiel pour l’économie
étasunienne. Les deux leaders avaient annoncé ouvertement et
officiellement qu’ils voulaient se débarrasser du dollar. Ce sont aussi
deux pays avec lesquels les Etats-Unis n’avaient pas à craindre de
conséquences néfastes dans le cas d’une agression. Il fallait donc les
anéantir. Et cela a été fait sans tarder.
Avec Moscou, ce n’était
pas possible. La Russie, ce n’est ni l’Iran, ni l’Irak, ni la Libye.
Avec la Russie, les Etats-Unis ne pouvaient agir qu’indirectement.
L’Eclaireur - Mais qu’est-ce que la guerre entre l’Ukraine et Moscou a à voir avec le dollar ?
Oleg Nesterenko -
Moscou a réellement menacé le statut du dollar sur la scène
internationale, et, donc, toute l’économie des EU derrière. Dès
l’arrivée de Poutine au pouvoir, bien avant 2021 et même avant le coup
d’état anti-russe en Ukraine en 2014, la Russie, qui est une puissance
énergétique de premier plan, a entamé le processus de liquidation des
bons du Trésor étasunien (détenus par l’Etat russe, ndlr), bons libellés
en dollar.
En cinq ans, de 2010 à 2015, la Russie a divisé par
deux le nombre de bons du Trésor étasunien qu’elle détenait. Alors que,
jusque-là, elle faisait partie des plus gros détenteurs au monde, elle
n’en possède quasiment plus aujourd’hui.
En parallèle,
la fédération de Russie a également commencé à se séparer
progressivement du système des pétrodollars en concluant des accords
commerciaux payables en monnaie nationale, à commencer par la Chine. Des
quantités gigantesques de produits énergétiques ont commencé à être
payés en yuan chinois et en rouble russe.
C’était les débuts des débuts de la nouvelle guerre qui a commencé à être préparée et qu’on connait depuis février 2022.
La valeur du dollar n’est soutenue que par la planche à billets et la domination militaire des Etats-Unis
En
parallèle, il existe un accord non officiel entre la Russie et la Chine
d’une synchronisation des actions contre les Etats-Unis. La Chine se
débarrasse ainsi également et progressivement du débiteur étasunien. En
2015, la Chine détenait pour plus de 1270 milliards en bons du Trésor
étasunien ; aujourd’hui c’est dans les 950 milliards – le niveau le plus
bas depuis plus de 10 ans.
C’est la Chine qui est désignée comme
l’adversaire numéro 1 des Etats-Unis, mais c’est bien la Fédération de
Russie qui a déclenché le processus de la libération du monde du système
des pétrodollars.
Avec le déclenchement en février 2022 de ce que
j’appelle la phase active de la guerre qui dure depuis bientôt 10 ans,
la Russie et la Chine, en tandem, cette fois de manière officielle
puisque les masques sont tombés, incite les banques centrales de par le
monde à repenser le bienfondé de leurs investissements dans des
obligations du Trésor étasunien et, donc, dans l’économie et le bien
être des Étasuniens.
Le dollar est une monnaie de singe. Il n’y a
rien derrière. Rien de tangible. La valeur d’aujourd’hui du dollar n’a
strictement rien à voir, pour sa majeure partie émise, avec de réels
actifs qui devraient l’assurer. Sa valeur n’est soutenue que par la
planche à billets et la domination militaire des Etats-Unis. La
domination qui supprime tous les mécontents.
L’Eclaireur
- Avec la dédollarisation, l’euro, que personne n’a semble-t-il poussé,
aurait-elle pu être une alternative au dollar ?
Oleg Nesterenko –
Il ne faut pas sous-estimer le poids et le rôle potentiel de l’euro.
Par le passé, Saddam Hussein, par exemple, a voulu vendre son pétrole
non pas en dollar, mais en euro. Et c’est, d’ailleurs, la raison
principale de la guerre d’Irak et de l’assassinat de Saddam. L’euro
peut, ou plutôt pourrait, jouer un rôle plus important qu’il ne l’est
aujourd’hui. Mais, je ne crois absolument pas que cela aura lieu. Le
potentiel ne sera pas réalisé. Tout simplement parce que la politique
européenne est profondément soumise à la volonté des EU.
