jeudi 6 avril 2017

HISTOIRE DE TIMEPEEKER!!!(*)


Le malheur du DRH : « J’ai freiné des deux pieds »

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Un max de rencontres, hier mardi, à Abbeville : avec les délégués de Verescence, de Gervois, avec les mamans du Soleil Levant, avec les copains copines des Beaux-Arts, etc. Mais dans l’urgence, entre des tracts à rédiger et des courriels à envoyer, je voudrais m’arrêter sur une histoire, celle d'Arnaud. 
Sa boîte, on va la rebaptiser. Milkay, par exemple. C’est un mastodonte, vraiment un des géants de l’agroalimentaire, de la pub partout, des milliards de bénéfices. Et ce témoignage me paraît important, parce qu’il provient de l’autre côté de la barrière, mais qu’il dit la même horreur économique :
« J’étais cadre RH, ‘ressources humaines’, à M., sur un site industriel, en pleine campagne picarde.
Moi, je suis un ‘bébé Milkay’, ils m’ont pris au berceau. Je suis rentré dedans tout jeune, je n’avais pas de diplôme. J’ai eu la chance que la RH n’existe pas encore, c’était la ‘direction du personnel’ à l’époque, j’ai pris le train de l’informatique en marche, du management aussi, j’ai suivi des cours du soir. Des parcours comme le mien, ça ne serait plus possible aujourd’hui, le ticket d’entrée serait trop élevé, à bac +5 et encore.
Ca faisait 35 ans, donc, que j’étais chez Milkay France, 35 ans que je dormais la semaine à l’hôtel, avec ma petite valoche, que je ne rentrais à Abbeville que le week-end, et un beau jour, ils m’ont licencié pour ‘insuffisance professionnelle’. On m’a dit : ‘T’es plus dans la course.’ C’était à 14 h, une belle après-midi de printemps, l’an dernier. En deux heures de temps, j’ai mis mes affaires dans un carton, j’ai rendu mes clés, ils ont désactivé mon ordinateur…
Il a fallu encaisser. Après un moment de doute, j’ai mis mon employeur aux prud’hommes, et on est parvenus à un compromis : ils ont payé, cher, je ne dois pas dire combien, ni dénigrer mon entreprise. Mais l’argent ne répare pas tout.
Pour dire la vérité, j’étais un peu démotivé dans mon travail. Dans des grosses boites comme Milkay, ces dernières années, c’est toujours ‘réduire les coûts, réduire les coûts’, il faut diminuer les dépenses de personnel, et je devais donc charger les personnes sous ma responsabilité. C’était tout le temps dans mes objectifs : cascader, faire redescendre la pression. Et c’était pour moi contre-nature. J’éprouvais un écoeurement devant ma tâche, devant mon métier.
Finalement, lors du licenciement, ils m’ont presque reproché mon humanité. D’ailleurs, sur le panneau d’affichage, j’ai aperçu des témoignages de sympathie des syndicats, ce qui est tout de même rare pour un RH, alors que je me trouvais du mauvais côté de la barrière. Ils protestaient contre mon éviction, d’après eux je payais de n’être ‘pas dans le moule’…

Le pire, c’était avec les sous-traitants.

Au fur et à mesure des années, Milkay a externalisé son entretien, son gardiennage, à des sociétés spécialisées. Ca a plein d’avantages. Ca permettait à Milkay d’échapper aux grilles, de ne pas payer les gens selon les accords d’entreprise, de ne plus financer des formations. Pour les horaires, c’était sur mesure, deux heures le matin deux heures le soir. Et si le travail n’est pas bien fait, on ne paie pas, on leur fourgue des pénalités en cas de retard.
Faut voir comment les devis étaient faits, c’était de la folie : ils arrivent avec un appareil pour mesurer combien y a de mètres carrés de vitres, et au sol, la personne a par exemple 5 h pour tout terminer, elles ne rigolaient pas. Tandis que nos femmes de service, c’était un peu plus relax, et elles touchaient jusqu’à 1900 €. Sans compter l’absentéisme, là, pas de souci, c’est remplacé dans les cinq minutes… Pareil pour les vigiles : tu comprimes les tarifs tous les ans. Tu les serres.

J’ai aussi vu changer le management, avec l’arrivée du ‘toyotisme’.

L’idée, c’est qu’on affiche ce qu’on fait aux yeux de tous, tout peut être remis en cause. Donc, on a un grand tableau Velleda, avec des smileys dessus, des codes couleurs, jaune, vert, c’est vachement artistique. On met des notes, surtout quand ce n’est pas fait : ‘Pourquoi Marc n’a pas désherbé l’allée aujourd’hui ? Par manque de temps’. Donc, tu indiques sur le panneau que tu vas le faire demain. Et si le lendemain tu n’y parviens pas, si t’as la tête sous l’eau, tu culpabilises, aux yeux de tous, de l’équipe… tandis qu’avant, le chef serait venu te voir, et moi je préférais.
On demande aussi aux gens d’adopter un nouveau langage. T’es en plein milieu de la Picardie, y a des gars de cinquante ans, les études c’est pas leur fort, je veux pas caricaturer, mais tu leur dis : ‘Tu devrais faire un go see’, ou alors carrément un ‘go see think do’. Tous les jours, on fait des DOR, des ‘Daily operation review’, et puis on a la WOR, la ‘Weekly operation review’, ou encore la MOR, la ‘Monthly’. Et ça donne des scènes assez cocasses, à l’entrée d’une réunion, un cadre qui annonce à un ouvrier :
- Bon, c’est toi le timekeeper.
- Mais qu’est-ce que je fais, chef ?
Bref, j’ai lutté doucement. J’ai freiné des deux pieds, avec un peu d’humour, de la dérision. Mais ce sont des systèmes qui ne tolèrent pas tellement l’humour. Je me suis épuisé à ça. »
* (Emprunté à Fakir, journal fâché avec tout le monde ou presque)

