dimanche 3 mars 2024

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Edito

Répression syndicale, du jamais vu depuis l’après-guerre

Depuis la réforme des retraites, les syndicalistes font les frais d’une répression historique de la part du gouvernement et du patronat. Un véritable saut qui se double d’une offensive contre les conditions de vie et les droits des travailleurs.

Alexis Taïeb   Blog El Diablo

1er mars

 

Peines de prisons avec sursis, amendes et coups de pression… tous les moyens semblent bons pour tenter de mater ceux qui ont relevé la tête ces derniers mois. Depuis la fin du mouvement contre la réforme des retraites, le mouvement ouvrier fait face à une offensive antisyndicale jamais vue depuis des décennies. En décembre, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, faisait état de plus de 1 000 syndicalistes poursuivis en justice, dont au moins 400 énergéticiens et 17 secrétaires généraux.

Antisyndicalisme : une offensive inédite depuis la Seconde Guerre mondiale

Parmi eux, le secrétaire général de la Fédération Nationale des Mines et Energie (FNME-CGT), Sébastien Menesplier, a été convoqué par la police en septembre dernier. Une convocation symptomatique de l’ampleur de l’offensive actuelle, comme le note l’historien spécialiste du syndicalisme Stéphane Sirot pour Politis : « la dernière fois qu’un dirigeant syndical national a été convoqué par la police, c’était au début des années 1950, dans le contexte de la guerre froide et avec un PCF très fort et menaçant » Quelques mois plus tard, Myriam Lebriki, également membre du bureau confédéral de la CGT, était à son tour convoquée par la police en décembre dernier.

Mais au-delà du bureau confédéral, c’est bien l’ensemble du mouvement syndical qui est touché. C’est le cas au sein des secteurs les plus mobilisés traditionnellement, comme dans l’énergie, l’aéronautique, les transports ou dans les raffineries, à l’instar d’Alexis Antonioli, le secrétaire de la CGT Total de la raffinerie de Normandie, qui a été convoqué pour un entretien disciplinaire en septembre dernier. Mais c’est le cas également au sein de secteurs moins habitués à la mobilisation, à l’instar d’un représentant CGT local chez Lactalis à Clécy (Calvados) convoqué par sa direction le 1er décembre 2023 sous prétexte notamment de ne pas avoir porté ses gants.

C’est le cas enfin d’un nombre important de militants CGT locaux, comme à Rennes par exemple où trois membres de la CGT ont été traînés au tribunal ce 12 janvier. Accusés d’avoir jeté des poubelles sur des policiers, ils ont écopé d’une peine de 200 euros d’amende et de trois mois de prison avec sursis. L’un d’entre eux témoigne pour Politis du durcissement observé localement : « Avant, c’était bonne ambiance, on pouvait venir avec les enfants, on discutait avec les gendarmes ». Dorénavant, c’est menottes et convocations au commissariat.

Dans la même veine, le mouvement de solidarité qui s’est exprimé en soutien au peuple palestinien a été l’occasion pour le gouvernement de poursuivre son offensive antisyndicale. C’est le cas notamment de Jean-Paul Delescaut, secrétaire de l’Union Locale CGT du Nord, ainsi que d’une secrétaire administrative, qui ont été placés en garde-à-vue en octobre pour un communiqué dénonçant le génocide. De la même manière, Gaëtan Gracia, syndicaliste et militant à RP s’est fait convoquer en novembre par la police suite à des tweets de soutien au peuple palestinien.

Pour Stéphane Sirot, cette vague de répression résonne comme une « revanche » du pouvoir après le mouvement de la réforme de retraites, le plus massif depuis mai 1968, notamment à l’encontre des « secteurs les plus mobilisés » à l’instar du dirigeant de la FNME CGT.

Au-delà des poursuites judiciaires, l’attaque se double d’une offensive patronale. C’est ce dont témoigne pour Mediapart Patricia Drevon, secrétaire confédérale chargée des questions juridiques à Force ouvrière : « Depuis six ou sept mois, nous observons de plus en plus de licenciements de salariés protégés, validés par l’inspection du travail ». Même son de cloche du côté de la sénatrice PCF, Silvana Silvani, pour qui « 67 % des syndiqués perce[vraient] leur engagement comme un risque professionnel ».

Une dynamique répressive qui s’est particulièrement illustrée au mois de janvier, avec le licenciement du secrétaire de l’Union Locale CGT de Roissy, Nicolas Pereira, licencié par son entreprise Transdev, mais aussi avec la tentative du DRH d’InVivo Sébastien Graff de licencier Christian Porta, secrétaire de l’Union Locale CGT de Moselle et syndicaliste reconnu dans sa région.

