15 mai 2020
Deux écrans, deux mondes, deux systèmes de production
(Première partie)
Dominique MUSELET
Pendant
que nous étions enfermés seuls chez nous, nous étions dans une position
tout à fait spéciale pour observer la scène du monde à travers les deux
écrans que nous avions à notre disposition, l’officiel, la télévision,
et l’alternatif, l’ordinateur et Internet.
Deux écrans
Il faut une solide colonne vertébrale pour garder l’équilibre entre ces deux pôles. A la TV, la parole des puissants est célébrée comme parole d’évangile, quel que soit son niveau de crédibilité, et on dirait même que moins elle en a, plus les médias l’encensent, sans doute pour compenser. Les experts, les journalistes et autres éditorialistes qui squattent les plateaux sont la lie de l’humanité en matière de compétence comme de probité, leur seule qualité est d’être serviles jusqu’à l’abject. La loyauté à l’organisation est la qualité mafieuse par excellence. Le rôle de ces medias est d’incarner la bien-pensance face à des figures de la « dissidence » qu’on trouve, elles, sur internet. Je ne parle pas de révolutionnaires, non, simplement des gens qui sont encore assez libres ou honnêtes pour refuser de servir de marchepied aux puissants dans l’espoir que leur bienveillance ruissellera sur leurs têtes. La télévision orchestre ainsi des contre-feux à chaque voix non conforme qui se lève. Par exemple, contre le Professeur Raoult qui n’en faisait qu’à sa tête, une tête qu’on ne pouvait pas couper parce sa valeur et sa réputation étaient inattaquables, la télévision officielle a utilisé Karine Lacombe, une praticienne bien connue pour ses liens avec les laboratoires que France info, à défaut de pouvoir les nier, a présentés comme normaux. C’est, en effet, sans doute normal dans leur monde à eux.
Quant au Français vraiment normal, celui qui est simplement à la recherche d’informations exactes et véridiques, il doit louvoyer entre la propagande éhontée des médias du pouvoir et ce qu’il peut glaner sur Internet. C’est devenu extrêmement difficile de savoir ce qui se passe vraiment et à qui on peut se fier. Je comprends ceux qui se détournent carrément de ce panier de crabes et vont cultiver leur jardin comme Candide, enfin pour ceux qui en ont un...
Deux mondes
La période que nous venons de vivre n’est pas terminée même si l’épidémie est finie. Le gouvernement vient de l’admettre du bout des lèvres à l’issue du Conseil des ministres de ce mercredi 13 mai. Il peut se le permettre maintenant qu’il a réussi à faire prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 12 juillet pour tenter, à la faveur de ce qu’il nous restera de vacances, de nous faire oublier les conséquences désastreuses de sa gestion de l’épidémie. Ne doutons pas qu’il trouvera autre chose (pourquoi pas une seconde vague ?) pour nous empêcher de manifester en septembre.
On se doutait que l’épidémie touchait à sa fin. Outre que le Professeur Raoult nous l’avait dit, le Dr Laurence Peignot a fini par avouer au Point que les urgences étaient vides depuis un mois :
« Les internes que je côtoie me racontent leur stage hospitalier : les services qui ont été réorganisés pour accueillir les patients atteints du Covid ont été pleins durant deux ou trois semaines, au plus fort de la vague. Mais, depuis un mois, ce n’est plus du tout le cas. Les urgences sont désertes là n’est pas l’essentiel ».
Ce qui la contrariait le plus, c’était que « Certains médecins détournent à présent leur savoir et leur pouvoir pour alimenter une psychose collective qui va nous coûter cher sur le plan médical, social, psychologique et économique », avec évidemment la complicité des médias toujours prêts à affoler la population pour faire le buzz.
On comprend que les médecins, longtemps marginalisés par les économistes et autres experts patentés, essaient de profiter de la tribune que le Coronavirus leur offre pour faire avancer leur agenda, mais ce n’est plus de la médecine, c’est de la politique.
A propos des soins eux-mêmes, France 24 a interviewé, Andry Rajoelina, le président de Madagascar. C’était un dialogue de sourds très étrange. Le malheureux président expliquait en long, en large et en travers, qu’à Madagascar, ils n’ont pas eu un seul mort parce qu’ils ont trouvé un remède naturel qui guérit le virus, mais les deux journalistes se fichaient complètement des morts. Pour eux, ce ne sont pas les guérisons qui font la valeur d’un médicament, c’est l’estampille officielle, le cachet de l’administration. Peu importe, comme le souligne habilement le président malgache, que cette estampille ait causé la mort de milliers de personnes comme dans le cas du Médiator ou autres. Pour le président malgache, il s’agit d’une forme de racisme :
« Si c’était un pays européen qui avait découvert ce remède, est-ce qu’il y aurait autant de doutes ? Je ne pense pas [...] Le problème, c’est que cela vient d’Afrique. Et on ne peut pas accepter qu’un pays comme Madagascar, qui est le 163e pays le plus pauvre du monde, ait mis en place cette formule pour sauver le monde ».
