Pourquoi cette équipe de France n’est-elle pas "black/blanc/beur" ?
mardi 17 juillet 2018
par le billet de Philippe Arnaud et la chronique de Jean Ortiz Blog de l'ANC
Pour la première fois sans doute,
je souhaitais ardemment que l’équipe de France de football batte
l’équipe de Croatie. Ce pays, régénéré par l’Allemagne au prix d’une
terrible guerre de religion qui enflamma les Balkans, avec son nouveau
gouvernement proche de l’Opus Dei et qui compte des ministres
révisionnistes et intégristes. Un ancien joueur croates à pu y
déclarer : « Quelqu’un sait contre qui exactement on joue la finale ?
Nous affrontons la République de France et le continent africain." Ce
racisme sans complexe venant d’un pays suprémaciste, pose néanmoins une
bonne question, à laquelle notre ami Philippe Arnaud essaye d’y apporter
sa contribution. Suivi, pour faire bonne mesure de la chronique de Jean
Ortiz : Manu, ne nous prend pas pour des cons !. JP
Chers tous,
Après la deuxième victoire de la France en Coupe du Monde de
football, je suis allé voir sur Wikipedia les origines des joueurs de
l’équipe de France :
Hugo
Lloris : père catalan, Steve Mandanda : né au Zaïre, Alphonse Areola :
parents philippins, Raphaël Varane : père martiniquais, Adil Rami :
parents marocains, Samuel Umtiti : né au Cameroun, Presnel Kimpembe :
père congolais et mère haïtienne, Djibril Sidibé : famille malienne,
Benjamin Mendy : origine sénégalaise, Blaise Matuidi : parents angolais,
Paul Pogba : parents guinéens, N’Golo Kanté : parents maliens, Corentin
Tolisso : père togolais, Steven Nzonzi : père congolais, Kylian
Mbappé : père camerounais, mère algérienne, Thomas Lemar : né en
Guadeloupe, Ousmane Dembélé : père malien, mère sénégalo-mauritanienne,
Antoine Griezmann : père allemand, mère portugaise, Nabil Fekir :
parents algériens.
Remarque 1. J’ai inclus, dans le décompte, Raphaël
Varane et Thomas Lemar, qui ne sont pas, à proprement parler, d’origine
étrangère mais nés en Guadeloupe et en Martinique, donc Français.
Néanmoins, chacun sait que les ancêtres de nos compatriotes des
départements d’outre-mer ne sont pas venus dans ces lieux de leur plein
gré, mais quelque peu "forcés" par les négriers. Et que le racisme s’y
est poursuivi bien au-delà de l’abolition de l’esclavage en 1848.
A preuve les quelque 100 morts de l’insurrection de la Guadeloupe en
mai 1967 (ou les 19 morts de la grotte d’Ouvéa, en mai 1988). Et la
grève de 2009 à la Guadeloupe, où les Békés (Blancs descendants des
colonisateurs, et qui tiennent encore toute l’économie) ne furent pas
avares de réflexions racistes à l’égard des grévistes. Et, lorsqu’ils
étaient jeunes, mes enfants avaient des amis martiniquais qui, lors des
sorties nocturnes, se faisaient systématiquement contrôler par la
police. Sur le total des joueurs, il n’y a guère que Benjamin Pavard,
Florian Thauvin et Olivier Giroud qui soient "Français" au sens étriqué
et mesquin l’extrême-droite.
Remarque 2. Sur le total des joueurs d’origine
"exotique", il est à noter que seuls Steve Mandanda et Samuel Umtiti
sont nés hors de France, le premier au Zaïre, le second au Cameroun.
Tous les autres sont nés en France et même, hormis Thomas Lemar, nés en
France métropolitaine. Ils ont donc eu une enfance et une adolescence
(ils en sortent à peine) entièrement plongées dans un environnement
français (éducatif et culturel).
Il en va de même, d’ailleurs, des joueurs anglais, où seul Raheem
Sterling est né à la Jamaïque. Tous les autres joueurs d’origine
"exotique" (Kyle Walker, Danny Rose, Fabian Delph, Ashley Young, Trent
Alexander Arnold, Jesse Lingard, Dele Alli, Ruben Loftus-Cheek, Danny
Welbeck, et Marcus Rashford) sont nés au Royaume-Uni et ils ont même des
prénoms et des noms davantage "british" que ceux nos joueurs
"exotiques".
Je n’ai pas réussi à trouver l’origine de tous leurs parents, mais
celles que j’ai collectées montrent des racines à la Jamaïque, à la
Guyane anglaise ou au Ghana, c’est-à-dire dans d’anciennes possessions
britanniques. De ce point de vue, le "recrutement" hors métropole des
Anglais est homologue à celui des Français : chacun a puisé dans son
aire linguistique.
Remarque 3. Ces remarques vont dans le même sens que
l’article de David Garcia de ce mois-ci dans le Diplo (Misère du
football africain). En effet, même si aucun des joueurs précités n’est à
proprement parler africain (puisque la très grande majorité sont nés
soit en France soit en Angleterre), il n’empêche pas moins qu’ils
exercent une fascination sur les Africains.