Une offensive doublée par des attaques contre les conditions de vie et les droits des travailleurs

Corolaire de cette offensive antisyndicale, le gouvernement a également mené dès fin mars et début avril une offensive contre le droit de grève des salariés, avec les réquisitions de raffineurs en grève reconductible en plein temps fort du mouvement contre la réforme des retraites. Un précédent qui a ouvert une nouvelle porte au patronat pour réprimer les salariés et qui s’est déjà répété en décembre dernier, lorsque des grévistes d’ArcelorMittal ont été réquisitionnés lors d’une grève pour des augmentations de salaires.

Avec les Jeux olympiques en perspective, pour lesquels Darmanin a promis de « saturer l’espace public de policiers » et rêve de limiter le droit de grève, la surenchère autoritaire se poursuit. Ces dernières semaines, en prenant appui sur le bashing anti-cheminots et en réaction à un mouvement de grève à la SNCF, la droite sénatoriale a déjà proposé une loi qui autoriserait le gouvernement à interdire les grèves 60 jours par an sur un décret. Le gouvernement, prenant le train en marche, a lui défendu de « sanctuariser » certaines périodes dans les transports où les grèves seront interdites. Sur fond d’ambiance de chasse aux syndicalistes combattifs, ce sont tous les droits des travailleurs qui sont visés.

Tout en marquant clairement un saut dans la répression des mouvements sociaux, cette offensive se double d’une offensive brutale contre les conditions de travail et le Code du travail, dont la toute dernière illustration est la volonté du gouvernement d’octroyer la possibilité aux petites et moyennes entreprises de déroger aux accords de branches.

De la même manière, le gouvernement poursuit son offensive contre les plus démunis, à l’instar de la récente réforme de l’assurance chômage, de la suppression des Allocations de Solidarité Spécifique (ASS) ou encore de la réforme du RSA qui vient d’être étendue à 47 département ce premier mars. Cela dans un contexte où « la dégradation des conditions de travail est aujourd’hui une évidence », comme l’expliquait l’économiste Thomas Coutrot au journal Le Monde en décembre dernier. Une offensive qui participera à niveler l’ensemble des salaires vers le bas.

Pour les mois à venir, le gouvernement a également annoncé une loi Macron 2, tandis que le ministère de l’économie travaille sur une loi Pacte 2. Inspirées de lois passées durant le premier quinquennat Macron, elles promettent un véritable plan de guerre sociale, qui témoigne de la volonté de Macron de renouer avec son ADN historique, celui du rouleau compresseur néolibéral qui se donne pour objectif de rattraper le retard structurel de la France en termes d’attaques contre les travailleurs.

Un retard régulièrement dénoncé par le patronat, à l’image du président du MEDEF Sud en 2019, qui déclarait dans un billet consacré aux grèves dans les transports que « contrairement à la France, la plupart des pays qui nous entourent se sont dotés ces dernières années d’un important arsenal législatif pour se prémunir d’une telle situation et assurer la continuité des transports publics ». Et d’ajouter : « le gouvernement devra tôt ou tard faire preuve d’audace et d’autorité en s’inspirant des pays voisins ».

C’est le cas emblématique de l’Angleterre qui, dès les années 80 voyait Margaret Thatcher se faire élire avec un programme résolument antisyndical et contre le mouvement ouvrier. En 13 ans de mandat, elle promulgua pas moins de huit lois antisyndicales pour limiter considérablement le droit de grève. Aujourd’hui encore, l’Angleterre hérite de cet arsenal législatif et en janvier dernier, le gouvernement anglais annonçait une nouvelle loi anti-grève historique visant à instaurer un « service-minimum » à de nombreux secteurs de l’économie.

Plus largement « la vague néolibérale » des années 80 a ouvert une période d’offensive généralisée contre les travailleurs et de mise au pas des syndicats. Aux États-Unis par exemple, c’est toute une doctrine antisyndicale qui se constitue comme un secteur à part entière de l’économie, « comprenant des consultants, des juristes, des psychologues du travail et des entreprises de gestion de crise ».