Bien sûr, il a raison et le titre et le sous-titre « prétendument » équilibrés, mais pleins de sous-entendus, de l’article du Monde sur cette interview le prouvent à l’envi : « Madagascar : le président défend sa potion prétendument anti-coronavirus. Andry Rajoelina dénonce une attitude condescendante envers la médecine africaine, en balayant les critiques sur l’efficacité et les dangers de la potion à base d’artémisia ». Mais il y a aussi autre chose, à mon avis. Dans l’univers hors-sol et bureaucratisé de nos élites, la réalité n’a plus de valeur, la seule chose qui compte, c’est le cachet d’Autorités, aussi corrompues soient-elles, qui se soutiennent entre elles.
Mais dans le monde réel, les gens de terrain, qui ne peuvent se payer de mots ou de paraphes, soignent les gens, sans trop se préoccuper des Autorités de l’autre monde. Ainsi la Provence titre : « Malgré l’interdiction Coronavirus : l’explosion des prescriptions de l’hydroxychloroquine » et explique : « Malgré la polémique et les alertes, la prescription de la bithérapie de l’IHU associant azithromycine et hydroxychloroquine a été largement suivie en ville. Un bond de 7 000 % fin mars avec 10 000 patients ».
Deux systèmes de production
Il y a énormément d’articles en ce moment sur Internet sur l’après-covid. La situation inspire tout le monde. Les contributions se chevauchent de manière assez répétitive, du fait, sans doute, que les mêmes événements engendrent les mêmes réflexions, et que beaucoup de questions demeurent sans réponse. Mais parfois on trouve un joyau qui donne corps à ce qu’on pressent, et j’ai eu la chance d’en trouver deux, coup sur coup.
— Les travailleurs sont prêts à prendre le pouvoir sur la production
Le premier est un article de Jacques Chastaing, « Confinement et déconfinement sont des rapports de force, des rapports de classe » qui répond à une question que je me pose depuis le début : pourquoi l’oligarchie a-t-elle décidé de nous enfermer pendant deux mois sous bonne garde policière ? Comme lui, je ne crois pas une seule seconde que ce soit pour nous préserver de la maladie. La meilleure preuve c’est qu’aucune mesure de protection n’a été fournie aux Français et qu’aucun soin n’a été autorisé en attendant le résultat d’une hypothétique étude « Discovery » qui n’a évidemment rien donné.
Jacques Chastaing explique que c’est la résistance du monde du travail qui a provoqué cette décision :
« Face à la pandémie, le monde du travail, dans la foulée de ses résistances précédentes, a refusé massivement de sacrifier sa vie pour les profits des capitalistes en multipliant des droits de retrait, grèves, débrayages et mises en maladie dans les secteurs non indispensables à la survie immédiate ... Cette résistance a été immense et a amené le gouvernement à précipiter un confinement généralisé pour éviter le risque d’une marche du prolétariat vers un contrôle de fait de la production : qui produit quoi, pour qui et dans quelles conditions avec à partir de là, la prise de conscience générale de classe qui peut l’accompagner. »
Je trouve cela génial, car c’est bien là le nerf de la guerre : il faut abolir la propriété privée des moyens de production et le droit de tirage qu’elle donne sur la richesse produite par les travailleurs. Cela fait environ quatre siècles que la bourgeoisie travaille à renforcer et consolider la propriété privée par tous les moyens, légaux et illégaux. Et cela suffit !
J’ai revu dernièrement le film Jaurès, naissance d’un géant. Le film finit dans la liesse au moment où Jaurès est élu à la Chambre, en janvier 1893, après être parvenu à convaincre les vrais socialistes (les ouvriers qui voulaient prendre le pouvoir sur la production) de le choisir comme représentant, à l’issue de la grande grève des mineurs de Carmaux. La joie de la victoire est amère quand on sait que cette élection a sonné le glas du mouvement ouvrier socialo-anarchiste, vu que Jean Jaurès n’était au fond qu’un réformiste républicain qui entourait habilement ses actes d’un parfum révolutionnaire. Quant aux communistes, ils ont laissé leurs idéaux anti-capitalistes sombrer avec l’URSS. Depuis, à gauche, il ne reste plus que quelques minuscules groupes pour remettre en question la propriété privée des moyens de production.