Les
Etats-Unis ne permettront jamais que la monnaie du vassal leur fasse de
l’ombre. Et avec le niveau de la médiocrité des hauts responsables ou,
plutôt, il faut dire des irresponsables de l’Europe et de la majorité
des chefs d’États qui la compose aujourd’hui, les Étasuniens et leur
monnaie n’ont vraiment rien à craindre du côté de l’euro. Les
initiatives des leaders européens sont tellement, la plupart du temps,
anti-européennes et anti-nationales que ceux-ci ressemblent davantage à
des consuls honoraires des Etats-Unis sur le vieux continent qu’à autre
chose.
Et comme si cela n’était pas déjà suffisant, pratiquement
demain - en 2025 – la présidence du Conseil de l’Union européenne sera
tenu par les Polonais. La Pologne est un agent direct, pratiquement le
salarié des Etats-Unis au sein de l’UE. Les Polonais prendront la tête
de l’UE juste après la Hongrie et feront le nécessaire pour anéantir les
moindres acquis souverainistes des rebelles hongrois. Deux ans avant
que cet événement déplorable ait lieu, ils ont d’ores et déjà annoncé
que leur principale priorité sera le renforcement de la “collaboration”
de l’UE avec les Etats-Unis. Dans les années qui vont suivre, les restes
très modestes de l’autonomie européenne, militaire et économique, vont
être encore davantage réduits et ne seront que symboliques.
Sur la scène internationale, les fonctionnaires de Bruxelles n’ont aucun poids politique et ne font que de la figuration
Ce
n’est pas pour rien qu’aucune puissance au monde, y compris les
Etats-Unis et encore davantage la Russie et la Chine, ne reconnait l’UE
en tant qu’interlocuteur sérieux et ne privilégie de traiter qu’au
niveau des États-membres séparément. Sur la scène internationale, les
fonctionnaires de Bruxelles n’ont aucun poids politique et ne font que
de la figuration.
Mais je ne crois pas au pire scénario pour la
monnaie européenne – sa disparition. Car le bateau de l’euro est déjà
parti beaucoup trop loin en mer et ne dispose plus de carburant pour
revenir en arrière sans faire couler les économies des pays-membres.
Mais, cela étant, je suis plus qu’un eurosceptique. Non pas que je sois
contre la réunion des pays occidentaux autour d’un centre européen -
loin de là : l’histoire de l’humanité démontre que tout va vers la
réunion des forces similaires qui ont la même vision des choses, des
valeurs et des objectifs similaires.
C’est juste que le projet en
sa version optimiste, l’image idéale - c’est une chose ; la réalité -
c’en est une autre. En observant la “dégénérescence” ces dernières
décennies et surtout depuis 2004, du beau projet européen initial, il
n’est plus possible d’ignorer que l’Union européenne n’est devenue
qu’une sorte d’hydre dysfonctionnelle, dont chaque tête a ses propres
idées. Il est plaisant de constater que la Russie à elle seule a réussi à
faire se resserrer ces têtes. C’est la peur, la haine et les phobies
qui les ont rapprochés davantage que tout le reste du projet européen.
L’Eclaireur - Comment se porte l’économie russe au regard des sanctions mises en œuvre par les Occidentaux ?
Oleg Nesterenko –
Á court et à moyen terme, les retombées des sanctions occidentales
contre l’économie russe sont relativement faibles. Du point de vue du
niveau de vie de la large majorité de la population, l’effet de ces
sanctions est tout simplement inexistantes. Cela étant, il ne faut pas
être naïf : à long terme, bien évidemment, il y aura certains domaines
d’activité qui souffriront jusqu’à un certain degré. Degré qui dépendra
d’un grand nombre de variables.