Sur un autre terrain, dans certains pays d’Europe comme l’Autriche, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l’Irlande et Malte, le droit de grève n’est toujours pas garanti par la constitution. En Allemagne, les fonctionnaires sont interdits de faire grève et seuls les travailleurs syndiqués ont le droit d’exercer leur droit de grève. En Italie, dans les secteurs jugés essentiels, la grève est tout simplement interdite pendant les périodes de vacances scolaires. En Espagne, un service minimum dans le ferroviaire est en vigueur depuis les années 80. Tout récemment, en Finlande, le gouvernement a annoncé une loi « paix au travail », proposant de limiter la grève à 24 heures…

C’est d’un tel arsenal anti ouvrier dont rêvent le gouvernement et le patronat français pour les classes populaires. A titre d’exemple, dans son livre La grève en France, Stéphane Sirot comptabilisait entre 1998 et 2002 « pas moins de onze propositions de loi [qui] ont été déposées au Parlement pour imposer (…) l’obligation légale d’un service minimum ». Mais s’il a déjà fait de nombreuses tentatives en ce sens, une remise en cause plus frontale du droit de grève nécessiterait de la part du gouvernement un saut supplémentaire dans son offensive contre le mouvement ouvrier.

Face à la répression syndicale, il faut organiser la riposte !

Face à l’offensive en cours et à celle qui s’annonce, les directions syndicales ont misé sur un retour au « dialogue social » après la défaite de la réforme des retraites. Se refusant à proposer un plan de bataille permettant de construire un mouvement d’ensemble face au gouvernement, cette stratégie de pacification du mouvement social a ouvert un boulevard au gouvernement, qui a pu continuer à dérouler son agenda raciste et néolibéral ces derniers mois. Cette stratégie montre toujours plus son caractère délétère, tant le gouvernement joue en face la surenchère dans l’offensive.

Sur la question de la répression syndicale, les syndicats restent pour le moment l’arme au pied et se contentent d’accompagner sur le volet juridique les syndicalistes. Une stratégie inefficace tant la justice est une institution au service de l’ordre dominant. « C’est compliqué pour les syndicats, d’autant plus qu’ils sortent vaincus du conflit social contre la réforme des retraites. Le mouvement a échoué, et pour un mouvement qui échoue la répression est encore plus accentuée. Donc ces pratiques répressives sont aussi un écho de la faiblesse des syndicats » explique Stéphane Sirot.

Si la dénonciation de la répression syndicale et les mobilisations locales constituent un appui, celles-ci restent insuffisantes, alors même que des expressions de résistances ont lieu à la base et montrent la voie à suivre. Dans l’entreprise de Christian Porta, secrétaire de l’UL CGT Moselle, ses collègues sont en grève depuis trois semaines pour s’opposer à la tentative de licenciement dont il est la cible. A Roissy, plusieurs rassemblements intersyndicaux ont eu lieu pour exiger la réintégration du secrétaire de l’Union Locale. Dans le même genre, 90% des salariés en CDI d’un Carrefour dans les Hauts de France ont débrayé pour soutenir un de leur collègue, élu FO au CSE de l’entreprise et menacé de licenciement.

En dépit de l’absence d’appel à lutter contre la répression, une certaine combativité s’exprime, bien que son expression se limite à des luttes isolées, qui peinent à établir un rapport de force important pour obtenir des victoires. Dans ce contexte, briser l’isolement des syndicalistes réprimés en développant une coordination nationale contre la répression peut être une première étape pour construire une riposte ouvrière à la répression en cours.

Plus largement, cette lutte contre la répression devrait s’articuler à des revendications offensives et nécessaires dans la période, telle que l’augmentation générale des salaires et leur indexation sur l’inflation, ou encore le partage du temps de travail entre toutes et tous pour faire face à la remontée du chômage.

D’autant plus que la colère à la base est bel et bien présente. En témoigne un sondage IFOP en date du 26 janvier, dans lequel 49% des français se disent « révoltés » tandis que 78% d’entre eux pensent qu’aura lieu dans les prochains mois une explosion sociale.

Dans le même sens, alors que dans beaucoup d’entreprises les NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) ont eu lieu ou sont en cours, les grèves pour exiger des augmentations de salaire à hauteur de l’inflation se multiplient. Depuis la rentrée, des grèves ont éclaté à la SNCF et à la RATP, dans l’Éducation nationale, à la Poste, dans l’industrie comme chez ArcelorMittal, Alstom ou Safran, ou encore à EDF pour ne citer que certains secteurs. Si la majorité de ces grèves restent confinées à échelle locale et s’épuisent parfois en l’absence de perspectives, celles-ci ne font que confirmer une colère latente.

Pour s’attaquer aux classes populaires, le gouvernement ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Face à un pouvoir radicalisé et déterminé à avancer son agenda néolibéral, il est plus que nécessaire pour l’ensemble des directions syndicales et des partis se revendiquant de gauche de faire front face à la répression. Une unité qui a commencé à s’exprimer autours du cas de Christian Porta, pour lequel une tribune de solidarité a réuni des figures telles que Sophie Binet, Frederic Lordon, Camille Etienne ou encore Mathilde Panot, et de nombreux militants syndicaux et politiques.