Deux écrans
Il faut une solide colonne vertébrale pour garder l’équilibre entre ces deux pôles. A la TV, la parole des puissants est célébrée comme parole d’évangile, quel que soit son niveau de crédibilité, et on dirait même que moins elle en a, plus les médias l’encensent, sans doute pour compenser. Les experts, les journalistes et autres éditorialistes qui squattent les plateaux sont la lie de l’humanité en matière de compétence comme de probité, leur seule qualité est d’être serviles jusqu’à l’abject. La loyauté à l’organisation est la qualité mafieuse par excellence. Le rôle de ces medias est d’incarner la bien-pensance face à des figures de la « dissidence » qu’on trouve, elles, sur internet. Je ne parle pas de révolutionnaires, non, simplement des gens qui sont encore assez libres ou honnêtes pour refuser de servir de marchepied aux puissants dans l’espoir que leur bienveillance ruissellera sur leurs têtes. La télévision orchestre ainsi des contre-feux à chaque voix non conforme qui se lève. Par exemple, contre le Professeur Raoult qui n’en faisait qu’à sa tête, une tête qu’on ne pouvait pas couper parce sa valeur et sa réputation étaient inattaquables, la télévision officielle a utilisé Karine Lacombe, une praticienne bien connue pour ses liens avec les laboratoires que France info, à défaut de pouvoir les nier, a présentés comme normaux. C’est, en effet, sans doute normal dans leur monde à eux.
Quant au Français vraiment normal, celui qui est simplement à la recherche d’informations exactes et véridiques, il doit louvoyer entre la propagande éhontée des médias du pouvoir et ce qu’il peut glaner sur Internet. C’est devenu extrêmement difficile de savoir ce qui se passe vraiment et à qui on peut se fier. Je comprends ceux qui se détournent carrément de ce panier de crabes et vont cultiver leur jardin comme Candide, enfin pour ceux qui en ont un...
Deux mondes
La période que nous venons de vivre n’est pas terminée même si l’épidémie est finie. Le gouvernement vient de l’admettre du bout des lèvres à l’issue du Conseil des ministres de ce mercredi 13 mai. Il peut se le permettre maintenant qu’il a réussi à faire prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 12 juillet pour tenter, à la faveur de ce qu’il nous restera de vacances, de nous faire oublier les conséquences désastreuses de sa gestion de l’épidémie. Ne doutons pas qu’il trouvera autre chose (pourquoi pas une seconde vague ?) pour nous empêcher de manifester en septembre.
On se doutait que l’épidémie touchait à sa fin. Outre que le Professeur Raoult nous l’avait dit, le Dr Laurence Peignot a fini par avouer au Point que les urgences étaient vides depuis un mois :
« Les internes que je côtoie me racontent leur stage hospitalier : les services qui ont été réorganisés pour accueillir les patients atteints du Covid ont été pleins durant deux ou trois semaines, au plus fort de la vague. Mais, depuis un mois, ce n’est plus du tout le cas. Les urgences sont désertes là n’est pas l’essentiel ».
Ce qui la contrariait le plus, c’était que « Certains médecins détournent à présent leur savoir et leur pouvoir pour alimenter une psychose collective qui va nous coûter cher sur le plan médical, social, psychologique et économique », avec évidemment la complicité des médias toujours prêts à affoler la population pour faire le buzz.
On comprend que les médecins, longtemps marginalisés par les économistes et autres experts patentés, essaient de profiter de la tribune que le Coronavirus leur offre pour faire avancer leur agenda, mais ce n’est plus de la médecine, c’est de la politique.
A propos des soins eux-mêmes, France 24 a interviewé, Andry Rajoelina, le président de Madagascar. C’était un dialogue de sourds très étrange. Le malheureux président expliquait en long, en large et en travers, qu’à Madagascar, ils n’ont pas eu un seul mort parce qu’ils ont trouvé un remède naturel qui guérit le virus, mais les deux journalistes se fichaient complètement des morts. Pour eux, ce ne sont pas les guérisons qui font la valeur d’un médicament, c’est l’estampille officielle, le cachet de l’administration. Peu importe, comme le souligne habilement le président malgache, que cette estampille ait causé la mort de milliers de personnes comme dans le cas du Médiator ou autres. Pour le président malgache, il s’agit d’une forme de racisme :
« Si c’était un pays européen qui avait découvert ce remède, est-ce qu’il y aurait autant de doutes ? Je ne pense pas [...] Le problème, c’est que cela vient d’Afrique. Et on ne peut pas accepter qu’un pays comme Madagascar, qui est le 163e pays le plus pauvre du monde, ait mis en place cette formule pour sauver le monde ».