En parlant des conséquences des
sanctions occidentales contre la Russie, il ne faut pas perdre de vue le
sens même du déclenchement desdites sanctions. Dans chaque plan
d’affaires, il y a la présence obligatoire et fondamentale des notions
de l’investissement et du retour sur investissement dans des limites
temporelles prédéfinies d’une manière précise. La première bonne
question à se poser est : est-ce que les sanctions sont parvenues à
leurs objectifs fixés dans le temps et les ampleurs précalculées ?
Les
faits sont connus, bien qu’ils soient soigneusement minimisés et
déformés par ses auteurs, afin de se sauver la face : les objectifs
visés par les sanctions déclenchées étaient l’effondrement de l’économie
de la Fédération de la Russie qui aurait dû mener, de facto, à
la capitulation de la Russie dans le cadre du conflit en Ukraine. Le
résultat de cette entreprise est un échec total. Il n’y a eu aucun
effondrement. Il n’y aucun effondrement aujourd’hui et il n’y aura aucun
effondrement demain. En parler n’est que pures spéculations
fantaisistes coupées de la réalité.
Les sanctions qui avaient les
plus grandes chances de réussite ont été mises en place au tout début de
la confrontation. Surtout celles de la seconde et de la troisième vague
qui ont visé les fondements mêmes de l’infrastructure du système
financier de la Russie, les capacités des acteurs publics et privés de
lever des capitaux auprès des marchés financiers mondiaux, ainsi que la
déconnexion de centaines de banques russes du système Swift, dont des
banques “systémiques”.
Ces sanctions faisaient partie du plan
d’affaires initial et ont été jugées pleinement suffisantes pour arriver
à des objectifs préétablis de l’effondrement de l’économie russe dans
des délais limités, inférieurs à douze mois. Toutes les autres vagues de
sanctions, qui ont eu lieu par la suite et qui auront encore lieu à
l’avenir, sont sans aucune mesure aussi dangereuses pour la stabilité
économique et financière de la Russie et ne sont que des gesticulations
assez chaotiques dues à l’effondrement du projet initial occidental.
Les sanctions n’ont aucune chance d’arrêter la poursuite des opérations militaires russes en Ukraine
Les
retombées de ces actions sont-elles néfastes pour le pays à long
terme ? La réponse est non. Je rappelle que ce n’est pas depuis 2022,
mais depuis 2014 que la Russie fait l’objet d’importantes sanctions de
la part du camp occidental. On ne parle plus du tout de ces sanctions
“originelles” dans la propagande “atlantiste” ; et pour cause. Non
seulement, l’économie russe n’a été nullement ébranlée malgré les
jubilations de Barak Obama – “l’économie russe est en morceaux !” au
moment d’une importante, mais ponctuelle, chute du cours de la monnaie
russe – mais en plus, les sanctions ont joué le rôle de catalyseur et
ont grandement renforcé la souveraineté de l’économie nationale.
Nul besoin de commenter les propos de Bruno le Maire du 1er mars 2022
sur l’anéantissement imminant de l’économie russe, qui sont encore plus
ridicules que ceux d’Obama et qui ne font que démontrer, une fois de
plus, l’amateurisme flagrant de ce monsieur occupant un poste qui ne
coïncide pas avec ses aptitudes et compétences professionnelles.
La
nature a horreur du vide. Si dans les pays à capacités réduites de la
coopération à l’international les embargos peuvent maintenir le vide
sectoriel artificiellement créé, cela ne fonctionne pas vis-à-vis des
grandes puissances dont les économies ne peuvent jamais être tenues dans
l’isolement à long terme. Des alternatives au niveau national et
international sont toujours mises en place.
Ainsi, les
restrictions des importations alimentaires en provenance de pays qui ont
soutenu les sanctions contre la Russie se sont traduites par la
croissance et la consolidation, et de manière très significative, du
secteur agro-alimentaire. En seulement quelques années de sanctions, la
Russie est passée de grand importateur de produits agro-alimentaires à
exportateur. D’autres secteurs sont en train de devenir autosuffisants
et, au terme des hostilités russo-occidentales, deviendront
quasi-impénétrables pour les acteurs économiques européens.
