A un jeune communiste qui me reproche d’avoir baissé les bras
Il s’agit d’une réponse individuelle qui ne concerne pas Marianne,
ni aucun de ceux qui alimentent ce blog par leur travail et leur
réflexion. Mais il faut que je raconte ce qui s’est passé: à la suite
de mon texte de hier “mode d’emploi” , sur facebook, un jeune homme
m’écrit ceci:
Je vous lis depuis quelques temps déjà. Je lis votre
désarroi et je ne le comprends pas. Je suis communiste et la seule chose
que je remarque c’est précisément votre manque d’application. Votre
expérience vous plombe au lieu d’aiguiser votre regard sur la situation.
Vous vous gaussez de ne pas vouloir le pouvoir ! Et que veulent les
communistes alors, si ce n’est le pouvoir ? En effet, vous ne faites que
vous nourrir de la complaisance de vos lecteurs. Avez-vous passé votre
vie à chercher de la reconnaissance dans les discours et les cœurs de
vos ennemis ? Reprenez-vous ! Le communisme ne se déforme pas, même
quand une majorité de « communistes » trahissent.
Vous pouvez encore
faire vivre le communisme. Il vous faut être plus consciencieuse : vous
lancez trop de mots sans fond, vous suivez encore trop de basses
querelles. Une communiste de votre trempe ne doit jamais baisser les
bras, encore moins laisser penser que les ennemis ont gagnés.
Le
communisme est moins une histoire de fidélité, qu’une nécessaire
exigence intellectuelle. Tous les opportunistes, tous les gauchistes ne
se trahissent qu’eux-mêmes. Notre science est intacte. Autrement dit, ne
laissez pas votre entourage vous freiner, puisque le communisme ne
freine jamais et il ne nous attendra pas. Il est un grand effort à
fournir pour recommencer à produire une analyse communiste du monde,
employez-vous y s’il-vous-plaît, nous vous accompagnons.
Camaradement vôtre,
sa réponse m’indigne et je lui réponds vertement.. et lui me récrit pour me dire ceci: je
pense au contraire que le pcf ne devrait compter que des communistes
comme vous. Je sais bien combien l’histoire ne les a pas épargné. Mon
message était apparemment maladroit. Je ne cherchais pas à vous étrier,
ni à revendiquer une quelconque expérience. Je voulais plutôt vous
transmettre mon enthousiasme à la lecture de votre blog. Je ne
souhaitais simplement pas me borner à une remarque consensuelle puisque
je suis communiste et que je vous respecte.
Comme d’habitude, j’ai tiré plus vite que mon ombre… Alors voilà ce que je précise à ce jeune communiste:
Peut-être que votre message m’a blessée parce
qu’en renonçant le 22 avril (le jour où ce parti a accompli l’ultime
exploit de renier Lénine), j’ai conscience d’avoir baissé les bras, mais
c’était mûrement réfléchi.. Le résultat d’un bilan,pas un coup de tête.
1) Adhérente dans les Bouches du Rhône j’y vivais une situation
grotesque… Comme je le disais en me moquant: en ce qui me concerne un
“procès stalinien” serait un pas vers la démocratie interne de ce parti,
je saurais au moins ce qui m’est reproché… Là, pour donner un exemple,
je recevais des circulaires m’expliquant qu’il y allait avoir telle
fête, des débats, des tables de littérature, alors même que mes livres
seraient interdits sur les dites tables. la mention de mon nom dans La
Marseillaise , interdite là aussi, comme dans l’humanité et la
totalité de la presse communiste… y compris dans ma cellule où avait été
refusé toute discussion sur mon livre “le temps retrouvé d’une
communiste”… un livre qui refuse les règlements de compte et est tout
entier axé sur une réflexion stratégique nécessaire pour un parti
communiste hier comme aujourd’hui, c’était une bouffonnerie cruelle… on
m’expliquait les avancées que représentait la formation des adhérents,
et dans le même temps le refus quand je proposais de contribuer à des
cours sur le marxisme, ceux-ci étaient donnés par une camarade qui
n’avait même pas lu le Manifeste… et cela a duré les sept années de mon
retour au Parti.
bref j’étais un fantôme dont on percevait seulement les cotisations
pour mener une politique qui n’était pas la mienne et sur laquelle je
n’avais aucune prise … Encore moins avec le changement de majorité du
dernier congrès.
2) Le tout dans un contexte national où je voyais prospérer une
fraction, la même que celle qui œuvrait dans mon département, qui nous
coupait de l’internationale communiste pour mieux suivre les diktats de
l’UE, avec ce moment complètement fou du 22 avril ou après avoir renié
le Venezuela, cautionné de fait les saloperies sur le totalitarisme
soviétique, proclamé qu’un air de liberté flottait sur la fin de l’URSS,
ils en étaient en toute impunité à liquider Lénine.
