Une loi « Immigration » inutile, et des partis présidentiels en pleine turbulence
Agora Vox
Alors que Gérald Darmanin avait indiqué en commission que le texte voté le 19/12/2023 comporte des mesures « manifestement et clairement contraires à la Constitution », après le vote, Emmanuel Macron saisit le conseil Constitutionnel pour « statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi ». Ce qui a de quoi étonner, car le rôle du parlement est de faire des lois conforme à la constitution
En imposant à tout prix une loi, dont une partie plus que fragile
sur le plan Constitutionnel, Emmanuel Macron déstabilise encore
davantage les partis présidentiels
Dans la loi « immigration », les mesures qui, selon les observateurs,
semblent les plus fragiles d’un point de vue constitutionnel concernent
les quotas, les prestations sociales ou le droit du sol qui ont été introduites au Sénat.
Au cours du travail en commission, comme le rappelle son entourage,
Gérald Darmanin a lui même émis un avis défavorable sur la plupart
d’entre elles et dès la fin de la discussion au Sénat, il a mis en garde « contre le risque d’inconstitutionnalité ». Emmanuel Macron a par ailleurs saisi le conseil Constitutionnel immédiatement après le vote de la loi pour qu’il puisse « statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi « . Ce
qui a de quoi surprendre, car le rôle du parlement est de faire des
lois conforme à la constitution et pour cela il y a des juristes
spécialistes de droit Constitutionnel qui peuvent être consultés, dès
que le projet d’un texte de loi est sur le point d’être finalisé en
commission et avant qu’il ne soit soumis au vote.
On peut dès lors comprendre que cela ait soulevé l’ire de LR qui a
vivement réagi. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, avait
tweeté depuis Israël : « Emmanuel Macron a donné pour consigne de tout faire pour que cette loi ne
soit pas appliquée. Si c’est le cas, ce serait un abus d’autorité
inacceptable. Nous passerions alors d’une crise politique à un grave
problème démocratique ». L’eurodéputé (PPE) Brice
Hortefeux, ancien ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy,
s’empressant de rappeler sur BFM-TV que le Conseil constitutionnel « ne peut pas être une chambre d’appel »… Il
est vrai que dans l’attente de l’avis du Conseil Constitutionnel
Emmanuel Macron est dispensé de signer le décret d’application de cette
loi, ce qui est tout de même contradictoire avec sa volonté de vouloir
immédiatement cette loi « immigration »...
L’avis de Gérald Darmanin et l’initiative d’Emmanuel Macron est
Incroyable ! Si le législateur n’est pas infaillible, c’est toutefois le
parlement qui doit faire adopter des lois conforme à la Constitution et
dans ce cas le ministre de l’intérieur devait, après accord sur le
texte en commission, demander préalablement l’avis du Conseil
Constitutionnel avant que le texte de la loi soit soumis au vote des parlementaires. Par ailleurs, le droit de l’Union européenne régit de plus en plus aujourd’hui le droit des étrangers,
à l’instar des autres branches du droit. Ce résultat découle de la
nouvelle approche prise depuis les Accords de Schengen, la Convention de
Dublin et le Traité d’Amsterdam. Le niveau d’appréhension des
problématiques de l’immigration est aujourd’hui prioritairement européen
et non plus seulement national, or avant que la loi « immigration » ne
fut soumise au vote, a t-on vérifié si la totalité du texte la la loi est conforme aux règles Européennes ? Certain(e)s
spécialistes en doutent... Cette situation pour le moins confuse en
droit explique probablement en partie qu’un quart des députés des partis
présidentiels, entre votes contre et abstentions, n’aient pas voté
cette loi. Pour rappel, Sur les 170 députés Renaissance, 131 ont voté pour, 20 ont voté contre et 17 se sont abstenus, 2 députés, étaient absents. Sur les 51 députés Modem, 30 ont voté pour, 5 ont voté contre et 15 se sont abstenus, un député était absent. Sur les 30 députés Horizons, 28 ont voté pour, 2 ont voté contre.
Du « pain bénit » pour le RN et Marine Lepen
La première ministre et le ministre de l’intérieur ont beau affirmer que sans le vote des députés RN, la loi « immigration » aurait été adoptée, ce qui n’est pas certains, car si le RN avait voté contre le projet de loi était rejeté. Faut-il rappeler que pour ce projet de loi « immigration », ont voté pour 394, contre 186 et 38 abstentions.