Les
entreprises des secteurs de l’énergie et de la défense contournent
aisément les sanctions en refusant tout simplement d’utiliser le dollar
dans leurs transactions internationales au profit de la devise russe et
celle du pays partenaire. Ceci en accélérant par la même occasion le
processus de la dédollarisation du monde, cette monnaie qui est devenue
hautement toxique.
Dans le secteur financier, anticipant dès 2015
le risque d’être coupé un jour du système international de messagerie
bancaire Swift contrôlé par l’Occident, la banque centrale de la
Fédération de Russie a créé son propre système de transmission
interbancaire, le système SPFS, ainsi que son propre système de paiement
pour cartes bancaires, le système MIR. Les deux systèmes sont
utilisables à l’international et sont déjà liés au système bancaire
chinois Chinese Union Pay. D’autres pays vont rejoindre SPFS. Le grand
outil de menaces et de chantage permanent du camp américano-centrique
vis-à-vis du reste du monde d’être coupé de leur SWIFT n’est plus
considéré comme une fatalité et un danger existentiel.
Parallèlement,
aujourd’hui nous discutons très sérieusement non seulement de la
création d’une nouvelle monnaie commune à des pays du Brics, mais
également de la monnaie numérique : le rouble numérique. La monnaie sera
un excellent moyen supplémentaire de se débarrasser de la contrainte
des sanctions illégales, car elle pourra être utilisée sans faire appel
aux services des banques qui elles-mêmes peuvent craindre de faire
l’objet d’hostilités occidentales.
L’Eclaireur - Selon vous, l’Occident a donc plus à craindre, et notamment du retour de bâton de ses sanctions ?
Oleg Nesterenko -
Les relations économiques russo-allemandes détruites, les retombées sur
l’économie allemande par exemple seront dramatiques. L’industrie
allemande, dont une belle partie est énergivore, est déjà en grande
difficulté vu que ses coûts de production ont tout simplement explosé et
que ses concurrents directs, non européens, en commençant par les
Étasuniens, n’ont pas les problèmes que les Allemands viennent de se
créer.
Dans l’Union Européenne qui est, en fait, la seconde grande
cible collatérale des sanctions anti-russes étasuniennes, la plupart
des projets de coopération intracommunautaire dans les domaines
scientifiques, technologiques et énergétiques sont déjà revus à la
baisse. A moyen terme, les pertes totales de l’ensemble des pays de l’UE
dues aux sanctions contre Moscou sont estimées à plusieurs centaines de
milliards d’euros.
Quand j’ai parlé des restrictions des
importations alimentaires en provenance des pays hostiles vers la
Russie, il ne faut pas oublier que les agriculteurs européens y perdent
des milliards d’euros chaque année et perdront, à terme, encore des
dizaines de milliards, car le marché russe est fermé pour eux à très
long terme. Et même dans un avenir éloigné, quand les restrictions
russes seront levées, les parts du marché qu’ils pourront reprendre
seront dérisoires par rapport à celles qu’ils ont eu par le passé.
Côté
tourisme, en Europe, c’est surtout la France qui paie la facture. Il
n’y a plus de tourisme entre la Russie et la France. Si vous consultez
les professionnels du secteur de l’hôtellerie-tourisme du sud de la
France, pour eux c’est désastreux, de même que pour le secteur de
l’immobilier. Depuis 30 ans, le client russe était majeur en termes de
chiffre d’affaires. Les mass médias cachent très soigneusement cette
réalité.
Pour le secteur des énergies, ce n’est même pas la peine
d’en parler. On connait tous l’ampleur de la catastrophe. Catastrophe
qui est tant bien que mal dissimulée par de gigantesques compensations
de l’État faites en creusant davantage la dette publique déjà démesurée
et qui ne sera certainement pas remboursée.
En
économie comme dans les affaires, tout est une question d’alternatives.
Et la Russie dispose d’alternatives que les pays de l’Union européenne
n’ont pas et n’auront pas
A partir d’aujourd’hui, ce
sont les Etats-Unis qui non seulement feront la régulation du coût de
revient des industries énergivores, mais également prendront la décision
du prix d’une baguette à la boulangerie ou de la facture de chauffage
pour les ménages. Et ceux qui pensent que les Étasuniens feront des
cadeaux à leurs concurrents vassalisés que sont les Européens, qu’ils
laissent tomber leur mauvaise habitude de rêver, cela ne leur réussit
pas...