J’ai eu l’occasion de côtoyer de près, depuis plusieurs mois, de
jeunes migrants (surtout d’origine guinéenne). Lorsqu’on leur demande
quel sport ils préfèrent, c’est invariablement le football qui revient
en premier dans leurs réponses. Et ils connaissent les noms des joueurs
(évoluant dans des clubs français ou européens ou en équipe de France)
qui sont originaires d’Afrique (comme Paul Pogba, de Guinée). Et ils en
éprouvent de la fascination et en conçoivent de la fierté, y compris
pour les joueurs qui ne sont pas, à proprement parler originaires du
même pays qu’eux. A preuve : dans la foule qui accueillait les joueurs
hier sur les Champs-Élysées, j’ai vu, à côté des drapeaux français,
certains drapeaux vert-jaune-rouge (du Mali ou du Sénégal) et il me
semble même avoir aperçu un drapeau algérien.
Remarque 3bis. La fascination risque de jouer encore
plus au détriment des clubs et équipes de football africains avec
l’exemple d’un Kylian Mbappé, qui a pour lui d’être jeune (19 ans), donc
de fournir un modèle d’identification à des migrants (parfois âgés de
16 à 17 ans, donc proches de lui), il gagne 17,5 millions par an (ce qui
représente le budget football cumulé de plusieurs pays africains), et a
marqué plusieurs fois dans cette Coupe du monde (notamment le dernier
but victorieux contre la Croatie, ce qui devrait encore plus propulser
son salaire vers des sommets).
Ils peuvent se dire : "J’ai le même âge que lui, je joue au football
comme lui, pourquoi pas moi ?". L’aimantation des clubs européens (les
Sud-Américains ont été éliminés des 4 finalistes et demi-finalistes)
n’en sera que plus grande.
Remarque 4. Il semblerait donc que l’équipe
victorieuse de 2018 soit au moins aussi "Black" que celle de 1998. Ce
qui est surprenant, néanmoins, c’est que je n’ai pas entendu les
journalistes, comme il y a 20 ans, insister sur ce point et parler, avec
des trémolos dans la voix, de la victoire de l’équipe des
"Black-Blanc-Beur", symbole d’une intégration (supposée) réussie.
Auraient-ils, par autocensure, voulu ne pas provoquer
l’extrême-droite ? Ou, à l’inverse, considéreraient-ils que le
"métissage" ou le "mélange" des Français était devenu tel qu’il ne
valait même plus la peine d’en parler ? Ou même que l’insistance sur
l’aspect physique des joueurs pouvait désormais être considérée comme
déplacée, insultante, voire raciste ?
Ou, au contraire, seraient-ils résignés et blasés, et
considéreraient-ils que l’affection, l’admiration, l’adulation pour la
vitesse, les dribles, les passes, les tirs au but d’un Kylian Mbappé,
d’un Paul Pogba, d’un Samuel Umtiti ne changeraient en rien la
xénophobie et le racisme d’une partie (qu’on peut espérer minoritaire)
de la société française ?
Manu, ne nous prend pas pour des cons !
Manu, tu as failli nous gâcher la fête. Tes communicatoires te
répètent que tu apparais trop lointain du populo, que tu manques de
proximité, que « tu le la pètes ».
EXCUSEZ -MOI Monsieur le président mais je me rends compte que je
vous tutoie... Habitude par trop espagnole. Je t’ai soudain pris en
sympathie. La Sympathie, ce n’est pas très loin de la Croatie.
Alors Manu, je t’ai vu, oui « t’es pris », tu as décidé de confisquer
le ballon, de tirer la couverture à toi, et de te donner en pestacle,
comme disent les gosses. Tu étais le chauffe sale et vas-y que je te
poutoune, que je t’étreigne, que je te serre. Alors là, quelle
spontanéité ! Quand l’aristo veut « faire peuple » : mort de rire !! Le
rôle de M. Loyal t’allait comme tique sur la queue d’un chat.
Et tu en as rajouté. Le moment était propice : des millions de
Français vivaient le partage, le bonheur qu’on leur refuse, créant du
lien, un langage universel ; ils voulaient faire peuple, tous ensemble,
autour de valeurs que tu piétines et méprises tous les jours....
« Vive la République !! » dans la bouche d’un aristo, une main
voyageuse et l’autre figée sur l’audimat comme le thermomètre sortant du
trou après avoir rempli sa mission : ça me fait drôle ! Mais ça
marche... Remarque, tu n’en n’es pas à ton coup d’essai... Tu as déjà eu
Johnny.
Manu, tu en retrousses les manches ; pour les téloches, tu serres
contre toi cette France que tu aimes tant saigner. Tu as séquestré,
interminable étape, à l’Elysée cette équipe de jeunes, de milieux
modestes devenus multimillionnaires, et « premiers de cordée ». Alors,
« Tombe la chemise... », ça vaut le coup. Allez, chauffe, chauffe,
Manu : des Français de toutes les couleurs ! Qu’elle est belle cette
France métissée, multiculturelle... Tu aurais dû lancer : « Maintenant,
interdit de voter FN ; de repousser, de maltraiter nos frères les
migrants »...
Et les vestiaires ? C’est le saint des saints : le vestiaire ! Manu
sue, il ne tient pas en place. Brigitte essaie vainement quelques
mouvements ondulatoires... Comme en pleine campagne électorale, soudain
Manu pète les plombs et s’égosille : « Cet exemple, vous allez me le
porter ». « A vos ordres, Président ! » Cela a le mérite de la clarté...
Les spécialistes en com’ qui te drivent referment leurs manuels. « Avec
un peu de chance, ça nous fait jusqu’aux Européennes ! »
Mais si tu savais, Manu, combien la ficelle avait la grosseur d’un
câble. Je t’ai trouvé fidèle à toi-même, à ton mépris de classe, à ta
condescendance, Monsieur le président de la République. Il y a des
instrumentalisations qui
donnent la nausée
Jean Ortiz .