Si au lieu de voter pour la loi, les 88 député du RN s’était abstenu, il y aurait eu 261 voix pour, 186 contre et 126 abstention et la loi serait adoptée, par contre, si les 88 députés du RN avaient voté contre la loi, il y aurait eu 261 voix pour, 274 contre, 38 abstentions
et même si quelques voix d’abstentionnistes ( moins d’une dizaine
recensés) qui ne voulaient pas mêler leur voix avec celles du RN avaient
voté pour, la loi n’aurait pas été adoptée.
Que le gouvernement et les députés qui ont approuvé ce projet de loi
« immigration » soutiennent mordicus qu’ils n’ont pas eu besoin des voix
des députés du RN, là c’est moins sûr et sachant que Marine
Lepen a été au coeur des débats, en final et bien malgré eux, qu’il
s’agisse du président de la république, du gouvernement et député(e)s
des partis présidentiels, comme ceux de LR, ils lui ont fait une publicité, dont en final elle sort la seule gagnante de l’opération.
Même si à posteriori, comme on peut le supposer, le Conseil
Constitutionnel invalide certaines dispositions de cette loi, cela lui
donnera encore l’occasion de « déblatérer » sur le sujet...
Par sa situation géographique à l'ouest de l'Europe, avec un
climat tempéré, bordée par trois mer et un océan, la France fut tout au
long de l'histoire une lieu des différentes migrations de populations.
Pour rappel, au Nord, la France est bordée par la mer du Nord et la Manche. Ce sont des mers plutôt froides. La Manche sépare la France du Royaume-Uni. L’Océan Atlantique, le 2 ème plus grand océan du monde (après l’océan Pacifique), borde la France à l’Ouest. La mer Méditerranée qui la borde au sud est un vaste espace de 2,5 millions de km² séparant l’Europe de l’Afrique.
La Méditerranée n’est pas seulement un espace maritime de 2,5 millions
de Km2 incluant deux mers intérieures (Adriatique et Egée), séparé de
l’Atlantique à l’ouest, par le détroit de Gibraltar, de la mer Noire à
l’Est, par le Bosphore (voie d’accès à la mer de Marmara par les
Dardanelles), elle relie 21 Etats abritant près de 520 millions d’habitants.
Au carrefour de trois continents, Afrique, Asie et Europe, elle est
aussi le berceau de grandes civilisations, le théâtre géographique et
historique de la vie de peuples et de cités établis au fil des siècles
sur ses rivages, une mer « au milieu des terres » propice à la
navigation et aux échanges, mais aussi aux rivalités et aux
confrontations. L’actualité nous confirme quotidiennement que la
Méditerranée et ses rivages demeurent un espace et un enjeu
d’affrontements. De nos jours, la mer Méditerranée borde 21 pays sur
trois continents. Elle occupe ainsi une position géopolitique essentielle entre l’Europe avec 12 pays, l’Afrique 5 pays et l’Asie proche orientale 4 pays.
La Méditerranée a un rôle essentiel par rapport au défi des énergies
Moteur de l’économie mondiale, l’énergie est un enjeu essentiel. Si
les ressources et les énergies fossiles, Gaz, pétrole,charbon, uranium,
mais aussi les terres rares, sont indispensables au confort de vie et à
l’activité économique, les besoins énergétiques de l’humanité ne cessent d’augmenter avec les besoins inhérent à la croissance démographique qui a presque doublé en 40 ans (4,5 mlliards en 1983, 8,2 millliards en 2023) alors que ces énergies ne sont pas inépuisables,
dégradent l’environnement et entraînent, par les rejets de CO2 et
autres gaz à effet de serre, le dérèglement climatique de notre planète.
Si l’objectif, sans cesse clamé par nos gouvernants, d’un
développement durable visant à laisser un environnement stable, sain et
paisible aux futures générations constitue un enjeu socio-économique et
un défi technologique, les efforts pour l’atteindre ont à peine commencé
et les énergies fossiles (pétrole, gaz, uranium pour le nucléaire) ont
encore des perspectives d’utilisation nécessitant la poursuite des efforts de production et d’exploration très important à cause de la croissance démographique. Croissance démographique avec ses besoins inhérents en énergie totalement exclue de la pensée politique
La Méditerranée est une voie d’accès essentielle aux principales
réserves mondiales d’hydrocarbures du Moyen Orient et du Golfe persique,
ainsi qu’aux importantes réserves de gaz de l’Algérie. La Turquie, par
laquelle transitent des hydrocarbures provenant de Russie et
d’Azerbaïdjan, s’efforce d’y devenir un intermédiaire indispensable pour
le marché européen.
La France, par sa position géographique au nord de la Méditerranée à l'ouest de l'Europe, fut tout au long de l'histoire une lieu de passage des différentes migrations de populations et ce n’est pas fini.
