LES VACCINS LUCRATIFS NE SUFFISENT PAS A MAÎTRISER UNE PANDÉMIE
(Extraits d'un article publié le 2 Nov. sur le blog "Le Grand Soir"
La vision occidentale du monde fait obstacle à la science
Peut-être devrions-nous encore aller au-delà des critères de l’OMS. Après tout, l’OMS est une institution de la famille des Nations unies. Il s’agit d’un produit de l’ordre mondial établi en 1930 après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’architecture des Nations unies a été conçue.
Cela peut expliquer pourquoi la diversité n’est pas mentionnée dans les critères de l’OMS. La diversité des sujets dans les essais de vaccins aux États-Unis laisse beaucoup à désirer, avec une sous-représentation des plus vulnérables : les personnes âgées et les minorités de couleur23. C’était également le cas dans les essais de vaccins24. La diversité dans ces essais est cruciale pour augmenter l’acceptation de la vaccination dans la lutte contre les antivax antiscientifiques. En effet, ce sont les groupes sous-représentés qui sont les plus vulnérables au Covid-19. Ils sont en fin de compte les plus susceptibles de ne pas être vaccinés25.
Cette diversité est d’autant plus importante que les vaccins devront à terme être utilisés à l’échelle mondiale. La lenteur du déploiement du vaccin Pfizer au Japon, par exemple, est en partie due au fait que les autorités exigent que les vaccins soient aussi testés localement26. Que cela se justifie scientifiquement ou non n’entre pas en ligne de compte. Le fait est qu’une population d’essai suffisamment diversifiée au départ pourrait favoriser grandement une diffusion ultérieure dans le monde entier.
Enfin, il existe un parti pris à l’encontre des concepteurs et des fabricants de vaccins non occidentaux. Outre les géants pharmaceutiques classiques, il existe d’autres acteurs. Le plus grand producteur de vaccins est une société indienne, Serum Institute of India. Cette société ne fabrique que des vaccins sous licence. Elle dépend donc de la volonté des géants pharmaceutiques de rendre leur savoir disponible. Il existe d’autres entreprises dans des pays non occidentaux qui ont développé leurs propres vaccins contre le coronavirus. Le russe Gamaleya et les chinois Sinovac et Sinopharm sont les plus connus.
Il est intéressant de noter que le développement de ces vaccins a été motivé par d’autres raisons et non par de nouvelles technologies. Ces vaccins utilisent principalement des techniques traditionnelles probablement mieux adaptées à un déploiement à grande échelle dans le cadre de campagnes de vaccination dans le monde entier, car elles peuvent utiliser les capacités de production existantes27.
Les vaccins chinois et russes sont utilisés avec succès à grande échelle dans plusieurs pays28. De plus, ces producteurs de vaccins sont généreux en vaccins et même en licences pour initier la production dans les pays en développement29. Cependant, pendant longtemps, ces vaccins n’ont pas été pris au sérieux. En outre, ils ne correspondent pas aux exigences des accords internationaux sur le contrôle de la qualité des vaccins. Par exemple, l’OMS dispose d’une procédure abrégée pour l’approbation des produits pharmaceutiques provenant d’un nombre limité de pays, principalement occidentaux, dotés d’« autorités réglementaires rigoureuses » 30. Les produits approuvés par ces régulateurs — de toute évidence principalement des pays occidentaux — sont presque automatiquement approuvés par l’OMS également. Les produits provenant d’autres pays doivent être soumis à une procédure lourde et longue, comprenant des inspections locales.
Ainsi le vaccin de Sinopharm n’est devenu le premier vaccin non occidental reconnu que le 7 mai 2021, soit plus de 4 mois après la reconnaissance du vaccin de Pfizer. Le vaccin Sinovac n’a suivi que le 1er juin, tandis que l’inspection du vaccin russe Sputnik V n’était pas encore terminée31. Cette approbation de l’OMS est importante, par exemple pour l’utilisation par les institutions de l’ONU et pour la distribution par Covax, le centre de distribution mondial des vaccins Corona, mais elle est également considérée par de nombreux pays comme une référence « indépendante ».
Pour la recherche et le développement de vaccins, il aurait néanmoins été préférable que les vaccins occidentaux et non occidentaux soient simplement mis sur un pied d’égalité afin de pouvoir être évalués simultanément. Dès lors il est probable que des recherches et des informations importantes provenant de ces pays soient restées dans l’ombre.