Le billet de Jean-Michel Galano. Le grand retour du social
Quel contraste ! Quel contraste entre les neuf momies du Conseil Constitutionnel, barricadées dans leur tour d’ivoire pour entériner la loi la plus régressive que notre pays ait connu depuis longtemps, et la foule dense, déterminée, joyeuse, qui fait entendre son refus ! Quel contraste entre un président de la République agissant dans le seul intérêt des puissances d’argent, ignorant délibérément les corps intermédiaires, et la cohésion de l’intersyndicale qui refuse de se plier à ses conditions et à son agenda !
Rien n’est joué et il faudra bien que le pouvoir et le patronat s’y fassent : d’ici le Premier Mai, qui s’annonce énorme, rien ne leur sera épargné : charivaris, occupations de dépôts et de raffineries, prises de paroles dans les entreprises, débrayages, délégations en préfectures, manifestations, ils auront droit à tout. À tout ce qu’autorise la démocratie sociale, qui rejette la violence aveugle tout comme les intimidations d’où qu’elles viennent.
Car une première leçon de cette période où le peuple se réapproprie la politique, c’est que le plus important ne se passe pas seulement dans le petit périmètre entre le Palais de l’Elysée, l’Hôtel Matignon et le Palais Bourbon. Le mouvement social s’est imposé comme une composante essentielle de la vie politique. C’en est assez de considérer le peuple comme une masse d’ignorants auprès de qui il s’agirait de faire preuve de « pédagogie ». Le peuple, ce sont ces millions de citoyens, salariés, retraités et jeunes, qui veulent profiter des fruits du travail social, qui est leur travail et qui réclament le paiement immédiat de ce qui leur est dû.
C’est cela, le retour, le grand retour du social. Certains à gauche avaient cru, souvent de bonne foi, pouvoir enjamber les questions de l’emploi, des salaires, des services publics et de l’industrie en mettant l’accent sur les questions dites sociétales, supposées plus porteuses notamment auprès des jeunes générations : écologie, féminisme, antiracisme, luttes contre les discriminations. Ces combats sont aussi les nôtres. Mais ils ne pourront aboutir sans ce ferment unificateur qu’est la lutte des classes menée contre un système qui, comme le disait Marx, « épuise la nature et les travailleurs ».
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