Morales déclare que les États-Unis utilisent l’OTAN pour
provoquer des guerres et vendre des armes. Le coup d’État soutenu par
les États-Unis et le Royaume-Uni contre lui en 2019 a été entrepris pour
le lithium et parce que son gouvernement proposait un modèle économique
alternatif au «consensus de Washington» néolibéral. Il dénonce
la manière dont les Etats-Unis font main basse sur les institutions
internationales, ont un système de propagande qui appuie leurs coups
d’Etat, leurs crimes et qui diabolise ceux qui comme lui résistent à
l’empire, conservent leurs ressources pour le bien être du peuple et pas
les multinationales. Cette opinion devient non seulement de plus en
plus majoritaire sur la planète, mais de plus en plus nombreux sont ceux
qui comme lui osent parler. Comment ne pas voir le fossé qui se creuse
entre non seulement les pays de l’OTAN mais entre les forces de gauche
de ces pays et le reste du monde (note et traduction de Danielle
Bleitrach dans histoireetsociete)
Jeremy Kuzmarov – 30 juillet 2022
https://covertactionmagazine.com/2022/07/30/former-bolivian-president-evo-morales-calls-for-a-global-campaign-to-eliminate-nato/
Dans une interview avec un journaliste britannique,
Morales déclare que les États-Unis utilisent l’OTAN pour provoquer des
guerres et vendre des armes. Le coup d’État soutenu par les États-Unis
et le Royaume-Uni contre lui en 2019 a été entrepris pour le lithium et
parce que son gouvernement proposait un modèle économique alternatif au
«consensus de Washington» néolibéral
Dans une interview avec le journaliste britannique Matt Kennard chez
lui à El Trópico, une petite ville à quatre heures de Cochabamba au cœur
de la forêt amazonienne, l’ancien président bolivien Evo Morales
(2006-2019) a appelé à une campagne internationale pour éliminer l’OTAN
Selon Morales, cette campagne devrait expliquer aux gens du monde entier que « l’OTAN,
c’est en fin de compte les États-Unis. Ce n’est pas une garantie pour
l’humanité ou pour la vie. Je n’accepte pas la manière dont ils peuvent
exclure la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Alors que
les États-Unis sont intervenus en Irak, en Libye, dans tant de pays ces
dernières années, pourquoi n’ont-ils pas été expulsés du Conseil des
droits de l’homme ? Pourquoi cela n’a-t-il jamais été remis en
question ? »
Morales poursuit : « Nous [dans le Movimiento al Socialismo, MAS]
avons de profondes différences idéologiques avec la politique mise en
œuvre par les États-Unis utilisant l’OTAN, qui est basée sur
l’interventionnisme et le militarisme. La Russie et l’Ukraine veulent
parvenir à un accord et [les États-Unis] continuent de provoquer la
guerre, l’industrie militaire américaine vit grâce à la guerre, et ils
provoquent des guerres pour vendre leurs armes. C’est l’autre réalité
dans laquelle nous vivons. »
Coup d’État contre un modèle économique alternatif
Morales est l’un des présidents qui a engrangé le plus de succès de
l’histoire de l’Amérique latine ; il a fermé une base militaire
américaine en Bolivie, expulsé la CIA et la DEA et contribué à inverser
un demi-millénaire d’histoire coloniale en aidant la Bolivie à
industrialiser son économie.
En novembre 2019, Morales a été évincé lors d’un coup d’État soutenu
par les États-Unis et le Royaume-Uni qui a culminé avec le massacre par
l’armée de manifestants contre le coup d’État. Morales n’a survécu à une
tentative d’assassinat que parce que le président mexicain, Andrés
Manuel López Obrador, a envoyé un avion pour le secourir.
La bénéficiaire du coup d’État, Jeanine Áñez – une chrétienne
conservatrice qui a perdu les élections d’octobre 2020 face à Luis Arce
du MAS – a été condamnée à 10 ans de prison en juin après avoir été
reconnue coupable de terrorisme et de sédition.
Morales – qui est retourné en Bolivie après l’élection d’Arce en
octobre 2020 – pense que le coup d’État a été provoqué par sa décision
de nationaliser les réserves de pétrole et de gaz de la Bolivie.