D’une manière générale, tout ceux qui ont suivi le projet
des EU subissent et subiront des conséquences négatives sur leurs
économies, des conséquences bien plus néfastes que celles que la Russie
connaîtra dans les années à venir. Car en économie comme dans les
affaires, tout est une question d’alternatives. Et la Russie dispose
d’alternatives que les pays de l’Union européenne n’ont pas et n’auront
pas.
Pour que la situation change, notamment en France, la
politique étrangère française doit changer de manière radicale. Mais
avec la propagande relayée d’une manière très poussée par les médias
mainstream et le conditionnement de l’électorat français, il est clair
que même les futures élections de 2027 n’ont aucune chance de faire
venir qui que ce soit au pouvoir qui permettrait une significative
amélioration des relations avec la Russie.
L’Eclaireur - Pour vous, les trains de sanctions (le 11e actuellement) n’ont plus aucune efficacité ?
Oleg Nesterenko - Toute la gamme des sanctions sérieuses contrôlables par le camp atlantiste est déjà épuisée.
Parfois,
au niveau des restrictions, l’occident tombe dans le ridicule le plus
grotesque. Par exemple, l’une des sanctions mises en place était
l’interdiction aux chats domestiques de participer à une compétition
internationale en Europe. Je me suis déjà posé la question : pourquoi
les oiseaux migrateurs n’ont pas encore été sanctionnés ? Si les
Polonais ne le font pas encore, ils devraient commencer à les abattre à
l’entrée de leur espace aérien...
L’une des principales sanctions
mise en place est celle contre le pétrole russe. Quel est le résultat ?
La Russie a vendu au premier trimestre 2023 encore plus du pétrole
qu’avant même le début de la guerre en Ukraine.
L’embargo sur l’or
russe ne fonctionne pas non plus. Et, cette fois-ci, je le regrette
même. Car demain l’or jouera un rôle bien plus important dans l’économie
mondiale qu’aujourd’hui. A la place du gouvernement russe, j’aurais
grandement restreint les exportations d’or russe et depuis un moment. Il
faut savoir que si les réserves nationales en or aux Etats-Unis et en
Allemagne n’ont pratiquement pas bougé en volume depuis l’an 2000 – et
en France elles ont même grandement diminué – en Russie, elles ont été
multipliées par six sur la même période. Mais il est important de les
augmenter davantage.
Côté sanctions sérieuses, il ne reste que
celles qui passent par le chantage et les menaces des partenaires de la
Russie. Mais vu qu’il s’agit à chaque fois d’éléments stratégiques,
voire vitaux pour les pays visés, les chances de réussite sont proches
de zéro.
Aujourd’hui, on parle de sanctions contre l’énergie
nucléaire, contre l’atome russe. Ces projets sont totalement
irréalistes. Ce que veulent les responsables, ou plutôt les
irresponsables de la politique européenne, ne marchera jamais. Les
bureaucrates de Bruxelles exigent de la Hongrie, qui dépend grandement
de l’atome russe, de l’abandonner. Or, pratiquement la moitié de
l’énergie du pays vient d’installations nucléaires construites par les
Russes. Et aujourd’hui, de nouvelles installations nucléaires sont en
train d’y être construites afin d’accroitre l’indépendance énergétique
des Hongrois. Quand j’entends Von der Leyen demander à Orban de faire
une croix dessus... Les pertes pour le peuple hongrois seraient
gigantesques. En s’inclinant devant Bruxelles, ils reviendront trente
ans en arrière. Et c’est de la pure fantaisie d’imaginer que le
gouvernement hongrois fera preuve d’une telle folie.
Josep
Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a également évoqué les
sanctions contre l’Inde et les produits pétroliers russes raffinés dans
le pays. La mise en place de telles sanctions serait une pure folie et
coûterait très cher à l’Europe, car l’Inde dispose d’un grand nombre de
leviers de représailles contre l’économie européenne.