 

Note de P. 

Le fascisme est en  marche. A grands pas . Si certains ne le ressentent pas, c'est grave.

HISTOIRE ET SOCIÉTÉ- LE BLOG A SUIVRE

Cyniquement vôtre : à partir du “vote” dans le Michigan, autopsie de la “démocratie”

 par Danielle Bleitrach

Soyons très cynique en espérant décaper si faire se peut les illusions du naïf militant communiste et celle d’une jeunesse qui a perdu les réflexes de méfiance, le savoir élémentaire sur ce qu’est la “démocratie” du capital, et la politicaille, dans un pays où pour être élu président compte plus la mobilisation des forces de l’argent que le respect du peuple. Dans un tel contexte, tout ce qui peut réellement mettre en cause le capital et sa domination sera supprimé en particulier de la vitrine médiatique et écarté d’un consensus ne laissant plus de place à la marge que pour la ‘rumeur, faute d’une organisation de classe et de masse. La politique est de la cuisine réservée à quelques spécialistes du bluff qui s’emploient à perpétuer les stéréotypes, les conformismes les idées reçues puisque personne ne peut énoncer la vérité à savoir que le but est l’exploitation, le pillage. Le jeu électoral relève lui de la “pâtisserie”. Un niveau supérieur d’attention aux dosages sur les “fondamentaux” de la société, leur évolution et surtout à ce qui est organisé et à ce qui ne l’est pas : on réduit tout à une partie de poker menteur an utilisant au mieux sa “main”, celui qui connait le jeu apprécie les manœuvres, les autres s’en détournent puisque cela n’a rien à voir avec ses problèmes. On ne refait pas le terrain on l’utilise jusqu’à la trame, caricaturalement, on passe de l’affrontement de classe à la psychologisation, à la manipulation des émotions. Donc pour tenter de vous faire comprendre ce qu’est ce jeu qui loin de résoudre les contradictions les aggrave voici une “partie” “décisive” aux États-Unis, celle de l’Etat clé du Michigan intervenue cette semaine. Cela vous aidera à percevoir cette autre “partie” qui se joue en France avec la folie de Macron. Une très cynique manière de rejouer la dernière partie de poker à Vegas jusqu’à l’apocalypse. Macron joue entre le cul des vaches et la troisième guerre mondiale comme Biden tente de surmonter les contradictions du vote religieux dans l’État clé du Michigan, ils se prennent les pieds dans leur tapis et ne savent pas où ils vont. Les Faits d’abord :

Un vote de protestation dans le Michigan contre la gestion de la guerre à Gaza par le président Joe Biden a considérablement dépassé les attentes des organisateurs mardi, en soulignant la possibilité que sa position sur le conflit puisse lui coûter la présidence en novembre. Plus de 100 000 habitants du Michigan ont voté « sans engagement » lors de la primaire présidentielle d’hier, en atteignant 13,3 % du décompte sur les votes comptés et dépassant de ce fait l’objectif des organisateurs qui était d’obtenir 10 000 votes de protestation.

Ces 100.000 votes « non engagés » dans le Michigan désignent un problème aux implications multiples pour Biden : un pourcentage important de sa coalition politique est soit mécontent, soit dégoûté de lui et de son bilan, et beaucoup de ces électeurs ne se présenteront pas pour lui en novembre si la politique demeure la même. Le mécontentement est multiple mais il se cristallise dans le conflit israélo-palestinien ce qui le rend insoluble en l’état.

Le Michigan est un état clé qui traditionnellement balance entre démocrates et républicains, Joe Biden y avait obtenu une courte majorité de 154.000 voix en 2020. Et cet Etat-pivot puisque son nombre de grands électeurs pèse lourdement sur le résultat final, présente la particularité d’être celui où l’on compte le plus grand nombre de communautés musulmanes. Nous reprenons ici de larges extraits d’une analyse d’un spécialiste : Eliott Mamane est chroniqueur pour plusieurs journaux et il analyse le vote “religieux” aux Etats-Unis, face à la tenaille du Michigan. Mais cette analyse en reste à la pointe de l’iceberg et elle exige comme nous le tentons d’être encore contextualisée par rapport au stade de l’impérialisme qui est arrivé à un pourrissement, un ébranlement de tout ce qui fait le vivre ensemble, la politique autant que la culture. C’est à ce prix que l’on peut s’apercevoir que la plupart des sociétés dominées par le capitalisme, une immense majorité et qui ont hérité d’un système démocratique conçu à l’aube du dit capitalisme connaissent des phénomènes comparables sinon totalement analogues. Les Etats-Unis pour qui le fait religieux est fondateur et la France pays de la laïcité sont la proie de phénomènes comparables en matière de crise de la représentation politique.