Souvent ces migrations se firent en nombre dans des affrontements
directs et violents, ce qui n’est pas le cas, du moins pour le moment,
mais attention ! la guerre larvées qui semble se dessiner entre le monde
Arabo-musulman et le monde Occidental n’exclue rien dans ce domaine.
Si les flux d’immigration étaient majoritairement masculins, comblant
les besoins de main d’œuvre nés de la reconstruction d’après-guerre,
puis ceux de la période des Trente Glorieuses, aujourd’hui les
migrations sont des populations fuyant des conflits tant au moyen Orient
qu’en Ukraine et ailleurs, ainsi que les talibans en Afghanistan, mais
aussi la misère, surtout en Afrique Subsaharienne. Aussi bien cette loi
et la volonté de n’accueillir qu’une immigration choisie est un leurre.
Rien n’empêchera des populations fuyant des zones de conflits dans des
pays au sud de la Méditerranée ou la misère à vouloir migrer vers le
nord ce celle-ci, dont la France qui fut l’un des pays colonisateur, et
pour laquelle la barrière de la langue n’est pas encore un obstacle. Si
on y ajoute les dérèglements climatiques et le problème majeur de l’eau,
on peut comprendre ces populations, y compris en prenant le risque de
finir leur vie dans cet immense cercueil qu’est désormais la
Méditerranée.
Qu’elle est la situation actuelle de la population immigrée en France ?
En fait, sur 68 millions d’habitants, la population de la France compte actuellement 7 millions d’immigrés régulièrement enregistrés (10,3%) dont 2,5 millions ont acquis la nationalité française depuis leur arrivée dans notre pays et 4,5 millions sont d’une autre nationalité.
Selon une étude de l’INSEE publiée en 2021, 47,5% des immigrés vivant sur le territoire français sont nés en Afrique, 33,1% sont
nés en Europe. Leurs pays de naissance les plus fréquents sont
l’Algérie (12,7%), le Maroc (12%), le Portugal (8,6%), la Tunisie
(4,5%), l’Italie (4,1%), la Turquie (3,6%) et l’Espagne (3,5%). La
moitié des immigrés est originaire de l’un de ces sept pays. L’ensemble
de la population de nationalité étrangère vivant en France représente 7,7% de la population de notre pays, contre 6,5% en 1975 et 4,4% en 1946.
Jusqu’au milieu des années 1970, les flux d’immigration étaient
majoritairement masculins, comblant les besoins de main d’œuvre nés de
la reconstruction d’après-guerre, puis ceux de la période des Trente
Glorieuses. A partir de 1974 l’immigration de travail a été freinée et
l’immigration familiale a commencé à augmenter. En 2021, 52% des
immigrés étaient des femmes, contre 44% en 1975 et 45% en 1946.
En 2022, le ministère de l’Intérieur a délivré un total de 320 330
premiers titres de séjour, dont 108 340 à des étudiants étrangers. 65
833 Ukrainiens ont bénéficié d’une autorisation provisoire de séjour et
19 819 étrangers en situation irrégulière ont dû quitter le territoire
français (+ 14,9% par rapport à l’année précédente).
Toujours en 2022, les Guichets Uniques de Demande d’Asile (GUDA) ont
reçu 156 103 demandes d’asile, dont une grande partie provenant
d’Afghanistan, du Bengladesh, de Turquie, de Géorgie et de République
Démocratique du Congo. Cette augmentation a été également constatée dans
d’autres pays de l’Union Européenne où 900 000 demandes d’asile ont été
enregistrées de janvier 2022 à fin novembre 2022 (contre 587 000 en
2021).
De leur côté, l’Office Français des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et la Cour Nationale de Droit d’Asile (CNDA) ont prononcé 56 179 décisions accordant un statut de protection soit une légère augmentation de 3,3% par rapport à 2021.
Par ailleurs, les éloignements d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire français se sont élevés à 15 400
en 2022, sans doute freinés par les effets du Covid 19 sur les
transports aériens et la réglementation sanitaire, alors qu’ils
atteignaient 23 700 en 2019. Dans le même temps, les préfectures ont notifié 152 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF).
Pour conclure
Plutôt de céder aux sirènes d’une certaine droite et de prendre le
risque d’inconstitutionnalité de tout ou partie de cette
loi »immigration », qui en aucun cas n’empêchera des flux migratoires en
lieu et place de l’Europe, une simple modification des lois existantes
pour renvoyer systématiquement les migrants en situation irrégulière et
les délinquants récidivistes vers leurs pays d’origine aurait suffit.
Encore faut-il permettre à ces personnes de pouvoir vivre dans leur pays
et cela relève de la politique économique et démographique des
relations internationales avec ces pays que doit avoir la France.