3) C’est douloureux pour quelqu’un de mon âge de voir manipuler,
tronquer, nier le passé à un point tel, mais ce qui l’est encore plus
c’est de savoir que cette manipulation n’a rien de gratuit, il s’agit
d’empêcher les communistes de se battre, de se positionner dans
l’avenir, c’est un mauvais coup porté contre vous les jeunes. Lénine
c’est la science politique révolutionnaire. Il n’y a eu aucune
révolution réussie qui n’ait été léniniste. Refuser lénine, c’est
clairement avouer que l’on n’a plus besoin d’un parti communiste .
Que faire?
1) Etre communiste c’est aussi constamment mesurer son pouvoir
d’action avec ses choix réels et le seul endroit où je puis être encore
communiste désormais est ce blog. Dans tous les autres endroits comme
bien des communistes ils nous ont réduits à être des mannequins obligés
d’observer leurs mauvais coups… Nous avons été réduits parce que si
partout comme dans mon département la fraction a mené une politique
d’étouffement, d’utilisation sans états d’âme de ses positions pour
interdire les gens comme moi, ils n’ont trouvé face à eux que des gens
désireux de compromis et craignant plus que tout la scission dont les
autres les menaçaient. . On les a invité à se débarrasser des
“gauchistes”, ce qui est la stratégie par laquelle la droite, les
corrompus reprennent le pouvoir… Même Robespierre succomba à ce
“recentrage” et dieu sait que nous n’avons pas de Robespierre à notre
disposition.
2) J’ajouterai voulez-vous que par ma présence je cautionne ce qui va
se passer lors des cent ans du parti, comment cette bande d’escrocs va
renouveler l’exploit de la célébration de 1917, un grand portrait de
Trotski dans le Hall de Fabien et Marchais devenu le chantre de l’euro
communisme comme s’il était un santiago Carillo quelconque… L’humanité
accueillant des articles tous plus négationnistes les uns que les
autres.
La liquidation se poursuit, s’amplifie
partout, je le sais il y a des communistes qui se sont mis au
travail, qui ont mené des combat quotidiens en lien avec les colères qui
secouaient le monde du travail… Je vois surgir des forces nouvelles
combatives. Oui mais il y a l’absence de centralité pour coordonner ces
efforts, le travail fractionnel qui épuise, il faut plus de temps pour
la moindre bataille interne, pour obtenir que le secteur international,
que l’humanité glisse quelques lignes pour ce qui devrait être évident,
les efforts sont démesurés par rapport à ce qui est obtenu dans le
désintérêt général.
Il y a toujours eu dans le parti une droite et une gauche, les
congrès se gagnant au centre de plus en plus avec l’affaiblissement
théorique. cela existait dès le départ dans le PCUS, Staline lui-même en
fait état comme une évidence. C’est la situation qui produit cela et je
pense comme Lénine que l’on ne doit pas déserter l’affrontement. Le
faire en ne se limitant pas aux erreurs des personnes mais en posant les
tâches du moment, le fond. Le 38 ème congrès a commencé à montrer les
possibles d’un véritable débat, même si comme dans les Bouches du Rhône,
après avoir comme partout vidé le Manifeste de son contenu, par des
manœuvres dignes de la social démocratie en tenant l’appareil, la
fraction battue a interdit toute autre représentation qu’elle au Conseil
national.
Non, il me semblait simplement nécessaire que la direction du parti,
son secrétaire national interdise des comportements fractionnels et
accorde des droits démocratiques aux adhérents qui avaient soutenu le
Manifeste. Faute de quoi tous les efforts existant pour ré-organiser le
parti y compris à l’entreprise n’engendreraient que des divisions
supplémentaires. Il a été adopté pour le parti une tactique qui peut à
la limite réussir au parlement ou les compromis, les pratiques de
couloir font partie de l’institution. On a géré le parti comme on gère
un groupe communiste. Et ce au moment historique où les Français, la
classe ouvrière, les couches populaires se détournent des institutions,
des compromis, des pratiques de sommet.
Parce qu’il s’agit bien d’une fraction qui comme toutes les fractions
a besoin de mentir, donc de censurer, d’interdire le débat et de
tronquer l’histoire, réduire la formation des communistes… Bref chercher
des disciples, des hommes de main plus que des militants … faire de ses
positions un lieu de blocage, de reconquête, de destruction… le
fractionnisme a réussi à faire de ce parti une force d’inertie. Il n’y a
plus de discussions débouchant sur l’action mais chacun vient raconter
sa vie, plus personne n’est responsable de rien, “moi je” tel est le
leitmotiv… il n’y a plus de tâches, plus de responsabilités, quelques
distributions de tracts électoraux, la dilution organisée dans des
groupes informels de la gauche plurielle… bref la décomposition
s’accélère parce que comme dans tout fractionnisme ce qui est visé et
désormais atteint, c’est le centre en ce qu’il est capable de
coordonner,’impulser… alors que la crise et pas seulement l’épidémie
réclame un parti communiste, celui-ci est réduit dans ses éléments les
plus actifs,les plus déterminés à n’exister qu’à la marge.
