Le déshonneur
un article de l’Humanité qui sonne juste…
JEAN-EMMANUEL DUCOIN
JEUDI, 16 JUIN, 2016
L’HUMANITÉ
L’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin
Tout auditeur de France Inter, hier, a dû se demander dans
quel pays il vivait en ce moment et qui était donc ce premier ministre à
la haine si tenace que chacune de ses phrases nous renvoyait aux pires
époques de notre histoire contemporaine. Le visage de Manuel Valls était
fielleux. Quant aux mots qui accompagnaient son attitude gestuelle
empreinte de morgue, ils portaient la marque de la bassesse, de
l’infamie et du déshonneur. Au lendemain d’un puissant défilé, qui a un
peu plus isolé le gouvernement dans son absurde guerre de tranchées à
vouloir imposer coûte que coûte la loi travail en l’état, l’acharnement
de Valls à associer les manifestants aux casseurs a pris cette fois des
allures inacceptables. Car enfin ! ces bandes de casseurs, organisés et
repérés de longue date, ont pu semer la violence quasiment sans entrave,
s’attaquant même à l’hôpital Necker, où, entre parenthèses, les
employés subissent eux aussi les effets de l’austérité. La CGT et les
autres syndicats sont-ils responsables de ces agissements, comme ne
cesse de le répéter le gouvernement dans le seul but de discréditer le
mouvement social dans son ensemble ? Que faisaient les pouvoirs publics,
capables de pourchasser les hooligans aux abords des stades, mais pas
quelques dizaines d’illuminés connus et coupables d’actes
inadmissibles ? Concernant « sa » police, M. Valls ne s’explique pas.
Mais ce n’est pas tout. Répondant à un auditeur qui s’étonnait de son
animosité envers la CGT, l’hôte de Matignon osa le parallèle entre la
mort atroce des deux policiers et le conflit social en cours. Une
instrumentalisation scandaleuse et irresponsable. Indigne de la
fonction.
Soyons clairs : la fébrilité de l’exécutif se
transforme en autoritarisme que ne renierait pas la droite extrême. La
preuve ? Valls d’abord, puis François Hollande en personne, ont ainsi
suggéré l’idée qu’ils puissent désormais interdire les manifestations.
Toutes les barrières sont éventrées. Porter atteinte au droit
constitutionnel de manifester serait en effet l’apogée de la
criminalisation syndicale – vieille pulsion de destruction du
syndicalisme de classe. Hollande et Valls se disent prêts à renoncer aux
principes républicains. Ils sont devenus fous !