Avant-hier, mon cher amour, je suis rentré vers midi de chez Sylvie. Je serais bien resté jusqu'au mardi, mais j'avais rendez-vous avec le notaire à 15h. J'ai d'ailleurs attendu jusqu'à 15H 25, chez le notaire, il a fallu que je prenne mon mal en patience, et la patience n'a jamais été ma spécialité, tu le sais mieux que quiconque, mais il fallait bien que je sache où je vais, ce qui va m'arriver, maintenant que tu es partie, que je suis seul dans cette maison, il fallait que je sache ce qu'il va advenir de moi, si je pouvais en disposer, les frais que je vais devoir payer, etc..... J'ai ainsi appris que la moitié de nos comptes joints serait pour le bénéficiaire de ton testament, en plus de la totalité de ton épargne propre, nous avions mis la plus grosse part - façon de parler, c'est pas des millions - à ton nom, parce que je voulais te protéger de tout, protéger ton avenir, te garantir la vie la plus tranquille possible, dans le cas où je disparaîtrais, ce qui était logique, puisque tu as 7 ans de moins que moi. Nous n'avions même pas tenu compte de la probabilité inverse, puisque selon les oncologues, rien ne pourrait te guérir de cette saloperie de cancer de merde, cette infâme mal qui nous a privé de quelques années de bonheur, nous aurions dû plus sagement mieux répartir nos économies sur chacun de nous. Les comptes joints, je n'y ai pas pensé, pas plus que les comptes d'épargne..... Ceci a été la mauvaise surprise, mais j'aurais bien du me douter.....Ce qui n'a pas été le cas, j'étais bien trop malheureux à la seule idée de te perdre, lorsque nous avions fait enregistrer nos testaments, je ne pensais qu'à une seule chose: te protéger, faire en sorte que tu vives le mieux possible dans le cas logique où je disparaîtrais le premier.
Mais voilà, je suis seul, depuis que tu es partie, vendredi matin 30 novembre, libérée de ta souffrance insupportable, de ce mal cruel entre tous, et je dois faire face à la douleur, et à la situation nouvelle pour moi: je m'étais promis, je t'avais promis, de partir aussitôt après toi, je voulais te suivre parce que je considérais ne pas mériter de te survivre, alors que tu m'avais apporté tant d'amour et de bonheur, tant et tant de générosité, sans contrepartie, rien qu'au nom de ton indéfectible amour, je ne m'en sentais pas le droit, et puis Sylvie est venue vers moi. Et dès cet instant, je me suis pris à espérer qu'elle ne me laisserait pas totalement seul, que je pourrais avoir une seule et mince raison de te survivre, et qu'il me faudrait saisir cette chance, pour pouvoir continuer à te chérir de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces, parce que tu es un être exceptionnel, que je pourrai ainsi continuer de célébrer et d'aimer, de donner en exemple à tous ceux à qui je continuerai de parler de toi, jusqu'à la fin de mes jours. Ai-je raison? L'avenir proche me le dira, nous verrons un peu plus tard. Tu m'aideras sans doute à voir clair. Tu as été une femme adorable, à nulle autre pareille, je n'ai pas toujours sans doute été pour toi le compagnon parfait, avec mes défauts, toi qui en avais peu ou si peu, toi qui étais d'humeur constante, souriante, sociable à l'impossible, toujours à satisfaire mes désirs et mes plaisirs, heureusement toujours ou presque partagés à deux. Mais je n'oublierai jamais que, lorsque je t'ai dit en pleurant que tu avais fait de moi un homme heureux, tu m'as murmuré que je t'avais rendu heureuse. Aujourd'hui, donc, que ma fille s'est rapprochée de moi, je suis sûr que tu m'approuves, si tu vois, et tu le vois, parce que tu es ici partout, en moi, près de moi, autour de moi, si tu vois que je vais tout faire pour elle, pour son fils, mon petit-fils B. qui semble heureux de retrouver son papy, même à 24 ans, je lui parle de toi, je lui dis que tu l'aimais comme tu aimais TOUS les êtres que j'aimais, je lui dis et dis à tous que tu serais si heureuse d'être parmi nous, au sein de nos retrouvailles, et B. me dit qu'il te trouvait aussi chouette mamy que ce que je pouvais t'aimer. Mon devoir est donc de revoir ce qu nous avions décidé ensemble. Et je crois, je suis sûr, que tu m'approuves, que tu me guides, comme tu m'as toujours protégé.
Cette maison je ne sais si je pourrai y vivre comme nous y avons vécu. Aujourd'hui, j'y pleure beaucoup, beaucoup, elle est triste, vide, presque sinistre, tellement elle manque de ta voix, de tes pas qui traînaient sur le sol, de ta vie, ton existence chérie à jamais disparue, évanouie, de tes rires, tes actes, tes gestes quotidiens, toi qui faisais tout, qui rangeais tout, parfaitement, sans que je ne me rende totalement compte de l'immense chance que j'avais de vivre auprès d'une femme aussi adorable. Exceptionnelle!
"La dama discreta", a écrit pour toi et pour nous deux notre très cher Toni dans cet hommage absolument magnifique, que je garderai dans mon cœur jusqu'à mon dernier souffle. Quel ami exceptionnel, lui aussi, quel être généreux et bon, et quel cri du cœur d'un homme profondément humain, pour avoir écrit de si belles choses pour ma petite femme chérie, elle qui, en nous quittant, en mettant fin à son long calvaire, nous a causé tant de chagrin.
Encore merci de tant d'honneur, de tant d'amour, de tant de générosité, très cher Toni, très cher Pedro. Dans nos cœurs, hasta siempre.
Que je t'aime, mon immense amour. Que tu me manques !!