Il est accordé une rente de monopole à la fraction sur la presse
communiste, sur le secteur international, sur la culture, sur la
formation des militants, bref sur toute l’idéologie et le tout garanti
par l’utilisation des finances, des locaux centraux et de nombre de
permanents qui n’ont rien d’autre à faire qu’à entretenir ce monopole.
Il y a pourquoi le nier les effets de la marginalisation, au sein de
votre propre ultime dernier camp, les concurrences, les divisions, les
coups de pieds des ânes, ceux qui croient pouvoir lâcher sur vous leur
envie, leur haine machiste et même antisémite et dont l’on tolère les
niaiseries pour de petits arrangements… cela ne l’aurait jamais emporté
si le constat général avait été autre. Mais quand il est ce que je
décris le constat s’impose, celui d’un rapport des forces. Je ne suis
qu’une vieille femme fragile que l’on peut si aisément trahir, dois-je
me prêter à cette autodestruction alors que je ne peux plus rien ?
Avec un cierge ou avec un bâton
je pense très sincèrement, mais peut-être est-ce que je veux sauver
ce PCF auquel je demeure attachée par tout mon être- qu’il faut garder
rassembler ce qui n’a que trop tendance à s’émietter… Mais mon analyse
est simplement que ceux qui veulent liquider le PCF ont acquis des
positions alors qu’il en aurait pu être différemment au 38 e congrès .
j’ai expliqué pourquoi sur la forme, mais voici le fond.
ON ne peut pas attribuer simplement ça à des carences de tel ou tel individu.
Le problème demeure selon moi qu’un parti communiste qui n’a aucune
stratégie pour le socialisme perd sa raison d’être. Le nouveau
secrétaire national à l’inverse de tous les précédents ne veut pas
liquider le PCF, mais comme il ne veut pas définir un but: le
socialisme, tout au plus brosser une vague référence à un idéal. Là
aussi comme il ne veut pas trancher sur des questions essentielles comme
l’uE, la Chine et la nouvelle guerre froide, la fin de l’hégémonie
américaine ses conséquences, toute sa bonne volonté ne répond pas au
problème qui est posé au PCF.
mais comme il n’y a aucune force capable de poser de manière crédible
la question de la stratégie au socialisme, tout le monde se retourne
vers le pCF avec un cierge ou un baton, pour éviter de voir ses propres
carences, donc je ne suis tentée par aucune organisation. Pour faire
simple je me considère désormais comme ce que jadis on appelait un
intellectuel compagnon de route, pas seulement du PCF, de tout ce qui
pourra donner vie à ce que je pense incontournable.
Dois-je dire cela, voilà qui est fait, en quoi cela aide-t-il?
Quand on ne peut plus agir pour améliorer les choses, il vaut mieux
non pas renoncer au combat, mais ne pas en tenter d’inutiles, réserver
ses forces pour ceux qui peuvent avoir des résultats.
Il vaut mieux que je tente d’apporter dans le calme et la paix avec
mon blog quelques éléments de réflexion qui vont a contrario de cette
entreprise de liquidation menée depuis tant d’années et qui va
nécessairement aboutir parce qui n’avance pas recule.
Moi je ne puis désormais rien de plus que ce que je fais, je sais que
les textes que nous traduisons sont repris et parfois au-delà de nos
rangs, parce qu’il faut bien mesurer que ce parti communiste qui
renaîtra ira bien au-delà de nos rangs actuels… Sans vouloir me pousser
du col, parce que fort heureusement nous sommes un certain nombre à agir
dans ce sens, nous ébranlons un petit peu les propagandes et je
continuerai à oeuvrer en ce sens . Pour le reste, à vous de prendre le
relais et voyons de quoi vous êtes capables.
Pour retenir les chars de l’armée nazie comme sur cette
illustration, il faut votre jeunesse, vos muscles sont puissants et les
miens non, mais là où il y a une volonté il y a un chemin et la mienne
vous accompagne…
danielle Bleitrach
Note de P.
Deux ans après sa publication, brillant article, et toujours d'actualité. Notamment pour les nazis, qui reprennent pignon sur rue. Merci, chère Danielle, encore et encore merci, pour tes irremplaçables enseignements, ta lutte exemplaire, très loin et au-dessus de ce marigot où se noieront:
- les liquidateurs de notre grand parti- l'Histoire ne retiendra de ces marionnettes que leurs trahisons -
- et les politiciens aventuriers sociaux démocrates et troskystes qui les manipulent, et veulent, pour s'assurer leur soif du pouvoir, exclusivement condamner l'avenir communiste, celui qui seul pourra-a-it sauver le monde de la pourriture impérialiste.