Abdullah Hammoud, maire de Dearborn (Michigan), qui a appelé à voter blanc lors des primaires, déçu par le soutien de Biden à Israël depuis le 7 octobre.

Abdullah Hammoud, maire de Dearborn (Michigan), qui a appelé à voter blanc lors des primaires, déçu par le soutien de Biden à Israël depuis le 7 octobre.© Rebecca Cook / REUTERS

La foi critère de socialisation, le Michigan état clé électoralement en totale instabilité…

Aux États-Unis, il est admis que la religion soit un critère de socialisation essentiel, et qu’elle ait une influence déterminante sur le vote des individus, mieux ou pire ce pays a le plus grand mal à concevoir que l’on puisse être athée. Ce qui se combine avec l’autre caractéristique le racisme, lui aussi constitutif de la nation. Le vote d’un monde dit rural se faisant l’écho lui aussi des origines, l’impact du mythe du Far West comme celui des affrontements historiques de la guerre de Sécession n’a cessé d’être interprété sur la base de la foi sacralisée et du racisme, base du collectif et garantie paradoxale de la liberté totale de l’individu en fait le père de famille propriétaire comme le vagabond. Si le vote de classe, essentiellement organisé sur des bases corporatives souvent corrompues a été fort, et s’il reprend timidement de l’ampleur avec une récente montée des grèves, en particulier dans l’automobile, le communautarisme religieux a une conséquence reconnue comme déterminante et encouragée comme telle sur le vote.

Le Michigan état clé est un des plus “instables” du pays avec sa forte communauté musulmane. Les cartes électorales des primaires, organisées ce 27 février, témoigne de la causalité entre appartenances religieuse et politique, mais aussi le fait qu’alors que les questions géopolitiques ne pesaient pas sur les votes des citoyens (comme ça avait pu être le cas lors de la guerre du Vietnam), les Etats-Unis et singulièrement le parti démocrate risquent de faire les frais d’un contexte éruptif au Moyen Orient et du soutien sans faille apporté à Israël et à son armée. Mais il faut noter que cette division du parti démocrate ne se limite pas au seul paroxysme de ce qui se passe à Gaza, comme partout dans les pays occidentaux la gauche représentée par les démocrates est profondément divisée sur toutes les questions, y compris celle des mœurs puisque le sociétal est devenu un nouveau communautarisme, en surimpression mais aussi en décalage par rapport aux enjeux historiques eux-mêmes réinterprétés par rapport au déclin de l’hégémonie américaine, au bellicisme et au repliement. Cela est d’autant plus intéressant à analyser pour un Français que si la société française semble s’être construite aux antipodes de ce “communautarisme”, il y a eu une accélération de son influence face à la montée voulue par Mitterrand, le PS de l’extrême-droite. Et le fait qu’aujourd’hui Macron prétende organiser “le jeu électoral” sur le terrain de l’immigration et celui de la guerre pseudo-nécessaire en faisant jouer à plein tous les “communautarismes” actuels en gestation, du racisme à la religion ethnicisée en passant par le wokisme.

Pour revenir à l’élection primaire dans le Michigan, si elle se joue sur fond de ce qui se passe à Gaza et dans tout le Moyen Orient, on ne peut pas dire que la politique de Biden innove par rapport à ses prédécesseurs pour qui le soutien à Israël a toujours été un fait comme l’a été l’impérialisme y compris dans leur arrière cours d’Amérique latine, envers Cuba, où le droit à l’extraterritorialité des blocus, des sanctions et des bases militaires. Mais Biden est pris dans toutes les contradictions de l’impérialisme et celles-ci remettent en cause le “progressisme” affiché. Le Parti démocrate est désormais pris en tenaille dans toutes les dimensions de ce qui représentait son électorat traditionnel “progressiste” plus ou moins en rupture avec ce qui est de moins en moins un vote de classe. Et dans le vote du Michigan comme celui de New York, il est pris entre d’un côté, les Juifs américains, historiquement progressistes et acquis aux Démocrates. De l’autre, une aile woke qui gagne en importance au sein de ce même parti et entend conquérir le vote d’une « communauté musulmane » (selon la terminologie qui prévaut outre-Atlantique) en expansion démographique depuis deux décennies.(notons également la forte présence de certains juifs des milieux universitaires dans ce courant même si en est dénoncé le caractère antisémite ouvertement revendiqué parfois). Comme le note Eliott Mamane dans sa libre opinion du Figaro :