dimanche 2 avril 2017

IL N'EST PAS TROP TARD POUR PRENDRE LA MESURE

POUR SAUVER LA GAUCHE ET LA SOUVERAINETÉ


Publié par El Diablo

photo: el diablo
photo: el diablo
On vous dira que ce n’est pas vrai, mais vous pouvez, si vous le voulez, créer la surprise le 23 avril. Vous pouvez, si vous vous en donnez les moyens, porter très haut la “France insoumise” et contribuer à bâtir cette force dont la vraie gauche, celle qui défend le peuple sous les crachats, a tant besoin dans un pays ravagé par l'égoïsme des nantis et miné par la résignation des humbles.
Mais pour y parvenir, il faut faire des choix clairs, compris de tous. C'est le moment ou jamais ! Vous pouvez représenter, demain, la principale force de gauche, reléguant un parti socialiste vermoulu à la place subalterne qu'il mérite, comme la SFIO des années 60. Si vous laissez passer cette occasion historique, en revanche, la classe qui se croit supérieure parce qu'elle détient le capital continuera de tenir le haut du pavé avec le concours de ses larbins de la vraie droite et de la fausse gauche.
Alors, allez droit au but, et tapez fort ! Vous n’y échapperez pas. L'enjeu essentiel, c'est la restauration de la souveraineté nationale, sans laquelle la révolution citoyenne que vous appelez de vos vœux restera lettre morte. Allez jusqu'au bout de vos idées, ne décevez pas les espoirs que vous suscitez, levez les équivoques dont souffre encore votre campagne. Parlez au peuple, et parlez peuple. Dites que, si vous êtes élu, vous proposerez aux Français, par référendum, la sortie de l'Union européenne.
Cette mystification supranationale, cette supercherie néolibérale n'a que trop duré. C'est un carcan imposé aux peuples par une oligarchie cupide, et vous le savez. Ne faites pas semblant de croire qu'elle est réformable, car elle ne l'est pas. N'accréditez pas l'idée qu'on puisse la changer, car c'est impossible. Ne laissez pas au Front national le privilège de l'avoir compris avant les autres et d'être presque seul à le dire. Ne lui faites pas ce cadeau !
Ce n'est pas pour rien que les dogmes libéraux sont inscrits dans le marbre des traités européens. Pour s'en débarrasser, il faut quitter l'UE. On ne peut restaurer la souveraineté populaire qu'en restaurant la souveraineté nationale. Mais on ne peut restaurer la souveraineté nationale qu’en rompant les amarres avec une institution supranationale dont la fonction est de soustraire l'essentiel à la délibération démocratique.
En jetant aux orties l'Europe des banquiers, vous provoquerez un tsunami idéologique, vous scellerez la réconciliation entre la gauche et la souveraineté. Ce faisant, vous sauverez la gauche et vous sauverez la souveraineté. Mais si vous refusez de le faire, vous tuerez la gauche en la livrant aux socialistes qui pourrissent tout ce qu'ils touchent, et vous livrerez la souveraineté au FN qui en fera un usage conforme à son ADN droitier.
Manifestez donc, face au carcan européiste, la même intransigeance que celle dont vous faites preuve face au carcan atlantiste. Pour restaurer la souveraineté de la France, vous voulez que la France quitte l'OTAN. Contrairement à Marine Le Pen, vous ne voulez pas seulement quitter le commandement intégré, mais l'alliance atlantique elle-même. Vous avez raison, et vous êtes l'un des rares, avec François Asselineau, à le dire haut et fort.
En consommant cette rupture, vous mettrez fin au scandaleux alignement de la France. Vous ferez entendre une voix indépendante sur la scène mondiale. Vous conduirez cette diplomatie souveraine, élargie aux cinq continents, qui est la vocation de notre pays. Ce défi lancé à l'impérialisme vous honore, mais si vous voulez qu'on prenne votre ambition au sérieux, montrez la même radicalité face à cette Union européenne qui est le temple de l'ordolibéralisme.
L'expérience grecque a montré qu'un compromis avec les Pères Fouettard de l'oligarchie se solde toujours par une capitulation du faible devant le fort. Ne laissez pas ces rapaces miner tout espoir de changement, coupez-leur l'herbe sous le pied en annonçant qu’il n’y aura aucune négociation, aucun compromis, que la France veut recouvrer sa liberté et qu’elle nouera ensuite, avec qui elle veut, les coopérations qu’elle jugera utiles.
Vous voulez relancer l’économie, redistribuer les revenus, rétablir les droits sociaux, réformer la fiscalité, réguler la finance. Ce beau projet a un prix qui est celui de la rupture avec le système oligarchique, la déconnexion avec ses instruments privilégiés que sont l’UE et l’OTAN.
Renversez la table, M. Mélenchon, ou résignez-vous à la défaite !
Bruno Guigue
Le 24 mars 2017