Morales a déclaré à Matt Kennard : « Je continue d’être convaincu
que l’empire, le capitalisme, l’impérialisme, n’acceptent pas qu’il
existe un modèle économique meilleur que le néolibéralisme. Le coup
était contre notre modèle économique… nous avons montré qu’une autre
Bolivie est possible. »
« Tout pour le lithium »
En 2021, le ministère britannique des Affaires étrangères a publié
des documents qui montraient que l’ambassade britannique en Bolivie
avait payé une entreprise basée à Oxford pour optimiser «l’exploitation»
des gisements de lithium bolivien le mois après que Morales ait fui le
pays après avoir été évincé lors du coup d’État.
Les documents montrent également que l’ambassade du Royaume-Uni à La
Paz a agi en tant que “partenaire stratégique” du régime de coup d’État
d’Áñez et a organisé un événement minier international en Bolivie quatre
mois après le renversement de la démocratie.
La Bolivie possède les deuxièmes réserves mondiales de lithium, un
métal utilisé pour fabriquer des batteries, de plus en plus convoité en
raison de l’essor de l’industrie des voitures électriques.
Dans le cadre de la dynamique impériale traditionnelle qui avait
maintenu la Bolivie dans la pauvreté, les pays riches extraient les
matières premières, les envoient en Europe pour les transformer, puis
les revendent aux pays du tiers monde comme la Bolivie en tant que
produits finis, avec plus-value.
Avec les gisements de lithium de la Bolivie, Morales a été
catégorique : ce système était terminé. La Bolivie ne se contenterait
pas d’extraire le lithium ; elle construirait aussi les batteries :
« Nous avons commencé avec un laboratoire, évidemment avec des
experts internationaux que nous avons embauchés. Ensuite, nous sommes
passés à une usine pilote. Nous avons investi environ 20 millions de
dollars, et maintenant ça marche. Chaque année, elle produit environ 200
tonnes de carbonate de lithium, et des batteries au lithium, à Potosí
[la capitale de l’empire espagnol où les Espagnols avaient entrepris
l’extraction de l’argent aux 17e , 18e et début du 19e siècles.] »
Morales poursuit : « Nous avions prévu d’installer 42 nouvelles
usines [de lithium] d’ici 2029. On estimait que les bénéfices seraient
de cinq milliards de dollars. De bénéfices! C’est alors que le coup
d’État est survenu. Les États-Unis disent que la présence de la Chine
n’est pas autorisée mais… avoir un marché en Chine est très important.
Egalement en Allemagne. La prochaine étape c’était avec la Russie, puis
vint le coup d’État. L’année dernière, nous avons découvert que
l’Angleterre avait également participé au coup d’État, tout cela pour le
lithium. »
Mentalité coloniale
Lorsque Kennard dit à Morales que le ministère britannique des
Affaires étrangères avait nié qu’un coup d’État ait eu lieu, Morales
répond que c’est difficile à comprendre et reflète « un état
d’esprit totalement colonial. Ils pensent que certains pays sont la
propriété d’autres nations. Ils pensent que Dieu les a mis là, donc le
monde appartient aux États-Unis et au Royaume-Uni. C’est pourquoi les
rébellions et les soulèvements vont continuer. »
Avec le Peuple ou avec l’Empire du Mal ?
Morales a une grande admiration pour Julian Assange dont la détention, dit-il, « représente
une escalade, une intimidation pour que les crimes contre l’humanité
commis par les différents gouvernements US ne soient jamais révélés.
Tant d’interventions, tant d’invasions, tant de pillages. »
Actuellement, Morales travaille à la construction de médias indépendants en Bolivie, où il dit que la plupart des médias “appartiennent à l’empire ou à la droite “.
Optimiste face à la récente victoire des forces politiques de gauche
au Pérou, au Chili et en Colombie et au retour attendu de Lula à la
présidence au Brésil, Morales a déclaré à Kennard qu’« en politique,
nous devons nous demander : sommes-nous avec le peuple ou sommes-nous
avec l’Empire? Si nous sommes avec le peuple, nous faisons un pays ; si
nous sommes avec l’empire, nous gagnons de l’argent. Si nous sommes avec
le peuple, nous luttons pour la vie, pour l’humanité ; si nous sommes
avec l’empire, nous sommes avec la politique de la mort, la culture de
la mort, les interventions et le pillage du peuple. C’est ce que nous
nous demandons en tant qu’être humains, en tant que dirigeants : ‘
Sommes-nous au service de notre peuple ? ‘ »