Par Michel Quinet, Secrétaire général du Parti de la démondialisation
Le 5 janvier 2021
Monsieur
le Président, je vous fais une lettre que vous ne lirez certainement
pas. Vous ne la lirez pas parce qu’il y a peu de chance qu’elle
parvienne jusqu’à vous et surtout parce qu’elle ne vous intéressera pas.
J’ai
regardé votre intervention. En différé, parce que j’avais autre chose à
faire le 31 décembre à 20 h ; j’avais à préparer le réveillon pour les
quelques amis réunis pour nous remonter le moral après l’année
catastrophique qui se terminait.
Et si le réveillon n’a pas pu avoir lieu normalement, ce n’est pas comme vous l’avez dit l’épidémie qui nous l’a interdit, c’est vous ! Année catastrophique à cause d’un virus et surtout de la façon calamiteuse dont vous et le gouvernement, les gouvernements dans leur ensemble et l’Union européenne, avez géré l’épidémie de Covid 19.
Car
dès le début votre priorité n’a jamais été la santé des Français, mais
que l’hôpital puisse « tenir ». Mais il ne pouvait pas tenir car depuis
deux décennies, sous l’impulsion de l’Union européenne et des
néolibéraux de tout poil, les gouvernements, de droite et de gauche, se
sont attachés à le détruire : tarification à l’acte (T2A), création des
agences régionales de santé (ARS), fermetures de lits, de services,
d’établissements. Et vous y êtes allé de votre projet de loi porté par
Mme Buzyn : restructuration et poursuite des fermetures d’hôpitaux,
développement de la télémédecine.
Non,
Monsieur le Président, un hôpital, comme tous les services publics, ne
se gère pas comme une entreprise, il ne doit pas et ne peut pas être un
centre de profits, il doit être au service des citoyens et de leur
santé. Cela implique qu’il y ait des lits et des équipements en quantité
suffisantes, des personnels soignants en nombre, formés et rémunérés à
un juste niveau.
Vous
nous avez balloté au fil de l’année et je ne reviendrais pas sur vos
manquements, à vous et à vos experts : masques ou pas masques, tests ou
pas, confinement généralisé même là où l’épidémie n’a jamais dépassé le
stade d’une grippe annuelle.
Année
catastrophique donc pour les gens simples, les « premiers de corvée »,
ceux que vous avez, toute honte bue, élevé au rang de héros nationaux
lors de votre allocution. Vous semblez découvrir ces visages mais je
crains qu’ils ne s’effacent très vite pour vous.
Oui ce sont bien eux qui « ont tenu notre pays dans l’épreuve.
». Mais votre hommage a un goût amer. Car leur récompense est bien
maigre : applaudissements, défilé sur les Champs-Élysées le 14 juillet,
primes éparses dans les grandes surfaces, revalorisation a minima
du salaire des personnels soignants, accordée aux forceps dans le cadre
de la farce du ʺSégur de la santéʺ. Mais cela ne suffit pas… Et vous
avez fait pire… les médecins en seront de leur poche puisque leurs
années de carrière pour percevoir une retraite (à points désormais) est
allongée de plusieurs années ! Les conditions d’exercice du métier
d’infirmière sont telles que de très nombreuses démissions ont été
enregistrées cet été. Quant à la situation des EHPAD, elle n’a cessé de
se dégrader, tant pour le personnel que pour les résidents !
L’année
a été dure pour eux, pour nous, elle ne l’a pas été pour tout le monde.
Certains payent même très cher votre gestion calamteuse. Les
travailleurs précaires se retrouvent sans ressources, car tous ne sont
pas inclus dans le périmètre des droits sociaux, les petits commerces
qui ne sont pas jugés essentiels – sur quels critères ? Quel mépris – ne
peuvent pas travailler. Le monde de la culture est sinistré.
Mais
non cela n’a pas été dur pour tout le monde, et certains tirent bien
leur épingle du jeu. Les grandes surfaces, devenues des magasins
indispensables, les entreprises du numérique – Gafam, Deliveroo, Uber,
Zoom et autres – prospèrent et ont vu leur chiffre d’affaires et leurs
profits exploser pour la plus grande joie de leurs actionnaires. Elles
ont surtout vu, plus grave encore, leur influence grandir au point de
modeler la société qui vient.
Alors
oui cette épidémie a vraiment été une bonne aubaine pour avancer plus
vite vers votre société du futur qui ressemble de plus en plus au « 1984
» de Georges Orwell ou au « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley. Vous
avez été habile, en jouant sur les peurs des gens, pour faire entrer
dans les mœurs la société du numérique, du sans contact – rappelez-vous
la lamentable « distanciation sociale » - , que vous appelez de vos
vœux, en affichant un mépris des « Amish » (vous êtes allé le chercher
loin celui-là) qui ont un autre projet de vie.
L’occasion
était trop belle pour votre gouvernement, et un peu partout dans le
monde occidental, de remettre un peu plus en cause la démocratie et
d’instaurer un régime autoritaire, où le Parlement n’est qu’une chambre
d’enregistrement. Et vous envisagez même de vous en passer dans votre
projet de loi « instituant un régime pérenne de gestions des urgences
sanitaires ». Elle est de la même inspiration anti-démocratique que
votre loi « de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme »
qui a banalisé dans le droit commun les mesures de l’état d’urgence
contre le terrorisme.
Lors
de votre première intervention, vous nous aviez promis, dans une grande
envolée lyrique, que rien ne serait plus comme avant. En effet, si on
vous laisse faire, ce sera pire.
Vous
vous vantez d’ouvrir des maisons « France services » qui ne sont que
des ersatz de services publics, vous vantez les mérites des enseignants
mais vous poursuivez la destruction de l’école publique au profit de
l’enseignement privé et du « distanciel », enfin vous prétendez avoir
engagé « une transformation en profondeur et des investissements historiques pour notre santé » quand il ne s’agit que de poursuivre la même politique de ʺrestructurationʺ, de fermeture de lits, de privatisation.
Vous dites « Notre souveraineté est nationale et je ferai tout pour que nous retrouvions la maîtrise de notre destinée et de nos vies. », mais vous osez ajouter aussitôt le contraire : « Mais cette souveraineté passe aussi par une Europe plus forte, plus autonome, plus unie. C’est ce que nous avons bâti en 2020
». Pourtant toute l’année a été ponctuée d’interminables ʺ Conseils de
la dernière chance ʺ où vous et vos semblables avez joué les
prolongations pour accoucher d’accords bancals, mettant en lumière les
divergences naturelles d’intérêts entre les pays membres de l’Union
européenne.
Il
faudra bien pourtant, comme les Britanniques, sortir de cette Union
européenne si nous voulons retrouver notre souveraineté nationale.
Gouverner
c’est choisir. Vous avez choisi : les premiers de cordée contre les
premiers de corvée, l’Union européenne contre la France.
Votre
objectif est d’imposer en France une politique néolibérale autoritaire
pour le plus grand profit de vos commanditaires des classes dominantes.
En
2021, notre objectif à nous, les classes dominées, ne changera pas :
vous combattre, vous et ce que vous représentez : le capitalisme
mondialisé version néolibérale. Le peuple subit de plus en plus
douloureusement les restrictions, les atteintes aux libertés, la
violence de vos policiers, votre mépris et votre autoritarisme. Soyez
assuré que nous ferons tout pour que le malaise, la méfiance et la
colère populaire se cristallisent dans une révolte qui vous balaiera.