Avis de décès d’une inconnue
Jorge Núñez Jiménez, voici ce qu’un cinéaste espagnol qui a choisi de restituer la mémoire des victimes du franquisme prononce comme oraison funèbre de cette vieille femme morte en silence comme elle a vécu. Certains diront qu’importe de leur conserver la vie, de s’occuper de leur fournir la dignité de pouvoir manger, voir, n’est-ce pas de l’argent perdu? C’est ce qu’ont pensé de toute sa vie les franquistes en lui refusant l’essentiel mais aussi le superflu, la poésie, la lecture, la culture. (note de Danielle Bleitrach)
Elle est morte ce matin, elle est partie comme elle a vécu, silencieusement. Entre tristesse, douleur et oubli.
Elle qui, en 1937, à 6 ans, a vu ses parents mourir assassinés ainsi que le viol et la disparition de sa sœur de 14 ans par le putschisme fasciste et génocide.
Elle qui a subi des abus sexuels, de la faim et des vexations dans un orphelinat franquiste. Là où malgré ses prières, ils ne lui ont jamais permis d’étudier, ni de peindre, ni de lire de la poésie.
Elle qui, depuis l’âge de 14 ans, a passé sa vie à servir dans les manoirs de messieurs catholiques et franquistes.
Elle a quitté ce monde à près de 90 ans, aussi lourds et durs que des dalles en marbre.
Elle est partie sans justice tandis que les héritiers des tueurs de sa famille, la maison royale, reçoit une augmentation de 6,9 % des budgets de l’État.
L’église parasite sombre et criminelle qui l’a humiliée, détruite et vendue, qui la dénigrait en l’appelant ′′ fille du péché “, reçoit 11.000 millions d’euros.
Aux retraités comme elle, aux enseignants et aux médecins une hausse honteuse qui atteint à peine 1 %.
Elle qui, bien qu’elle n’ait même pas d’argent pour se réparer la bouche, se nourrissait de cupcakes et de lait parce qu’elle ne pouvait pas mâcher, voulait donner 100 euros à ma société productrice “Mémoire Historique Films” de sa misérable pension.
Elle qui, avec une immense peine, la dernière chose qu’elle pouvait voir, était comme ce royaume en putréfaction jetait à la rue la famille d’Adoration Cano, composée de son fils, de sa belle-fille, et de ses quatre enfants entre 5 et un an.
Des milliers d’expulsions qui se produisent chaque année.
Elle qui a toujours voulu conserver son anonymat parce qu’elle a vécu effrayée jusqu’au dernier de ses jours, dans son immense humilité, elle n’a jamais voulu recevoir d’aide financière.
Elle ne m’a demandé qu’une seule chose : ′′ S’il vous plaît plus de culture, de mémoire et de sensibilité, que les générations futures ne nous oublient pas, que l’histoire ne se répète plus jamais, plus jamais le fascisme ′′
Elle était la DIGNITÉ que tous les canailles et misérables qui nous gouvernent ne connaîtront jamais.