Néanmoins, ces blocs électoraux que l’on pensait stabilisés, tendent à se transformer. Selon un sondage paru la semaine dernière, plus de la moitié des Juifs new-yorkais prévoient de voter pour Trump en novembre prochain. Pourtant, comme l’indiquait l’intellectuel américain Norman Podhoretz dans Why are Jews liberals?« dans chaque élection présidentielle depuis 1928 – à la seule exception de Jimmy Carter en 1980 – le candidat démocrate a obtenu un score écrasant parmi les électeurs juifs, même lorsque défait de manière écrasante par l’électorat dans sa globalité. Aucun candidat démocrate, dans toutes ces élections (une fois encore, Carter excepté), n’a attiré moins de 60 % du vote des Juifs, et la moyenne globale depuis 1928 est de 75 % ».

Évolution du progressisme, dans sa “dimension de classe” autant que dans la crise de l’impérialisme… la “gauche” divisée… le conflit israélo palestinien est-il un nouveau Vietnam : oui et non !

Mais on assiste à un basculement : si les juifs américains sont ceux qui continuent à manifester une sympathie pour le droit à l’avortement, au mariage homosexuel, ils ont déjà été tentés par le vote néoconservateur de Reagan (pourtant presqu’aussi antisémite que Nixon et en tous les cas un des moins pro-israéliens). Mais dès le vote suivant et en particulier sous Clinton ils étaient redevenus démocrates. En revanche l’électorat musulman est totalement conservateur et farouchement anti IVG, en 2000, 78 % des Américains de confession musulmane votaient républicain. Les attentats du 11 septembre, la guerre contre le terrorisme qui a suivi n’a pas véritablement bousculé la donne et on peut dire que le vote musulman est dans l’exacte antisymétrie du vote juif. Mais ceux qui partent à la conquête de ce vote dans le parti démocrate sont soit de jeunes gauchistes, soit des héritiers de la lutte pour les droits civiques, plus ou moins radicalisés. Ce qui donne un public bouillonnant mais en état actuel d’instabilité. Rien de susceptible en tous les cas de faire bouger le nerf de la guerre, ceux qui financent de fait les campagnes électorales et dont les candidats non marginaux doivent tenir compte en priorité, les grands intérêts capitalistes y compris ceux du complexe industrialo militaire…

D’où la surprise encourageante pour les “protestataires” gauchistes d’un vote aussi massif dans le Michigan que reflète l’interrogation par laquelle débute cet article ? est-ce que Biden va entendre l’abstention massive de son électorat au Michigan ?

La question est de savoir s’il peut entendre cette protestation qui peut sonner pourtant le glas de ses espérances… Donc cet État compte les communautés musulmanes les plus importantes du pays et non seulement en chiffre mais regroupée en comté avec des élus, le résultat du vote a été organisé. Etat pivot au résultat incertain entre démocrates et républicains, le résultat dit clairement que les démocrates doivent obtenir un vote musulman.

Ce que dit ce vote “organisé” au Michigan, c’est que la campagne des présidentielles se polarise autour du conflit israélo-palestinien et même par rapport à ce prurit la question de la frontière avec le Mexique, de l’immigration, celle de la lutte contre l’abominable chinois, et surtout celle de la défense de l’Ukraine ne font pas le poids ou plutôt le contrepoids. Biden doit donc effectivement résoudre la quadrature du cercle : d’un côté, il lui faut limiter les dégâts au sein de son électorat juif, exclu de la matrice intersectionnelle de certains démocrates qui réclament une Palestine « de la rivière à la Mer ». Alors que le vote juif joue non seulement à New York et en Floride état clé mais il joue dans les médias et chez les donateurs où il affronte il est vrai des concurrences mais qui iraient plutôt chez les Républicains. Comment changer la donne dans le Michigan en suscitant un espoir de règlement du conflit tel que les musulmans et abstentionnistes du conflit fassent basculer l’Etat tout entier. Comment susciter un élan suffisamment fort pour que les Musulmans du Michigan fassent basculer leur État tout entier en sa faveur au mois de novembre prochain : sans eux, les grands électeurs alloués à cet État iront aux Républicains.