Bien sûr, il a raison et le titre et le sous-titre « prétendument » équilibrés, mais pleins de sous-entendus, de l’article du Monde sur cette interview le prouvent à l’envi : « Madagascar : le président défend sa potion prétendument anti-coronavirus. Andry Rajoelina dénonce une attitude condescendante envers la médecine africaine, en balayant les critiques sur l’efficacité et les dangers de la potion à base d’artémisia ». Mais il y a aussi autre chose, à mon avis. Dans l’univers hors-sol et bureaucratisé de nos élites, la réalité n’a plus de valeur, la seule chose qui compte, c’est le cachet d’Autorités, aussi corrompues soient-elles, qui se soutiennent entre elles.
Mais dans le monde réel, les gens de terrain, qui ne peuvent se payer de mots ou de paraphes, soignent les gens, sans trop se préoccuper des Autorités de l’autre monde. Ainsi la Provence titre : « Malgré l’interdiction Coronavirus : l’explosion des prescriptions de l’hydroxychloroquine » et explique : « Malgré la polémique et les alertes, la prescription de la bithérapie de l’IHU associant azithromycine et hydroxychloroquine a été largement suivie en ville. Un bond de 7 000 % fin mars avec 10 000 patients ».
Deux systèmes de production
Il y a énormément d’articles en ce moment sur Internet sur l’après-covid. La situation inspire tout le monde. Les contributions se chevauchent de manière assez répétitive, du fait, sans doute, que les mêmes événements engendrent les mêmes réflexions, et que beaucoup de questions demeurent sans réponse. Mais parfois on trouve un joyau qui donne corps à ce qu’on pressent, et j’ai eu la chance d’en trouver deux, coup sur coup.
— Les travailleurs sont prêts à prendre le pouvoir sur la production
Le premier est un article de Jacques Chastaing, « Confinement et déconfinement sont des rapports de force, des rapports de classe » qui répond à une question que je me pose depuis le début : pourquoi l’oligarchie a-t-elle décidé de nous enfermer pendant deux mois sous bonne garde policière ? Comme lui, je ne crois pas une seule seconde que ce soit pour nous préserver de la maladie. La meilleure preuve c’est qu’aucune mesure de protection n’a été fournie aux Français et qu’aucun soin n’a été autorisé en attendant le résultat d’une hypothétique étude « Discovery » qui n’a évidemment rien donné.
Jacques Chastaing explique que c’est la résistance du monde du travail qui a provoqué cette décision :
« Face à la pandémie, le monde du travail, dans la foulée de ses résistances précédentes, a refusé massivement de sacrifier sa vie pour les profits des capitalistes en multipliant des droits de retrait, grèves, débrayages et mises en maladie dans les secteurs non indispensables à la survie immédiate ... Cette résistance a été immense et a amené le gouvernement à précipiter un confinement généralisé pour éviter le risque d’une marche du prolétariat vers un contrôle de fait de la production : qui produit quoi, pour qui et dans quelles conditions avec à partir de là, la prise de conscience générale de classe qui peut l’accompagner. »
Je trouve cela génial, car c’est bien là le nerf de la guerre : il faut abolir la propriété privée des moyens de production et le droit de tirage qu’elle donne sur la richesse produite par les travailleurs. Cela fait environ quatre siècles que la bourgeoisie travaille à renforcer et consolider la propriété privée par tous les moyens, légaux et illégaux. Et cela suffit !
J’ai revu dernièrement le film Jaurès, naissance d’un géant. Le film finit dans la liesse au moment où Jaurès est élu à la Chambre, en janvier 1893, après être parvenu à convaincre les vrais socialistes (les ouvriers qui voulaient prendre le pouvoir sur la production) de le choisir comme représentant, à l’issue de la grande grève des mineurs de Carmaux. La joie de la victoire est amère quand on sait que cette élection a sonné le glas du mouvement ouvrier socialo-anarchiste, vu que Jean Jaurès n’était au fond qu’un réformiste républicain qui entourait habilement ses actes d’un parfum révolutionnaire. Quant aux communistes, ils ont laissé leurs idéaux anti-capitalistes sombrer avec l’URSS. Depuis, à gauche, il ne reste plus que quelques minuscules groupes pour remettre en question la propriété privée des moyens de production.