Qu’est-ce que les résultats de la primaire tenue cette semaine nous indiquent ? explique l’article d’Eliott Mamane dans sa libre opinion du Figaro qui en reste aux contradictions du vote religieux ‘. Déçus par le soutien de Biden à Israël depuis le 7 octobre, de nombreux représentants des Musulmans du Michigan ont appelé, en amont du scrutin, les membres de leur communauté à voter blanc («uncommitted»), mais dans la primaire démocrate tout de même. Ce fut notamment le cas d’Abdullah Hammoud, maire de Dearborn, ville où se trouve la plus grande mosquée d’Amérique du Nord (et où le drapeau LGBT a été interdit comme chez nous dans la mosquée du Gard). À l’échelle de tout l’État, plus de 100.000 personnes ont ainsi exprimé leur contestation en votant de la sorte. À titre de comparaison, ils étaient à peine 20.000 lors des dernières primaires démocrates, en 2020 ! Mais surtout, la majeure partie de ces votes avant-hier étaient dus aux comtés où se trouvent les plus importantes populations musulmanes de l’État, notamment celui de Wayne. Un bulletin blanc dans une primaire est particulièrement alarmant et indique à la direction du Parti un désaccord entre elle et sa base.

L’incontournable question de la “sécurité” de chacun et des nations, fait s’effondrer “la démocratie” de l’ère capitaliste…

OUi il s’agit bien des contradictions du communautarisme et du vote religieux, mais la fracture est bien plus profonde, on en mesure les failles dans le monde prolétarien, les cols bleux autant que dans tout le système universitaire… Tout l’échaudage des aspirations individuelles, de l’emancipation féminine aux conquêtes d’égalité civile sont prises dans cet ébralement et le religieux de cause devient effet comme d’autres… désignant l’indapatation des institutions, des représentations à un séisme national mais aussi international.

Les résultats de cet Etat ont déjà fait basculer la campagne et le thème de Michèle Obama prenant le relais en témoigne. Comme nous en sommes restés au niveau de notre propre crétinisme médiatique à l’unique problème des démocrate qui serait l’âge d’un président un peu sénile, certains commentateurs qui osent critiquer Biden ont retenu l’image d’un président qui avait des difficultés avec la glace dans sa main, qui balbutiait à propos de l’imminence d’un cessez-le-feu à Gaza « avec le ramadan approchant », il aurait fallu faire remarquer que ces propos ont été tenus lundi, la veille des primaires au Michigan, et qu’ils témoignent de l’influence nationale et internationale que ce seul État exerce sur la politique américaine. L’autre groupe sociologique dominant au Michigan est essentiellement rural : c’est un électorat où Trump excelle. En clair, si Biden veut l’emporter en novembre, il devra s’assurer que les Musulmans du Michigan votent pour lui de manière encore plus unifiée que les ruraux pour Trump. De fait, il s’agira pour le président sortant de réviser son programme diplomatique.

Cyniquement vôtre : Toujours dans une analogie avec l’évolution de la société française depuis Mitterrand et sous Macron, on ne comprend rien à l’utilisation de la laïcité et de la répression par les gouvernements français si l’on ne voit pas qu’il s’agit moins de défendre le modèle français que se s’assurer des relais de pouvoir partisan à travers le communautarisme religieux, l’appel au Qatar, comme au CRIF faisant partie de l’américanisation de la société française. La publicité autour du “féminisme” et de la défense des gays étant la “cerise sur le gâteau” de cette opération qui se joue dans toutes les “tranchées de la République”, en particulier l’école. On peut considérer que la proposition de Macron de fait de déclarer la guerre à la Russie pour démontrer que son adversaire favori le Rassemblement national était un collaborateur de Poutine, comme papa le Pen l’avait été de Pétain et d’Hitler a franchi le mur du con… encadré par l’opération de l’entrée de Manouchian au panthéon et interview dans l’Humanité et sur un mode plus mineur mais toujours bon à prendre du droit à l’avortement inscrit dans la Constitution, comme Biden tentant de rattraper la débâcle du Michigan avec sa glace dans une main et son improbable déclaration sur le cessez le feu à la veille du ramadan, nous avons eu droit en France à des séries de sketchs électoraux improbables à usage interne mais qui laissent dubitatif “la communauté internationale” en pleine transformation.

La question des observateurs conscients de ce cirque qui produit par ailleurs des milliers de mort, ruine l’économie est comment un tel système peut-il s’affirmer démocratique ? On se le demande…

C’est pour cela que la seule réponse est une conception de la “sécurité” de chacun, des groupes sociaux, des nations, qui repose sur la sécurité du voisin, et pas sur son anéantissement, ce qui est exactement le contraire de la conception du débat et de la diplomatie de ces gens-là. Une telle conception de la sécurité qui a présidé à la charte des Nations Unies, a pu s’imposer dans un rapport des forces issu du rôle joué par l’URSS dans la seconde guerre mondiale, avec une conception qui est le socialisme, un mode de production fondé sur la coopération et sur le fait que la classe ouvrière et les couches populaires n’ont aucun intérêt à la guerre et qu’en cas de conflit il faut trouver un modus vivendi basé sur l’intérêt de chacun qui assure la sécurité de tous… et c’est la contraire de l’OTAN et de la logique des blocs…

Danielle Bleitrach

 

Et le commentaire de Daniel Arias

C’est intéressant de voir comment est utilisé le communautarisme dans nos sociétés capitalistes d’extrême individualisme où tout part à la poubelle et pas que pour le progrès, jusqu’à la destructions des liens familiaux.

Un communautarisme qui pourtant se désintègre dans la pratique.

Cette semaine mon beau père nous à quitté dans la plus triste façon qu’il soit.
Il était un homme ordinaire né en 41, raciste “modéré” comme il s’en rencontre tant, l’autre fille et son mari sont ouvertement racistes, dans l’air du temps façon FN, alors que contrairement à lui ils n’ont jamais fréquenté les colonies.

Dans sa fin de vie et sa maladie il a été accompagné à l’hôpital par, entre autres, une jeune fille d’origine maghrébine et Mohamed l’infirmier, jusque dans ses obsèques où un jeune homme élégant et noir employé municipal des pompes funèbres a su apporter les mots de circonstances invoquant à la manière laïque l’amour, la tendresse, l’affection et le respect. Parfois le destin est farceur. Ces gens “pas de chez nous” ont été ses plus fidèles accompagnateurs dans cette fin de vie.

De mon côté nous étions au complet pour lui rendre le dernier hommage, du côté de l’autre fille au clan des valeurs françaises du RN elle était la seule, le mari et leurs deux filles qui ne lui ont jamais rendu visite depuis 3 ans malgré la maladie, ont célébré les obsèques sur les pistes de ski dans une station chic. Chacun ses valeurs dans le monde libre.

Sans présupposer des querelles qui les ont séparés, une histoire de fric, il n’avait jamais levé la main sur ses filles, il y a quelque chose de pourri qui n’est pas qu’un cas individuel.

Son épouse hospitalisée, n’a pu accompagner son mari et ne reçoit plus que nos visites alors que nous sommes à 6 heures de route aller retour et l’autre partie de la famille à 20 minutes, les petites filles skieuses ont mieux à faire que visiter leur mamie dans la détresse.

Pourtant cette autre partie qui se veut si française, qui a baptisé ses enfants (pour la fête et les cadeaux), qui n’a que la France et les traditions à la bouche abandonne la valeur qui peut être est la plus précieuse et universelle: la famille. La mère du mari raciste se retrouve actuellement avec un reste à vivre de 400 euros mensuels car l’EPHAD du mari lui pompe tous leurs revenus ; mais c’est la faute à l’aide médicale au étrangers ; anti communistes forcenés ils sont incapables de faire le lien entre la situation de cette femme les politiques de droite, la destruction de l’œuvre du PCF et leur propre enrichissement avec la recherche du moins disant dans le taux d’imposition. Il ont trouvé un coupable parfait correspondant à leur haine et leur imbécilité profonde. Et drame ils sont totalement hermétiques à une discussion argumentée et à la rationalité, irrécupérables.

Ce cas personnel n’a que peu d’intérêt si ce n’est se demander comment l’appât du gain, l’individualisme inculqué dans notre culture, l’abandon et la perversion de la religion pour une esthétique et l’apparence au lieu d’en garder les aspects positifs de l’organisation d’une réelle communauté nous amène à ce qui me semble une barbarie dont ici il ne s’agit que d’un aspect.

Cette haine de l’autre de l’étranger semble finalement être aussi l’expression du mépris de tous allant parfois jusqu’à sa propre famille, jusqu’à son propre sang sans lequel ni nous ni nos enfants ne serions là.

C’est confus mais je présent que ce délitement familial et celui de la société ne sont pas étrangers l’un à l’autre, même si de tels déchirements ne sont pas non plus nouveaux.
Une société ou plus rien ne semble respecté, pas même le départ d’un parent, un respect véritable sans hypocrisie qui pourtant est nécessaire pour vivre ensemble et pour la sécurité de tous.

Anti clérical convaincu, je reste cependant attaché à certaines valeurs “sacrées”, ou que j’imagine telles, et me pose parfois la question, certes secondaire, de l’articulation de ce sacré, d’une certaine “morale” dans le socialisme et dans un monde en pleine mutation celui d’une nouvelle mondialisation, d’un métissage.

Daniel Arias